COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 AVRIL 2014
R.G. N° 12/00552
MAB/AZ
AFFAIRE :
[M] [L]
C/
SA EDF EN SERVICES ANCIENNEMENT DENOMMEE SCITE PERISTYLE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 09/03056
Copies exécutoires délivrées à :
Me Thibaut DE SAINT SERNIN
la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés
Copies certifiées conformes délivrées à :
[M] [L]
SA EDF EN SERVICES ANCIENNEMENT DENOMMEE SCITE PERISTYLE
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [M] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant en personne, assisté de Me Thibaut DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P525
APPELANT
****************
SA EDF EN SERVICES ANCIENNEMENT DENOMMEE SCITE PERISTYLE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuelle BARBARA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant lettre d'engagement du 11 décembre 2007 et contrat à durée indéterminée daté du lendemain, M. [L] a été embauché en qualité de chef de service exploitation, statut cadre position 3-1 coefficient 170, par la société Scite Péristyle, issue de la fusion - selon convention du 19 juillet 1996- des sociétés Péristyle et S.C.I.T.E. ; depuis le 27 juillet 2009, la société se dénomme la société EDF EN services ; la société qui compte au moins onze salariés appartient au groupe EDF énergies nouvelles.
Les parties ont confirmé que M. [L] a pris ses fonctions à compter du 21 janvier 2008.
Son poste était basé à [Localité 1] dans l'[Localité 2]; son contrat de travail prévoyait que les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective du personnel des bureaux d'étude technique et des cabinets d'ingénieurs conseils dite Syntec.
Le salaire de M. [L], initialement fixé à 65 000 euros par an a été porté à 68 333 euros en 2009 .
Un avenant du 23 avril 2009 a déterminé les règles fixant les modalités des astreintes.
A la fin de l'année 2008, il a été demandé à M. [L] de signer un document intitulé 'transfert d'exploitation' , produit sous la pièce 28 de la société, ce que le salarié n'a pas accepté.
Le 10 juillet 2009, M. [L] a accepté de signer une rupture conventionnelle avec son employeur ; il s'est cependant rétracté de son accord par courrier du 23 juillet suivant.
Par lettre recommandée en date du 5 août 2009, la société a convoqué M. [L] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 18 août 2009 auquel le salarié ne s'est pas présenté ; celui-ci qui fait parvenir un e-mail en date du 17 août 2009 à la société pour l'informer de son arrêt de maladie du 17 au 21 août 2009 n' a pas sollicité le report de cet entretien.
Par courrier recommandé du 7 septembre 2009, la société a licencié M. [L] pour motif personnel .
Le salarié qui a contesté son licenciement par courrier du 15 septembre 2009, a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 21 septembre 2009 .
En dernier lieu, devant bureau de jugement du 11 octobre 2011, le salarié demandait au conseil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
* juger que la société EDF EN services est soumise de plein droit au statut des industries électriques et gazières qui n'autorise pas les licenciements,
* juger son licenciement nul,
* ordonner sa réintégration dans l'entreprise, le paiement des salaires échus entre le jour de l'expiration du contrat de travail et le jour de la réintégration et la remise de bulletins de salaire conformes, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
* ordonner que lui soient attribuées 560 actions gratuites de la société EDF énergies nouvelles,
* condamner la société EDF EN services à lui verser les sommes suivantes :
- 1 800 euros à titre de complément sur la rémunération variable de l'année 2008 et 180 euros pour les congés payés correspondants,
- 7 475 euros à titre de rémunération variable sur l'année 2009 outre 747,50 euros pour les congés payés correspondants,
- 1 166,64 euros à titre de rappel d'astreintes,
- 65 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 10 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société concluait au débouté de M. [L] et sollicitait sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
* dit que le licenciement de M. [L] était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
* dit que la demande de reconnaissance de 'l'applicabilité' du statut des industries électriques et gazières à la société EDF EN services est mal fondée,
* débouté M. [L] de ses demandes afférentes au statut des industries électriques et gazières,
* condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
- 1 800 euros pour complément de prime 2008 ainsi que des congés payés afférents pour 180 euros,
- 7 475 euros au titre de la prime de 2009 ainsi que les congés payés afférents de 747,50 euros,
- 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté M. [L] de ses autres demandes,
* débouté la société de sa demande au titre des frais de procédure,
* limité l'exécution provisoire à l'exécution provisoire de droit et fixé le salaire moyen mensuel des trois derniers mois à 5 694 euros,
* dit que les intérêts seront calculés à compter du jour où la société a eu connaissance de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 8 novembre 2009, pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire,
* condamné la société aux dépens.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée dont le salarié a signé l'avis de réception le 13 janvier 2012.
M. [L] a régulièrement relevé appel de la décision par lettre recommandée postée le 18 janvier 2012.
Après un renvoi sollicité par M. [L], l'affaire a été plaidée à l'audience du 3 février 2014.
Selon ses dernières écritures développées à l'audience, M. [L], assisté de son conseil, demande à la cour de :
* confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à ses demandes en matière de rémunération variable et au titre des frais de procédure,
* l'infirmer totalement pour le surplus et, statuant à nouveau,
A titre principal,
* dire que les salariés d'EDF EN services relèvent de plein droit du statut des industries électriques et gazières,
* dire que ce statut n'autorise pas les licenciements pour motif disciplinaire,
* dire que le motif de son licenciement n'est pas fondé,
* en conséquence, dire que son licenciement est réputé nul et non avenu,
* ordonner sa réintégration de plein droit, à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard,
* condamner la société EDF EN services à lui verser la somme de 319 804 euros au titre des salaires dus pendant la période antérieure à sa réintégration,
* condamner la société à lui octroyer 560 actions gratuites de la société EDF énergies nouvelles,
A titre subsidiaire,
* dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamner EDF EN services à lui verser la somme de 215 000 euros au titre de l'article L 1235-3 du code du travail,
En tout état de cause,
* condamner la société EDF EN services à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant des circonstances ayant présidé à son licenciement,
* la condamner à reverser au Pôle emploi six mois d'allocations chômage,
* fixer la date de départ des intérêts de retard à la date de convocation du défendeur en bureau de conciliation, soit le 5 octobre 2009 et ordonner la capitalisation des intérêts,
* condamner la société EDF EN services à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, M. [L] a actualisé sa demande au titre des salaires dus pendant la période antérieure à sa réintégration à la somme de 343 599 euros.
Selon ses dernières écritures, la société EDF EN services demande à la cour de :
Sur le licenciement,
A titre principal ,
- juger que les manquements reprochés à M. [L] dans la lettre de licenciement sont établis,
- juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
- juger que le statut des industries électriques et gazières qui n'interdit pas de procéder au licenciement des salariés qui y sont soumis, ne lui est pas applicable,
- débouter en conséquence M. [L] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si la cour considérait abusif le licenciement de M. [L],
- juger qu'il ne peut prétendre qu'à des dommages-intérêts pour licenciement abusif en l'absence de textes prévoyant la nullité ou de violation d'une liberté fondamentale,
- limiter le montant des dommages-intérêts à de justes proportions,
- débouter M. [L] de sa demande au titre du préjudice distinct,
- le débouter de ses demandes au titre des actions gratuites,
Sur les demandes au titre de la rémunération variable,
débouter M. [L] de ses demandes ou, à tout le moins, le débouter de ses demandes au titre de la rémunération variable pour l'année 2008 et limiter le montant des rappels de salaires à titre de rémunération pour l'année 2009 à la somme de 4 632,50 euros outre 463,25 euros de congés payés afférents,
En tout état de cause,
condamner M. [L] aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties , aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS :
Sur la demande au titre de la rémunération variable :
M. [L] sollicite de ce chef la confirmation du jugement qui a condamné la société intimée à lui verser la somme de 1 800 euros à titre de complément de prime variable pour l'année 2008, outre les congés payés afférents, ainsi que celle de 7 475 euros au titre de la prime variable pour l'année 2009 outre les congés payés correspondants, l'appelant soulignant que la société s'est abstenue de lui fixer des objectifs tant pour l'année 2008 que pour l'année 2009.
La société intimée s'oppose à toute demande au titre de la rémunération variable en faisant valoir qu'il était impossible de déterminer des objectifs à M. [L] compte tenu de son refus d'effectuer les missions qui lui étaient confiées ; elle souligne qu'elle lui a versé en tout état de cause la somme de 6 000 euros pour les travaux qu'il a menés du 1er mars 2008 au 31 mars 2009 et qu'en conséquence, elle n'est plus redevable d'aucune somme au titre de l'année 2008 et que subsidiairement, pour l'année 2009, elle ne saurait être condamnée à lui régler davantage que
4 632,50 euros et les congés payés correspondants, M. [L] ayant quitté la société le 8 décembre 2009.
Comme l'a relevé le conseil, l'article 4 du contrat de travail de M. [L] prévoit qu'outre sa rémunération fixe annuelle brute payable sur 13 mois, il perçoit - également annuellement- une rémunération variable pouvant atteindre 12 % de son salaire annuel, le contrat précisant expressément que 'le montant de cette rémunération variable sera lié à la réalisation d'obectifs définis et évalués conjointement entre le directeur exploitation et maintenance' et M. [L].
Il n'est pas contesté qu'en contradiction avec ces dispositions contractuelles, aucun objectif n'a été fixé à M. [L] que ce soit pour l'année 2008 que pour l'année 2009 ; la société ne pouvait s'exonérer de cette obligation et ne peut valablement invoquer le refus par M. [L] de signer le document valant transfert d'exploitation, dès lors que ce transfert d'exploitation ne valait que pour l'année 2009 et qu'il existe une discussion sur l'application de ce transfert d'exploitation au regard des dispositions du contrat de travail du salarié.
Par conséquent, faute de fixation des objectifs conformément à la convention signée entre les parties, c'est à juste titre que le conseil a alloué à M. [L], en plus de la rémunération variable de 6 000 euros que la société lui a versée en mars 2009 à valoir sur l'exercice 2008, la somme de 1 800 euros, 12 % de la rémunération fixe de 65 000 euros représentant 7 800 euros, outre les congés payés correspondants de 180 euros ; de même c'est à juste titre que le conseil a alloué à M. [L] pour la période allant jusqu'au terme de son préavis le 7 décembre 2009, la somme de 7 475 euros outre les congés payés correspondants de 747,50 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef, sous la seule précision que les sommes allouées correspondent à du salaire brut.
Sur l'application du statut des industries électriques et gazières :
M. [L] soutient qu'il relève de ce statut en faisant valoir que celui-ci s'applique indistinctement à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière sans que la société intimée ne puisse valablement prétendre qu'il ne s'appliquerait qu'aux entreprises assurant des activités de production, de transport, de distribution ou de commercialisation ; il ajoute que la société intimée reconnaît qu'elle exerce une activité d'exploitation et que cette activité qui consiste notamment à assurer le contrôle des parcs éoliens et photovoltaïques et à envoyer des salariés en intervention sur des installations électriques, ne saurait être distinguée de celle relative à la production, cette distinction étant artificielle puisque la société assure l'exploitation des sites de production ; il ajoute qu'en tout état de cause, la société intimée est elle même un producteur d'électricité à part entière et relève à ce titre du statut ; enfin il fait valoir que le groupe EDF énergie nouvelles auquel la société appartient a mis en place un système organisationnel, consistant à dissocier les sites de production des structures qui en assurent l'exploitation, afin d'écarter le personnel de ces structures de l'application plus favorable du statut.
La société EDF EN services soutient au contraire qu'elle n'est pas soumise au statut national du personnel des industries électriques et gazières en faisant valoir que son activité principale n'est pas la production d'électricité mais la vente de services à d'autres entreprises qui sont propriétaires des installations de production et notamment la maintenance de parcs éoliens et de centrales photovoltaïques, la société soulignant qu'elle a toujours exercé des prestations de services et ce, bien avant d'appartenir au groupe EDF énergies nouvelles, l'intimée ajoutant qu'elle n'intervient pas sur l'électricité produite qui reste la propriété de ses clients et est commercialisée par eux ; elle soutient que l'activité d'exploitation doit être ainsi distinguée de l'activité de production et des autres activités qui emportent application du statut, à savoir les activités de distribution, transport et commercialisation d'électricité et ajoute que l'activité de production qu'elle ne conteste pas avoir n'est que résiduelle et ne peut justifier l'application du statut à ses salariés ; l'intimée expose enfin que son appartenance au groupe EDF ne saurait davantage entraîner l'application automatique du statut des industries électriques et gazières en rappelant dans quelles conditions elle a évolué et selon quelles modalités les sociétés de projet, propriétaires des sites de production, ont été créées.
L'article 47 de la loi 46-628 du 8 avril 1946 - dans sa rédaction applicable aux relations entre M. [L] et la société EDF EN services- définit ainsi le champ d'application du statut des industries électriques et gazières :
' Ce statut s'appliquera à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière, y compris les usines exclues de la nationalisation par l'article 8, à l'exception des ouvriers mineurs employés par les centrales et les cokeries des houillères et des employés des chemins de fer qui conservent, sauf demande de leur part, leur statut professionnel. Il ne s'appliquera ni au personnel des centrales autonomes visées aux paragraphes 4° et 5° du troisième alinéa de l'article 8 de la présente loi, ni à l'ensemble du personnel de l'une quelconque des installations visées au paragraphe 6° du troisième alinéa de l'article 8 ci dessus, si la majorité de ce personnel a demandé à conserver son statut professionnel. (...)', les paragraphes précités de l'article 8 visant notamment les installations de production d'électricité fonctionnant comme accessoire de la fabrication principale par récupération d'énergie résiduaire, les aménagements de production d'énergie lorsque la puissance installée des appareils de production n'excède pas 8 000 kVA et les installations réalisées en vue d'utiliser le pouvoir calorifique des résidus et déchets collectés.
Le décret 46-1541 du 22 juin 1946, pris pour l'application de la loi précitée, dans sa rédaction également applicable entre les parties, dispose que le statut des industries électriques et gazières ' s'applique à l'ensemble du personnel ( ouvriers, employés, agents de maîtrise, cadres administratifs et techniques) en situation d'activité ou d'inactivité:
a) des services nationaux et des services de distribution créés par les articles 2 et 3 de la loi du 8 avril 1946,
b) des entreprises de production et de distribution exclues de la nationalisation,
c) de la Caisse nationale de l'énergie'
Au regard de ces dispositions qui ont été notamment instaurées à l'égard du personnel des sociétés qui assuraient la production du gaz et de l'électricité afin d'assurer, par ce statut plus favorable, une continuité certaine de la distribution d'énergie au public, il a été considéré que relevaient du statut des industries électriques et gazières les entreprises ayant pour objet de produire, transporter ou distribuer de l'électricité et du gaz.
L'article 25 de la loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 qui a modifié l'article 47 précité a conforté cette appréciation puisqu'il est désormais précisé- en outre du texte précédent- que 'ce statut s'applique à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière en situation d'activité ou d'inactivité, en particulier celui des entreprises de production, de transport, de distribution, de commercialisation et de fourniture aux clients finals d'électricité ou de gaz naturel, sous réserve qu'une convention collective nationale du secteur de l'énergie, qu'un statut national ou qu'un régime conventionnel du secteur de l'énergie ne s'applique pas au sein de l'entreprise'.
C'est au regard de cette définition des industries électriques et gazières- qui ne saurait être étendue au delà des limites ainsi fixées dès lors que le statut est exorbitant des dispositions de droit commun- qu'il doit être recherché si la société EDF EN service a une activité qui relève de ce statut, étant précisé qu'il doit être considéré- comme pour déterminer quelle convention collective est applicable à une société- que l'application du statut doit être définie en fonction de l'activité principale de la société.
Ainsi s'il est exact que la société EDF EN services, à la suite des évolutions qui sont intervenues, notamment dans son capital social, est désormais filiale de la société EDF énergies nouvelles, elle même filiale de la société EDF, les salariés de ces deux sociétés relevant du statut des industries électriques et gazières dès lors que ce sont des sociétés qui produisent de l'électricité, les salariés de la société intimée ne peuvent de ce seul fait bénéficier du statut des industries électriques et gazières et il appartient à la cour d'apprécier l'activité principale de l'intimée.
Il convient de relever que :
- sur le Kbis de la société intimée, il est mentionné comme activités de l'établissement principal, la conception, l'étude, la maîtrise d'oeuvre et l'ingénierie,
- les statuts de la société- produits en pièce 11 de l'intimée- mentionnent qu'elle a pour objet ' toutes activités de conception, d'étude, de maîtrise d'oeuvre et d'ingénierie ainsi que l'exploitation directe ou indirecte d'établissements commerciaux ou industriels de toute nature ; et plus généralement toutes opérations financières, commerciales, industrielles, civiles, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un des objets spécifiés ou à tout autre objet similaire ou connexe',
- la société qui a embauché M. [L] , alors dénommée la société Scite- péristyle , est issue de la fusion de deux sociétés à savoir, à la lecture de la pièce 48 de l'intimée, :
**la société Péristyle ayant pour objet social ' les études techniques de toutes sortes y compris l'ingénierie et la coordination de construction, l'exercice de la profession de maître d'oeuvre et de maître d'ouvrage délégué, l'achat de terrains en vue de leur construction de constitution de réserve foncière ou de lotissement, toute activité de marchands de biens, la promotion immobilière, la construction directement ou par sous-traitance de tous immeubles à usage d'habitation, industriel, commercial ou administratif, la réhabilitation de toutes constructions',
** et la société S.C.I.T.E. ayant pour objet social ' toutes activités de conception, d'étude, de maîtrise d'oeuvre et d'ingénierie ainsi que l'exploitation directe ou indirecte d'établissements commerciaux ou industriels de toute nature' , les statuts de la société - sous la pièce 49 de l'intimée- précisant également qu'elle avait plus généralement pour objet ' toutes opérations financières, commerciales, industrielles, civiles, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un des objets spécifiés ou à tout autre objet similaire ou connexe' ,
- les rapports de gestion établis à l'occasion du dépôt des comptes annuels de la société mentionnent, au titre de l'activité de la société pour les années 2008 et 2009 ( pièces 8 et 10 de la société ), que dans le cadre de l'exploitation des parcs éoliens et des centrales photovoltaïques, la division opération et maintenance du groupe- au travers de la société intimée- assure la supervision à distance des installations, ce dispositif permettant de conduire et de superviser à distance le fonctionnement des installations, mesurer leurs performances en temps réel ainsi que de collecter les données nécessaires à l'analyse et à la correction des écarts aux prévisions ; le rapport ajoute que la société intimée s'est diversifiée pour développer son activité d'exploitation de maintenance et de supervision dans l'éolien et étendre son domaine de développement au delà de l'exploitation de centrales thermiques qui était son activité 'historique' et prendre en charge la supervision de nouveaux parcs éoliens.
Ainsi, au vu de ces éléments, il apparaît que la société a développé , depuis de nombreuses années, un savoir faire technique lui permettant d'assurer l'exploitation- c'est à dire la mise en valeur, la maintenance et le bon fonctionnement des installations des sociétés auprès desquelles elle intervient et notamment désormais, des parcs éoliens et installations photovoltaïques.
L'activité d'exploitation de la société intimée- dont il n'est pas discutable qu'elle ne se confond ni avec l'activité de transport et de distribution d'électricité ni avec l'activité de commercialisation d'électricité- ne peut se confondre davantage avec l'activité de production qui est l'activité par laquelle un opérateur transforme à partir d'installations techniques une énergie primaire en énergie électrique et tire ses revenus de la vente de l'énergie ainsi produite.
A l'examen du chiffre d'affaires de la société EDF EN services, s'il apparaît d'ailleurs que celle-ci a une activité de production d'électricité - répertoriée dans ses comptes annuels sous la rubrique ' production vendue de biens', cette activité de production est résiduelle par rapport au chiffre d'affaires total de la société puisque ce chiffre d'affaires relatif à la production d'électricité était de 10 % du chiffre d'affaires total au 31 décembre 2008 et était encore moins élevé au 31 décembre 2009 puisqu'il n'était plus que de 6,8%, le chiffre d'affaires de la société étant pour l'essentiel constitué de la 'production vendue de services'.
Cette activité de production d'électricité qui reste résiduelle pour la société intimée ne permet pas qu'elle se voit reconnue une activité de producteur d'électricité, celle-ci ne constituant qu'une petite part de ses revenus.
En outre, comme ne le conteste pas M. [L], il est constant que ce sont des sociétés distinctes de la société EDF EN services qui sont propriétaires des installations de production- notamment des parcs éoliens et des centrales photovoltaïques-, qui assurent la commercialisation de l'énergie produite et en perçoivent les revenus.
La société intimée explique que ces sociétés ont été constituées lors de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie afin de permettre le financement et les investissements nécessaires à la création de ces installations de production, ces sociétés - en contrepartie des investissements consentis- percevant le produit de la vente de l'énergie.
La séparation des activités de production des activités d'exploitation ne saurait révéler une fraude aux droits des salariés- notamment de la société EDF EN services- dès lors qu'il est constant que la société EDF EN services qui était indépendante du groupe EDF jusqu'à l'année 2000, exerçait déjà ses activités de prestataires de services pour des sociétés tiers avant l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie.
Par conséquent, les salariés de la société EDF EN services ne peuvent bénéficier du statut des industries électriques et gazières ; le jugement sera confirmé de ce chef.
M. [L] sera donc débouté de toutes ses demandes afférentes à l'application de ce statut.
Sur le licenciement de M. [L] :
La lettre de licenciement datée du 7 septembre 2009 et adressée à M. [L] motive ainsi son licenciement :
(....) ' Nous entendons par la présente, en conséquence, vous notifier votre licenciement pour les raisons suivantes :
- Vous avez été embauché par la Société Scite Peristyle par contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 janvier 2008 en qualité de Chef de Service d'Exploitation.
- En cette qualité, vous appartenez à la Direction Exploitation et Maintenance qui a été créée à la suite d'une décision du Conseil d'Administration en juillet 2007, faisant partie dans ce cadre des premiers collaborateurs à rejoindre cette nouvelle Direction.
- Votre rôle consistait dans un premier temps à participer au lancement de l'activité Exploitation et Maintenance, à la construction du Service Exploitation, à son organisation et à la création des outils qui lui sont nécessaires ainsi qu'à leur amélioration continue en fonction du retour d'expérience.
- L'exercice de vos fonctions implique l'exploitation des installations éoliennes et solaires photovoltaïques et leur supervision conformément au titre qui vous est dévolu de Chef de Service d'exploitation.
Afin de vous donner tous les moyens d'assumer vos fonctions de Chef de Service Exploitation, vous avez suivi la formation habilitation électrique en qualité de Chargé de Travaux, Chargé d'Intervention et Chargé de Consignation ainsi que la formation travail en hauteur vous permettant d'assumer alors pleinement votre délégation de transfert d'exploitation.
En outre, la Direction vous a remis, comme à l'ensemble des membres de la Direction Exploitation et Maintenance, le carnet de prescriptions d'EDF qui décrit les responsabilités et missions du Chef de Service d'Exploitation.
En effet, la loi « POPE » N° 2005-781 du 13 Juillet 2005 définit les conditions de raccordement au réseau public d'électricité des producteurs indépendants. A ce titre, le propriétaire des installations de production signe une convention d'exploitation avec le gestionnaire du réseau public d'électricité, pour pouvoir se raccorder au réseau : celle-ci explicite les conditions et contraintes d'exploitation et en particulier désigne précisément le responsable de l'exploitation de l'ouvrage. Dans le cadre de projets neufs, la responsabilité d'exploitation est généralement assumée par le constructeur jusqu'à la mise en service industrielle de l'ouvrage où elle est transférée au responsable d'exploitation désigné par le propriétaire.
Vous êtes informé depuis toujours de l'existence de ces dispositions réglementaires et avez participé à de nombreux Comités de Direction au cours desquels vous avez défini, présenté et discuté, ainsi que validé les missions, enjeux, moyens et actions à court terme à mener pour permettre à la Société de se doter d'un Service Exploitation opérationnel.
Nous vous avons, à l'occasion des mises en service industrielles successives de nos ouvrages, demandé de bien vouloir signer la délégation de transfert d'exploitation le 19 décembre 2008 ([Localité 3]) puis les 15 avril et 24 avril 2009 (mise en place de l'astreinte pour l'exploitation des postes HTB Ablis, Salle Curans et [Localité 4]).
Dans votre courrier que vous nous avez adressé en date du 23 juillet, vous manifestez de nouveau votre refus de signer cette délégation. Aussi, nous devons considérer votre refus réitéré de signer cette délégation comme un refus d'obtempérer et d'exercer votre fonction qui nous conduit donc à prendre une décision de licenciement à votre égard.
- Les éléments que vous avez soulevés afin de justifier un tel refus ne sont pas fondés. Vous avez reçu toutes les formations et disposé de tous les moyens en vue d'exercer pleinement vos fonctions et assumer la délégation de transfert d'exploitation.
- Conscient des limites de votre refus, vous avez accepté d'entrer en discussion avec nous en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle - chacun étant assisté d'un Conseil-, rupture conventionnelle que vous avez acceptée le 10 juillet 2009 puis sur laquelle vous vous êtes rétracté le 23 juillet 2009 ;
Lors de la notification de votre rétractation, vous avez réitéré votre refus de signer la délégation de transfert d'exploitation motivée par des craintes d'assumer des responsabilités d'exploitation.
Vous avez notamment fait valoir que la Formation APAVE sur les risques électriques vous semble insuffisante pour vous permettre de valider les plans de prévention.
Cette remarque ne fait que démontrer vos craintes comme une certaine incompréhension du rôle de Chef de Service Exploitation, ainsi que de ses limites et interfaces avec les autres acteurs de l'Exploitation et Maintenance.
Vous avez également fait valoir que vous n'avez pas eu le pouvoir d'imposer un contrôle de présence dans les locaux HTA pour la centrale photovoltaïque de [Localité 3] et les autres postes de livraison électriques HTB ou HTA.
Or, nous vous rappelons que tous les postes électriques HTA et a fortiori HTB sont équipés de dispositifs de surveillance et d'alarme anti-intrusion dont l'objectif même est de détecter une ouverture des accès à ces locaux.
Vous indiquez enfin que vous n'avez pas de pouvoir hiérarchique sur l'équipe Poste qui exploite les équipements électriques . Malgré vos nombreuses discussions avec [H] [T] et moi-même sur ce sujet, vous exposez une mauvaise représentation sur le fond des rôles et responsabilités d'exploitation qui ne supposent pas de disposer du pouvoir hiérarchique pour permettre la mise en 'uvre de vos fonctions.
Comme tous les autres prétextes que vous avez soulevés, ceux-ci ne fondent aucunement votre refus d'assumer votre délégation de transfert d'exploitation.
- En conséquence, le nouveau refus de signature de la délégation que vous avez exprimé dans votre courrier du 23 juillet 2009, en dépit de nos efforts constants de trouver une solution, comme en témoignent nos nombreux entretiens et considérant que la mise en 'uvre d'une rupture conventionnelle, comme la signature du document de rupture conventionnelle témoignent de votre responsabilité dans le refus de signer une telle délégation, nous conduit donc à vous notifier votre licenciement en raison de votre refus d'assumer votre mission de Chef de Service d'Exploitation.
Votre préavis est d'une durée de trois mois qui commencera à la date de la première présentation de la présente lettre que nous vous dispensons d'effectuer. (...)'
M. [L] soutient que son refus de signer le document que son employeur lui a soumis à la fin de l'année 2008 n'est pas fautif dès lors que ce document constitue bien une délégation- même si la société l'a contesté dans ses écritures de première instance-, que lors de la signature de son contrat de travail, aucune délégation de signature n'était ni prévue ni même envisagée et que celle-ci accroît ses responsabilités, ce qui constitue une modification des responsabilités liées aux fonctions pour lesquelles il a été engagé et par conséquent une modification de son contrat de travail, qu'il était en droit de refuser.
La société intimée soutient que le licenciement de M. [L] est justifié par une cause réelle et sérieuse dès lors que les activités et responsabilités décrites dans le document de synthèse intitulé 'transfert d'exploitation' - produit sous sa pièce 28- sont inhérentes aux fonctions du salarié qui n'avait pas de motif légitime de refuser de signer ce document, la société ajoutant que si la définition du poste de M. [L] telle qu'elle ressort de ce document relatif au transfert d'exploitation n'a pu être émise qu'à l'issue de la mise en place définitive de l'activité exploitation et de maintenance , M. [L] avait cependant 'pleinement conscience',dès sa prise de poste en janvier 2008, qu'en sa qualité de chef de service exploitation, il serait nécessairement conduit à endosser des responsabilités opérations sur l'exploitation des installations.
Il est constant que le motif du licenciement de M. [L] est constitué par son refus de signer 'la délégation de transfert d'exploitation ' qui lui a été soumise ; ce refus ne peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement que si le salarié n'avait pas de motif légitime de refuser de signer ce document.
Deux documents ont été soumis par la société intimée au salarié : un document intitulé 'désignation du chargé d'exploitation' daté du 18 décembre 2008 produit sous la pièce 6 du salarié et un document produit sous la pièce 28 de la société, daté du 18 juin 2009, intitulé ' transfert d'exploitation' ; ces deux documents - qui sont très proches dans leur rédaction- présentent les missions confiées à M. [L] en sa qualité de chargé d'exploitation ; ils lui transfèrent également les prérogatives d'exploitation de ses supérieurs - M. [T], directeur exploitation et maintenance qui reportait lui même au président directeur général de la société, M. [F]-sur les centrales éoliennes et les centrales photovoltaïques situées en France métropolitaine et précisent que 'dans le cadre de sa mission, M. [L] est responsable des risques liés à ces ouvrages, des accès aux ouvrages et des activités qui sont effectuées sur ces ouvrages'.
Les termes précités ne permettent pas de douter que ces documents constituent une délégation de pouvoirs susceptible d'engager la responsabilité, notamment pénale, du salarié.
Or le contrat de travail signé par M. [L] en sa qualité de chef de service exploitation- département exploitation et maintenance- ne prévoit aucunement que les fonctions qui lui ont été confiées nécessitent la signature d'une délégation de pouvoirs en lien avec son activité au sein du service exploitation.
Une telle délégation - accroissant les responsabilités du salarié- constitue ainsi une modification de l'étendue des fonctions du salarié et donc une modification de son contrat de travail, la fonction constituant un élément de l'essence de ce contrat ; elle nécessitait l'accord du salarié, ce qu'a admis implicitement la société puisque elle a soumis cette délégation à la signature de M. [L] ; elle ne peut donc valablement prétendre désormais que cette délégation- qui nécessitait un accord exprès de son salarié- était inhérente à ses fonctions ; elle ne produit en outre aucun élément concomittant à la signature du contrat de travail pour justifier de la réalité de l'affirmation selon laquelle M. [L] aurait eu 'pleinement conscience' , lors de la signature de son contrat, des responsabilités qui seraient les siennes dans le cadre de l'exploitation des sites dont la maintenance était assurée par la société.
M. [L], compte tenu de l'accroissement de ses responsabilités résultant de la signature de ce transfert d'exploitation, pouvait légitimement refuser de signer ce document, peu important que des collègues de l'appelant - qui occupaient des fonctions d'un niveau équivalent au sien, voir des fonctions moins élevées - aient accepté ces transferts d'exploitation.
Compte tenu de la modification du contrat de travail qu'aurait entraîné l'acceptation de cette délégation, l'employeur de M. [L] ne pouvait donc le licencier pour avoir refusé cette modification.
Par conséquent, le licenciement de M. [L] est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement :
M. [L] avait moins de deux années d'ancienneté dans la société qui employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture de son contrat de travail ; en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, il doit être indemnisé des conséquences de la rupture de son contrat de travail à hauteur du préjudice qu'il a subi.
M. [L] a été licencié alors qu'il était âgé de 46 ans, qu'il comptait une ancienneté de plus de 18 mois au sein de la société et que son salaire mensuel- calculé sur les douze derniers mois précédent son licenciement au vu de l'attestation Assedic produite en pièce 19 de l'appelant- était de 6 533, 83 euros ; il justifie qu'inscrit auprès de Pôle emploi, il a perçu à compter du 16 janvier 2010 des indemnités de chômage d'un montant mensuel moyen de 3 820 euros et que la société qu'il a créée a eu un résultat déficitaire au cours des exercices 2011 et 2012, M. [L] justifiant qu'il a perçu à compter de janvier 2013 le RSA et précisant, selon ses déclarations faites à l'audience, qu'il a retrouvé un emploi très récemment et qu'il effectue sa période d'essai.
Compte tenu de ces éléments et de l'ancienneté relativement modérée de M. [L] au sein de la société intimée, celle-ci sera condamnée à lui verser la somme de 40 000 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral :
M. [L] sollicite la condamnation de la société intimée au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral qu'il soutient avoir subi- indépendamment de la perte de son emploi- du fait du comportement de son employeur dont il soutient qu'à compter de la fin de l'année 2008 il a tout fait pour dégrader ses conditions de travail et a orchestré sa déstabilisation pour le forcer à signer une délégation.
La société intimée s'oppose à toute demande à ce titre en faisant valoir qu'elle a- contrairement à ce que soutient son salarié- fait preuve d'une grande patience à l'égard de ce dernier.
S'il est constant que la société a demandé à plusieurs reprises à son salarié de signer la délégation litigieuse et qu'en raison du refus de ce dernier elle a procédé à son licenciement, il n'est cependant pas justifié d'un comportement fautif de l'employeur en dehors du fait qu'il a procédé au licenciement injustifié de M. [L]- indemnisé du préjudice tant matériel que moral consécutif à ce licenciement- , étant précisé que le seul fait que M. [L] justifie qu'à deux reprises au cours de l'exécution de son contrat de travail , du 11 au 18 mai 2009 puis du 17 au 21 août 2009, il a été en arrêt de travail pour 'troubles physiques et psychiques réactionnelles à des tensions professionnelles' puis pour 'syndrome anxio-dépressif' , ne suffit pas à démontrer que ces problèmes de santé sont consécutifs à un comportement fautif de son employeur.
M. [L] sera débouté de toute demande indemnitaire à ce titre.
Sur la demande au titre des actions gratuites :
M. [L] sollicite la condamnation de la société EDF EN services à lui octroyer 560 actions gratuites de la société EDF énergies nouvelles en faisant valoir qu'il a perdu le bénéfice de l'attribution de ces actions en raison de son licenciement illicite.
La société s'oppose à cette demande en faisant valoir que s'il s'est effectivement vu attribuer 560 actions gratuites, la condition d'attribution effective de ces actions était qu'il soit toujours présent dans la société le 30 octobre 2010 et que tel n'est pas le cas en raison de son licenciement intervenu par lettre du 7 septembre 2009.
Il est constant - au regard des pièces produites - que par deux courriers du 26 novembre 2008, la société EDF énergies nouvelles a indiqué à M. [L] que le conseil d'administration de la société avait décidé de lui attribuer 560 puis 60 actions gratuites de la société en lui précisant notamment que celles-ci ne lui seraient effectivement attribuées qu'au terme d'une période dite d'acquisition expirant le 30 octobre 2010.
Il est certain qu'en raison de son licenciement, M. [L] n'a pu effectivement bénéficier des actions qui lui étaient destinées et qu'il a ainsi subi une perte de chance ; compte tenu du caractère abusif de son licenciement que la cour a jugé sans cause réelle et sérieuse, cette perte de chance est imputable à la société intimée.
Cependant cette perte de chance ne peut être réparée que par l'allocation de dommages-intérêts et ne saurait être indemnisée par l'attribution des actions gratuites telle qu'elle est sollicitée par M. [L] qui sera par conséquent débouté de toute demande de ce chef.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les indemnités de chômage :
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par EDF EN services aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [L] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois.
Sur les autres demandes :
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ; le jugement sera confirmé de ce chef s'agissant des condamnations confirmées au titre de la rémunération variable.
La capitalisation des intérêts sollicitée par le salarié sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont remplies à l'égard de M. [M] [L] auquel il sera alloué la somme de 2 000 euros en sus de la somme allouée en première instance, au titre des frais de procédure qu'il a exposés.
La société EDF EN services, condamnée en paiement, sera déboutée de sa demande à cet égard.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 11 janvier 2012 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Dit que le licenciement de M. [M] [L] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société EDF EN services à payer à M. [M] [L] la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Ordonne le remboursement par la société intimée aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [L] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois,
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions non contraires, notamment en ce que M. [L] ne peut bénéficier de l'application du statut des industries électriques et gazières et que toutes ses demandes liées à l'application de ce statut sont rejetées,
Dit que les sommes auxquelles la société a été condamnée au titre des rémunérations variables pour les années 2008 et 2009 et des congés payés afférents correspondent à des salaires brut,
Y ajoutant :
Déboute M. [L] de sa demande au titre du préjudice moral distinct de la rupture de son contrat de travail,
Condamne la société EDF EN services à verser à M. [M] [L] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée en première instance,
Déboute la société EDF EN services de ses demandes devant la cour,
Condamne la société EDF EN services aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Noëlle ROBERT, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT