COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 MARS 2011
R.G. No 09/03147
AFFAIRE :
S.A.S. LANCRY PROTECTION SECURITE
C/
Arlette X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Juillet 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : Activités diverses
No RG : 08/00023
Copies exécutoires délivrées à :
Me Nathalie MASSART
la SELARL FIDU-JURIS
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.S. LANCRY PROTECTION SECURITE
Arlette X...
LE DEUX MARS DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. LANCRY PROTECTION SECURITE
110 rue de l'Ourcq
BP 226
75019 PARIS
représentée par Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
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Madame Arlette X...
...
78970 MEZIERES SUR SEINE
comparant en personne, assistée de la SELARL FIDU-JURIS, avocats au barreau de VERSAILLES
INBTIMEE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
PROCEDURE
Mme Arlette X..., née le 17 octobre 1951, a été engagé pour une durée indéterminée par contrat en date du 7 août 2000 en qualité d'hôtesse de sécurité niveau 2 échelon 2 coefficient 120 sur une base mensuelle de 151, 67 h et moyennant un salaire fixe mensuel brut de 6. 373, 17 francs outre prime de panier de 18 F par vacation de 10 h ou plus et remboursement de 50 % du titre d'abonnement de transport, par la société Lancry Protection Sécurité (L.P.S).
Elle doit contractuellement assurer son travail sur le poste situé à Peugeot à Carrières sous Poissy et s'engage à travailler sur les différents chantiers actuels et futurs de l'établissement, au fur et à mesure des affectations qui lui sont données conformément à la clause de mobilité insérée à son contrat de travail.
Par avenant en date du 5 décembre 2000, elle est promue chef d'équipe sur le même site.
La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Le nombre des salariés est supérieur à 10.
Par LRAR en date du 24 juillet 2007, l'employeur a indiqué à la salariée qu'elle ne respecte pas les consignes de sécurité prescrites et qu'à la suite de l'entretien tenu le 19 juillet 2007 (suite à une convocation du 22 juin 2007), son affectation sur le site Peugeot-Nanterre est confirmée à compter du 30 juillet 2007 de 7 h à 19 h.
Par courriers des 30 juillet, 24 août, 11 septembre et 3 octobre 2007, la salariée fait part à son employeur de son refus de mutation sur le site de Nanterre (du fait de l'éloignement géographique entraîné et du fait que le planning adressé ne respecte pas le délai de 7 jours calendaires prévus par la convention collective) et conteste les fautes qui lui sont reprochées.
Elle se déclare en attente d'une réaffectation à Carrières sous Poissy.
Elle ne s'est pas présentée sur son lieu de travail depuis le 1er août 2007.
Une convocation à entretien préalable fixé le 19 octobre 2007 lui était notifiée le 10 octobre 2007 et par lettre du 30 octobre 2007, l'employeur lui notifiait son licenciement pour faute grave ( refus de rejoindre son poste de travail et absence prolongée non autorisée et non justifiée) avec effet dès présentation du courrier au domicile de la salariée.
Celle-ci répondait qu'elle n'avait pas pu se rendre à l'entretien fixé le 19 octobre du fait du mouvement de grève dans les transports en commun.
Par ordonnance de référé en date du 12 octobre 2007, la salariée a été déboutée de sa demande en paiement de son salaire d'août 2007 du fait de l'existence d'une contestation sérieuse..
Mme X... bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté et son salaire brut s'élévait à la somme de 1. 515, 95 €.
Mme X... a saisi le C.P.H le 16 janvier 2008 de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre
DECISION
Par jugement rendu le 3 juillet 2009, le C.P.H de Poissy (section Acivités diverses) en formation de départage, a :
- dit que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamné la SA LPS à lui verser les sommes suivantes:
* 3. 031, 90 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 303, 19 € au titre des congés payés y afférents
* 1. 061, 27 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 9. 095 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1.000 € au titre de l'article 700 CPC
- rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2008, date de la réception par l'employeur de la convocation à l'audience de conciliation pour les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour toute autre somme
- ordonné le remboursement par la SA LPS des indemnités de chômage versées à Mme X... à concurrence de six mois d'indemnités
- rappellé que l'exécution provisoire du jugement est de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la base du salaire moyen des trois derniers mois fixé à la somme de 1. 515, 95 € pour le préavis
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes
- condamné la société LPS aux dépens
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La société LANCRY PROTECTION SECURITE a régulièrement fait appel de la décision le 10 juillet 2009, l'appel portant sur la totalité des dispositions du jugement.
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DEMANDES
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par la société LANCRY PROTECTION SECURITE appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions
- débouter Mme X... de toutes ses demandes
- la condamner au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux dépens
L'employeur soutient que les premiers juges n'ont pas effectué une juste appréciation des faits de l'espèce, que la décision de la direction d'affecter la salariée à un autre site n'avait été décidée que dans le souci de mettre fin à l'absence de bonne passation des consignes, que la salariée faisait l'objet de rapports de son chef de poste pour non-respect des consignes, que la clause de mobilité a été mise en oeuvre de bonne foi de la part de l'employeur, que la lettre du 24 juillet 2007 n'a pas pour objet une mutation disciplinaire, contrairement à ce qui a été jugé, qu'il fait valoir que compte-tenu de la spécificité de l'activité de sécurité, une mutation géographique n'est pas en soi une modification substantielle du contrat de travail du salarié nécessitant son autorisation préalable.
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par Mme X..., intimée, par lesquelles elle demande à la cour, de :
- vu l'article L 1235-3 alinéa 2 du code du travail
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions
-fixer le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieus à hauteur de 15. 159, 50 €
- condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de procédure de 2. 000 € ainsi qu'aux entiers dépens.
La salariée réplique que si la cour considère que les griefs qui lui sont reprochés sont établis (refus de mutation et absence prolongée), ceux-ci ne sont pas de nature à justifier une sanction aussi grave qu'une mutation, que son employeur a attendu plus de 3 mois pour la licencier, que l'employeur ne démontre pas la réalité des griefs reprochés qui justifieraient sa mutation-sanction ;
Elle prétend que si la mutation n'était pas requalifiée en sanction, son refus de se voir déplacée sur le site de Nanterre ne saurait constituer une faute et encore moins, une faute grave, que la clause de mobilité litigieuse est vague et ne définit pas avec précision la zone géographique, que cette mutation n'avait aucun caractère impératif et modifiait considérablement ses conditions de travail, étant dépourvue de véhicule.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la rupture du contrat de travail
Considérant selon l'article L.1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail (anciens articles L.122-14-1, alinéa 1 et L.122-14-2, alinéa 1) que "lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur" ;
Considérant selon l'article L.1232-1 du même code (ancien article L.122-14-3, alinéa 1 phrase 1) que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L.1235-1 (ancien article L.122-14-3, alinéa 1 phrase 1 et alinéa 2) "qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié" ;
Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve et de démontrer qu'il a contraint le salarié à quitter son emploi dès la constatation de la faute ;
Considérant que les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement fixent les termes et les limites du litige ;
Considérant en l'espèce, que par lettre du 30 octobre 2007, la société notifiait à Mme X... son licenciement pour faute grave en invoquant son refus de rejoindre son poste de travail en dépit de la clause de mobilité insérée à son contrat de travail et son absence délibérée qui perturbe gravement la bonne marche de l'entreprise ;
Considérant que l'article 8 du contrat de travail en date du 7 août 2000 de Mme X... stipule que : " Le salarié assure son travail sur le poste situé à Peugeot-Carrières sous Poissy étant ici précisé, que celui-ci s'engage à travailler sur les différents chantiers actuels et futurs de l'établissement, au fur et à mesure des affectations qui lui seront données. Le refus du salarié d'accepter une mutation sur un chantier quelconque serait susceptible d'entraîner son licenciement, éventuellement pour faute grave ";
Mais considérant que la salariée, domiciliée à Mezières sur Seine, soutient à juste titre que la mutation sur le site de Peugeot Nanterre dès le 30 juillet 2007 constitue une sanction disciplinaire, que celle-ci n'est pas motivée par l'organisation et le fonctionnement de la société Lancry puisqu'elle a été remplacée à son poste de travail à Carrières sous Poissy qui a été maintenu, que la mutation qui lui a été imposée est sans rapport avec la clause de mobilité de son contrat de travail ;
Qu'en effet, l'employeur ne démontre pas l'utilité et la nécessité de la mutation imposée à la salariée dans l'organisation de son activité professionnelle, peu de temps après l'envoi de rapports adressés en mai 2007 au chef d'exploitation par un collègue de Mme X... faisant état d'observations négatives sur elle, étant rappelé qu'en vertu de l'article L-1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;
Considérant que la clause de mobilité n'ayant pas été mise en oeuvre de bonne foi par l'employeur, c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Sur les demandes indemnitaires de la salariée
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il alloué à la salariée une indemnité de 9. 095 € pour rupture abusive, diverses indemnités au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et rejeté la demande au titre des rappels de salaire ;
Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il alloué à la salariée une indemnité au titre de l'article 700 du CPC ;
- Sur l'application d'office des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
Considérant qu'il convient de réformer partiellement de ce chef le jugement entrepris et d'ordonner le remboursement par la SA LPS des indemnités de chômage versées à Mme X... à concurrence de trois mois d'indemnités ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il sera alloué à M. X... une indemnité de procédure en complément de celle allouée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf au titre de l'application d'office des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Ordonne le remboursement par la SA LPS des indemnités de chômage versées à Mme X... à concurrence de trois mois d'indemnités
Condamne la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE à payer à M. X... la somme de 1. 300 € au titre de l'article 700 du CPC
Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise au Pôle Emploi Ile de France Pôle Emploi de Mantes 92929 PARIS LA DEFENSE CEDEX (numéro de dossier : 987) pour information en application des articles L 1235-3 et suivants du code du travail
Rejette toute autre demande
Condamne la SAS LANCRY PROTECTION SECURITE aux entiers dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean Michel LIMOUJOUX Président et par Monsieur LANE Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat.