COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 19 OCTOBRE 2011
R.G. No 10/04869
AFFAIRE :
Annie X... épouse Y...
C/
Syndicat SDC DE L'IMMEUBLE SALMSON LE POINT DU JOUR 5 A 8 COURS DES LONGS PRES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
No RG : 09/01735
Copies exécutoires délivrées à :
Me Virginie FAMCHON
Copies certifiées conformes délivrées à :
Annie X... épouse Y...
Syndicat SDC DE L'IMMEUBLE SALMSON LE POINT DU JOUR 5 A 8 COURS DES LONGS PRES
LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Annie X... épouse Y...
née le 02 Novembre 1953 à ROOST WARENDIN (59286)
...
62158 SAULTY
comparant en personne
assistée par Me VAUDOISET Annie avocat au barreau de ARRAS
APPELANTE
****************
Syndicat SDC DE L'IMMEUBLE SALMSON LE POINT DU JOUR 5 A 8 COURS DES LONGS PRES
Représenté par son syndic SAS FONCIA BELCOURT
20 rue des Longs Prés
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Me Virginie FAMCHON, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeanne MININI, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
Enrôlement no 10/04869 Mme Annie X... épouse Y... / syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Pour assurer l'entretien et la surveillance de son immeuble situé cours des Longs prés no 5 à no 8 inclus à Boulogne-Billancourt, le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour, représenté par son syndic, a procédé les 2 et 5 juin 2000 à l'embauche de M. Augustin Y... et de Mme Annie X... épouse Y... en qualité de gardiens d'immeuble (le premier à temps complet et la seconde à temps partiel) en leur accordant le bénéfice d'un logement de fonction d'une superficie de 43m², leurs contrats de travail prévoyant une clause d'indivisibilité avec obligation de libérer ce logement en cas de rupture du premier contrat de travail signé avec M. Augustin Y....
Par deux avenants en date du 2 novembre 2002 le syndicat des copropriétaires a déterminé les conditions d'emploi de M. Augustin Y... et de Mme Annie Y..., désormais embauchés tous deux à temps complet (100% pour le premier et 123% pour la seconde), en fixant pour chacun les modalités des travaux confiés, le bénéfice du logement de fonction et le montant de leurs rémunérations et en spécifiant qu'il s'agissait d'un contrat couple défini selon les conditions suivantes : " compte tenu de la complémentarité des fonctions de M. Augustin Y... et de Mme Annie Y..., de l'usage selon lequel les fonctions de gardiens d'immeuble à temps complet sont assurées par un couple, du fait que Mme Annie Y... devra se faire assister par M. Augustin Y... dans l'exercice de ses fonctions et du fait que le logement est attribué conjointement à M. Augustin Y... et à Mme Annie Y..., il est convenu que la rupture de l'un des deux contrats de travail pour quelque cause que ce soit constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement du titulaire de l'autre contrat de travail ; cette clause constitue une condition déterminante et essentielle de l'employeur ".
M. Augustin Y... a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2009 et en a informé le syndicat des copropriétaires le 28 janvier 2009.
Le syndicat des copropriétaires, après avoir reçu Mme Annie Y... en entretien préalable le 12 février 2009, lui a notifié le 16 février suivant son licenciement en ces termes :
" Votre mari, M. Augustin Y..., nous ayant donné courrier de son départ à la retraite nous vous rappelons que vos contrats sont indissociables quant à la complémentarité des fonctions, la libération de la loge ainsi que le fait que vos contrats soient joints. Les explications que vous avez fournies étant en adéquations totales avec nos dires, et étant totalement d'accord avec cette procédure de licenciement. Par conséquent nous vous notifions votre licenciement".
Mme Annie Y... a effectué une partie de son préavis et pris ses congés annuels. Les époux Y... ont quitté leur logement le 22 juin 2009.
Mme Annie X... épouse Y... a fait convoquer le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour le 16 septembre 2009 devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse contestant la rupture de son contrat de travail malgré la clause d'indivisibilité qui, selon elle, ne faisait pas obstacle à la poursuite de son emploi même après la cessation par son époux de ses fonctions.
Par jugement en date du 7 septembre 2010, le conseil de prud'hommes a débouté Mme Annie Y... de sa demande.
Mme Annie Y... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 14 septembre 2011 par lesquelles elle a sollicité l'infirmation du jugement déféré et la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour au paiement des sommes de :
- 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir pour l'essentiel que le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir de la clause d'indivisibilité pour considérer que la rupture du contrat de travail de son époux suscite nécessairement et automatiquement celle de son propre contrat de travail. Elle rappelle que l'article L.1231-4 du code du travail édicte que l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles régissant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. Enfin elle précise qu'en se référant aux annexes des contrats de travail détaillant les tâches de chacun des époux on relève qu'ils effectuaient des prestations de travail différentes (M. Augustin Y... ayant des tâches générales et elle-même principalement des tâches administratives) ce qui démontre l'absence d'interdépendance des fonctions et l'absence d'impossibilité pour le syndicat de maintenir son contrat de travail postérieurement au départ de son époux. Elle fait enfin observer que le syndicat des copropriétaires a procédé après leur départ à l'embauche d'une seule personne en qualité de gardien d'immeuble pour assurer leur remplacement, démontrant ainsi qu'il y a eu restructuration du service collectif de gardiennage et de nettoyage de l'immeuble ne rendant pas impossible son maintien sur place dans les mêmes fonctions.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Mme Annie Y... au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle que les tâches respectivement dévolues à M. Augustin Y... et à Mme Annie Y... étaient complémentaires et totalement dépendantes relevant de la fonction de gardien d'immeuble. Il fait observer que l'attribution conjointe du logement de fonction qui est nécessaire à la réalisation des tâches d'un gardien qui consistent en la garde, la surveillance et l'entretien d'un immeuble justifie d'autant plus la nécessité de lier l'exécution des deux contrats de travail. Enfin il fait observer que Mme Annie Y... a parfaitement admis le principe de la rupture de son contrat de travail postérieurement à la décision de son époux de faire valoir ses droits à la retraite (courrier en date du 1er juillet 2008).
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 14 septembre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant tout d'abord qu'il convient de rappeler qu'un salarié ne peut, par avance, renoncer à se prévaloir des règles du licenciement ; qu'ensuite si les contrats de travail de deux salariés contiennent une clause d'indivisibilité, il appartient au juge d'apprécier si cette clause est justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but poursuivi et si la poursuite du second contrat de travail était rendue impossible par la rupture du premier;
Considérant au cas présent qu'au moment de la rupture des contrats de travail de M. Augustin Y... et de Mme Annie Y..., les modalités d'exécution de leurs fonctions étaient définies par les avenants en date du 2 novembre 2002 ; que l'analyse de ces avenants permet de relever que les tâches confiées à chacun des époux étaient les mêmes puisqu'elles s'articulaient sous les mêmes dénominations : tâches générales, tâches administratives, propreté et entretien des parties communes, entretien et propreté des espaces verts, travaux spécialisés et qualifiés et permanence de jour, Mme Annie Y... totalisant un nombre plus élevé d'unités de valeur lui assurant une rémunération supérieure ; qu'ainsi il n'est pas démontré qu'il y avait interdépendance entre les tâches confiées, chacun des époux ayant à remplir des tâches déterminées par son contrat de travail sans être tenu d'obtenir l'aide de l'autre;
Considérant surtout qu'il résulte des documents produits aux débats que postérieurement au départ des époux Y... le syndicat des copropriétaires a procédé, le 7 avril 2009, à l'embauche d'une seule personne en lui confiant exactement les mêmes tâches que celles dévolues à Mme Annie Y..., en fixant quasiment les mêmes horaires de travail et en mettant à sa disposition le même logement de fonction ; qu'à cet égard, le fait pour le syndicat des copropriétaires d'avoir envisagé, dans un avenir laissé très incertain (et toujours aussi incertain plus de deux années après le courrier établi unilatéralement par le syndicat le 7 avril 2009), de recourir à l'embauche aux mêmes fonctions du conjoint de la nouvelle salariée, reste sans aucune incidence sur le fait que depuis le mois d'août 2009 une seule personne assure les fonctions de gardien au sein de l'immeuble, démontrant ainsi qu'il n'était pas impossible pour le syndicat des copropriétaires de conserver à son service Mme Annie Y... dans les mêmes fonctions même après la cessation par son époux des tâches qui lui avaient été spécifiquement confiées;
Considérant qu'il convient donc de dire que le licenciement de Mme Annie Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi le jugement déféré doit être infirmé;
Considérant qu'après avoir pris en considération les circonstances de la rupture du contrat de travail et les difficultés rencontrées par Mme Annie Y... pour retrouver un nouvel emploi, la cour condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour à lui verser la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 7 septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour à verser à Mme Annie X... épouse Y... les sommes de :
• 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Salmson Le point du jour aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT