COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 14A
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2013
R.G. N° 11/08015
AFFAIRE :
[C] [Y]
C/
SA SEBDO SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT
...
Décision déférée à la cour :
ordonnance de référé rendue le 01 Juillet 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 10/55833
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS,
Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES -
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE TREIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation Première chambre civile du 6 octobre 2011 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS ( Pôle 1 - Chambre 1) le 23 juillet 2010 (N° 331) sur appel de l'ordonnance de référé rendue le 1 er juillet 2010 par le tribunal de grande instance de Paris RG 10/55833
Monsieur [C] [Y]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
assisté de Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617,
Plaidant par Me Lorraine DELVA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT
S.E.B.D.O.
immatriculée au RCS de [Localité 2] sous le numéro 312 408 784
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 2] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
assistée de Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120538, Me Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0141
Monsieur [W] [O]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
assisté de Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120538,
Plaidant Me Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0141
Monsieur [R] [U]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 6] (USA)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
assisté de Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120538,
Plaidant Me Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0141
*
Monsieur [X] [E]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 1]
assisté de Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 624 - N° du dossier 000517,
ayant pour avocat Me Benoît CHARRIERE-BOURNAZEL , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R139
INTERVENANT VOLONTAIRE
EN PRESENCE DE MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL représenté à l'audience par Monsieur CHOLET, avocat général, à qui la cause a été communiquée.
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mai 2013, Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT ;
Vu l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS du 1er juillet 2010 ayant, notamment :
- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande,
- rejeté l'ensemble des demandes formées par [C] [Y]
- rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel du PARIS du 23 juillet 2010 ayant, notamment :
- déclaré irrecevable l'intervention d'[X] [E],
- confirmé en toutes ses dispositions la décision entreprise,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 6 octobre 2011 ayant cassé cette décision en toutes ses dispositions et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de VERSAILLES ;
Vu la déclaration de saisine du 10 novembre 2011 par laquelle [C] [Y] a saisi la cour d'appel de VERSAILLES en tant que juridiction de renvoi ;
Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 avril 2013 ayant, notamment, constaté l'incompétence de ce magistrat pour connaître des exceptions de nullité relatives à la procédure de première instance, et rejeté la demande de sursis à statuer ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 mai 2013 aux termes desquelles [C] [Y] demande à la cour de :
- déclarer Messieurs [U] et [O] et la SEBDO irrecevables en leur demande de sursis à statuer,
Subsidiairement,
- débouter la SEBDO, Messieurs [U] et [O] de leur demande de sursis à statuer,
En tout état de cause,
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et en toutes ses demandes,
- confirmer l'ordonnance du Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Paris du 1er juillet 2010 en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'irrecevabilité de l'assignation délivrée le 22 juin 2010,
- infirmer l'ordonnance du Juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS du 1er juillet 2010 pour le surplus et en ce qu'elle a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens,
- ordonner à la SEBDO, Société d'exploitation hebdomadaire Le Point, le retrait dans les 48 heures suivant le prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, de toute publication (retranscription écrite ou audio) de tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de Madame [H] sur le site www.lepoint.fr et/ou dans le cadre de toute autre publication, papier électronique ou autre, éditée par la Société d'exploitation hebdomadaire Le Point et/ou avec son assistance directe ou indirecte,
- faire injonction à la Société d'exploitation hebdomadaire Le Point, de ne pas publier (retranscription ou extraits audio) tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de Madame [H] sur toute publication, électronique papier ou autre, éditées par elle et/ou avec son assistance directe ou indirecte, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de diffusion et par extrait publié,
- ordonner la publication en première page dans le prochain numéro de l'hebdomadaire Le Point à paraître immédiatement après la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10.000€ par numéro de retard, du communiqué suivant : « LE POINT condamné à la demande de Monsieur [C] [Y] :
Par arrêt du ---- 2012 du Juge des référés de la Cour d'Appel de Versailles, la Société éditrice de l'hebdomadaire le POINT et du site www .lepoint.fr a été condamnée à publier le présent communiqué pour avoir publié, dans ses numéros 1970 du 17 juin 2010 et 1972 du 1er juillet 2010 et sur le site www.lepoint.fr, les extraits d'enregistrements clandestins de conversations privées et confidentielles entre Monsieur [C] [Y] et Madame [H] ».
- préciser que ce communiqué devra être publié en haut de la première page de couverture de l'hebdomadaire, en caractères jaunes sur fond noir dans un encart de 21 cm sur 6 cm,
- ordonner la publication dans un délai de 48 heures suivant le prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, en haut de la page d'accueil du site internet www.lepoint.fr du même communiqué, dans un bandeau qui devra recouvrir au moins 25 % de la page d'accueil en lettres jaunes sur fond noir, pendant un délai de 8 jours à compter de la première diffusion,
- condamner solidairement la Société d'exploitation hebdomadaire Le Point (SEBDO), Messieurs [U] et [O] au paiement de la somme de 20.000 € à titre de provision en réparation du préjudice moral très grave et persistant qui lui a été causé,
- ordonner que la décision à intervenir soit exécutoire sur minute,
- condamner solidairement la Société d'exploitation hebdomadaire Le Point (SEBDO), Messieurs [U] et [O], à lui verser la somme de 10.000 euros au titre l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la Société d'exploitation hebdomadaire Le Point (SEBDO), Messieurs [U] et [O], de toutes demandes contraires ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 mai 2013, aux termes desquelles [W] [O], [R] [U] et la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'SEBDO' demandent à la cour de :
- déclarer [C] [Y] mal fondé en son appel principal,
- les recevoir en leur appel incident et déclarer cet appel bien fondé,
- infirmant sur ce point l'ordonnance dont appel, déclarer nulle la requête aux fins d'assignation en référé d'heure à heure ainsi que l'assignation elle-même et toute la procédure subséquente,
A défaut,
- déclarer leur demande de sursis à statuer recevable et bien fondée,
- ordonner le sursis à statuer dans le cadre de la présente instance, jusqu'à ce que la procédure d'instruction en cours à BORDEAUX sous le numéro E11/00008 ainsi que celle ouverte sous le numéro E12/12 et le cas échéant la procédure correctionnelle qui pourrait en découler devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX soit close par une décision définitive ;
Subsidiairement,
- déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes de [C] [Y] relatives aux publications intervenues dans LE POINT les 24 juin et 1er juillet 2010,
- confirmant sur ce point l'ordonnance dont appel, dire n'y avoir lieu à référé et rejeter l'ensemble des demandes formées par [C] [Y],
En tout état de cause,
- condamner [C] [Y] à payer à la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT - HEBDO une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 avril 2013, aux termes desquelles [X] [E], intervenant volontaire, demande à la cour de :
- dire qu'il est recevable et bien fondé en son intervention volontaire,
- dire qu'il y a lieu de maintenir à la disposition de la justice les originaux des enregistrements effectués pour valoir preuve de l'authenticité des retranscriptions,
- rejeter toute demande de suppression des enregistrements ou toute mesure d'interdiction de les publier,
- confirmer en tous points l'ordonnance du 1er juillet 2010,
- condamner l'appelant à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2013 ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des éléments contradictoirement débattus que dans son numéro 1970 daté du 17 juin 2010, l'hebdomadaire LE POINT a publié dans la rubrique Société un article annoncé en page de couverture par le bandeau ' [Q] [H] LES REVELATIONS DU MAÎTRE D'HÔTEL' sous le titre 'LES ENREGISTREMENTS SECRETS DU MAÎTRE D'HÔTEL', et le sous-titre 'Affaire [H].
Les conversations de la milliardaire avec ses proches, captées à leur insu, révèlent une femme sous influence' ; qu'il ressort de cet article que le maître d'hôtel de [Q] [H] avait, une année durant, capté les conversations tenues dans la salle de l'hôtel particulier de [Localité 4] où [Q] [H] tenait ses 'réunions d'affaires' avec certains de ces proches, dont [C] [Y], chargé de la gestion de sa fortune, avant de remettre les 28 CD sur lesquels ont été consignés les enregistrements ainsi obtenus à [D] [H] [I], laquelle les a transmis à la brigade financière ;
Qu'autorisé à assigner d'heure à heure par décision du président du tribunal de grande instance de PARIS du 21 juin 2010, [C] [Y] a, le 22 juin 2010, fait assigner la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'SEBDO', [R] [U], directeur de publication de l'hebdomadaire LE POINT et [W] [O], journaliste, en référé, au visa des articles 485, 808 et 809 du code de procédure civile, des articles 226-1 et 226-2 du code pénal et de l'article 9 du code civil ; qu'il a été débouté de ses demandes par ordonnance du 1er juillet 2010 confirmée par arrêt de la cour d'appel de PARIS du 23 juillet 2010 ; que par arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 6 octobre 2011, cette décision a été cassée en toutes ses dispositions et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel de VERSAILLES ;
*
Sur le sursis à statuer
Considérant que la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'SEBDO', [R] [U] et [W] [O], défendeurs à la saisine, demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur les procédures ouvertes sous le numéro E11/00008 ainsi que celle ouverte sous le numéro E12/12 devant le juge d'instruction de BORDEAUX et dans le cadre de laquelle [R] [U] et [W] [O] ont été mis en examen le 29 mars 2012 pour infraction à l'article 226-2 du code pénal ; qu'ils estiment que l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état rejetant cette demande n'a pas autorité de la chose jugée, dès lors, selon eux, que seules en sont revêtues les ordonnances statuant sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance ; que seules de telles ordonnances peuvent faire l'objet d'un déféré devant la cour, en application de l'article 916 du code de procédure civile ;
Qu'en réponse, [C] [Y] oppose l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que la question du sursis à statuer relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, et que cette question a été tranchée par ordonnance d'incident du 25 avril 2013 ; qu'en toute hypothèse, la règle suivant laquelle le criminel tient le civil en l'état ne s'applique pas en matière de référé, où les décisions sont dépourvues au principal d'autorité de la chose jugée ; que l'article 5-1 du code de procédure pénale autorise expressément la saisine du juge des référés même en cas de constitution de partie civile devant la juridiction répressive ; qu'il ajoute qu'il serait contraire à une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale pour connaître de l'action en référé, étant observé que les enregistrements sont toujours en ligne et le préjudice qu'il subit continue de s'aggraver ;
Considérant que les dispositions de l'article 771 du code de procédure civile n'interdisent pas à la cour d'examiner une demande de sursis à statuer, précédemment examinée et rejetée par le conseiller de la mise en état, et présentée à nouveau devant elle ; qu'il convient, en outre, de relever que la demande de sursis à statuer examinée par le conseiller de la mise en état ne visait pas la procédure ouverte sous le numéro E12/12, mentionnée dans la demande présentée à la cour, pour autant qu'il s'agisse d'une procédure distincte ;
Considérant, sur le fond de la demande de sursis à statuer, que la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état n'est pas applicable devant le juge des référés, dont les décisions, de caractère provisoire, sont dépourvues au principal de l'autorité de la chose jugée ;
Que l'intérêt d'une bonne administration de la justice n'exige pas, au cas particulier, qu'il soit sursis à l'examen de la présente affaire dans l'attente d'une décision définitive sur les informations judiciaires actuellement en cours, étant rappelé que l'article 5-1 du code de procédure pénale dispose que même si le demandeur s'est constitué partie civile devant la juridiction répressive, la juridiction civile, saisie en référé, demeure compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l'objet des poursuites, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;
Qu'il convient de rejeter la demande de sursis à statuer présentée ;
Sur la recevabilité des demandes
Considérant que les défendeurs à la saisine soutiennent que les demandes relatives à la publication, les 24 juin et 1er juillet 2010, d'autres extraits que les enregistrements visés par l'assignation constitueraient des prétentions nouvelles et, par suite, irrecevables ; que les parutions en date des 24 juin et 1er juillet 2010 correspondraient à des faits de publication distincts, avec des contenus distincts, pour lesquels [C] [Y] n'a pas cru devoir assigner l'hebdomadaire LE POINT à la suite de la parution de nouveaux extraits des enregistrements aux dates considérées;
Qu'en réponse, [C] [Y], se prévalant de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 octobre 2011, rétorque que ces demandes ne constituent pas des prétentions nouvelles, étant rappelé qu'aux termes de son assignation, il demandait devant le premier juge qu'il soit fait interdiction aux défendeurs de publier tout ou partie de ces enregistrements sur tout support, électronique, papier ou autre ;
Considérant que les demandes présentées concernant les publications datées des 24 juin et 1er juillet 2010, issues des mêmes enregistrements, tendent aux mêmes fins et constituent le complément de celles dont a été saisi le premier juge, compte tenu de l'évolution des circonstances de fait ; qu'il convient de les déclarer recevables, en application de l'article 566 du code de procédure civile ;
Sur l'intervention volontaire
Considérant qu'au soutien de son intervention volontaire, [X] [E] expose qu'il a été informé par voie de presse de ce que [Z] [B] avait porté plainte contre lui auprès du doyen des juges d'instruction pour diffamation publique, au motif qu'il l'aurait accusée d'avoir concouru à la fraude fiscale de [Q] [H] dont elle était la salariée à travers une société Clymène ;
Que les enregistrements de conversations rendus publics par LE POINT, dont la suppression et l'interdiction sont demandées à la cour, doivent pouvoir être produits lors de l'audience publique au cours de laquelle il sera éventuellement jugé à la demande de [Z] [B] ;
Que tout en estimant déplorable que ces enregistrements aient pu être effectués et qu'au mépris du secret professionnel, ils se retrouvent communiqués dans diverses procédures, il fait valoir que, dans l'éventualité où ils seraient supprimés ou que leur diffusion soit interdite, il serait dans l'impossibilité, le moment venu, de s'en prévaloir dans le procès en complicité de diffamation publique l'opposant à [Z] [B]
Que [C] [Y] ne s'exprime pas sur cette demande dans ses conclusions ;
Considérant qu'[X] [E], qui ne produit au soutien de ses demandes, qu'une citation à comparaître le 11 août 2011 devant le tribunal correctionnel de PARIS pour des faits de diffamation publique, sans, au demeurant, renseigner la cour sur l'état de cette procédure déjà ancienne, ne démontre pas que les demandes présentées par [C] [Y] dans le cadre de la présente procédure préjudicieraient à ses intérêts ;
Qu'il convient de le débouter de ses demandes ;
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
Considérant qu'au soutien de son appel, [C] [Y] fait tout d'abord grief à l'ordonnance entreprise d'avoir considéré à tort que l'article 226-1 du code pénal visait la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des seules paroles portant sur des faits de nature confidentielle ou privée ; que le premier juge a ainsi ajouté un élément matériel au texte qui prévoit que l'atteinte à l'intimité de la vie privée est caractérisée dès lors que la captation porte sur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; qu'il importe peu que les paroles aient ou non porté sur des faits de nature privée ou publique, la seule exigence étant qu'elles aient été prononcées à titre privé et dans un cadre privé ; qu'il n'existe, à cet égard, aucune divergence d'analyse entre la 1ère chambre civile de la Cour de cassation ayant rendu l'arrêt du 6 octobre 2011, et la chambre criminelle, contrairement à ce que suggèrent les défendeurs à la saisine ;
Qu'il soutient, d'autre part, que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ne légitime pas des atteintes au droit au respect de la vie privée par la nécessité de faire prévaloir le droit à l'information ; que les précédents cités par les défendeurs à la saisine ne sont pas pertinents ; qu'il relève, au contraire, que dans une espèce présentant certaines similitudes avec la présente affaire, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que des restrictions à la liberté de publier certains actes de procédure , telles que celles prévues à l'article 83, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, n'empêchent par l'analyse ou le commentaire des actes concernés ou la publication d'une information dont la teneur a été puisée dans la procédure elle-même, mais se borne à interdire toute reproduction littérale de ces actes ;
Que de la même façon, l'interdiction de publier la transcription d'écoutes réalisées en violation de l'article 226-1 du code pénal, si elle constitue une restriction à la liberté d'expression, est prévue par la loi dans le but légitime de sanctionner le droit au respect de la vie privée, mais ne vise nullement à interdire l'analyse et le commentaire de cette affaire ;
Qu'en réponse, la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'SEBDO', [R] [U] et [W] [O] soutiennent tout d'abord que, selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, il ne suffit pas de démontrer le caractère clandestin de la captation des paroles concernées, mais il faut en outre, pour caractériser le délit prévu aux articles 226-1 et 226-2 du code pénal, que les paroles captées relèvent de l'intimité de la vie privée ; que cette exigence résulte d'une intention précise du législateur que confirme l'examen des travaux parlementaires ;
Qu'ainsi, [C] [Y], en indiquant qu'il est expressément visé par les enregistrements qui se sont tenus au domicile de [Q] [H] pour en déduire qu'il serait directement victime de cette captation illicite des échanges privés qu'il aurait pu avoir au domicile de celle-ci, ne caractérise pas l'élément constitutif de l'infraction ;
Qu'ils relèvent, au contraire, que les enregistrements publiés ne concernent pas l'intimité de la vie privée de [C] [Y] ; que les verbatims publiés par l'hebdomadaire LE POINT ne portent que sur les rapports entre [Q] [H] et [G] [P], sur le rôle de [C] [Y] dans cette relation, sur la manière dont il prépare le procès de [Localité 3], sur les libéralités envisagées ou consenties ou profit de l'un et de l'autre, ou sur la succession de [Q] [H] ; que ces enregistrements révèlent des agissements potentiellement frauduleux ;
Qu'ils soutiennent que la publication était en tout état de cause légitime au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la nécessité d'informer le public dans une société démocratique ; que la Cour européenne des droits de l'homme rappelle couramment la mission qui est celle de la presse à cet égard, et qui est de mettre au jour des événements soustraits à la connaissance du public, particulièrement lorsque ces événements concernent la vie publique et les institutions, ce qui est évidemment le cas en l'espèce ; qu'ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme fait, selon eux, prévaloir la recherche de l'information sur le secret et la confidentialité ;
Qu'ils ajoutent, enfin, qu'en agissant en référé sous couvert de l'article 226-1 du code pénal, [C] [Y] prive LE POINT d'un débat sur le travail d'enquête et sur le contenu de l'article ; que [C] [Y] ayant fait le choix de débattre d'un délit purement matériel, les défendeurs s'estiment ainsi privés des moyens de défense propre à la presse ;
*
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté par les défendeurs que les enregistrements ont été effectués dans un lieu privé, à l'insu des personnes qui s'y trouvaient, et notamment de [C] [Y], pendant une période qui s'est étendue de mai 2009 à mai 2010, au moyen de la pose d'un appareil enregistreur par le maître d'hôtel de [Q] [H] ; qu'il n'est pas davantage contesté que les défendeurs à la saisine avaient conscience du caractère illicite de la provenance de ces enregistrements, les articles publiés se référant à des 'échanges volés' (LE POINT n° 1970), des 'dialogues volés' ou encore des 'enregistrements secrets' (LE POINT n° 1972) ;
Que ces enregistrements, pratiqués de façon clandestine, ont, par leur localisation et leur durée, nécessairement conduit leur auteur à pénétrer dans l'intimité des personnes concernées et de leurs interlocuteurs ;
Qu'il importe peu que les défendeurs aient procédé à un tri au sein des enregistrements diffusés pour ne rendre publics que les éléments ne portant pas atteinte, selon eux, à la vie privée des personnes concernées ; que la cour observe, surabondamment, que les propos tenus par [C] [Y], qui expriment ponctuellement des sentiments ou des jugements de valeur, ou traduisent des attentes personnelles vis-à-vis de [Q] [H], ne l'ont été que parce que l'intéressé était assuré du caractère confidentiel des échanges auxquels il a participé, ainsi que le révèlent les enregistrements publiés qui montrent qu'en une occasion au moins, il a vérifié que personne n'écoutait aux portes ;
Que la diffusion par les défendeurs d'enregistrements qu'ils savaient provenir d'une intrusion dans la sphère intime de [Q] [H] et de la violation du caractère confidentiel de paroles échangées par [C] [Y] avec l'intéressée et d'autres personnes caractérise le trouble manifestement illicite exigé par l'article 809 du code de procédure civile, au regard des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, visés dans l'assignation ;
Qu'il résulte par ailleurs de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'exercice de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations comporte des responsabilités et peut être soumis à certaines restrictions, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles;
Que l'exigence de l'information du public dans une société démocratique énoncée à l'article 10 de la convention susvisée, qui aurait pu être satisfaite par un travail d'investigation et d'analyse mené sous le bénéfice du droit au secret des sources, ne peut légitimer la publication, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui, affirmé par l'article 8 de ladite convention ;
Qu'il importe peu, enfin, que, depuis leur publication, les informations concernées aient été reprises, analysées et commentées par la presse, dès lors qu'il résulte de l'accès aux enregistrements litigieux par le biais du site www.lepoint.fr un trouble persistant à l'intimité de la vie privée de [C] [Y] ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de prescrire les mesures sollicitées dans les termes énoncés au dispositif du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la publication d'un communiqué ;
Que c'est en vain que les défendeurs à la saisine soutiennent que la mesure d'injonction de ne plus publier tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites constituerait une interdiction a priori faite à la presse d'écrire, autrement dit une censure préalable ; que cette injonction n'est en effet que le prolongement pour l'avenir de l'interdiction ordonnée ;
Qu'en ce qui concerne le montant de la provision sollicitée, il convient de fixer à la somme de 1.000 euros le montant alloué à [C] [Y] à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que les défendeurs à la saisine succombant dans leurs prétentions doivent supporter les dépens, à l'exception de ceux exposés par [X] [E], qui seront laissés à la charge de ce dernier ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
INFIRME l'ordonnance rendue le 1er juillet 2010 par le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS, sauf en ce qui concerne le rejet des exceptions de procédure ;
REJETTE la demande de sursis à statuer,
DÉCLARE recevables les demandes présentée par [C] [Y] concernant les publications intervenues les 24 juin et 1er juillet 2010 ;
STATUANT à nouveau sur les demandes présentées,
-ORDONNE le retrait du site www.lepoint.fr , dans les huit jours suivant la signification du présent arrêt sous astreinte, passé ce délai, de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, de toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de [Q] [H], sur le site www.lepoint.fr ,
-FAIT injonction à la Société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'S.E.B.D.O.' de ne plus publier tout ou partie des enregistrements illicites réalisés au domicile de [Q] [H], sur tous supports, électronique, papier ou autre, édités par elle et/ou avec son assistance directe ou indirecte, et ce sous astreinte de 10.000 euros par extrait publié à compter de la signification du présent arrêt ;
-CONDAMNE in solidum la Société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'S.E.B.D.O.', [R] [U] et [W] [O] à verser à [C] [Y] la somme de 1.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
Y AJOUTANT,
-DÉBOUTE [X] [E] de son intervention volontaire,
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT qu'[X] [E] conservera la charge de ses propres dépens ;
CONDAMNE la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT 'SEBDO', Messieurs [U] et [O] aux surplus des dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,