COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 22 FEVRIER 2012
R.G. No 10/04038
AFFAIRE :
Dominique X...
C/
SAS UCAR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Juillet 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
No RG : 09/00517
Copies exécutoires délivrées à :
Me Mathieu FATREZ
Me Martine RIOU
Copies certifiées conformes délivrées à :
Dominique X...
SAS UCAR
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Dominique X...
né le 08 Septembre 1962 à PARIS
...
92210 SAINT CLOUD
représenté par Me Mathieu FATREZ, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SAS UCAR
10 rue Louis Pasteur
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
PROCEDURE
M. Dominique X... a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 26 juillet 2010, l'appel portant sur la totalité du jugement.
FAITS
M. Dominique X..., né le 8 septembre 1962, a été engagé en qualité de directeur administratif et financier, position 3.2, coeffient 210, par CDI en date du 24 novembre 2008, par la société UCAR, qui a pour activité la location de véhicules.
Le contrat de travail prévoyait une période d'essai de trois mois, éventuellement renouvelable une fois.
Son salaire était composé d'une rémunération fixe, payable par douzième, de 80. 000 € brut, d'une partie variable, d'un montant maximum de 10. 000 € brut qui lui sera versé en fonction de la réalisation des objectifs, raisonnables et compatibles tant avec le marché qu'avec son évolution qui lui seront précisés.
Suivant courrier du 23 février 2009, la société UCAR décidait de renouveler la période d'essai de M. X... pour une nouvelle durée de trois mois ce qui a été refusé par ce dernier.
Par courrier du même jour, la SA UCAR mettait fin à la période d'essai de 3 mois.
M. Dominique X... a saisi le C.P.H le 12 mars 2009 de diverses demandes liées à la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai.
Par courrier du 6 avril 2009, la SA UCAR a indiqué à M. X... que la clause de non-concurrence prévue dans son contrat ne s'appliquait pas du fait de la rupture du contrat pendant la période d'essai et avoir constaté que celui-ci avait frauduleusement supprimé des fichiers informatiques sur le poste professionnel qu'il utilisait, causant ainsi un grave préjudice à la société
La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite SYNTEC.
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M. Dominique X... a retrouvé un CDI à compter du 19 mai 2009 en qualité de directeur financier moyennant une rémunération mensuelle brute de 6. 155 €, outre un 13 ème mois et le versement d'une prime sur objectifs pouvant atteindre un mois de salaire dont les conditions d'obtention et de versement seront établies chaque année par note annexe de la direction.
Par ordonnance en date du 28 mai 2009, le bureau de conciliation a rejeté la demande de provision sur l'indemnité de préavis de 6. 666, 67 € et sur les congés payés afférents du fait que la période d'essai de trois mois n'a pas été exécutée complètement et a renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement
DECISION
Par jugement rendu le 1er juillet 2010, le C.P.H de Boulogne-Billancort (section Encadrement) a :
- fixé la moyenne de salaire de M. X... à 6. 666 €
- condamné la société UCAR à verser à M. Dominique X... la somme de 4. 615, 38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 461, 54 € au titre des congés payés afférents, la somme de 3. 107 € à titre d'indemnité de non-concurrence, celle de 310, 70 € au titre des congés payés afférents et une indemnité de procédure de 950 €
- condamné la société UCAR à remettre à M. Dominique X... un bulletin de paie mentionnant les indemnités compensatrices de préavis et de non-concurrence et les congés payés afférents dans les 30 jours suivant la notification du jugement
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit concernant les indemnités compensatrices de préavis et de non-concurrence et les congés payés afférents
- débouté M. Dominique X... du surplus de ses demandes
-condamné la société UCAR aux dépens.
**
Le 27 août 2010, le juge d'instruction du TGI de Nanterre, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile déposée le 27 mai 2009 par la société UCAR pour introduction, suppression ou modification frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, rendait une ordonnance de non-lieu, suite au désistement de plainte de la partie civile en soulignant que les faits dénoncés par la partie civile ne sont pas caractérisés et que la plainte pénale a pu être l'instrument d'une stratégie contentieuse liée au litige prud'homal.
DEMANDES
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par M. Dominique X..., appelant, aux termes desquelles il demande à la cour, de:
- A titre principal,
- fixer le salaire habituel de M. X... à 7. 500 €
- condamner la société UCAR au paiement des sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis : 7. 500 €
* indemnité de congés payés sur préavis : 750 €
* rappel de salaire sur rémunération variable : 10. 000 €
* congés payés afférents : 1. 000 €
* indemnité contractuelle de non-concurrence : 54. 000 €
* congés payés afférents : 5. 400 €
- A titre subsidiaire
- fixer le salaire habituel de M. X... à 6. 666, 67 €
- condamner la société UCAR au paiement des sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis :6. 666, 67 €
* indemnité de congés payés sur préavis : 666, 67 €
* indemnité contractuelle de non-concurrence : 48. 000 €
* congés payés afférents : 4. 800 €
- En tout état de cause,
- dire et juger que la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail était bien applicable à la rupture du contrat pendant la période d'essai
- dire et juger qu'il n'a jamais été dispensé de son obligation de non-concurrence
- ordonner sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, la remise de l'ensemble des fiches de paie correspondant à la période de non-concurrence à compter du prononcé de la décision à intervenir
- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du CPH en date du 12 mars 2009
- condamner la société UCAR au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par la société UCAR, intimée et appelante incidente, par lesquelles elle demande à la cour, de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de paiement de rémunération variable
- prendre acte de ce que la concluante reconnait devoir à M. X... une indemnité pour non-respect du délai de prévenance de deux semaines de salaire
- débouter M. X... du surplus de ses demandes
- ordonner à M. X... le remboursement de la somme de 6. 737, 18 € versée par la société UCAR au titre de l'exécution provisoire déduction faite de 3. 076, 96 € dus en exécution du délai de prévenance, soit la somme de 3. 636, €
- Subsidiairement,
- fixer la contrepartie mensuelle à la clause de non-concurrence à la somme de 245, 93 €, soit la somme totale de 5. 902, 32 €
- En tout état de cause,
- condamner M. X... au paiement de la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC
- le condamner aux dépens
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande de rappel de salaire sur la rémunération variable
Considérant que le salaire de M. X... était composé d'une rémunération fixe, payable par douzième, de 80. 000 € brut et d'une partie variable, d'un montant maximum de 10. 000 € brut qui lui sera versé en fonction de la réalisation des objectifs, raisonnables et compatibles tant avec le marché qu'avec son évolution qui lui seront précisés ;
Considérant que le salarié soutient que la société UCAR ne lui a jamais communiqué les objectifs qu'il devait atteindre pour percevoir sa rémunération variable, le privant de fait d'une partie de la rémunération qui était prévue par son contrat de travail, que l'employeur est alors tenu selon la jurisprudence de payer la totalité de la rémunération variable, faute d'avoir défini précisément et objectivement les limites de l'obligation souscrite en vertu de l'obligation de bonne foi des contrats, qu'il convient d'inclure dans le calcul du salaire moyen la part variable qu'il n'a pas perçue, soit la somme de 7. 500 € ;
Que l'employeur réplique que le salarié ne peut solliciter le paiement total d'une prime qui avait pour contrepartie une prestation de travail sur douze mois et la réalisation d'objectifs sur cette même période, que les objectifs n'ont pas été définis par les parties, étant rappelé que la rupture est intervenue pendant la période d'essai, ce qui suppose que le salarié n'a pas donné satisfaction, comme le relèvent les premiers juges ;
Mais considérant que l'employeur s'est abstenu de fixer des objectifs dans une annexe au contrat de travail alors que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ;
Que ce manquement est contraire au principe selon lequel le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi énoncé à l'article L 1221-1 du code du travail ;
Qu'en conséquence, aucune diminution de la part variable ne peut être décidée et la rémunération variable doit être versée dans son intégralité ;
Qu'il sera alloué à l'appelant la somme de 10. 000 € de ce chef outre la somme de 1. 000 € au titre des congés payés y afférents et le jugement sera infirmé sur cette demande ;
Considérant, comme le soutient à juste titre l'appelant, qu'il y a lieu d'inclure dans le calcul de ce salaire moyen la partie variable que le salarié n'a pas perçue, soit la somme de 7. 500 € ( 80.000 + 10. 000 )/12 ;
- Sur les demandes salariales et indemnitaires de M. X...
Considérant que la société UCAR reconnaît dans son courrier du 6 avril 2009 être à l'origine de la rupture du contrat de travail de M. X... du fait qu'elle a mis fin à la période d'essai dans le délai prescrit ;
Considérant que la société UCAR s'oppose à la demande du salarié qui sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un mois de salaire et les congés payés par application de l'article L 1221-25 du code du travail, en faisant valoir que l'intéressé ne justifie pas d'une ancienneté de 3 mois et que le salarié ne peut prétendre qu'à l'indemnité prévue à l'article 1221-25 3o pour une ancienneté comprise entre un et trois mois, soit deux semaines sur la base de son salaire fixe mensuel de 6. 666, 67 € ;
Que la cour estime que le salarié ne peut prétendre avoir eu trois mois de présence du fait qu'à la date du 23 février 2009, correspondant à la rupture du contrat de travail, celui-ci n'avait pas encore trois mois de présence au sein de l'entreprise (entrée le 24 novembre 2008), étant précisé que la période d'essai se décompte de manière calendaire ;
Qu'il sera alloué à l'appelant un préavis de deux semaines sur la base de son salaire de 7. 500 €, soit : 90.000 €/52 x 2 = 3. 461, 52 €, outre 346, 15 € au titre des congés payés afférents et le jugement sera réformé sur le quantum ;
Considérant que le contrat de travail prévoit en son article 10 une interdiction de concurrence de 24 mois sur l'ensemble du territoire national limitée au secteur de la location automobile, en contrepartie du versement à l'expiration du préavis d'une indemnité prorata temporis définie en pourcentage de la rémunération mensuelle brute de base, calculée sur la moyenne de la rémunération perçue (fixe et variable) au cours des 24 mois précédant la rupture et cette indemnité sera égale à 30 % de cette rémunération brute mensuelle moyenne ;
Considérant que la société UCAR pour s'opposer à la demande du salarié au titre de l'indemnité contractuelle de non-concurrence, objecte que les parties ont entendu exclure que la clause puisse s'appliquer en cas de rupture de période d'essai, faute d'avoir prévu ce cas, que M. X... ne saurait justifier avoir acquis en trois mois un quelconque savoir-faire durant cette période rendant nécessaire l'application de la clause de non-concurrence, qu'il n'existe pour la société aucun intérêt légitime à sauvegarder qui pourrait justifier l'application de la clause ;
Mais considérant que la société intimée objecte à bon droit que les parties n'étaient pas convenues de rendre la clause de non-concurrence applicable dès la période d'essai, dès lors que les stipulations contractuelles limitent l'application de cette clause à certains cas de rupture du contrat de travail, en prévoyant que : "En cas de résiliation de son contrat de travail, à quelque époque qu'elle intervienne et pour quelque raison que ce soit, Dominique X... s'interdit formellement d'exercer directement ou indirectement une activité identique ou similaire à celle exercée au sein de la société ou par une société du group", ce qui exclut le cas de non-renouvellement d'une période d'essai qui ne relève pas de la résiliation d'un contrat de travail et qui est discrétionnaire ;
Que le jugement sera infirmé de ce chef ;
- Sur la remise des documents sociaux
Considérant qu'il sera fait droit à cette demande selon les modalités prévues au présent dispositif ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il sera alloué une indemnité au salarié au titre des frais irrépétibles en complément de l'indemnité allouée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement.
CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société UCAR à verser à M. Dominique X... la somme de 950 € au titre de l'article 700 du CPC.
Le REFORME pour le surplus.
Et statuant à nouveau,
FIXE le salaire moyen mensuel de M. X... à 7. 500 €.
CONDAMNE la SA UCAR à payer à M. X... les sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis : 3. 461, 52 €
* indemnité de congés payés sur préavis : 346, 15 €
* rappel de salaire sur rémunération variable : 10. 000 €
* congés payés afférents : 1. 000 €
DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du CPH en date du 12 mars 2009.
ORDONNE sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document, la remise de l'ensemble des fiches de paie conforme au présent arrêt dans le délai de 20 jours à compter du prononcé de la présente décision.
CONDAMNE la SA UCAR à payer à M. Dominique X... la somme de 1. 300 € au titre de l'article 700 du CPC.
REJETTE toute autre demande.
CONDAMNE la SA UCAR aux entiers dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,