COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80AC. R. F.
5ème Chambre ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 SEPTEMBRE 2012
R. G. No 11/ 01490
R. G. No 11/ 01556
AFFAIRE :
Lisette X... exerçant en nom propre sous l'enseigne VIA VENETO
C/
Yaser Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2011 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Commerce
No RG : 08/ 02232
Copies exécutoires délivrées à :
Me Béatrice ZAUBERMAN
Me Leila LEBBAD MEGHAR
Copies certifiées conformes délivrées à :
Lisette X... exerçant en nom propre sous l'enseigne VIA VENETO
Yaser Y...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Lisette X... exerçant en nom propre sous l'enseigne VIA VENETO
...
92320 CHATILLON
comparante en personne, assistée de Me Béatrice ZAUBERMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0617
APPELANTE
****************
Monsieur Yaser Y...
...
92320 CHATILLON
comparant en personne, assisté de Me Leila LEBBAD MEGHAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1139
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE,
M. Y... a été engagé en qualité de cuisinier par Mme X... exerçant sous l'enseigne de la pizzeria Via Veneto à Chatillon selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2004
Employant moins de dix salariés, l'entreprise est soumise à la convention collective de la restauration.
Le salaire mensuel de M. Y... était de 1466, 34 € et la durée hebdomadaire de travail était contractuellement fixée à 43 heures, les parties s'opposant quant à la durée effective de travail du salarié.
M. Y... a été victime d'un accident du travail le 5 février 2008 et placé en arrêt de travail jusqu'au 3 juillet suivant.
Le 4 juillet 2008, le médecin du travail a déclaré M. Y... apte à son poste sans manutention manuelle supérieure à 15kg et avec pause toutes les 15 minutes.
Le 22 juillet 2008, le médecin du travail a déclaré M. Y... inapte à tout poste dans l'entreprise après étude du poste et entretien avec l'employeur, et M. Y... a été, le même jour, convoqué à un entretien préalable fixé le 29 juillet.
Par lettre du le 31 juillet 2008, M. Y... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de le reclasser. M. Y... n'effectuait pas son préavis.
Par ordonnance de référé du 14 novembre 2008, Mme X... a été condamnée à verser à M. Y... :
*dès le prononcé de la décision, la somme de 3985, 86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* trois mois plus tard :
oles congés payés afférents (398, 58 €),
o 896, 81 € à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
o996, 46 € à titre d'indemnité de congés payés,
o450 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement de départage du 1er février 2011, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- condamné Mme X..., exerçant sous l'enseigne Via Veneto, à payer à M. Y... :
*avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2009, les sommes de :
o11 366, 33 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires et 1136, 63 € de congés payés afférents,
o342, 64 € et 34, 26 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
o137, 06 € à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
*avec intérêts à compter du jugement :
o1601, 86 € à titre de dommages et intérêts pour perte du repos compensateur,
o23 914, 20 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonné la remise de bulletin de salaire et d'une attestation Assedic conformes,
- condamné Mme X... au paiement de la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... a régulièrement relevé appel de cette décision sous les numéros 11/ 01490 et 11/ 01556.
Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience du 22 juin 2012 par lesquelles Mme X... conclut à l'infirmation partielle du jugement en faisant valoir que les horaires de travail de M Y... étaient du lundi au vendredi de 10h à 14h30 et de 18h30 à 22 heures et le samedi de 19hà 22 heures et que le salarié n'a jamais contesté ses bulletins de salaire ; que les plats proposés-hors pizzas-ne nécessitaient pas d'élaboration, étant achetés en conserves ou surgelés ; que la notification de l'impossibilité de reclassement dans la lettre de licenciement ne prive pas de fondement le licenciement consécutif à un accident du travail ; que M Y... n'a pas effectué plus d'heures que celles mentionnées sur ses bulletins de salaire pour un total hebdomadaire de 43 heures ; qu'elle même a travaillé dans l'établissement à temps complet après la fermeture de son autre établissement le 4 juillet 2007 ; que les attestations de M Y... ne sont pas fiables tandis que les écrits de ses salariés et les factures d'achats établissent la réalité des horaires sus visés ; que la contingent de 43 heures exclusif de repos compensateur n'a pas été dépassé.
Mme X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande relative à un travail dissimulé,
- l'infirmer pour le surplus en déboutant M. Y... de toutes ses demandes,
- ordonner la restitution de la somme de 14300 € versée au titre de l'exécution provisoire,
- condamner M Y... au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... répond qu'il travaillait de 9 h 30-10 h à 14 h 30-15 h et de 18 heures à 22 h 30, et qu'il devait préparer les repas des salariés ; que Mme X... ne produit pas les factures de boucherie et de poissonnerie et qu'il préparait des desserts ; que l'employeur ne précise pas quand elle a recherché un poste de reclassement ; que les attestations versées par Mme X... émanent de clients bénéficiant de repas offerts ou d'anciens salariés, M. Z... étant par ailleurs le compagnon de Mme X....
M Y... dit avoir travaillé deux mois en novembre et décembre 2009 et avoir créé une société active depuis mars 2012 et demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner Mme X... à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 22 juin 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Considérant que les deux procédures connexes seront jointes sous le numéro 11/ 01490.
A-le licenciement pour inaptitude.
Considérant qu'aux termes des articles L1226-10 et L1226-12 du Code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, après avis des délégués du personnel et prise en compte des conclusions écrites du médecin du travail ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que cette notification doit être antérieure à la notification du licenciement ; que le non respect de cette diligence est sanctionné par l'indemnisation du préjudice en résultant et qui ne peut se cumuler avec les dommages et intérêts alloués au fondement de l'article L1226-10 du code précité lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que la rapidité de la convocation de M. Y... en entretien préalable-le 22 juillet 2008- le jour même du second avis du médecin du travail, ne démontre pas le caractère précipité de la décision litigieuse eu égard à la taille de l'entreprise (3, 5 salariés) et à la nature des autres postes (serveur et plongeur) incompatibles avec les réserves émises par le médecin du travail à l'issue de la première visite (pas de manutention lourde et de station debout sans pause chaque quart d'heure) ; qu'aucun de ces deux postes n'étaient vacants ; qu'un aménagement du temps de travail ou une transformation de poste n'étaient pas compatibles avec la nature de l'activité de restauration, M. Y... ne pouvant lui même préciser le reclassement possible et le médecin du travail s'étant déplacé sur les lieux et ayant rencontré l'employeur ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M Y... contraire aux exigences posées par l'article L1226-10 du Code du travail ; que M Y... sera débouté de ce chef ;
B-les heures supplémentaires
Considérant qu'aux termes de l'article L3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le salarié apporte des éléments étayant sa demande, l'employeur devant ensuite fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Considérant que le contrat de travail de M. Y... ne mentionnait pas ses horaires, peu important par ailleurs que ce dernier n'ait pas contesté les heures payées avant la rupture de son contrat de travail ; que les heures supplémentaires payées par M. Y... ont été calculées au delà de 39 heures puis de 35 heures, en accord avec l'évolution de la convention collective ;
Considérant que pour étayer sa demande, M. Y... produit trois attestations de " clients réguliers " de l'établissement affirmant que ce dernier y travaillait chaque jour du lundi au samedi ; que les deux parties s'accordent sur un travail six jours sur sept (midi compris selon le salarié) ; que ces écrits ne précisent ni la présence de M. Y... le samedi matin ni ses heures d'arrivée et de départ du restaurant (avant 10 h 30 ou 18 h 30) ; que les tableaux produits ne constituent pas des relevés d'horaires mais des calculs de complément de salaire sur des bases horaires toujours identiques ; que M. Y... n'indique pas la nature des tâches qui l'auraient obligé à anticiper son heure d'arrivée, l'établissement servant à 12 heures et 19 heures ; que ces éléments n'établissent pas la demande de M. Y... ; qu'au surplus, Mme X... verse les factures d'achat de plats préparés et surgelés auprès de grandes surfaces dédiées aux professionnels de la restauration et excluant l'élaboration de nombreux plats par le cuisinier ; que deux salariés (l'ancien cuisinier et une plongeuse) de la pizzeria font état de l'octroi au cuisinier d'une demi-journée de repos en sus du dimanche et-pour le premier non soumis à l'autorité hiérarchique de Mme X...- à l'exécution de 43 heures de travail par semaine ; que M. Y... sera débouté de ses demandes afférentes aux heures supplémentaires, au repos compensateur et aux compléments d'indemnités (spéciale de licenciement et compensatrice de préavis) ;
Considérant que M. Y... qui a demandé la confirmation du jugement n'a pas sollicité le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; qu'en tout état de cause, l'absence d'heures supplémentaires non réglées écarte le bien-fondé de ce poste ;
Considérant que le remboursement des sommes versées par Mme X... en vertu de l'exécution provisoire s'infère de cette décision d'infirmation du jugement ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que M Y... qui succombe supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant par mise à disposition au greffe et par décision CONTRADICTOIRE,
Ordonne la jonction des procédures sous le numéro 11/ 01490.
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 1er février 2011 et statuant à nouveau :
Déboute M. Y... de toutes ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Y... aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Jeanne MININI, Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,