COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 11 AVRIL 2012
R.G. No 10/03004
AFFAIRE :
Driss X...
C/
Sadek Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Avril 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Activités diverses
No RG : 08/00707
Copies exécutoires délivrées à :
Me Naima SHOUL
Me Alain JANCOU
Copies certifiées conformes délivrées à :
Driss X...
Sadek Y...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Driss X...
né le 06 Septembre 1947 à FES
...
78260 ACHERES
comparant en personne, assisté de Me Naima SHOUL, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Monsieur Sadek Y...
...
93230 ROMAINVILLE
représenté par Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Patricia RICHET, Présidente chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Mr Sadek Y... a été embauché le 1er octobre 2007 par Mr Driss X... en qualité de chauffeur de taxi par contrat de location de véhicule équipé taxi jusqu'au 31 décembre 2009, reprenant les stipulations du contrat type de conducteur locataire instaurées par le décret du 17 août 1995 et aux termes duquel Mr Y... assumait en toute indépendance la responsabilité de son activité, organisait librement à son seul profit et sous sa responsabilité, son activité de conduite et la gestion du taxi dont il avait la jouissance exclusive, moyennant le versement d'une redevance mensuelle de 2 390 € TTC en contrepartie de la mise à sa disposition d'un véhicule neuf par Mr X....
Un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 1er janvier 2008, fixant à 1 441 € la rémunération mensuelle brute de Mr Y..., engagé en qualité de chauffeur locataire de taxi parisien, à 1 441 €. Trois bulletins de paie ont été établis à l'attention de Mr Y... pour les mois de janvier, février et mars 2008.
Saisi le 19 décembre 2008 par Mr Y..., le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye, section Commerce, a:
- ordonné la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de Mr X... à compter du 19 janvier 2009,
- condamné Mr X... à payer à Mr Y... les sommes de :
* 500 € de dommages-intérêts,
* 14 770 € nets au titre des salaires pour la période du 2 janvier 2008 au 19 janvier 2009 et 1 477 € bruts au titre des congés payés y afférents,
* 1 441 € bruts d'indemnité de préavis et 144,10 € bruts de congés payés y afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2008 ( date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation) pour les salaires et éléments de salaire et à compter du prononcé pour le surplus,
- condamné Mr X... à payer à Mr Y... la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouté Mr X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mr X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par arrêt avant dire droit du 4 mai 2011, la présente chambre a constaté la nullité du désistement d'appel de Mr X... en date du 4 novembre 2010, déclaré recevable son appel, renvoyé l'affaire à l'audience du 18 janvier 2012 et réservé les dépens.
Mr X... sollicite l'infirmation du jugement et, subsidiairement, dans le cas où la relation contractuelle entre les parties s'analyserait en un contrat de travail, condamner Mr Y... à lui rembourser les sommes perçues de son activité s'élevant, en l'absence de déclaration et après compensation, à 21 708 €, à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Mr Y... demande la confirmation du jugement attaqué et, y ajoutant, la condamnation de Mr X... à lui payer les sommes de 8 646 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 864 € d'indemnité de licenciement, 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'exécution.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience du 18 janvier 2012 et développées oralement.
Pour estimer que la relation contractuelle s'analysait en un contrat de travail réel, comme l'affirme Mr Y... et non en un contrat de travail fictif ainsi que le soutient Mr X... qui allègue l'avoir établi à la demande de Mr Y... uniquement pour permettre à ce dernier de justifier de revenus fixes et ainsi obtenir un logement, alors que le contrat de location initialement conclu se poursuivait, le conseil de prud'hommes s'est borné à énoncer que les parties donnaient des explications divergentes sur l'utilisation d'une somme de 15 000 € remise en espèces par Mr Y... à Mr X..., le premier affirmant qu'elle était destinée à l'achat du véhicule avec lequel il a travaillé et le second, pour l'achat d'or au Maroc pour le compte de Mr Y..., que la carte grise du véhicule était au nom de Mr X... et que ce dernier ne rapportait pas la preuve du paiement des salaires de Mr Y....
Il convient toutefois de rappeler que quelque soit la dénomination ou la qualification donnée par les parties à leur relation contractuelle, il y a lieu, pour déterminer la nature exacte de cette relation, de rechercher les conditions de fait dans lesquelles Mr Y... a exercé son activité.
La réalité de la remise de la somme de 15 000 € ne résulte d'aucune pièce objective du dossier. L'absence de preuve par l'employeur du paiement des salaires de Mr Y... tend à démontrer que le contrat de travail était bien fictif.
Le caractère fictif ou réel du contrat de travail en cause ne peut se déduire de la facture d'achat du véhicule, de l'attestation d'assurance ni de la carte verte, documents établis au nom de Mr X..., dès lors que celui-ci devait mettre un véhicule à disposition de Mr Y..., tant dans le cadre du contrat de location que dans celui-ci du contrat de travail.
Si le contat de travail stipule que Mr Y... percevra une rémunération mensuelle de 1 441 € pour un travail hebdomadaire de 35 heures, il y a lieu de noter que ce contrat ne comporte aucune indication quant à l'exercice de l'activité et au contrôle de son exécution concernant notamment les horaires, jours de repos, entretien et mise à disposition du véhicule, relevé hebdomadaire du compteur, versement et répartition de la recette, productivité et aux sanctions applicables en cas de manquements.
Il en résulte qu'en réalité, Mr Y..., en l'absence de toute sujétion encadrant sa prestation de travail, exerçait une activité en toute liberté et indépendance et n'était donc pas placé dans un lien de subordination juridique et économique permanente à l'égard de Mr X....
Il ressort également des pièces produites que Mr Y..., abonné au système de radio "Taxis Bleus" depuis avril 2007, abonnement réservé aux seuls artisans indépendants et non aux chauffeurs salariés, s'est vu reverser par cette société le montant des règlements clients effectués par carte bleue du 12 décembre 2007 au 21 décembre 2008 pour un montant global de 2 329,08 €, ce qui établit bien le caractère fictif du contrat de travail conclu entre les parties le 1er janvier 2008 et confirme les assertions de Mr X... selon lesquelles, en réalité, les relations entre les parties jusqu'au 16 décembre 2008 date de sortie de Mr Y... en sa qualité de conducteur de taxi, se sont poursuivies dans le cadre du contrat initial de location de véhicule équipé taxi.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé.
Mr Y... qui succombe en ses prétentions sera tenu aux dépens et condamné à payer à Mr X... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
Condamne Mr Y... à payer à Mr X... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Arrêt - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Madame GIACOMINI faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,