COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 07 MARS 2012
R. G. No 10/ 05193
AFFAIRE :
Karima X...
C/
Me SELARL L. B... & C. BASSE-Mandataire liquidateur de Société CIDER SANTE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 07 Octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 02690
Copies exécutoires délivrées à :
Me Hervé MAIRE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Karima X...
Me SELARL L. B... & C. BASSE-Mandataire liquidateur de Société CIDER SANTE, AGS CGEA IDF OUEST
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MARS DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Karima X...
née le 26 Juin 1964 à FRENDA (ALGERIE)
...
94350 VILLIERS SUR MARNE
comparant en personne, assistée de Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX
APPELANTE
****************
Me SELARL L. B... & C. BASSE-Mandataire liquidateur de Société CIDER SANTE
...
92024 NANTERRE CEDEX
non comparant
reprsenté par Me BLANDINO avocat au barreau de PARIS
AGS CGEA IDF OUEST
130 rue Victor Hugo
92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX
représenté par la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES :
Après avoir effectué un stage non rémunéré du 21 janvier au 28 juin 2002 au sein de la société CIDINTER, Mme Karima X... y a été engagée en qualité de visiteuse médicale selon :
- contrat à durée déterminée du 29 août au 31 décembre 2002 renouvelé du 1er janvier au 18 avril 2003,
- contrat à durée déterminée du 19 avril au 31 juillet 2003 renouvelé du 1er août au 31 décembre 2003,
- contrat à durée déterminée du 1er janvier au 30 avril 2004 renouvelé du 1er mai au 31 juillet 2004,
- contrat à durée déterminée du 1er août 2004 au 30 avril 2005 renouvelé du 1er mai au 31 juillet 2005,
- contrat à durée déterminée du 1er août 2005 au 31 décembre 2005 s'étant continué en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2006.
Dénommée initialement CIDINTER, la société est devenue IDP avant de prendre en 2006 la forme d'une société anonyme rebaptisée CIDER SANTE. Employant plus de 11 salariés et soumise à la convention collective de la pharmacie et de l'industrie pharmaceutique, elle a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte le 17 janvier 2007 par le tribunal de commerce de Nanterre, convertie le 2 mai 2007 en liquidation judiciaire avec cessation immédiate d'activité et fermeture de l'entreprise, Maître B... étant désigné en qualité de mandataire judiciaire. Mme X... a donc été placée en disponibilité à compter du 3 mai au matin jusqu'à réception de sa lettre de licenciement.
Par lettre du 14 mai 2007, Maître B... a notifié à Mme X... son licenciement économique en l'informant des démarches entreprises afin de rechercher des postes de reclassement externe, en lui joignant la liste des propositions de postes d'une société pharmaceutique et en lui demandant de faire connaître avant le 21 mai 2007 son accord d'acceptation de l'un des postes proposés et lui a adressé les16 mai, 31 mai et 14 juin 2007, de nouvelles propositions de postes de reclassement.
Ces quatre courriers informaient également Mme X... qu'en cas d'acceptation de sa part de l'un des postes proposés, la notification de son licenciement serait considérée comme nulle et de nul effet.
Le mandataire judiciaire a versé à Mme C... le 10 mai 2007 la somme de 740, 42 € de salaire du 15 au 30 avril 2007 et le 12 juin 2007 les sommes de 628, 33 € de salaire du 1er mai au 14 mai 2007 et de 202, 08 €
Mme X... a été embauchée en contrat à durée indéterminée le1er juin 2007 par la société Laboratoires BIOETHIC en qualité de déléguée à l'information médicale avec reprise d'ancienneté au 29 août 2002 et de tous les éléments en découlant dans le cas où le mandataire judiciaire ne lui verserait pas l'indemnité légale de licenciement intégrant son ancienneté.
Informé de l'acceptation par Mme X... de cette offre de reclassement, Maître B... a confirmé à cette dernière par lettre du 19 juin 2007, la rétractation de son licenciement économique puis lui a réglé ultérieurement les sommes de 122, 20 € de salaire du 15 au 31 mai 2007 et 127, 40 € de congés payés afférents à la période du 1er au 31 mai 2007, 1 663, 12 € de prime d'ancienneté.
Par jugement du 7 octobre 2010, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Nanterre section Industrie, faisant partiellement droit aux demandes de mme X... a fixé la créance de cette dernière à la liquidation judiciaire de la société CIDER SANTE à la somme de 1 998, 30 € à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et dit que cette créance était opposable au fonds de garantie des AGS. Il a débouté Mme X... du surplus de ses demandes et condamné la SELARL C. BASSE, mandataire liquidateur de la société CIDER SANTE aux dépens et à verser à Mme X... la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... a régulièrement relevé appel de l'intégralité de ce jugement.
Sollicitant l'infirmation de cette décision, à l'exception de la fixation de l'indemnité de requalification, elle demande de constater que la rétractation du licenciement est nulle et de nul effet et que le licenciement était établi en bonne et due forme et, en conséquence de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société CIDER SANTE pour les montants suivants : 1 998, 3 € d'indemnité de requalification, 23 979, 6 € de dommages-intérêts pour absence de recherches préalables effectives de reclassement et licenciement économique injustifié, 2 997, 45 € d'indemnité de licenciement, 5 994, 9 € d'indemnité de préavis et 599, 49 € de congés payés y afférents, 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande également de dire cette créance opposable au fonds de garantie des salaires et d'ordonner la remise d'un certificat de travail.
La SELARL C. BASSE venant aux droits de Maître B..., ès qualité de mandataire liquidateur de la société CIDER SANTE, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter Mme X... de l'ensemble de ses prétentions et, reconventionnellement, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'UNEDIC, en qualité de gestionnaire de l'AGS élisant domicile au CGEA d'Ile de France Ouest, demande la confirmation du jugement et la mise hors de cause de l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de procédure, subsidiairement, de fixer l'éventuelle créance allouée à la salariée au passif de la société et de dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail. En tout état de cause, elle demande de dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
SUR CE :
Il est expressément fait référence aux observations et conclusions des parties visées à l'audience du 16 janvier 2012 et développées oralement.
Sur l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée déterminée :
Les documents contractuels émis par la société CIDINTER font référence, comme motif du recours aux contrats à durée déterminée et à leur renouvellement à " un accroissement temporaire de son activité de présentation de spécialités pharmaceutiques au corps médical ".
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité de ces motifs de recours aux contrats à durée déterminée. Or les justifications avancées par le mandataire liquidateur quant aux particularités de l'activité de la société CIDER SANTE nécessitant le recours à des contrats à durée déterminée pour le développement d'une activité nouvelle expérimentale ou le lancement de spécialités nouvelles, ne sont corroborées par aucune pièce probante et ne peuvent, en conséquence, suffire à établir le respect par l'employeur du principe énoncé à l'article L 1242-1 du code du travail selon lequel le contrat à durée déterminée, quelque soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré et de fixer l'indemnité de requalification à la somme de 1 998, 30 € en application des dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail.
Cette créance de Mme X... sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société CIDER SANTE.
Sur la rupture de la relation de travail :
Il y a lieu préliminairement, de rappeler que le présent contentieux se situe exclusivement entre Mme X... et la société CIDER SANTE et qu'en conséquence, les difficultés qu'a pu rencontrer la salariée quant à la reprise de son ancienneté par son nouvel employeur, la société Laboratoires BIOETHIC, sont exclues de la cause.
La lettre de licenciement du 14 mai 2007 adressée par Maître B... à Mme X... est rédigée en ces termes :
(....) " Afin d'éviter votre licenciement, je me dois de vous indiquer que j'ai mis en oeuvre tous les moyens dont je dispose pour rechercher des postes de reclassement et le résultat de ces démarches préalables sont les suivantes à ce jour :
- au regard de la cessation d'activité de la société CIDER SANTE il n'est pas possible d'envisager votre reclassement au sein de la société CIDER SANTE.
- j'ai interrogé chacune des sociétés ayant un lien en capital avec CIDER SANTE, en date du 3 mai 2007, par courriers recommandés avec accusé de réception,
- ces sociétés ont été relancées le 10 mai 2007 par courriers recommandés avec accusé de réception,
- j'ai également interrogé les sociétés appartenant au Groupe REPSCO-PHARMEXX en France et à l'étranger.
A ce jour, une société filiale GEMENEDIS m'a adressé des propositions de postes.
Compte tenu des délais qui me sont impartis dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, vous trouverez en annexe de la présente la liste des postes proposés.
Si l'un de ces postes vous intéresse, il convient de contacter directement la personne indiquée au tableau joint et en cas d'accord, informer de votre décision par retour de courrier avant le 21 mai 2007 au Cabinet Lacombez (....)
J'ai interrogé également de nombreuses sociétés appartenant au même secteur d'activité que la société CIDER SANTE sur tout le territoire français et n'ai à ce jour reçu aucune réponse de leur part étant précisé que toutes propositions de postes qui me parviendraient vous seront transmises dans les meilleurs délais.... "
Il produit aux débats copies des nombreuses lettres des 3 mai et 10 mai 2007 qu'il a envoyées à des sociétés pharmaceutiques tant en France qu'à l'étranger, leur demandant de lui communiquer tous les postes disponibles afin d'y reclasser un maximum de salariés de CIDER SANTE.
Le mandataire judiciaire justifie donc avoir, préalablement à la mesure de licenciement, rempli l'obligation légale de recherche de reclassement lui incombant, et ce dès le prononcé de la liquidation judiciaire, de telle sorte que Mme X... ne peut sérieusement lui reprocher de ne pas avoir effectué les démarches en vue de son reclassement antérieurement à la notification du licenciement, étant en outre relevé que Maître B... ne disposait d'aucun moyen d'action sur les sociétés contactées pour les contraindre à lui fournir une réponse positive.
Mme X... ne peut davantage valablement lui reprocher d'avoir procédé à son licenciement économique avant obtention d'une réponse exploitable dès lors que le mandataire judiciaire a strictement respecté les dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail lui imposant un délai de 15 jours pour procéder aux licenciements envisagés afin de préserver la garantie des salaires des personnes concernées.
Il s'ensuit que le licenciement pour motif économique dont a été l'objet Mme X... est parfaitement causé.
Il convient également de relever que le déroulement chronologique des faits rappelé ci-dessus met en évidence que l'embauche de Mme X... par la société Laboratoires BIOETHIC dès le 1er juin 2007 a été rendu possible grâce aux démarches de recherche de reclassement entreprises par le mandataire judiciaire.
Mme X... sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour absence de recherches préalables effectives de reclassement et licenciement économique injustifié en résultant.
Sur la rétractation du licenciement et ses incidences :
Si le licenciement prononcé le 14 mai 2007 ne peut être conditionnel et si la décision du mandataire judiciaire de rétractation de ce licenciement est nécessairement soumise à l'accord non équivoque du salarié, il convient de relever que les conditions de la rétractation étaient posées de manière claire et non équivoque dans la lettre de licenciement adressée à Mme X..., en conformité avec l'information donnée sur les mesures sociales de reclassement par le Cabinet Lacomblez lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise de CIDER SANTE en date du 11 mai 2007 dont le procès-verbal produit par le mandataire judiciaire mentionne que : " Si le salarié répond favorablement à une offre et si celle-ci est suivie d'effet, le salarié n'est plus licencié et quitte la société avec seulement ses congés payés puisque le reclassement est devenu effectif ".
Il s'ensuit que Mme X... a bien été informée clairement des conditions découlant de l'acceptation d'une offre de reclassement suite au licenciement notifié le 14 mai 2007.
En outre, en acceptant en toute connaissance de cause la proposition de reclassement au sein de la société Laboratoires BIOETHIC, en signant un contrat de travail avec cette société le 1er juin 2007 prévoyant le même échelon et le même salaire que son poste précédent, et en percevant de manière exceptionnelle son salaire du 15 au 31 mai 2007 et les congés payés y afférents correspondant à une période postérieure au licenciement, Mme X... a manifesté de manière non ambigüe son consentement à la rétractation du licenciement et sa renonciation à se prévaloir de la rupture de travail, étant par ailleurs relevé qu'elle a attendu le 13 décembre 2007 pour émettre une réclamation auprès du mandataire judiciaire.
Mme X... n'ayant pas été licenciée mais reclassée régulièrement suite aux demandes du mandataire judiciaire ne peut prétendre à aucune indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés y afférents ni à la délivrance d'un certificat de travail rectifié au titre de la rupture du contrat de travail. Elle sera donc déboutée de ces demandes et l'AGS sera mise hors de cause
Mme X... succombant pour l'essentiel, il n'y a pas lieu à dédommagement pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sur la fixation de la créance de Mme X... au passif de la liquidation judiciaire de la société CIDER SANTE au titre de l'indemnité de requalification,
Met l'AGS hors de cause,
Rejette les autres demandes,
Emploie les dépens en frais privilégiés de liquidation.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,