COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
Renvoi après cassation
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 17 NOVEMBRE 2010
R. G. No 08/ 03700
AFFAIRE :
Anne X...
C/
S. A. CANAL +
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2004 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS
No Section : AD
No RG : 03/ 12862
Copies exécutoires délivrées à :
Me Joyce KTORZA
Me Eric MANCA
Copies certifiées conformes délivrées à :
Anne X...
S. A. CANAL +, S. N. C. NULLE PART AILLEURS PRODUCTION, ASSEDIC BORDEAUX, POLE EMPLOI ILE DE FRANCE, VENANT AUX DROITS DE L'ASSEDIC DE PARIS
le : REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du cassant et annulant l'arrêt rendu le par la cour d'appel de
Madame Anne X...
...
33700 MERIGNAC
comparant en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B53
****************
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
S. A. CANAL +
1 Place du Spectacle
92130 ISSY LES MOULINEAUX
représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1250
S. N. C. NULLE PART AILLEURS PRODUCTION
85 89 quai AndréCitroen
75015 PARIS
représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1250
ASSEDIC BORDEAUX
56, Avenue de la Jallère
Quartier du lac
33056 BORDEAUX CEDEX
non comparant
POLE EMPLOI ILE DE FRANCE, VENANT AUX DROITS DE L'ASSEDIC DE PARIS
Service Contentieux
75603 PARIS CEDEX 12
non comparant
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2010, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
FAITS ET PROCEDURE
Considérant que Mme Anne X... a été engagée par la société Canal + puis par sa filiale la société Nulle Part Ailleurs Production en qualité d'accessoiriste puis de chef accessoiriste, en vertu de contrats à durée déterminée successifs conclus entre le 1er août 1994 et le 30 juin 2003 ;
Que le 23 juillet 2003, le conseil de Mme X... adressait un courrier au président de la société Canal + pour dénoncer l'illégalité de la pratique de contrats à durée déterminés successifs au préjudice de la salariée, soulignant que ce type de gestion sociale a été condamnée par la chambre criminelle de la cour de cassation et lui faisant part de son intention d'engager une procédure devant la juridiction compétente ;
Que la relation contractuelle ayant cessé à la suite d'un courrier adressé par l'employeur le 12 août 2003, faisant suite au refus de la salariée de signer le CDD conformément aux usages dans le secteur de l'audiovisuel prévu pour la période du 11 août 2003 au 2 juillet 2004, qui lui avait été proposé par courrier recommandé du 31 juillet 2003, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la relation de travail depuis le 1er août 1994 en un contrat à durée indéterminée et à ce que l'employeur soit condamné à lui payer diverses sommes à ce titre ainsi qu'à celui de la rupture ; Considérant que le conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses, par jugement rendu en la formation de départage et contradictoire du 1er juin 2004, a :
- requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail intervenue depuis 1994 entre Mme X..., la société Canal + et la société Nulle Part Ailleurs Production
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à régler à Mme X... 3. 000 euros sur le fondement de l'article L122-13 du code du travail, avec intérêts à compter du jugement
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à régler à Mme X... les sommes suivantes, avec intérêts à compter du 23 octobre 2003 :
* 5. 987, 80 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 598, 78 euros au titre des congés payés y afférents
* 7. 342 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
-ordonné l'exécution provisoire de droit dans la limite de 9 mois de salaire calculée sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire fixée à 2994 euros
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à régler à Mme X... 30. 000 euros sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail, avec intérêts à compter du jugement
-dit avoir lieu à exécution provisoireà hauteur de la moitié de la somme en application de l'article 515 du nouveau code de procédure civile
-ordonné aux sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production de rembourser aux Assedic les prestations versées à Mme X... dans la limite de 6 mois d'indemnités
-ordonné la remise à Mme X... par l'employeur des documents conformes au présent jugement
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à régler à Mme X... 1. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
-rejeté toute autre demande
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production aux dépens
Considérant que la cour d'appel de Paris, statuant sur l'appel formé par les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production, par arrêt contradictoire du 15 novembre 2006, a :
- infirmé le jugement
-dit n'y avoir lieu à requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée
-débouté Mme X... de toutes ses demandes fondées sur la requalification en contrat à durée indéterminée et sur la rupture d'un contrat à durée indéterminée
-débouté Mme X... de sa demande de rappel de salaire
-débouté Mme X... de toutes ses demandes formées à titre subsidiaire
-dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution
-condamné Mme X... aux dépens ;
Considérant que la Cour de Cassation, statuant sur le pourvoi formé par Mme X..., par arrêt du 22 octobre 2008, a :
- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles
-condamné les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production aux dépens
-vu l'article 700 du code de procédure civile, les a condamnées à payer à Mme X... 2. 500 euros ;
Que la cour a motivé sa décision comme suit :
" Vu les articles L. 122-1 alinéa 1, L. 122-1-1, L. 122-3-10 alinéa 2, et D. 121-2, respectivement devenus L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1, du code du travail, ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999 ;
Considérant que s'il résulte de la combinaison des articles susvisés du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre susvisé, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Considérant que pour débouter Mme X... de ses demandes tendant à la requalification de ses contrats en contrat de travail à durée indéterminée et au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts et de rappel de salaire, l'arrêt énonce que l'audiovisuel figure au nombre des secteurs d'activité énumérés à l'article D. 121-2 du code du travail dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; que l'accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le spectacle, étendu par arrêté du 15 janvier 1999, le protocole d'accord sur les modalités d'application à Canal + de cet accord interbranche, l'avenant intermittent du 3 mai 1999 à la convention collective d'entreprise et la convention collective des intermittents techniques de l'audiovisuel du 12 avril 2000 dont se prévalent la société Canal + et la société Nulle Part Ailleurs production qui tendent à préciser, au regard des dispositions légales, les conditions et modalités du recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le secteur d'activité et à déterminer les activités et les emplois pour lesquels le recours au contrat à durée déterminée est légitime, visent tous expressément le métier d'accessoiriste, faisant ainsi suffisamment la preuve de l'existence de l'usage invoqué dans le secteur d'activité et précisément pour l'emploi occupé par Mme X... ; que la circonstance invoquée par l'intéressée, qu'employée par contrats successifs sur une longue période, elle occupait un emploi lié à une activité permanente et durable de l'entreprise, est inopérante ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si l'utilisation pendant neuf ans, de contrats à durée déterminée successifs, était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi d'accessoiriste occupé par la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; "
Considérant que la cour d'appel de renvoi a été régulièrement saisie par déclaration de saisine de Mme X... du 14 novembre 2008 ;
Considérant que l'affaire a été appelée à l'audience du 25 janvier 2010 au cours de laquelle Mme X... a déposé des conclusions aux fins de désistement de la procédure d'appel sur renvoi après cassation, mais les sociétés appelantes n'ont pas acquiescé au désistement de Mme X... et ont déposé des conclusions tendant à l'infirmation du jugement entrepris
Considérant que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 4 octobre 2010 ;
Considérant que Mme X..., demanderesse à la saisine devant la juridiction de renvoi et intimée, demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- confirmer le jugement rendu le 1er juin 2004 en ce qu'il a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail intervenue depuis le 1er août1994 entre Mme X..., la société Canal + et la société Nulle Part Ailleurs Production, dit et jugé que la rupture de la collaboration imputable à l'employeur, était constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
-condamné solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à régler
* 5. 987, 80 euros à titre d'indemnité de préavis outre 598, 78 euros au titre des congés payés y afférents
* 7. 342 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-infirmer le jugement pour le surplus,
- condamner solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2003 :
* 10. 000 euros en application de l'article L1245-2 du code du travail
* 100. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des conditions brutales et vexatoires de la rupture
* 10. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production aux entiers dépens ;
Considérant que les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production, défenderesses à la saisine devant la juridiction de renvoi et appelantes, demandent à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, au visa des articles L1242-2 et D 1242-1, L1222-1 du code du travail de :
- A titre principal, infirmer le jugement prononcé le 1er juin 2004 par le conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a fait droit à la demande de requalification de Mme X...
- dire que le refus signifié le 12 août 2003 par Mme X... à Nulle Part Ailleurs de signer son contrat d'usage pour la période du 11 août 2003 au 2 juillet 2004 s'analyse comme un refus de contracter imputable à Mme X...
- dire et juger régulier au regard de l'usage constant propre au secteur de l'audiovisuel autorisé par les articles L122-1 et D121-2 du code du travail, le recours à l'emploi intermittent pour l'emploi occupé par Mme X...
- débouter Mme X... de toutes ses demandes
-remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient au jour de la saisine du CPH
-condamner Mme X... à payer aux sociétés, la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens
-A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré en ce qui concerne les montants de l'indemnité de licenciement et de préavis (et congés payés y afférents) ainsi que de l'indemnité de qualification alloués à Mme X...
- fixer à 18. 000 € le montant de l'indemnité de l'article L 1235-3 du code du travail
-débouter Mme X... de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire
Considérant que Mme X... a déclaré à l'audience être âgée de 39 ans au moment de la rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage, avoir retrouvé un travail lui procurant un revenu inférieur (CDD) ;
Considérant que les entreprises emploient plus de 11 salariés et sont dotées d'institutions représentatives du personnel ;
Considérant que la convention collective applicable est celle de l'entreprise Canal + et la rémunération mensuelle de référence de la salariée était de 2. 993, 90 € ;
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que la salariée fait valoir que son employeur l'a placée sous le régime général des salariés et non sous celui des intermittents du spectacle au vu de ses bulletins de paie, que les sociétés appelantes se sont comportées comme co-employeurs, que leur gestion sociale consistant à détourner à leur profit la réglementation sur le contrat de travail à durée déterminée, en imposant des contrats à temps partiel, à une partie de son personnel, alors qu'il s'agit de salariés occupant un emploi permanent, a été très régulièrement condamnée par la cour d'appel de Versailles ;
Qu'ellle ajoute qu'outre ses fonctions d'accessoiriste puis de chef-accessoiriste, elle participait avec l'équipe de techniciens à la conception et à la réalisation des figurines, des costumes, des accessoires et de éléments de décor, qu'elle avait également la charge de leur entretien et de leur maintenance, de l'achat des fournitures et du suivi des commandes, que son travail se poursuivait sur les plateaux, que ce programme est diffusé depuis 21 ans, qu'un certain nombre de salariés intervenant sur le programme " Les Guignols de l'Info " disposent d'un contrat de travail à durée indéterminée, que les sociétés appelantes ont refusé de déférer à la sommation de communiquer le registre unique du personnel de l'entreprise depuis le 1er août 1994 jusqu'au 31 mars 2004 ;
Qu'elle fait observer qu'elle a travaillé pendant 9 ans au sein de la société Canal + et sa collaboration s'est déroulée exactement selon les mêmes modalités que celles du personnel en CDI de l'entreprise, que sa relation de travail n'était pas ponctuelle (succession de CDD d'une durée de 11 mois), que sa précarité injustifiée eu égard à la permanence de son emploi, lui est devenue peu à peu insupportable, qu'elle a demandé la régularisation de sa situation dès le 23 juillet 2003, que suite à son refus de signer son enième CDD, l'employeur décida de son éviction immédiate et brutale, qu'elle a été privée des allocations chômage du fait de la mention par l'employeur sur l'attestation Assedic : " rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ou contrat d'apprentissage par l'employé " ;
Que la salariée précise que conformément à l'article L 1242-2 du code du travail, il est permis de recourir à des contrats à durée déterminée dans certains secteurs d'activité fixés par décret, comme celui de l'audiovisuel, à la condition qu'il s'agisse d'un emploi par nature temporaire, que ce dispositif n'est guère appliqué dans l'audiovisuel, qu'elle ne peut être considérée comme occupant un emploi par nature temporaire, qu'au regard du droit communautaire, le contrat à durée indéterminée est la forme normale que doit prendre la relation d'emploi (accord-cadre européen du 18 mars 1999 et directive du 28 juin 1999 prescrivant que dans chaque Etat membre, soient instituées l'une ou plusieurs des mesures suivantes : des raisons objectives justifiant le renouvellement de CDD, la durée maximale totale des CDD successifs, le nombre de renouvellement de tels contrat), que la jurisprudnece communautaire est consacrée par la cour de cassation, qu'en l'espèce, l'employeur n'établit en aucune manière les raisons objectives de l'utilisation d'une succession de CDD d'usage, que les fonctions d'accessoiriste sont occupées par des salariés en CDI, que c'est le caractère temporaire de l'activité précise du salarié et non de l'entreprise qui doit être établi, qu'après la rupture du contrat de travail, elle a été hébergée par ses proches à Mérignac ;
Considérant que les employeurs répliquent que la programmation est évolutive d'une année à l'autre, que la législation permet une dérogation aux entreprises du secteur de l'audiovisuel en leur permettant de conclure des contrats à durée déterminée dits d'usage, que l'activité d'accessoiriste n'est pas courante dans le secteur de l'audiovisuel, que c'est Mme X... qui a refusé de signer son engagement pour la saison 2003/ 2004 des Guignols de l'info, que celle-ci s'emploie à faire supporter par son employeur ses choix de vie (départ à Mérignac) en parfaite méconnaissance de son statut d'intermittente, que selon la cour de cassation, le recours au CDD d'usage dans le secteur de l'audiovisuel est possible si les deux conditions suivantes sont réunies : que le contrat soit conclu dans le secteur de l'audiovisuel (art. D 1242-1 du code du travail), qu'il existe un usage constant de recourir à l'emploi à durée déterminée pour la mission concernée ;
Qu'ils soutiennent qu'il est légitime puisque d'usage constant pour les deux sociétés appartenant au secteur audiovisuel, d'avoir eu recours au CDD pour les fonctions intermittentes par nature occupées par la salariée, que les fonctions intermittentes occupées par celle-ci ne peuvent en aucune manière être rattachées à l'exercice d'une activité durable et permanente, que le juge doit s'interroger si le secteur d'activité dans lequel évolue l'entreprise autorise le recours à l'emploi en CDD et si l'employeur rapporte la preuve que pour l'emploi concerné, l'usage constant est de ne pas recourir au CDI, que la salariée s'est toujours vu remettre pour chaque intervention (saison) une lettre d'engagement la fixant expressément sur son statut d'intermittente attachée à une production déterminée (les Guignols de l'info) pour le temps de la saison concernée, que la succession des CDD d'usage de la salariée n'est nullement incompatible avec la norme européenne invoquée par celle-ci, que la signature d'accords collectifs par les partenaires sociaux doit être regardée comme une raison objective au sens de la clause 5 de l'accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, que l'emploi concerné présente un caractère par nature temporaire ;
Considérant que s'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2, et D. 121-2 devenus L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Considérant en l'espèce, que Mme X... a été engagée par la société Canal + puis par sa filiale la société Nulle Part Ailleurs Production en qualité d'accessoiriste puis de chef accessoiriste, dans le cadre de la grille de programmes annuels, en vertu de contrats à durée déterminée successifs conclus entre le 1er août 1994 et le 30 juin 2003, tous les ans, intervenant toujours pour l'émission " Nulle Part Ailleurs " séquence " Les Guignols de l'Info ", produite par la société Canal + et par la société Nulle Part Ailleurs Production ;
Qu'il convient de rechercher si l'utilisation pendant neuf ans, de contrats à durée déterminée successifs, était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi d'accessoiriste occupé par Mme X... ;
Que si l'audiovisuel figure parmi les secteurs visés à l'article D 121-2 du code du travail, cette mention ne supprime pas cependant l'exigence figurant à l'article L 122-1-1 du code qui prévoit que cet usage constant résulte de la nature de l'activité et du caractère temporaire de l'emploi ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats que l'emploi d'accessoiriste occupé par Mme X... n'avait pas par nature un caractère temporaire ;
Considérant en effet, que l'intervention de Mme X... auprès des sociétés intimées était permanente et sa collaboration était personnellement attachée à ces deux sociétés en vertu d'une clause contractuelle lui interdisant " toute activité professionnelle, soit directement, soit indirectement par personne interposée, ou en collaboration avec tout autre tiers au profit de toute autre entreprise, et ce sous peine de résiliation immédiate du contrat de travail " ;
Que la répétition systématique de l'engagement à temps plein de la salariée, soumise à une clause d'exclusivité, aux mêmes fonctions techniques et selon les mêmes conditions contractuelles au vu de l'ensemble des engagements produits : salaire établi sur une base horaire de 39 h, puis de 35 h, congés payés calculés sur 11 mois, versement d'un 13ème mois calculé sur la durée du CDD pendant neuf années consécutives, sans interruption dans le temps, autre que la période du mois de juillet, démontre que l'emploi de la salariée n'était pas par nature temporaire, ni occasionnel et alors que celle-ci produit aux débats l'attestation de M. Y... établissant que celui-ci a été recruté sous contrat à durée indéterminée à France 2, société concurrente dans le secteur de l'audiovisuel, en qualité d'ouvrier professionnel accessoiriste le 1er mars 1982, celui-ci attestant par ailleurs, que les emplois d'accessoiristes, de chefs d'équipe accessoiriste, maquilleurs, décorateurs, chefs décorateurs, sont couverts par des contrats à durée indéterminée au sein de l'entreprise France 2 ;
Que par ailleurs, les sociétés appelantes ont refusé de déférer à la sommation de communiquer le registre unique du personnel de l'entreprise depuis le 1er août 1994 jusqu'au 31 mars 2004, conduisant la cour à en tirer toute conséquence de droit ;
Considérant que l'employeur ne démontre pas qu'il existe un usage constant de recourir à l'emploi à durée déterminée pour la mission concernée au sens de l'article D 1242-1 du code du travail, alors que les sociétés intimées ont inscrit Mme X... au régime général et non à celui des intermittents du spectacle ;
Considérant que l'engagement de Mme X..., à caractère technique, a eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise au vu de la classification des emplois de qualification énoncée dans la convention collective applicable au litige ;
Que par ailleurs, l'actualité tournée en dérision sur laquelle se fonde l'émission " les Guignols de l'Info ", étant en constant renouvellement, assure la pérennité de cette séquence dans un pays garantissant la liberté d'expression, conduisant la société N. P. A à préciser, à compter du 31 juillet 2000, dans les contrats conclus avec Mme X... " deux cents J. T en direct et quarante deux séries de sketches enregistrés " ;
Que l'ensemble de ces éléments fait ressortir l'absence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi d'accessoiriste occupé par Mme X... ;
Que la rupture de la collaboration imputable à l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme le soutient la salariée, étant précisé qu'il n'est pas allégué que le poste de la salariée ait été supprimé et alors que les émissions " les Guignols de l'Info " sont toujours produites par la société N. P. A Production et diffusées quotidiennement à ce jour sur l'antenne de Canal + ;
Que c'est donc à juste titre que le jugement déféré a requalifié en contrat à durée indéterminée la relation de travail intervenue depuis 1994 entre Mme X..., la société Canal + et la société Nulle Part Ailleurs Production et dit que la rupture, intervenue pour un motif illégitime, à l'iniative de l'employeur, est nécessairement abusive ;
- Sur les demandes indemnitaires de Mme X...
* indemnité de requalification prévue à l'article L 1245-2 du code du travail prévoyant une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois (anciennement, article L 122-3-13)
Considérant que le jugement déféré sera confirmé sur le quantum alloué, soit la somme de 3. 000 € ;
* indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents et indemnité conventionnelle de licenciement
Considérant que le jugement déféré sera confirmé sur le quantum alloué, ce qui n'est pas contesté à titre subsidiaire par les sociétés appelantes ;
*indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse article L 1235-5 du code du travail
Considérant que la salariée totalisait neuf années de collaboration et était âgée de presque 39 ans au jour de son dernier engagement ; que celle-ci sollicite la somme de 100. 000 € en faisant valoir un préjudice de carrière et un préjudice financier, ayant perçu des allocations Assedic avec quelques salaires correspondant à ses missions temporaires, lui procurant la moitié de sa rémunération, ayant bénéficié de l'allocation de solidarité spécifique dontle montant net journalier était de 14, 25 €, sa rémunération mensuelle actuelle étant de l'ordre de 1. 300 € bruts ;
Que les premiers juges ont accordé la somme de 30. 000 € représentant 10 mois de salaire et il est proposé à titre subsidiaire une indemnisation de 18. 000 € représentant 6 mois de salaire ;
Qu'il lui sera alloué la somme de 50. 000 € ;
* indemnité pour rupture dans des conditions brutales et vexatoires
Considérant que la salariée sollicite la somme de 30. 000 € en rappelant que son éviction s'est déroulée devant ses collègues le 12 août 2003, la lettre lui demandant de quitter sur le champ ses fonctions lui ayant été remise en main propre avant de la recevoir par courrier recommandé ;
Que ce préjudice résultant des circonstances brutales de la rupture, distinct de celui du licenciement, alors que la salariée a participé au succès de l'émission litigieuse, sera réparé par l'allocation de la somme de 5. 000 € :
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il sera alloué à Mme X... une indemnité de procédure en sus de celle allouée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 1er juin 2004 par le conseil de Prud'hommes de Paris, sauf au titre du quantum relatif à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'indemnité pour rupture dans des conditions brutales et vexatoires
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à payer à Mme Anne X... les sommes suivantes :
-50. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-5. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture dans des conditions brutales et vexatoires
avec intérêt au taux légal à compter de la demande, soit le 23 octobre 2003
Y ajoutant,
CONDAMNE solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production à payer à Mme X... la somme de 3. 500 € au titre de l'article 700 du CPC
DÉBOUTE les parties de toute autre demande,
CONDAMNE solidairement les sociétés Canal + et Nulle Part Ailleurs Production aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,