COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 MARS 2011
R. G. No 10/ 04015
AFFAIRE :
Dalila X...
C/
Me Patrick Y...- Mandataire liquidateur de Société MINKOWSKI BOY ORGANISATION
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 05 Février 2008 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
No RG : 06/ 01278
Copies exécutoires délivrées à :
Me Stéphane MARTIANO
Me Alain BLOCH
Copies certifiées conformes délivrées à :
Dalila X...
Me Patrick Y...- Mandataire liquidateur de Société MINKOWSKI BOY ORGANISATION, UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
LE DEUX MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Dalila X...
...
Batiment E
75016 PARIS
représentée par Me Stéphane MARTIANO, avocat au barreau de PARIS
****************
Me Patrick Y...- Mandataire liquidateur de Société MINKOWSKI BOY ORGANISATION
...
92000 NANTERRE
représenté par Me Alain BLOCH, avocat au barreau de PARIS
UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
130 rue victor hugo
92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX
représenté par la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Madame Dalila X... a été engagée par la société M. B. O. suivant contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 2006 en qualité de " chargée de paie ".
Le contrat était conclu du " 1er janvier 2006 au 31 août 2006 dans le cadre du remplacement partiel en cascade de Madame Anne-Laure A... en congé parental d'éducation ".
Ce contrat de travail faisait suite à une mission d'intérim du 4 octobre 2005 au 31 décembre 2005.
La Convention collective régissant la relation est celle des Industries pharmaceutiques.
Madame Dalila X... devait être convoquée à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire par lettre remise en main propre en date du 30 mai 2006 avec mise à pied à titre conservatoire.
Son licenciement pour faute grave lui était notifié par lettre recommandée avec avis de réception dans les termes suivants :
" Après réflexion et concertation avec votre hiérarchie et la Direction Générale de l'entreprise, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de mettre fin de manière anticipée à votre contrat à durée déterminée et ceci pour faute grave.
Cette décision a pour motif :
Votre non respect des directives de votre hiérarchie et de l'entreprise et en particulier votre refus brutal devant témoins de préparer des éléments de solde de tout compte des salariés sortis de l'entreprise selon les modalités de calcul habituelles, cette activité faisant partie de celles inhérentes à votre fonction. Ces refus sont assortis d'erreurs répétées, d'une critique et d'une mise en cause permanente de l'entreprise et de la hiérarchie qui ne permettent pas la poursuite du contrat à durée déterminée jusqu'à son terme.
En effet, malgré plusieurs mises au point réalisées dans le cadre d'entretiens informels au cours des mois de janvier et mars 2006, tant avec Monsieur Ludovic B..., Responsable Paie, qu'avec le Directeur des Ressources Humaines, vous avez continué à contester l'organisation du service Paie, et particulièrement lors de l'établissement fin avril des soldes de tout compte des salariés sortis en avril 2006. Lors de leur vérification par Monsieur B..., des erreurs répétées ont été constatées et il vous a été demandé de rechercher ces erreurs et de refaire les calculs, ce que vous avez brutalement refusé devant vos collègues de la paie et des ressources humaines.
Le Directeur des Ressources Humaines étant absent pour congés, un entretien opérationnel et informel a eu lieu le 2 mai avec le Responsable Paie, au cours duquel il vous a été rappelé la nécessité d'un respect rigoureux des procédures paie appliquées dans l'entreprise et en particulier pour ce qui concerne les soldes de tout compte.
Vous avez été en arrêt de travail pour maladie du 5 au 28 mai 2006. Ce qui explique une convocation retardée pour une mesure éventuelle de sanction.
Nous avons entendu vos diverses explications et pris en compte vos différents courriers recommandés. Mais nous n'avons pas pu être convaincus. Le refus d'exécuter une tâche habituelle est une faute grave au regard d'une jurisprudence constante.
Et cette faute est d'autant plus grave qu'elle a un impact sur la paie des salariés et éventuellement sur leur indemnisation future par les ASSEDIC. Par ailleurs, la contestation permanente dont vous faites preuve à l'égard de l'entreprise (critiques répétées et une lettre recommandée par jour envoyée à l'entreprise dans les jours précédant l'entretien préalable !) ne nous permettent plus de vous accorder notre confiance surtout dans un secteur aussi sensible que la paie de nos collaborateurs. Nous ne pouvons plus tolérer un service paie sans cesse perturbé.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons pris la décision d'interrompre votre contrat à durée déterminée avant son terme fixé au 31 août 2006. "
Ces dans ces circonstances que Madame Dalila X... devait saisir le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT par acte du 28 juin 2006 aux fins de contester la rupture.
Par jugement contradictoirement prononcé le 5 février 2008 le Conseil de Prud'hommes a considéré qu'il n'y avait pas lieu à requalification du contrat de travail, que le licenciement pour faute grave de l'appelante était justifié.
Il a ordonné à la société MINKOWSKI BOY ORGANISATION de payer à Madame Dalila X... au titre de la prévoyance non réglée la somme de 598, 11 € dont celle de 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Dalila X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
*
* *
Par conclusions déposées au Greffe et soutenues oralement à l'audience Madame Dalila X... a formulé les demandes suivantes :
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 5 février 2008 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 2. 250 € à titre d'indemnité de requalification,
- prononcer la nullité de la rupture du contrat de travail,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 13. 500 € à titre de dommages-intérêts ou à titre subsidiaire la même somme sur le fondement de l'article L 122-14-5 du Code du travail,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 6. 750 € une indemnité compensatrice de préavis, et celle de 675 € à titre de congés payés afférents,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 13. 500 € à titre de dommages-intérêts en raison des faits de harcèlement moral et des propos discriminatoires,
A titre subsidiaire,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 5. 550 € à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 1. 524, 24 € à titre de rappel de prime de précarité,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 13. 500 € à titre de dommages-intérêts en raison des faits de harcèlement moral et des propos discriminatoires,
En tout état de cause,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la prévoyance,
- condamner la société MBO à verser à Madame Dalila X... la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En réplique Maître Y..., liquidateur judiciaire de la société " MINKOWSKI BOY ORGANISATION " (MBO) a fait conclure et soutenir oralement les demandes suivantes :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en ce qu'il a débouté Madame Dalila X... de l'intégralité de ses prétentions s'agissant de sa contestation concernant la validité du contrat conclu et du bien fondé du licenciement,
- l'infirmer s'agissant de la demande de Madame Dalila X... concernant la prévoyance.
En particulier :
- débouter purement et simplement Madame Dalila X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- dire en particulier que c'est à bon droit qu'il a été procédé à la rupture pour faute grave de son contrat à durée déterminée,
- ne pas faire droit à la demande de requalification du contrat,
- si par extraordinaire le contrat était requalifié, dire qu'il ne sera alloué ni préavis ni dommages-intérêts à Madame Dalila X...,
- dire qu'aucun fait de harcèlement n'a été perpétré,
- condamner Madame Dalila X... à payer à Maître Y..., liquidateur de la société MBO une somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
L'AGS-CGEA, partie intervenante a également fait conclure et soutenir oralement la confirmation du jugement déféré et sa mise hors de cause.
Subsidiairement elle a sollicité de la Cour de :
- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,
- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux article L 3253-6, L 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du Code du travail,
En tout état de cause :
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
MOTIFS DE LA DECISION
1o) Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée :
Considérant que l'appelante a prétendu que son contrat à durée déterminée serait irrégulier en raison de l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé ; que par ailleurs, selon elle, elle a soutenu que ce contrat de travail à terme précis à compter du 1er janvier 2006 n'a été signé par les parties que le 5 janvier ; qu'il s'agissait d'une seconde irrégularité puisque le délai de deux jours visé par l'article 1242-13 n'a pas été respecté ;
Mais considérant, sur ce second point, que le 1er janvier 2006 était un dimanche, donc jour férié, que Madame Dalila X... a déclaré dans les pièces produites que le lundi 2 janvier elle se trouvait en RTT, que le contrat de travail de Madame Dalila X... a bien été remis à cette dernière et signé dans les deux jours suivant l'embauche ;
Considérant que Madame Dalila X... a fait soutenir par ailleurs l'irrégularité de son contrat de travail à durée déterminée au motif de l'imprécision du motif invoqué et l'absence de nom et qualification du salarié remplacé ;
Considérant cependant que si le nom de la salariée remplacée est bien mentionné dans le contrat à durée déterminée de Madame Dalila X..., il y a lieu de constater néanmoins que la mention de la qualification de cette dernière n'est nulle part précisée dans les dispositions contractuelles alors que cette mention est l'une des obligations résultant de l'article 1242-12 du Code de travail et qu'elle est indissociable du contrat à durée déterminée ;
Qu'il s'ensuit que le contrat litigieux doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
Que Madame Dalila X... est dès lors en droit de percevoir une indemnité de requalification correspondant à 1 mois de salaire soit 2. 250 €.
2o) Sur la cause de la rupture :
Considérant qu'il est constant que la faute grave est définie comme la faute qui " résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis " ;
Que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque ;
Considérant que, dans le cas présent, la lettre de licenciement qui fixe les termes et limites du litige, vise une insubordination de la salariée vis à vis de sa hiérarchie et des erreurs répétées ; que la rupture litigieuse obéit par conséquent aux règles disciplinaires ;
Considérant qu'au soutien des faits d'insubordination visés dans la lettre de licenciement le mandataire de la société MBO n'a produit qu'une attestation de Madame Marie D... qui exerçait les fonctions de responsable administrative relations humaines de la société ; que cette attestation émanant du responsable du personnel de MBO ne peut avoir de caractère probant du fait de son caractère insuffisamment objectif ;
Que les " erreurs répétées " visées dans la lettre de rupture manquent de précisions puisqu'elles sont évoquées de façon générale sans que soient précisé la nature et les circonstances de ces erreurs ce qui les rend invérifiables ;
Que dès lors le licenciement de Madame Dalila X... est sans cause réelle et sérieuse, la demande de nullité de la rupture du contrat de travail du fait d'un prétendu harcèlement moral devant être rejeté, la salariée ne produisant pas le moindre élément objectif permettant de faire présumer des agissements répétés de nature à nuire à sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Que la salariée est dès lors en droit de prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à la moyenne de ses six derniers mois de salaire bruts soit 2. 250 €.
Qu'il lui sera donc alloué la somme de 13. 500 € ;
3o) Sur les autres demandes :
Considérant qu'elle peut prétendre au surplus à l'indemnité compensatrice de préavis conventionnel, outre les congés payés y afférents ;
Considérant enfin que la convention collective des industries pharmaceutiques régissant la relation de travail prévoit l'obligation pour l'employeur d'adhérer à un régime de prévoyance ;
Qu'en l'espèce un contrat avait été conclu entre MBO et SWISS LIFE " qui englobait : capital décès, incapacité de travail et frais de santé ; que Madame Dalila X... arrêtée du 6 mai au 28 mai 2006 n'a pu obtenir le remboursement au titre de la prévoyance des frais médicaux engagés pendant cette période malgré ses demandes ; que dès lors elle est bien fondée à solliciter à titre de dommages-intérêts la somme correspondant au salaire perdu sous déduction des indemnités journalières sécurité sociale ; qu'elle a subi de ce fait un préjudice certain, qu'il y a lieu de lui allouer en réparation à ce titre la somme de 1. 000 € ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Dalila X... la totalité des frais qu'elle a dû exposer, qu'il y a lieu de lui allouer de ce chef en cause d'appel la somme complémentaire de 2. 000 €.
Considérant que MBO a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce du 12 novembre 2008, que ce même jugement a désigné la SCP Y... en qualité de mandataire judiciaire ; qu'il y aura donc lieu à fixation de créance ;
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Reçoit l'appel de Madame Dalila X... ;
Infirmant le jugement entrepris sauf en ce qu'il a alloué à Madame Dalila X... la somme de 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, qui est confirmé ;
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de Madame Dalila X... au passif de la société MINKOWSKI BOY ORGANISATION (MBO) aux sommes suivantes :
-2. 250 € à titre d'indemnité de requalification ;
-13. 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-6. 750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-650 € au titre des congés payés y afférents ;
-1. 000 € au titre de la prévoyance ;
-2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que le CGEA IDF OUEST en sa qualité de représentant de l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L3253-8 et suivants du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L3253-15, L3253-19 à 21 et L3253-17 du Code du travail ;
Met hors de cause l'AGS s'agissant des dommages-intérêts au titre de la prévoyance et des frais irrépétibles de la procédure ;
Dit que l'obligation du CGEA de faire cette avance, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire liquidateur et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
Condamne la SCP Y... en sa qualité de mandataire liquidateur de la société MBO aux dépens ;
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat