COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 22G
2e chambre 3e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 MAI 2014
R.G. N° 12/05652
AFFAIRE :
[H], [P] [D]
C/
[O] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 10/09669
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15/05/2014
à :
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL
Me Philippe LIENARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [H], [P] [D]
née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 37412
Représentant : Me Yvon THIANT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0142
APPELANTE
****************
Monsieur [O] [E]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Philippe LIENARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.256
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Michel PERMINGEAT, président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel PERMINGEAT, président,
Madame Danielle-Aimée PIQUION, conseiller,
Madame Agnès TAPIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
FAITS ET PROCEDURE
Mme [H] [D] et M. [O] [E] ont vécu en concubinage, de 1977 jusqu'à leur mariage, célébré le [Date mariage 1] 1998, en ayant fait précéder leur union d'un contrat de séparation de biens
Par jugement du 10 janvier 2007, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a prononcé leur divorce.
Maître [R], notaire commis pour procéder à la liquidation des droits respectifs des parties, a dressé, le 14 septembre 2009, un procès verbal de difficultés.
Le tribunal de grande instance de Versailles, saisi par M. [O] [E], par jugement du 3 juillet 2012, a :
- dit que l'immeuble sis à [Adresse 1] était en indivision entre Mme [D] et M. [E] dans les proportions de 188/616ème pour M. [E] et 428/616ème pour Mme [D],
- donné acte à M. [E] de son accord pour l'attribution préférentielle du bien indivis au profit de Mme [D],
- dit que Mme [H], [D] était redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est devenu définitif et jusqu'au jour du partage,
- ordonné la poursuite des opérations de compte, liquidation et partage et renvoyé les parties devant Maître [R], notaire associé de la SCP WATRELOT TYL LEGOUEZ, pour l'établissement de l'acte définitif de partage conformément au jugement,
- ordonné une expertise et désigné pour y procéder, M. [Q] [Y], avec pour mission de décrire et estimer l'immeuble, donner son avis sur sa valeur locative à compter de l'année 2007 et jusqu'à ce jour,
- dit que Mme [H], [P] [D] et M. [O], [M] [E] devront consigner au service de la régie des avances et recettes du tribunal de grande instance de Versailles la somme de 1 500 euros, chacun pour moitié ou l'un pour la totalité à défaut de l'autre, à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [H], [P] [D] a interjeté appel de cette décision, suivant déclaration en date du 30 juillet 2012.
Dans ses conclusions déposées le13 février 2014, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses motifs, elle demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris, et':
- de lui donner acte de sa réserve de ce que le bien est en indivision,
- de donner acte à M. [E] de l'attribution préférentielle du bien à son profit, et confirmer le jugement sur ce point,
- de dire que M. [E] n'a apporté aucune somme au profit de son acquisition, de son amélioration, ou de ses extensions et qu'il n'a droit à aucune part dans le partage,
- de dire qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation sur ce bien et de dire, dans ce cas, que la décision d'expertise n'est pas pertinente,
- de dire qu'il y a eu enrichissement sans cause au bénéfice de M. [E], en sa qualité de concubin, par appauvrissement du patrimoine de Mme [D] dans la conclusion des opérations immobilières concernées,
- de lui donner acte de l'absence de toute donation au profit de M. [E],
-de condamner M. [O], [M] [E] à lui verser la somme de 25 214 euros avec intérêts de droits et anatocisme à effet du 11 mars 1980, date de réception de cette somme,
- de lui donner acte de sa réserve quant à l'expertise et à la désignation d'un notaire,
- de condamner M. [E] à lui verser la somme de 16.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- de le condamner à prendre à sa charge l'intégralité des frais et dépens de la procédure devant le tribunal de grande instance de Versailles et de la présente instance, et de le condamner à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions déposées le 19 février 2014, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens, M. [O] [E] demande à la cour de débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, de lui donner acte qu'il accepte les conclusions de l'expertise et l'attribution du bien immobilier à Mme [D] sur la base de 940.500 euros, de dire que l'indemnité d'occupation due par Mme [D] depuis février 2007 sera de 80 % de la valeur locative retenue par l'expert, de confirmer le jugement entrepris, de condamner Mme [D] aux entiers dépens et au versement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera rappelé que, par application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions récapitulées au dispositif des conclusions.
Il convient également de rappeler qu'il n'est pas contesté que la dissolution de la communauté prend effet dans les rapports entre époux à la date de l'ordonnance de non conciliation, soit le 7 mars 2005.
Sur les comptes entre indivisaires relatifs à l'immeuble de l'[Localité 3]
M. [E] et Mme [D] ont acquis 23 décembre 1977 un appartement situé [Adresse 2]. Ils l'ont revendu le 11 mars 1980 et ont acquis en indivision le 21 mai 1980 un terrain, situé [Adresse 1].
Dans le cadre d'une indivision, le bien appartient à celui dont le titre établit la propriété, sans qu'il y a ait lieu de prendre en compte les modalités de son financement.
Il résulte de l'acte notarié, établi le 21 mai 1980, devant la CSP [F], notaires, que Mme [D] et Mr [E] ont acquis le terrain sis à l'[Localité 3], au prix de 500.000 francs, dans la proportion de 428/616° pour Mme [D] et de 188/616° pour M. [E].
Mme [D] allègue que M. [E] aurait commis un abus de pouvoir en faisant mentionner à son insu la part de propriété de celui-ci dans l'acte notarié, et contrairement au mandat qu'elle lui avait confié.
Toutefois, elle ne produit aucune preuve au soutien de ces allégations. Au contraire, la procuration donnée à M. [E] mentionne expressément la répartition des parts mentionnées dans l'acte.
En outre, force est de constater que Mme [D] n'a pas contesté l'exactitude des mentions de l'acte notarié pendant plus de vingt ans.
Enfin, il convient d'observer que la proportion de la part respective des indivisaires est la même que celle qui avait été convenue entre eux lors de l'acquisition, pour la somme de 616.000 francs, d'un appartement sis à [Adresse 3] aux termes d'un acte notarié du 23 décembre 1977';
la proportion de 188/616° correspondait alors à la moitié du prêt de 376.000 francs souscrit auprès de la banque SUDAMERIS, qui devait être remboursé à parts égales par les deux concubins.
Aucune pièce du dossier ne permet de confirmer les allégations de Mme [D] selon lesquelles cette somme n'aurait jamais été payée par M. [E]. Il faut relever que, lors de la vente de l'appartement de [Localité 6] intervenue le 11 mars 1980 pour un montant de 1.050.000 francs, le notaire, après avoir remboursé la banque des sommes lui restant dues au titre du prêt, a versé à M. [E] la somme de 163.890 francs et à Mme [D] celle de 373.110 francs, sans que celle-ci n'élève aucune contestation sur ce versement, jusqu'à ses écritures dans la procédure en partage. Elle ne produit aucune preuve à l'appui de ses affirmations selon lesquelles M. [E] se serait engagé verbalement à le faire.
D'autre part, il n'est pas contesté par ailleurs que des travaux de construction d'une maison d'habitation ont été effectués sur le terrain de l'[Localité 3] pour un montant de 642.515 francs.
Mme [D] soutient que M. [E] n'a participé ni à l'acquisition ni à l'amélioration des biens, et qu'il n'a donc, de ce fait, droit à aucune part dans le partage.
En application des dispositions des articles 552 et 553 du code civil les constructions édifiées sur le terrain indivis appartiennent, sauf preuve contraire, aux indivisaires dans la même proportion que celle relative à la propriété du terrain.
Le montant des travaux de construction a été réglé notamment par un prêt complémentaire de 320.000 francs souscrit auprès de la SOGACRI, puis repris par la Société Générale en juin 1988.
Mme [D] justifie que le contrat de construction de la maison a été établi à son seul nom, que les appels de fonds lui ont été adressés, et le remboursement du prêt a été effectué par prélèvements sur son compte personnel.
Toutefois, M. [E] indique avoir contribué au financement des travaux par un apport de fonds propres provenant d'un bien lui appartenant. Il indique également avoir contribué au remboursement de l'emprunt contracté par Mme [D] en versant sur le compte de cette dernière une somme mensuelle moyenne de 5000 francs, dont il justifie pour les années 1983 à 1985, dans laquelle était incluse le remboursement de la moitié des échéances du prêt, soit 2.171 francs'.
En l'état de ces éléments, la preuve n'est pas rapportée que M. [E] n'a pas contribué à proportion de sa part dans l'indivision au financement des travaux.
Il convient d'observer que sa part dans la propriété de l'immeuble ou l'existence d'une éventuelle dette n'a pas été mentionnée dans le contrat de séparation de biens établi lors du mariage, dix ans après l'acquisition du terrain et la construction de la maison.
Au regard de ces éléments, il n'y a pas lieu de remettre en cause les mentions de l'acte notarié, et il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'immeuble sis [Adresse 1] est en indivision entre M. [E] et Mme [D] dans les proportions de 428/616° pour Mme [D] et de 188/616° pour M. [E].
Sur l'enrichissement sans cause et la donation
L'appelante sollicite de la part de M. [E] le remboursement de la somme de 163890 francs qu'il a perçue indûment, sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Elle demande par ailleurs de lui donner acte de l'absence de toute donation au profit de M. [E].
Pour les motifs ci-dessus exposés, Mme [D] sera déboutée de ses demandes, la somme remise par le notaire à M. [E] correspondant à sa participation dans l'acquisition de l'appartement de [Adresse 3].
Sur l'attribution préférentielle du bien
Il convient de prendre acte de l'accord des parties et de confirmer le jugement déféré de ce chef, en ajoutant que la valeur de l'immeuble est celle fixée par l'expert, soit la somme de 940.500 euros'.
Sur l'indemnité d'occupation
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise, est, sauf, convention contraire, redevable d'une indemnité.
Il n'est pas contesté que Mme [D] occupe la maison de l'[Localité 3] de façon privative , et qu'elle est donc redevable d'une indemnité d'occupation à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est devenu définitif, et jusqu'au jour du partage.
L'expert a procédé à une évaluation de la valeur locative de l'immeuble, qui n'est pas contestée.
Il y a lieu de fixer l'indemnité d'occupation sur la base des loyers retenus par l'expert, diminués d'un abattement de 20 % pour tenir compte de la précarité de l'occupation.
En conséquence, cette indemnité sera fixée aux sommes suivantes':
2007': 37. 620 euros
2008': 38. 038 euros
2009': 39. 160 euros
2010': 39. 285 euros
2011': 39. 717 euros
2012': 40. 472 euros
2013': 41. 342 euros
soit en tout 275.634 euros, dont il convient de déduire l'abattement de 20%, soit 220.570,20 euros.
L'indemnité d'occupation sera due à proportion de la part de M. [E] dans la propriété de l'immeuble, soit 188/616° et sera en conséquence fixée à la somme de 67. 297, 65 euros.
Il n'y a pas lieu en l'état de faire droit à la demande Mme [D] de procéder à des compensations sur les sommes dont elle serait également créancière envers M. [E], dont elle ne justifie pas.
Sur la désignation du notaire
Mme [D] n'estime pas nécessaire la désignation d'un notaire et sollicite subsidiairement la désignation d'un autre notaire, car ses rapports avec celui qui a été désigné ont été tendus.
Toutefois, il y a lieu de poursuivre les opérations de compte, liquidation et partage, notamment en ce qui concerne les comptes entre les parties et le calcul précis du montant de l'indemnité d'occupation, à partir des bases fixées par le présent arrêt.
Le notaire commis ayant été désigné par le président de la chambre des notaires, et aucun élément d'inimitié ne pouvant être établi de la part du notaire, ni aucune faute dans l'exercice de sa mission, il n'y a pas lieu de procéder à la désignation d'un autre notaire.
Sur les dommages et intérêts
L'appelante sollicite la condamnation de M. [E] à la somme de 16 000 euros, à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, au motif que celui-ci est de mauvaise fois, sollicitant un partage auquel il n'a pas droit.
Mais Mme [D] ne démontre pas que M. [E] a commis un abus dans l'exercice de son action, à laquelle il a été en partie donné satisfaction.
Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Eu égard à la nature de la procédure, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d'elles les frais exposés par elle et non comprises dans les dépens; elles seront déboutées de leurs demandes tendant à condamner l'autre à lui verser une indemnité de ce chef.
Il sera fait masse des dépens qui seront employés en frais privilégiés de partage, et pourront être recouvrés par les avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
En la forme,
Déclare Mme [D] recevable en son appel,
Au fond,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, excepté en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation et la valeur de l'immeuble,
Statuant des chefs réformés,
Dit que l'indemnité d'occupation due par Mme [D] à M. [E] sera fixée à la somme de 67. 297, 65 euros,
Dit que la valeur de l'immeuble attribuée à Mme [D] sera fixée à la somme de 940.500 euros,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens, en ce compris les frais d'expertise, seront employés en frais privilégiés de partage, dont il sera fait distraction au profit des avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean-Michel PERMINGEAT, président et par Madame Sabine NOLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,