COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
15ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 26 MARS 2014
R.G. N° 12/05263
AFFAIRE :
SAS KEMPPI FRANCE
C/
[T] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE
Section : Encadrement
N° RG : 12/00096
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean-françois LANG
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS KEMPPI FRANCE
[T] [E]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS KEMPPI FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-françois LANG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0061
APPELANTE
****************
Madame [T] [E]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Madame Nathalie BOUTARD, Vice-Président placé,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
EXPOSÉ DU LITIGE
[T] [E] a été engagée par la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE, filiale d'un groupe finlandais qui fabrique et vend des postes de soudure, par contrat à durée indéterminée non écrit à compter du 15 novembre 2001, en qualité d'assistance de direction, assimilée cadre, niveau VI échelon 2 de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970.
Elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 16 novembre 2011.
Le salaire mensuel moyen était, en dernier état de 2 853,73 euros.
Au moment des faits, l'entreprise employait habituellement plus de dix salariés.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[T] [E] ayant contesté son licenciement et formé une demande indemnitaire subséquente devant le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie, celui-ci a, par jugement entrepris du 19 novembre 2012 :
DIT que le licenciement d'[T] [E] était sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNÉ la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE à payer à [T] [E] la somme de 16 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, conformément à l'article 1153-1 du code civil,
ORDONNÉ à la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE de rembourser à Pôle Emploi le montant des allocations chômage perçues par [T] [E] dans la limite maximum de 6 mois, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail,
ORDONNÉ l'exécution provisoire, en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,
CONDAMNÉ la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTÉ la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE en ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive et en indemnité de procédure,
DIT que la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE supporterait les entiers dépens comprenant les éventuels frais d'exécution.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé la société KEMPPI FRANCE contre cette décision.
L'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 5 février 2014, en l'état des demandes suivantes, contenues dans des conclusions déposées au greffe et soutenues oralement :
pour la société KEMPPI FRANCE :
- réformer le jugement entrepris,
- débouter [T] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner celle-ci à lui payer la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre toute amende civile, ainsi que 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
pour [T] [E] :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société KEMPPI FRANCE à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts "pour le caractère dénigrant, vexatoire et abusif de ses dires et conclusions",
- débouter la société KEMPPI FRANCE de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société KEMPPI FRANCE à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par elles et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien fondé du licenciement :
Pour justifier le licenciement d'[T] [E], la société KEMPPI FRANCE mentionne, dans la lettre qu'elle lui a adressée le 16 novembre 2011 et dont les termes fixent les limites du litige :
- l'instauration de relations conflictuelles avec ses collègues, allant même jusqu'à créer un violent incident le 30 septembre 2011 avec une collègue enceinte, à la suite duquel celle-ci a été placée en arrêt de maladie,
- le refus de sa part, malgré une demande écrite, d'établir un bref rapport sur cet incident,
- la non exécution de tâches précises,
- le refus d'exécuter des tâches essentielles de son travail malgré les demandes et rappels de ses collègues, qu'elle "envoie promener" avec véhémence,
- le refus de donner des indications simples aux clients qu'elle a au téléphone, certains s'étant plaint par écrit, l'un d'eux indiquant notamment, la citant nommément : "quand on l'a plusieurs fois au téléphone, elle nous met directement en attente sans prendre la peine de décrocher".
S'agissant du "violent incident" du 30 septembre 2011 avec [H] [G], "executive assistant" comme [T] [E], la société KEMPPI FRANCE ne produit aucune attestation de cette personne, ni d'un autre collègue témoin, mais se contente de verser des échanges de courriels entre les deux salariées, desquels il ressort qu'[T] [E] reproche à [H] [G] ses retards, la contraignant à prendre des appels téléphoniques à sa place, ce à quoi cette dernière a vivement réagi par un courriel du 30 septembre 2011, dont étaient en copie [F] [Z], Directeur commercial et [O] [M], Directeur général de la société.
Un courriel agressif du 6 avril 2011 de [H] [G] à l'égard d'[T] [E], produit aux débats, montre déjà une tension existante entre les deux salariées
Ainsi, la preuve de ce prétendu "violet incident" n'est pas rapportée, pas plus, comme la justement noté le conseil de prud'hommes, le fait qu'[T] [E] en soit à l'origine.
En ce qui concerne l'absence d'établissement du "bref mémo" sur cet incident, réclamé par [O] [M] à [T] [E], par courriel du 4 octobre 2011, cette dernière justifie ne pas y avoir répondu directement, mais avoir adressé un long courriel à [X] [S], vice-président et directeur des ressources humaines du Groupe, le 17 octobre 2011, dans lequel elle fait un historique de ses relations avec sa collègue, [H] [G], dont elle se dit stupéfaite de la réaction.
Dans ce long courriel, elle explique que [O] [M] la rendait responsable de cet incident, ce qui explique qu'elle a préféré s'en ouvrir à son interlocuteur finlandais, dont la lettre de licenciement indique d'ailleurs qu'il est intervenu en médiateur dans cette affaire.
Dans ces conditions, le reproche d'un refus d'établir un bref rapport d'incident n'est pas fondé.
Sur le refus d'exécution de "tâches précises et essentielles", la lettre de licenciement ne les énumère pas, mais la société KEMPPI FRANCE produit plusieurs courriels à ce sujet.
Ainsi un courriel du 21 octobre 2011, d'[F] [Z], lui fait reproche de ne pas avoir traité prioritairement des commandes et factures pour les produits HYPERTHERM, occupée qu'elle était à faire des traductions pour la Finlande.
Un autre courriel de [U] [A], du 19 octobre 2011, évoque aussi l'absence d'édition de bulletins de livraisons depuis le 12 octobre 2011 pour ces mêmes produits et dans un autre, daté du 21 octobre 2011, celui-ci évoque aussi des commandes clients qui prennent de plus en plus de retard "depuis l'arrêt de maladie de [H]". [U] [A] écrit également à [T] [E], le 7 octobre 2011 pour lui demander de faire le nécessaire à propos d'une commande ou d'une liste de prix ou bien de lui répondre.
Sur ces points, somme toute fort limités, [T] [E] fait valoir la perturbation liée à l'absence de sa collègue, la surcharge d'activité qui s'en est suivie, une panne de routeur, non contestée du 29 septembre au 4 octobre 2011, génératrice de retards dans la transmission des ordres donnés. Outre le fait que la preuve n'est pas rapportée que les quelques dysfonctionnements cités soient imputables à [T] [E], les éléments qu'elle fait valoir l'exonèrent suffisamment du reproche ainsi formulé par son employeur.
Enfin, à propos du prétendu refus d'[T] [E] de donner des indications simples aux clients, sont mis aux débats cinq courriels de clients, dont deux évoquent un "manque de motivation" de sa part, sans précision sur le contenu de cette appréciation subjective, un autre son "incompétence", particulièrement dans le domaine commercial, dont elle dit ne pas être spécialiste, en tout état de cause moins que sa collègue absente, [H] [G].
Quant à sa réponse au client [Y] [W], du 18 octobre 2011, si l'employeur peut être suivi sur son caractère maladroit, elle témoigne néanmoins de ses meilleurs efforts pour satisfaire à la demande du client et ne peut être retenue au titre des refus de donner des indications simples au client, lequel se plaint, en l'occurrence, d'un trop long délai de saisie.
Il résulte de tout cela que les reproches formulés à l'encontre d'[T] [E] ne peuvent justifier son licenciement.
Dès lors, les premiers juges ont, à bon droit, dit que le licenciement d'[T] [E] était sans cause réelle et sérieuse et justement fixé, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 16 000 euros correspondant au préjudice qu'elle a subi, compte tenu de son ancienneté dans la société de plus de dix ans, de son salaire de référence, qui ne souffre aucune contestation, et de l'absence d' éléments relatifs à sa situation actuelle.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes indemnitaires :
[T] [E] qui sollicite de la société KEMPPI FRANCE le paiement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts "pour le caractère dénigrant, vexatoire et abusif ses dires et conclusions", se verra déboutée de cette demande nouvelle, qu'elle n'étaye ni ne développe devant la cour.
La société KEMPPI FRANCE, succombant, sera quant à elle déboutée de sa demande indemnitaire en application de l'article 32-1 du code de procédure civile pour le caractère prétendument abusif de la demande en justice d'[T] [E].
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Selon l'article L.1235-4 du code du travail : "Dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées."
En l'espèce, il convient également de confirmer le jugement sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable d'allouer à [T] [E] une indemnité de procédure de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris du conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie du 19 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE à payer à [T] [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société par actions simplifiée KEMPPI FRANCE aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,