COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 35A
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 OCTOBRE 2012
R.G. N° 11/04267
AFFAIRE :
[F] [S]
C/
[B] [V]
...
Décision déférée à la cour : Opposition à arrêt défaut rendu le 28 Avril 2011 par la Cour d'Appel de VERSAILLES
N° chambre : 01
N° Section : A
N° RG : 09/8955
sur appel du jugement rendu le 10 septembre 2009 par le Tribunal de Grande instance de NANTERRE
Chambre N° 1
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
MeMelina PEDROLETTI,
Me Clémentine TELLIER,
SCP BOMMART-MINAULT,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [S]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Rep/assistant :Me Melina PEDROLETTI (avocat postulant au barreau de VERSAILLES)
ayant pour avocat Me Noureddine HABIBI-ALAOUI (avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS)
DEMANDEUR A L'OPPOSITION
****************
Madame [B] [V]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 14] ( EGYPTE)
[Adresse 2]
[Localité 10]
Rep/assistant : Me Clémentine TELLIER (avocat postulant au barreau de VERSAILLES)
ayant pour avocat Maitre Angela ALBERT SCP . ALBERT et ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle 25 % numéro 2011/008365 du 19/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
DEFENDERESSE A L'OPPOSITION
Monsieur [K] [D]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 14] (EGYPTE)
[Adresse 4]
[Localité 9]
Rep/assistant : la SCP BOMMART-MINAULT (avocats postulants au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00037948)
S.C.I. BILTON'S
inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro B 351 134 275 ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Rep/assistant : la SCP BOMMART-MINAULT (avocats postulants au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00037948)
ayant pour avocat Me Johanna BERREBI-WIZMAN (avocat au barreau de PARIS)
DEFENDEURS A L'OPPOSITION
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2012, Madame Dominique LONNE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Dominique LONNE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
**************
En 1991, M. [K] [D] et Mme [B] [V], son épouse, ont acquis l'intégralité des parts sociales de la société à responsabilité limitée Bilton's qui exploitait un fonds de commerce de restaurant dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 6] (92).
A l'issue de plusieurs actes de cessions conclus en janvier 1991, ainsi que les 7,8 et 12 février 1991, le capital social de la SARL Bilton's était alors divisé en 500 parts de 100 francs, réparti à hauteur de 245 parts pour M. [K] [D] et de 255 parts pour Mme [B] [V].
Par un acte authentique du 24 janvier 1992, M.[K] [D] et Mme [B] [V], son épouse, ont acquis à titre personnel, dans l'immeuble sis [Adresse 7], une boutique (petite salle annexe attenante au restaurant) et un garage (correspondant aux lots de copropriété 10 et 23) moyennant le prix de 150.000 francs (22.867,35 €).
Par acte sous seing privé du 31 mars 1995, Mme [B] [V] a cédé les 255 parts qu'elle détenait en qualité d'associé de la SARL Bilton's, 5 parts étant acquises par son époux, M. [K] [D], et 250 parts étant acquises par M. [O] [R], cette cession étant consentie moyennant le prix de 100 francs par part.
Les statuts actualisés de la SARL Bilton's mentionnent :
- qu'une assemblée générale extraordinaire du 31 mars 1995 a décidé une augmentation du capital social, porté à 250.000 francs (2.500 parts sociales de 100 francs chacune), M.[K] [D] et M.[O] [R] détenant alors chacun 1.250 parts sociales,
- qu'une assemblée générale extraordinaire du 23 octobre 2000 a décidé de réduire le capital de 250.000 francs à 50.000 francs (capital initial), le ramenant à 500 parts sociales de 100 francs chacune, M.[K] [D] et M.[O] [R] ne détenant plus chacun que 250 parts.
Par acte sous seing privé en date du 26 septembre 2002 (enregistré au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 05 janvier 2006), M.[R] a cédé à M.[F] [S] ses 250 parts sociales de la SARL Bilton's pour le prix de 25.000 francs .
Entre temps, en 1997, la SARL Bilton's a acquis la propriété des murs des locaux commerciaux dont elle n'était précédemment que locataire dans l'immeuble sis [Adresse 6] : il s'agit des lots de copropriété n°8 (cave), lot n°11 et n°12 (boutique et appartement en rez-de-chaussée du bâtiment A).
Par acte du 10 novembre 2005, la SARL Bilton's, représentée par M.[K] [D] son gérant, a consenti à la SARL Sainte Marie une promesse de vente du fonds de commerce de restaurant exploité [Adresse 6] moyennant un prix de 150.000€.
Par acte sous seing privé du 30 décembre 2005 (également enregistré au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 05 janvier 2006) , Mme [B] [V] épouse [D] acquérait les 250 parts détenues par M. [F] [S] dans la SARL Bilton's pour la somme totale de 100€, redevenant ainsi propriétaire de la moitié des parts de la SARL Bilton's.
Une assemblée générale de la SARL Bilton's en date du 04 janvier 2006, à laquelle ont participé M.[K] [D] et Mme [B] [V] épouse [D] associés détenant chacun 250 parts, a autorisé M.[K] [D] en sa qualité de gérant à vendre le fonds de commerce de restaurant selon les modalités contenues dans la promesse de vente du 10 novembre 2005.
Par acte du 10 janvier 2006, la cession du fonds de commerce de restaurant exploité [Adresse 6] a été régularisée entre la SARL Bilton's et la SARL Sainte Marie au prix convenu.
Par deux actes séparés du même jour, d'une part la société Bilton's, propriétaire des murs où est exploité le fonds de commerce cédé (lots de copropriété 8-11 et 12) et d'autre part les époux [D], propriétaires à titre personnel des lots 10 et 23, ont consenti à la société Sainte Marie des baux sur les locaux commerciaux (pages 3 et 4 de l'acte de vente du fonds de commerce).
Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2006, la SARL Bilton's, n'ayant plus d'objet commercial, a été transformée en une société civile immobilière dont l'objet social était 'la gestion, l'exploitation par bail des biens et droits immobiliers dont elle est propriétaire au [Adresse 6]'. Cette assemblée désignait Mme [B] [V] épouse [D] et M.[D] comme co-gérants.
Par acte du 18 juillet 2006, M.[C] [E], notaire auprès du tribunal d'El Darb El Ahmar (Egypte), a prononcé le divorce des époux [D] .
Sur assignation de Mme [B] [V] épouse [D] qui, en sa qualité d'associée de la SCI Bilton's à hauteur de la moitié du capital social et de co-gérante, réclamait la communication de documents sociaux de la SCI, par une ordonnance du 06 avril 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté la communication d'un certain nombre de pièces et a ordonné à la SCI Bilton's et à M.[K] [D] de communiquer les relevés bancaires les concernant à compter de la cession du fonds de commerce intervenue le 10 janvier 2006.
Faisant valoir que l'acte de cession de parts sociales du 30 décembre 2005 entre M.[F] [S] et Mme [B] [V] était intervenu à son insu en violation de l'article 13 des statuts de la SARL Bilton's et de l'article L 223-14 du code de commerce, M. [K] [D] a fait assigner, par actes des 29 novembre et 3 décembre 2007, Mme [B] [V] et M. [F] [S] afin de voir juger nul l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005.
Il sollicitait en conséquence la restitution des parts sociales par Mme [V] à M.[S] et le remboursement par elle à la SCI Bilton's de la somme de 18.000 € indûment perçue au titre des loyers relatifs au bail consenti par la SARL Bilton's à la société Sainte Marie depuis le 10 janvier 2006.
Par acte du 13 juin 2008, Mme [B] [V] a appelé en la cause la SCI Bilton's.
Elle s'est opposée aux demandes principales et reconventionnellement elle a demandé à être autorisée à se retirer de la SCI Bilton's pour justes motifs sur le fondement de l'article 1869 du code civil et a sollicité la désignation d'un expert pour déterminer la valeur de ses droits sociaux. Elle a également demandé le partage judiciaire de l'indivision existant entre elle et M.[D] après leur divorce.
Par jugement du 10 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- déclaré recevable l'action de M. [K] [D] et la SCI Bilton's,
- déclaré nul l'acte d'acquisition du 30 décembre 2005 de 250 parts sociales de la société à responsabilité limitée Bilton's, intervenu entre M. [F] [S] et Mme [B] [V],
- ordonné à Mme [B] [V] de restituer à M. [F] [S] les 250 parts sociales de la société à responsabilité limitée Bilton's, acquises le 30 décembre 2005, et à M. [F] [S] de restituer à Mme [B] [V] la somme de 100€, correspondant au prix de cette cession,
- condamné in solidum Mme [B] [V] et M. [F] [S] à payer à M. [K] [D] la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné in solidum Mme [B] [V] et M. [F] [S] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Sur appel de Mme [B] [V], par arrêt rendu par défaut le 28 avril 2011 (M .[F] [S] ayant été assigné devant la cour par acte du 29 décembre 2010 avec dépôt de la copie de l'acte en l'étude de l'huissier mais n'ayant pas constitué avoué) , la première chambre première section de la cour d'appel de Versailles a :
- infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M.[K] [D] et la SCI Bilton's de leur demande tendant à la restitution d'une somme de 18.000 € par Mme [B] [V] au titre de loyers relatifs au bail consenti par la SARL Bilton's à la société Sainte Marie,
statuant à nouveau,
- débouté M.[K] [D] de sa demande en annulation de l'acte de cession de parts de la SARL Bilton's en date du 30 décembre 2005,
- déclaré valable la cession de parts intervenue le 30 décembre 2005 entre Mme [B] [V] et M [F] [S],
-autorisé Mme [B] [V] à exercer son droit de retrait de la SCI Bilton's,
- renvoyé Mme [B] [V] à saisir la juridiction compétente en vertu de l'article 1843-4 du code civil pour l'évaluation des parts de la SCI Bilton's,
- déclaré irrecevables les demandes de Mme [B] [V] tendant au partage après divorce de l'indivision existant entre elle et M.[D], à la désignation d'un expert pour évaluer les biens indivis et à la licitation de ceux-ci,
- dit qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens,
- condamné M.[K] [D] aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Cet arrêt a été signifié à M.[F] [S] le 10 mai 2011 par la SCP Louvion-Plumel, huissiers de justice à [Localité 11].
Par conclusions signifiées et déposées au greffe de la cour d'appel de Versailles le 31 mai 2011, M.[F] [S] a formé opposition à l'arrêt rendu le 28 avril 2011 puis, le 08 juin 2011, il a déposé, par l'intermédiaire de son avoué, au greffe de la cour d'appel de Versailles une déclaration d'opposition.
Ces deux procédures ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction le 20 juin 2011.
Vu les dernières conclusions en date du 13 juillet 2012 de M.[F] [S] par lesquelles il demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée son opposition,
- rétracter l'arrêt rendu le 28 avril 2011
- ordonner l'annulation de la cession qu'il a faite le 30 décembre 2005 à Mme [B] [V] des 250 parts qu'il détenait dans le capital social de la société BILTON'S
- condamner Mme [B] [V] à lui restituer le prix de cession de 100 euros.
- débouter M.[D] de ses plus amples demandes dirigées à son encontre,
- condamner in solidum M.[D] et Mme [B] [V] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Mélina Pedroletti .
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 août 2012, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [B] [V] demande à la cour, au visa des articles 1869,1843-4, 840 du code civil et 1362, 1377 du code de procédure civile, de :
*déclarer M. [S] mal fondé en son opposition à l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la cour d'appel de Versailles,
*débouter M. [S] de son opposition et de sa demande de rétractation,
*débouter M. [D], la SCI BILTON'S et M.[S] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de Mme [B] [V],
* condamner M. [K] [D] à verser à Mme [B] [V] une somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Clémentine Tellier, avocat.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 26 juillet 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, M. [K] [D] et la SCI Bilton's demandent à la cour de :
- dire M. [K] [D] et la SCI Bilton's recevables et bien fondés en leurs écritures,
- rétracter l'arrêt rendu le 28 avril 2011,
statuant à nouveau,
- confirmer le jugement rendu le 10 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a déclaré nul l'acte d'acquisition de parts sociales intervenu le 30 décembre 2005 entre M. [F] [S] et Mme [B] [V],
- remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant le 30 décembre 2005,
- condamner Mme [B] [V] à restituer à M. [F] [S] l'intégralité des titres de la société Bilton's,
- condamner Mme [B] [V] à restituer à la SCI Bilton's la somme de 18.000€ indûment perçues au titre des loyers relatifs au bail consenti par la société Bilton's à la société Sainte Marie depuis le 10 janvier 2006 à ce jour,
- condamner solidairement Mme [B] [V] et M. [F] [S] à payer à M. [K] [D] la somme de 5.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [B] [V] et M. [F] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP Bommart Minault, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2012.
MOTIFS DE LA DECISION
L'opposition, formée dans le délai légal, est recevable.
Sur la demande d'annulation de la cession de parts de la SARL Bilton's intervenue le 30 décembre 2005
I) A l'appui de son opposition, M.[F] [S] conclut à l'existence d'un dol commis par Mme [B] [V]. Il soutient :
- qu'au moment de la cession litigieuse du 30 décembre 2005, Mme [B] [V] épouse de [K] [D], lui-même gérant associé de la société Bilton's, l'a délibérément induit en erreur sur la valeur des actifs de cette société et donc sur la valeur des parts qu'il détenait dans le capital social,
- que Mme [B] [V] épouse de [K] [D], lui-même gérant associé de la société Bilton's, avait nécessairement connaissance au 30 décembre 2005 de promesse de vente signée le 10 novembre 2005 entre la société Bilton's et la société Sainte Marie portant sur le fonds de commerce appartenant à la société Bilton's,
- que l'existence et le contenu de cette promesse de vente lui ont été délibérément dissimulés par Mme [V],
-que la situation financière de la société Bilton's n'était nullement irrémédiablement compromise comme le lui a indiqué Mme [V],
- que les agissements de celle-ci constituent des manoeuvres dolosives qui ont vicié son consentement, et qu'il n'aurait pas cédé 50% du capital de la société moyennant un vil prix de 100 euros s'il avait eu connaissance de la valeur de l'ensemble des actifs de la société.
Mme [V] conteste l'existence d'un dol . Elle fait valoir que par le biais de la cession du 30 décembre 2005, son ex époux, M.[D] a souhaité récupérer toutes les parts de son cousin M.[S] et qu'il l'a fait par son intermédiaire ; qu' elle ne lit pas et n'écrit pas le français, le parle avec difficultés.
A la date du 10 novembre 2005, date à laquelle M.[D] en sa qualité de gérant de la SARL Bilton's a passé seul la promesse de vente du fonds de commerce au profit de la SARL Sainte Marie, M.[F] [S] était associé de la SARL Bilton's depuis le 26 septembre 2002 alors que Mme [B] [V] ne l'était plus quant à elle depuis le 30 mars 1995, date à laquelle elle avait cédé ses parts à M.[O] [R].
Il résulte du dossier que le fonds de commerce a toujours été exploité par la Sarl Bilton's jusqu'à la promesse de vente du 10 novembre 2005, date à laquelle c'est M.[F] [S] qui était associé et non Mme [B] [V], laquelle ne l'était plus depuis mars 1995. Le fait que la société Bilton's ait acquis les murs d'une partie des locaux commerciaux remontaient à l'année 1997.
M.[S], devenu associé de la SARL Bilton's en septembre 2002, ne peut pas valablement soutenir qu'il n'avait pas connaissance de l'existence et de la valeur des ensembles des actifs de cette société et qu'il a été trompé sur cette valeur par Mme [B] [V] .
M.[S] ne rapporte pas la preuve de manoeuvres dolosives de la part de cette dernière qui l'auraient déterminé à lui céder ses parts, étant relevé qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que Mme [B] [V] disposait d'une quelconque latitude dans l'exploitation du fonds de commerce de restaurant..
II) M.[S], ainsi que M.[D], demandent la confirmation du jugement entrepris qui a annulé la cession de 250 parts au profit de Mme [B] [V] sur le fondement de l'article L 223-14 du code de commerce, la procédure d'agrément et les statuts de la société Bilton's prévue en cas de cession des parts à un tiers n'ayant pas été respectée.
Il convient de relever en premier lieu que dans cette hypothèse, c'est M.[F] [S], cédant dans l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005, qui se prévaut de la nullité de la cession alors même qu'il doit être considéré comme étant à l'origine du non respect de la procédure d'agrément qu'il invoque, aucun élément du dossier n'établissant, comme il l'affirme, que Mme [V] lui a indiqué qu'elle se chargeait de toutes les formalités de la cession litigieuse.
L'article L 223-14 du code de commerce, applicable aux sociétés à responsabilité limitée, édicte :
'Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.
Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.'
L'article 13 des statuts de la SARL Bilton's stipule :
'...Entre les associés, les parts sont librement cessibles, mais elles ne peuvent être cédées à des personnes étrangères à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, cette majorité étant déterminée compte tenu de la personne et des parts de l'associé cédant.
...Tout projet de cession pour lequel ce consentement est requis doit être notifié par acte extra-judiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception non seulement à la société mais à chacun des associés.
Dans le délai de huit jours, à compter de cette notification, la gérance doit convoquer l'assemblée des associés, pour qu'elle délibère sur le projet de cession de parts sociales, ou consulter les associés par écrit sur ledit projet...'.
M.[D] conclut également que la cession intervenue le 30 décembre 2005 à son insu, alors qu'il était associé au même titre de M.[F] [S], cédant, est intervenue en violation des dispositions légales et statutaires sus-visées, qu'aucun projet de cession ne lui a été notifié ni à la société Bilton's et qu'il ne peut pas être pallié à cette absence de notification préalable.
Mme [B] [V] conteste l'annulation par les premiers juges de la cession de parts sociales de la SARL Bilton's intervenue le 30 décembre 2005 entre elle et M. [F] [S]. Elle conclut que si le défaut d'agrément préalable est sanctionné par la nullité de l'acte de cession concerné, cette nullité est relative, que l'acte est susceptible de confirmation, qu'en l'espèce postérieurement à l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005, bien que non soumis à l'agrément préalable de M.[D], ce dernier a accompli plusieurs actes positifs venant confirmer et valider la cession de parts en sorte qu'il ne peut plus en soulever la nullité. Elle soutient qu'en réalité par le biais de la cession de parts du 30 décembre 2005, son époux a cherché à conserver seul le contrôle du produit de la vente du fonds de commerce en faisant transférer les parts qui ne lui appartenaient pas à son épouse, à qui il ne laissait aucune latitude.
Tous les actes juridiques frappés de nullité relative peuvent être confirmés.
Il résulte des pièces régulièrement versées aux débats que :
- la promesse de vente du 10 novembre 2005, par laquelle la SARL Bilton's, représenté par M.[K] [D] son gérant, a consenti à la SARL Sainte Marie une promesse de vente du fonds de commerce de restaurant exploité [Adresse 6] prévoyait pour la signature de l'acte de vente un délai au plus tard le 31 décembre 2005.
- c'est la veille, par l'acte sous seing privé contesté du 30 décembre 2005 que Mme [B] [V] épouse [D] a acquis les 250 parts détenues par M. [F] [S] dans la SARL Bilton's,
- cet acte a fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 05 janvier 2006, en même temps que l'acte sous seing privé en date du 26 septembre 2002 conclu plus de trois ans avant et par lequel M.[F] [S] avait lui-même acquis de M. [O] [R] ces mêmes 250 parts sociales de la SARL Bilton's,
- s'agissant de cet acte de cession de parts du 26 septembre 2002, la cour relève d'une part que la version manuscrite versée aux débats porte deux signatures dont l'une, apposée après la mention 'bon pour accord de 250 parts sociales' est en réalité la signature de M.[K] [D] ainsi que l'établit la comparaison avec la signature de ce dernier apposée tant au bas de l'acte de vente du fonds de commerce du 10 janvier 2006 qu'au bas de l'acte de cession de parts du 31 mars 1995, et d'autre part qu'il n'a été enregistré à [Localité 17] Nord que le 04 janvier 2006 bordereau n°2006/6,
- quelques jours après la cession de parts contestée du 30 décembre 2005 entre M.[S], cédant, et Mme [B] [V], cessionnaire, soit le 04 janvier 2006, une assemblée générale de la SARL Bilton's a réuni M.[K] [D] et son épouse [B] [V], en qualité de seuls associés, et a autorisé M.[K] [D] en sa qualité de gérant à vendre le fonds de commerce de restaurant selon les modalités contenues dans la promesse de vente du 10 novembre 2005, vente conclue le 10 janvier 2006, date à laquelle non seulement la SARL Bilton's mais également les époux [K] [D]-[B] [V] à titre personnel ont consenti à la société Sainte Marie, cessionnaire du fonds de commerce, deux baux sur les différents locaux dont ils sont propriétaires,
- une assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2006 réunissant M.[K] [D] et Mme [B] [V] a autorisé à l'unanimité la transformation de la SARL Bilton's en société civile immobilière et a désigné ces deux associés comme co-gérants .
- les nouveaux statuts de la SCI Bilton's, dont les seuls associés sont également les époux [K] [D]-[B] [V], ont été établis et signés par eux le 19 juin 2006 et il résulte d'un extrait K bis que la SCI Bilton's a été immatriculée au RCS. de Nanterre (avec une date d'immatriculation au 22 juin 1989).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005 a été confirmé par M.[K] [D] qui n'est pas fondé à en demander la nullité, pas plus que M.[F] [S].
Il y a lieu de relever que s'il est soutenu par eux que le prix total de 100 euros ne saurait représenter la réelle valeur de la moitié des parts de la SARL Bilton's, c'est néanmoins la valeur à laquelle M.[D] proposait de fixer les parts sociales de Mme [B] [V] dans le cadre du retrait de cette dernière.
En conséquence, l'opposition formée par M.[F] [S] est mal fondée et le jugement du 10 septembre 2009 doit dès lors être infirmé en ce qu'il a :
- déclaré nul l'acte d'acquisition du 30 décembre 2005 de 250 parts sociales de la société à responsabilité limitée Bilton's, intervenu entre M. [F] [S] et Mme [B] [V],
- ordonné à Mme [B] [V] de restituer à M. [F] [S] les 250 parts sociales de la société à responsabilité limitée Bilton's, acquises le 30 décembre 2005, et à M. [F] [S] de restituer à Mme [B] [V] la somme de 100€, correspondant au prix de cette cession.
Sur la demande de retrait de la SCI Bilton's formulée par Mme [B] [V]
L'article 1869 du code civil dispose :
'Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement d'une société civile, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.
A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1849 (3e alinéa) l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée par accord amiable ou conformément à l'article 1843-4 du code civil. '
Les statuts de la SCI Bilton's ne comportant aucune stipulation sur le retrait d'un associé et n'imposant donc aucune formalité préalable, Mme [B] [V] est recevable à solliciter une autorisation judiciaire de retrait pour justes motifs.
Il résulte suffisamment des éléments de la cause que la mésentente entre M.[D] et Mme [V], seuls associés de la SCI Bilton's, dont le divorce a été prononcé et qui s'opposent tant sur le plan familial, ainsi qu'il résulte des attestations versées aux débats, qu'en ce qui concerne la transparence de la gestion de la SCI Bilton's au travers d'instances judiciaires, constitue un motif sérieux pour Mme [V] d'exercer son droit de retrait, la SCI Bilton's et M.[D] ne s'y opposant pas dans le cadre de la présente instance.
Mme [B] [V] ne formule pas d'observations sur les dispositions de l'arrêt du 28 avril 2011 relatives à ses demandes quant à l'évaluation des parts de la SCI Bilton's et quant au partage après divorce de l'indivision existant entre elle et M.[D], à la désignation d'un expert pour évaluer les biens indivis et à la licitation de ceux-ci.
Sur la demande de restitution à la société Bilton's par Mme [B] [V] d'une somme de 18.000 €
La somme de 18.000 € correspond selon les intimés à des loyers indûment perçus par Mme [B] [V] au titre du bail consenti par la société Bilton's à la société Sainte Marie depuis le 10 janvier 2006.
Mais l'acte de vente de fonds de commerce du 10 janvier 2006 rappelle, en pages 3et 4, que la SARL Sainte Marie est devenue locataire des lieux où le fonds de commerce est exploité par deux baux séparés distincts :
*un bail consenti le 10 janvier 2006 par la SARL Bilton's pour les lots de copropriété n° 8,11 et 12 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 6] dont elle était propriétaire et dans lesquels se trouve la salle principale de restaurant, ce bail étant consenti moyennant un loyer mensuel de 1.500 € par mois, soit 18.000 € par an,
* un autre bail consenti par M et Mme [K] [D] à titre personnel pour les lots 10 et 23 dont ils sont propriétaires(petite salle annexe), moyennant un loyer mensuel de 500€.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Bilton's et M. [D] de cette demande, la preuve n'étant pas rapportée que Mme [B] [V] a perçu indûment des loyers qui devaient être versés à la société Bilton's.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Reçoit l'opposition formée par M.[F] [S] à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la cour d'appel de Versailles, mais l'en déboute,
Dit que les dispositions de l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la première chambre première section de la cour d'appel de Versailles reprendront effet à l'égard de toutes les parties,
Condamne M. [F] [S] à payer à Mme [B] [V] et à M.[K] [D] la somme de 3.500 euros pour chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[F] [S] aux dépens de l'instance sur opposition, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maitre Clémentine TELLIER et de la SCP BOMMART-MINAULT
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,