COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
HB
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 MAI 2014
R.G. N° 12/01375
AFFAIRE :
[G] [V]
C/
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-RP
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 11-00354
Copies exécutoires délivrées à :
[G] [V]
URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-RP
Copies certifiées conformes délivrées à :
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
APPELANT
****************
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS-RP
représentée par M. [R] en vertu d'un pouvoir spécial du 25 mars 2014
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,
M. [V] a exercé une activité de consultant sous forme libérale et était affilié pour celle-ci au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants à partir du 10 avril 1997.
Il a demandé a être radié du registre SIRÈNE et à être rattaché au régime général de la sécurité sociale à compter du 31 décembre 2008 en vue d'exercer une activité salariée.
Par acte du 14 février 2011, l'URSSAF lui a fait délivrer une contrainte pour obtenir paiement de la somme de 6 490,00 euros correspondant aux cotisations échues au titre du régime des travailleurs indépendants entre le 4ème trimestre 2007 et le 1er trimestre 2009 outre les pénalités et majorations de retard.
M. [V] a formé opposition à cette contrainte devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Hauts de Seine le 23 février 2011.
Il a été convoqué le 11 juillet 2011 devant ledit Tribunal et a formé devant cette juridiction des demandes tendant à :
- surseoir à statuer dans l'attente des jugements des Conseils de Prud'hommes de Longjumeau, Nanterre et Paris sur ses demandes de reconnaissance du statut de salarié;
- annuler la contrainte délivrée;
- voir dire qu'il n'est redevable d'aucune cotisation pour l'année 2009;
À titre subsidiaire:
- se voir accorder des délais pour le paiement des cotisations réclamées.
Par jugement du 31 janvier 2012, Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a débouté M. [V] de ses demandes et a validé la contrainte.
Les magistrats de cette juridiction ont considéré que M. [V] n'avait produit aucune pièce démontrant son statut de salarié avant le 1er janvier 2009; que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale n'était pas compétent pour apprécier la réalité du statut de salarié revendiqué par M. [V] auparavant et que seul l'organisme social, et non le Tribunal, avait qualité pour accorder des délais de paiement.
M. [V] a régulièrement relevé appel de cette décision.
DEVANT LA COUR :
Par conclusions déposées le 28 mars 2014 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M. [V] a demandé à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire qu'il relevait du salariat lors des missions qu'il a effectuées entre le 03 août 2006 et le 31 décembre 2008 au profit des sociétés EXPWAY, ALUMINIUM PECHINEY et ARCHOS et non plus du régime des travailleurs indépendants pour le paiement des charges sociales liées à ces missions; de débouter en conséquence l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
À titre subsidiaire, il a demandé d'appeler à la cause les entreprises avec lesquelles il a collaboré.
Par conclusions déposées le 28 mars 2014 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, l' URSSAF d'Ile de France a demandé à la Cour de déclarer irrecevable le recours de M. [V] et de valider la contrainte contestée.
À titre subsidiaire, elle a demandé à ce dernier de communiquer les décisions rendues par les Conseils de Prud'hommes de Paris, Nanterre et Longjumeau et d'appeler en la cause les entreprises avec lesquelles il a collaboré ainsi que les Caisses auprès desquelles il était affilié ainsi que la CPAM des Hauts de Seine.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'URSSAF soulève à titre principal l'incompétence ratione materiae de la Chambre sociale de la Cour d'appel statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale s'agissant d'un litige dont la solution commande à la Cour de se prononcer sur l'existence éventuelle d'un contrat de travail que la juridiction prud'homale est seule compétente pour apprécier.
Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article L.1411-1 du Code du travail qui donnent compétence au Conseil de prud'hommes pour régler ' les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient ' et celles de l'article L. 1411- 4 du même Code qui précisent que cette juridiction est 'seule compétente, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends nés entre employeurs et salariés'.
M. [V] soutient que cette exception ne peut être soulevée pour la première fois en appel.
Toutefois, la question de l'incompétence avait été évoquée en première instance puisque les premiers juges ont relevé que le TASS n'était pas compétent pour apprécier le statut de salarié revendiqué par M. [V].
On ne peut donc considérer que cette exception a été invoqué pour la première fois en appel.
Toutefois, le présent litige ne concerne pas les relations entre un employeur et un salarié mais constitue bien un différend relatif à l'application de la législation de la sécurité sociale et répond ainsi au critère de compétence des Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale fixé par l'article L.142-1 du Code de la sécurité sociale qui attribue à ceux-ci compétence exclusive pour ' régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de la sécurité sociale et de la mutualité agricole et qui ne relèvent pas par leur nature d'un autre contentieux'.
La compétence exclusive des Conseil de Prud'hommes pour trancher les litiges nés à l'occasion des contrats de travail n'interdit nullement aux autres juridictions d'apprécier dans une situation donnée si elles sont ou non en présence d'un contrat de travail, sauf à renvoyer les parties, le cas échéant, devant le Conseil de Prud'hommes compétent pour trancher les différents relatifs à l'application de ce contrat entre employeur et salarié.
L'URSSAF n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'incompétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour connaître des contestations opposées à sa propre demande.
Il y a donc lieu de rechercher si les éléments fournis par M. [V] établissent suffisamment l'existence d'une relation salariale entre lui-même et les entreprises au sein desquelles il a exercé son activité entre 2007 et 2009 pour renverser la présomption de non salariat qui résulte de son affiliation volontaire au régime des indépendants durant cette même période.
Il n'est pas contesté que lors de ses prestations effectuées au bénéfice des sociétés EXPWAY, PECHINEY et ARCHOS, M. [V] exécutait dans les locaux, avec le matériel de ces sociétés et selon des horaires imposés des tâches déterminées par leurs dirigeants sous le contrôle de leur hiérarchie, en remplacement de salariés de ces entreprises moyennant rémunération.
De tels éléments corroborés par les pièces produites, établissent suffisamment l'existence d'un lien de subordination entre l'assuré et la Direction de ces sociétés caractérisant une relation salariale.
Il résulte également de l'article 12 du Code de procédure civile qu'il appartient au juge de ' donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé'.
Il importe donc peu que M. [V] ait conservé le statut de travailleur indépendant à l'époque où il a effectué ces prestations et qu'il ait été employé de manière illicite sans déclaration ni contrat de travail ni bulletin de paye et par l'intermédiaire de sociétés ne bénéficiant pas du statut d'entreprise de travail temporaire et n'ayant pas qualité pour établir des contrats de mission.
Il y a lieu de considérer, au vu de ces éléments, que M. [V] a été salarié de la société EXPWAY pendant la période du 03 août 2006 au 20 juin 2007, de la société ALUMINIUM PECHINEY du 05 septembre au 04 octobre 2007 et de la société ARCHOS du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2008.
Dès lors, il relevait à ces dates du régime général de la sécurité sociale et non du régime des indépendants et ne saurait être tenu des cotisations réclamées de ce chef par l'URSSAF.
Il convient en outre de dédommager M. [V] de ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 1000,00 euros réclamée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau:
Dit que M. [V] a été salarié de la société EXPWAY pendant la période du 03 août 2006 au 20 juin 2007, de la société ALUMINIUM PECHINEY du 05 septembre au 04 octobre 2007 et de la société ARCHOS du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2008 et relevait depuis la première de ces dates du régime général de la Sécurité sociale;
Annule en conséquence la contrainte décernée le 14 février 2011 par l'URSSAF contre M. [V];
Dit que M. [V] n'est redevable d'aucune cotisation au titre du régime des indépendants pour l'année 2009;
Déboute en conséquence l'URSSAF de ses demandes;
Condamne l'URSSAF à verser à M. [V] la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,