COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 22G
2ème chambre 3ème section
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 NOVEMBRE 2012
R. G. No 10/ 09082
AFFAIRE :
Virginie X...
C/
Olivier, Robin, Marie, Edouard Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 09 Novembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : 1
No Section :
No RG : 2008/ 9076
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD,
Me Isabelle DURAND
Me Béatrice WEISS GOUT,
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Virginie X...
née le 11 Septembre 1966 à BOULOGNE BILLANCOURT
de nationalité Française
...
78000 VERSAILLES
Représentée par : Me Claire RICARD (avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 2010702)
Plaidant par : Me Isabelle DURAND (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
Monsieur Olivier, Robin, Marie, Edouard Y...
...
75006 PARIS
Plaidant par : Me Béatrice WEISS GOUT de la SELARL BWG ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS)
Représenté par : Me Franck LAFON (avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 20101177)
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 09 Octobre 2012, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Président,
Mme Florence LAGEMI, Conseiller,
Mme Danielle-Aimée PIQUION, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Un arrêt confirmatif de cette cour, en date du 9 mai 2006, a prononcé le divorce de Virginie X... et Olivier Y..., mariés le 30 septembre 1989, après avoir fait précéder leur union d'un contrat de séparation de biens.
Maître Z..., notaire à Saint Germain en Laye, désigné pour procéder à la liquidation des droits patrimoniaux des époux, a dressé le 16 juin 2008 un procès-verbal de difficultés et le juge commissaire a constaté le 4 février 2009 la non-conciliation des parties renvoyant l'affaire au fond.
Par jugement en date du 9 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Versailles a dit que le compte ouvert au CRÉDIT SUISSE, au nom de deux époux, devra être partagé de manière inégalitaire, à hauteur de 67, 7 % au profit de Mme Virginie X... et de 33, 3 % au profit de M. Olivier Y... et a chargé Maître Z..., notaire désigné, d'exécuter cette décision.
Mme Virginie X... a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 3 décembre 2010.
Par ses conclusions en date du 28 avril 2011, elle sollicite son infirmation et demande à la cour de condamner M. Olivier Y... à lui verser la somme totale de 259 749, 90 euros correspondant au remboursement de ses biens propres, se décomposant ainsi qu'il suit :
-138 000 euros au titre de donations reçues et du PEA,
-57 805, 40 euros au titre des plus values prélevées par celui-ci,
-59 371 euros au titre de sa part dans la vente de l'appartement acquis pendant le mariage,
-4 573, 50 euros au titre de l'indemnité d'assurance AXA personnelle VDU,
augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation en divorce.
Par ses écritures en date du 7 septembre 2011, M. Olivier Y... conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
L'ordonnance de clôture est en date du 8 mars 2012.
MOTIFS
A titre liminaire et pour une totale compréhension du litige, il convient de préciser que durant le mariage, M. Olivier Y... a toujours exercé la profession de cadre bancaire supérieur dans divers établissements, en France et en Suisse où il s'est trouvé expatrié avec sa famille, courant 2000 et 2001, alors que Mme Virginie X..., sans formation particulière, s'est consacrée à la tenue du foyer et à l'éducation des deux enfants issus de leur union.
Si cette dernière n'a bénéficié d'aucuns revenus professionnels, il est constant qu'elle a reçu de sa famille plusieurs donations.
Durant le mariage, les époux ont fait l'acquisition le 10 septembre 1991 d'un bien immobilier, sis à Vanves, qu'ils ont revendu le 27 juin 2000 pour le prix de 1 050 000 francs. Après déduction du solde du crédit, il leur est resté une somme de 649 578, 08 francs, soit
99 027, 54 euros.
A ce jour, le seul actif commun est constitué par un compte bancaire ouvert à leur deux noms auprès du CRÉDIT SUISSE dont le solde s'élevait au 7 décembre 2007 à la somme de 70 023 euros.
Dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation en date du 17 décembre 2001, un expert a été désigné, en la personne de Monsieur A..., aux fins notamment de rechercher le montant et l'origine des fonds détenus par l'une et l'autre partie sur tous les comptes ouverts depuis le 1er janvier 1993 et jusqu'à la fin des opérations d'expertise et de faire au besoin la récapitulation des sommes utilisées par les époux pour l'entretien de leur famille depuis la séparation de fait en les distinguant des sommes affectées à l'épargne.
Cet expert a déposé son rapport le 26 novembre 2003.
Mme Virginie X... reproche tout à la fois à M. Olivier Y... d'avoir prélevé partie des fonds propres reçus au titre des donations ainsi que les plus values qu'ils avaient générées et d'avoir commis des fautes de gestion qui ont eu pour effet d'entraîner leur diminution. Elle en demande la complète restitution outre sa part sur le prix de l'appartement vendu durant le mariage et une somme de 4 573, 50 euros au titre d'une indemnité d'assurance AXA.
Le premier juge l'a déboutée de ses demandes et a dit n'y avoir lieu qu'à répartition, inégalitaire mais en sa faveur, du solde du compte ouvert au CRÉDIT SUISSE, après avoir recherché l'origine des sommes qui y ont été versées.
Sur l'appropriation de fonds propres reprochée à M. Olivier Y...
Il est constant que Mme Virginie X... a reçu de divers membres de sa famille plusieurs donations durant le mariage à hauteur de la somme globale de 609 385, 13 euros. Cependant, ayant conservé la maîtrise totale sur une somme de 457 350, 78 euros, montant de la dernière donation reçue de ses grands parents le 15 décembre 1999, utilisée notamment durant la procédure de divorce pour procéder à l'achat d'un appartement à Versailles, elle limite sa demande à hauteur de 138 000 euros au titre des donations et du PEA et de 57 805, 40 euros au titre des plus values générées.
Les sommes avancées par celle-ci apparaissent surévaluées par rapport à celles retenues par l'expert dans son rapport qui a fixé à 134 000 euros les fonds perçus par cette dernière, hors dernière donation, et à 34 000 euros les plus values qui en ont été retirées, montants non sérieusement contestés par Mme Virginie X....
Ces diverses sommes, constituées principalement de valeurs mobilières qui ont fluctué dans le temps, surtout à la baisse, ont d'abord été déposées sur un compte personnel à l'appelante, intitulé NSMD, avant d'être virées sur un compte joint ouvert au nom des deux époux à la banque ABN-AMRO, employeur de M. Olivier Y... lorsqu'il s'est expatrié en SUISSE, puis sur compte ouvert au CRÉDIT SUISSE au moment de leur départ de ce pays. L'expert a retracé l'historique de ces mouvements dans un tableau figurant en page 84 de son rapport.
M. Olivier Y..., qui avait reçu procuration de son épouse, reconnaît avoir procédé à des prélèvements, entre 1997 et 2001, à hauteur de la somme de 379 000 francs à partir du compte NSMD, devenu ensuite le compte ABN-AMRO, vers l'un de ses comptes personnels utilisé pour régler les dépenses de la vie courante. Il soutient que ces prélèvements ont servi à financer le train de vie de la famille, important et en tout état de cause, supérieur aux seuls revenus de son activité professionnelle.
Il doit être précisé qu'aux termes de leur contrat de mariage, les parties n'avaient pas fixé les modalités de leur participation respective aux charges du mariage, se référant implicitement aux dispositions de l'article 214 du code civil aux termes duquel les époux y contribuent à proportion de leurs facultés respectives, étant entendu que pour fixer cette contribution, il ne faut pas prendre en compte les seules ressources en revenus des parties mais également la valeur des biens pouvant leur appartenir en propre.
Même si Mme Virginie X... conteste totalement cette utilisation, elle ne disconvient pas que son époux jouait au golf, qu'elle-même était propriétaire de deux chevaux dont elle assurait l'entretien, qu'ils fréquentaient régulièrement des restaurants, qu'ils voyageaient de façon habituelle, seuls et en famille, loisirs coûteux, pouvant difficilement être assumés avec les seuls revenus de M. Olivier Y..., certes confortables, mais très certainement insuffisants pour faire face à de telles dépenses (cf. p 47 du rapport d'expertise).
Cette utilisation des fonds prélevés à partir des donations reçues par Mme Virginie X... est confirmée par l'expert qui, après avoir récapitulé les avoirs détenus par le couple entre le 31 décembre 1992 et le 31 décembre 2001, a pu indiquer : " que ceux-ci n'avaient détenu que des fonds employés pour assurer le train de vie du couple... ce qui ne leur a pas permis de consacrer une partie importante des ressources à l'épargne " (cf. p 78) et conclure " il apparaît que Mme Virginie X... a participé au financement du train de vie familial par prélèvement sur son capital " (cf. p 81).
Cette dernière évoque encore le fait que courant 2000, M. Olivier Y... a prélevé une somme de 140 000 francs, soit 21 340 euros, sur son compte NSMD pour solder ses impôts en France, dette qui lui était personnelle. Celui-ci s'en est expliqué, justifiant auprès de l'expert avoir crédité le compte ouvert au CRÉDIT SUISSE d'une somme équivalente sur le sort de laquelle il contiendra de statuer dans le cadre de la répartition des fonds le constituant.
Pour le surplus des sommes dont a disposé l'appelante, il est certain que l'évolution défavorable des cours de bourse, notamment à partir de l'année 2000, ont conduit à une déperdition très importante du solde de ses avoirs, qui a été viré sur le compte ouvert au CRÉDIT SUISSE dont il constitue partie de l'actif.
De l'ensemble de ces éléments, il ressort que Mme Virginie X... ne justifie nullement d'une appropriation par M. Olivier Y... de fonds lui appartenant en propre. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les fautes de gestion reprochées à M. Olivier Y...
Aux termes des dispositions de l'article 1539 du code civil, si pendant le mariage, l'une des époux confie à l'autre l'administration de ses fonds personnels, les règles du mandat sont applicables.
En l'espèce, il appartient à Mme Virginie X... qui soutient qu'elle avait confié à M. Olivier Y... l'entière gestion des comptes bancaires sur lesquels ont été déposées les diverses donations reçues de sa famille d'établir l'existence d'une faute commise par ce dernier dans le cadre de cette gestion.
Cette faute ne saurait résulter de la seule baisse de valeur de ces avoirs ou du fait qu'il a été procédé par M. Olivier Y... à certains arbitrages car comme l'a indiqué l'expert dans son rapport " les bourses européennes ont connu entre 2000 et 2002 de fortes chutes et au cas présent, il s'agit d'un véritable effondrement puisque les actifs au 31 décembre 2002 ne représentaient plus que 30, 7 % de l'investissement initial " (cf p. 69).
A l'appui de sa demande, Mme Virginie X... évoque des opérations passées sur le Monep, marché dont elle soutient qu'il est particulièrement risqué, ou la revente d'actions de " sociétés phares du CAC " au profit de sociétés moins réputées.
Il convient cependant de constater que celle-ci ne produit aucun élément chiffré à l'appui de ses affirmations et que les choix opérés par M. Olivier Y..., qu'elle qualifie de " stratégie étonnante ", ne sauraient constituer une faute dans l'exécution du mandat qu'elle lui avait confié en lui donnant procuration sur ses différents comptes.
Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a débouté Mme Virginie X... de sa demande à ce titre.
Sur la répartition de la somme constituant l'actif du compte ouvert au CRÉDIT SUISSE
Il est constant que ce compte a été provisionné à hauteur de 114 336, 76 euros par des fonds provenant du solde des donations de Mme Virginie X... ainsi que du montant du PEA ouvert au nom de celle-ci mais alimenté par les revenus de son époux pour un montant de 3 987, 18 euros, de 22 730, 60 euros par des fonds virés par M. Olivier Y... en remboursement de la somme prélevée sur le compte NSMD de son épouse pour solder sa dette fiscale à son départ pour la Suisse et par le solde du prix de vente de l'appartement, acquis aux termes de l'acte de propriété, indivisément par les époux et à hauteur de 50 % chacun, d'un montant de 97 704, 12 euros.
Mme Virginie X... conteste la répartition de ce prix faite par le premier juge en soutenant qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une créance de M. Olivier Y... au titre du remboursement des emprunts contractés pour cette acquisition qui a été réalisé dans le cadre de sa contribution normale aux charges du mariage.
Il convient effectivement de constater que M. Olivier Y... ne justifie pas que ces remboursements effectués pour l'acquisition d'un bien indivis qui a constitué pendant plusieurs années le logement familial ont pu excéder sa part contributive aux charges du mariage et ce, d'autant plus qu'il a été admis supra que Mme Virginie X... a participé à celles-ci par prélèvement sur son capital.
En conséquence, la répartition du prix de vente sera faite par référence au calcul de l'expert en page 62 de son rapport, c'est à dire en prenant en compte le montant des apports personnels inégalitaires versés par chacun des époux. La part revenant à Mme Virginie X... sur ce prix ressort donc à la somme de 59 371 euros en principal et celle de M. Olivier Y... à 38 333, 08 euros.
Ainsi, il doit être retenu que le compte ouvert au CRÉDIT SUISSE a été alimenté par Mme Virginie X... à hauteur de 192 450, 18 euros (110 348, 58 euros +
22 730, 60 euros et 59 371 euros) et par M. Olivier Y... à hauteur de 42 320, 26 euros
(3 987, 18 euros + 38 333, 08 euros), soit à hauteur de 82 % pour la première et de 18 % pour le second.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en date du 9 novembre 2010 sauf en ce qui concerne les modalités de partage du compte ouvert au CRÉDIT SUISSE,
STATUANT à nouveau de ce chef,
DIT que le compte ouvert au CRÉDIT SUISSE devra être partagé à hauteur de 82 % au profit de Mme Virginie X... et de 18 % au profit de M. Olivier Y...,
DIT n'y avoir lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉCLARE les dépens frais privilégiés du partage et dit qu'il seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, président et par Monsieur LANE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT