COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 04 MAI 2011
R. G. No 10/ 04324
AFFAIRE :
Laurent X...
C/
S. A. R. L. AMBULANCE CHARTRAINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Janvier 2008 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CHARTRES
Section : Activités diverses
No RG : 06/ 388
Copies exécutoires délivrées à :
Me Betty SELIN
Me Christine BORDET-LESUEUR
Copies certifiées conformes délivrées à :
Laurent X...
S. A. R. L. AMBULANCE CHARTRAINE
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE MAI DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Laurent X...
...
28600 LUISANT
comparant en personne,
assisté de Me Betty SELIN, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
S. A. R. L. AMBULANCE CHARTRAINE
18 Avenue du Grand Séminaire
28630 LE COUDRAY
représentée par Me Christine BORDET-LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle OLLAT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M. Laurent X... a été engagé par la société AMBULANCE CHARTRAINE en qualité de conducteur de véhicule sanitaire ambulancier suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 novembre 2001 moyennant le paiement d'une rémunération mensuelle brute de 7520 francs.
La convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport est applicable aux relations contractuelles.
Il a été en placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er août 2006.
Le 1er août 2006, il a été déclaré inapte temporairement à son emploi d'ambulancier par le médecin du travail qui a prévu de le revoir dans un mois.
Le 11 septembre 2006, le médecin du travail l'a déclaré " inapte en urgence en une seule visite (R. 241-51. 1 du code du travail) ; danger immédiat pour la personne. "
Le 15 septembre 2006, le médecin du travail répondant à la demande de précision de l'employeur quant à la nature du poste de reclassement qui pourrait être proposé au salarié, lui a indiqué que M. X... était inapte au poste d'ambulancier ainsi qu'à tout autre poste qui pourrait lui être proposé au sein de l'entreprise et qu'il lui appartenait de le licencier.
Après convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 11 octobre 2006, M. X... a été licencié par lettre recommandée en date du 16 octobre 2006 pour inaptitude définitive à son emploi et impossibilité de le reclasser.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. X... percevait une rémunération mensuelle brute de 1600 € (moyenne des six derniers mois) ; la société emploie plus de onze salariés.
Estimant que son employeur était à l'origine de son inaptitude du fait des agissements de harcèlement moral, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres le 28 novembre 2006 d'une demande dirigée à l'encontre de la société AMBULANCE CHARTRAINE tendant à la voir condamner à lui payer les sommes suivantes :
* 3123, 68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 312, 37 € au titre des congés payés afférents,
* 936, 91 € à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,
* 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal et le bénéfice de la capitalisation des intérêts,
* 1500 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
outre la remise des documents de fin de contrat,
avec le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement.
Par jugement en date du 23 janvier 2008, le conseil de prud'hommes de Chartres a :
- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société AMBULANCE CHARTRAINE au paiement des sommes suivantes :
* 3123, 68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 312, 37 € au titre des congés payés afférents,
* 936, 91 € à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2006,
* 1100 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société de remettre à M. X... une attestation Assedic conforme au jugement,
- débouté M. X... du surplus de ses prétentions,
- débouté la société de ses demandes reconventionnelles,
- dit, qu'à défaut de renonciation à l'aide juridictionnelle, après présentation d'un état de recouvrement, la société devra rembourser au Trésor Public les frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie M. Laurent X...,
- condamné la société aux dépens.
M. X... a interjeté appel du jugement le 26 février 2008 du jugement qui lui a été notifié le 30 janvier précédent.
Vu les conclusions datées du 15 mars 2011 soutenues oralement par lesquelles il conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre du licenciement et à la confirmation en ce qui concerne les indemnités de rupture ; il demande à la cour de dire que la responsabilité de la société est engagée sur le fondement des articles L. 4121-1 et L. 1152-1 du code du travail, de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts outre celle de 2000 € à titre d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, il fait essentiellement valoir qu'il a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, M. C..., à compter du mois de décembre 2005, tels que humiliation, injures, conditions de travail extrêmement difficiles et mise à l'écart, qui ont abouti à son arrêt de travail pour maladie à compter du 23 mai 2006 ; qu'il n'a jamais repris son travail jusqu'à la date du licenciement.
Vu les conclusions de la société AMBULANCE CHARTRAINE datées du 15 mars 2011 développées oralement tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes afférentes au licenciement, à l'infirmation en ce qu'il l'a condamné au paiement des indemnités de rupture et à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre celle de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait observer que le salarié n'a jamais fait état d'agissements de harcèlement moral et les témoignages produits aux débats sont dépourvus de tout caractère probant.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 15 mars 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur le licenciement :
Considérant selon l'article L. 1232-6 du Code du travail que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de notification du licenciement ; que ce ou ces motifs doivent être matériellement vérifiables et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; ; qu'à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convient de reprendre successivement les motifs invoqués par la lettre de licenciement,
Considérant au cas présent que M. X... a été licencié pour inaptitude physique à son poste d'ambulancier et impossibilité de reclassement ; qu'il ne conteste pas l'inaptitude retenue par le médecin du travail mais soutient qu'elle trouve son origine dans le comportement fautif de l'employeur en raison des agissements de harcèlement moral dont il a été victime de la part de son supérieur hiérarchique entre le mois de décembre 2005 et le 26 mai 2006, date à laquelle il a été placé en arrêt de travail pour maladie ;
- Sur le harcèlement moral :
Considérant suivant les dispositions de l'article 1152 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ainsi que les dispositions de droit commun concernant l'exécution des contrats,
Qu'il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile,
Considérant que M. X... fait valoir qu'il a été victime du comportement agressif de son supérieur hiérarchique M. C..., d'une dégradation de ses conditions de travail par une mise à l'écart, des horaires de travail et un rythme de travail plus important que ceux de ses collègues de travail, le remplacement de son véhicule par un véhicule plus ancien et une surveillance de son travail ; qu'il verse aux débats les témoignages de Mme Nathalie A..., M. Jérôme E..., M. Richard F..., M. Matthias G..., M. Hicham H... et Mme B... tous anciens collègues de travail ; qu'il produit également des certificats médicaux ;
Considérant que les témoignages établis par Mme Nathalie A... licenciée le 29 avril 2006 et M. Richard F... licencié le 10 octobre 2003 ne comportent aucun renseignement sur des agissements de harcèlement qui auraient été subis par M. X... et ne font d'ailleurs aucune mention de sa situation, si bien qu'ils ne sont pas probants des agissements qu'il dénonce ; qu'en ce qui concerne M. Matthias G... et M. Hicham H... qui attestent respectivement le 19 novembre 2008 et le 21 novembre 2008, force est de constater qu'ils n'ont témoigné que plus de deux ans après les faits, après la décision rendue par le conseil de prud'hommes et après avoir été licenciés pour faute grave le 18 juillet 2007 pour M. G... et le 21 novembre 2008 pour M. H... ; qu'elles ne présentent dès lors pas des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour ;
Considérant que M. E... témoigne dans les termes suivants le 8 juin 2006 " Avoir été témoin le samedi 31 décembre 2005, alors que Jean-Marc C... donnait les consignes au régulateur M. I... pour la journée, celui-ci dit : Laurent commence à 11h, il nous a planté la semaine dernière, prend tout ce que tu peux, même du sang, fait le chier faut qu'il finisse tard " ; que Mme B... ancienne salariée qui a pris sa retraite le 1er juillet 2006 atteste ainsi : " M. X... a été pendant six mois mon collègue de route qui faisait très bien son travai... nous avons un véhicule XM, nous n'avons pas le droit de prendre un véhicule neuf, nous ne savons pas pourquoi ; certains véhicules ne roulant pas, on demande une climatisation, il nous le refuse. M. C... est venu voir Mme D... pour s'excuser de son comportement excessif le 31 décembre 2005, ce n'était pas contre elle mais contre M. X... qu'il en voulait pour l'avoir planté en arrêt maladie, alors M. C... a été obligé de remplacer M. X... en tant qu'ambulancier ; les vacances de M. X... lui ont été refusés trois fois en 2006 sans explication ; avec M. X... On nous mettait de 12h à 21h très souvent sachant que nous sommes 7 équipes et que l'on doit le faire chacun notre tour ; le 17 février 2006, nous commençons notre journée à 10h30, à 17 h nous sommes rentrés à l'entreprise car il n'y avait plus de mission, nous avons attendu jusqu'à 19h45 un vendredi, les collègues ont commencé à 10h et ont terminé à 18h15, on nous a donné aucune raison, on a fait la fermeture ; moi même j'ai dû partir en retraite pls tôt car j'ai subi un harcèlement moral, M. C... se faisait un plaisir de me voir souffrir... M. C... est un homme méchant, injuste... "
Considérant que le seul événement précis visé dans ces deux témoignages est un comportement excessif de M. C... à l'égard d'une salariée le 31 décembre 2005 parce qu'il était mécontent de l'absence de M. X... ; que ce comportement isolé ne répond pas à la définition du harcèlement moral qui exige des agissements répétés ; qu'aucun autre fait précis n'est énoncé ; que l'examen des relevés journaliers de M. X... de décembre 2005 au mois de mai 2006 permet de vérifier qu'il a commencé à 5h30 le 5 décembre 2005, à 5h45 le 6 décembre 2005, à 7h15 le 14 décembre 2005, à 7h15 le 14 janvier, à 6h45 le 19 janvier 2006, 6h30 le 23 janvier, 7 h le 26 janvier, à 7h45 le 7 février, à 7h le 22 mars, à 6h30 les 22 et 26 avril et à 6 h le 22 mai, la prise de poste étant plus tardive les autres jours ; que ce traitement n'est pas différent de celui réservé aux autres salariés ; qu'il n'existe en l'espèce aucun dépassement du travail et les dispositions de la convention collective relatives au temps de travail ont été respectées ;
Considérant enfin que les pièces médicales ne permettent pas plus de rattacher l'état de santé du salarié à un comportement fautif de l'employeur ; que le médecin du travail se contente de noter le 1er août 2006 les doléances de M. X... " le salarié se plaint d'isolement, personne ne lui parle et ses horaires sont très importants " ; que le médecin traitant établit un certificat médical le 29 juin 2006 dans lequel il note " il dit être victime de pressions morales dans son travail " et indique le 23 août 2006 " il présente des troubles anxieux qu'il rattache à un conflit professionnel " ; qu'à aucun moment, le médecin traitant ou le médecin du travail ne font référence à des événements précis décrits par le salarié qui pourraient être la marque, selon eux, d'un harcèlement ; qu'en outre, la cour relève que le salarié n'a jamais dénoncé de tels faits, y compris alors qu'il était en arrêt en maladie et qu'il a adressé plusieurs correspondances à son employeur ayant pour objet la validité de son permis de conduire ambulancier ; qu'enfin, l'employeur qui a interrogé les salariés sur l'existence de pressions imputables à M. C... verse aux débats les réponses de ces derniers qui ne font état d'aucun fait ; qu'en l'état de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X... afférentes à la rupture du contrat de travail après avoir constaté que le licenciement repose sur une inaptitude physique non imputable à l'employeur et une impossibilité de reclassement ;
- Sur les indemnités de rupture :
Considérant que la société conclut à l'infirmation du jugement sur ce point au motif que le salarié n'a pas effectué son préavis ;
Considérant cependant que l'article 5 de l'annexe 1- ouvriers de l'accord du 16 juin 1961 applicable en l'espèce précise que tout départ d'un ouvrier de l'entreprise donne lieu, sauf faute grave, à un délai congé ; que le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation des textes en retenant que le salarié licencié pour inaptitude avait droit au paiement de cette indemnité ; que la cour approuve également le jugement en ce qu'il a fait au paiement d'un rappel d'indemnité de licenciement en se fondant sur l'article 5 bis du même texte ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application de cette disposition au profit de l'appelant qui succombe en ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Chartres le 23 janvier 2008,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant,
LAISSE à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,