COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54F
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 MAI 2014
R.G. N° 13/00472
AFFAIRE :
M. [M] [C]
...
C/
M. [N] [S]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 4ème
N° RG : 08/4067
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Sophie POULAIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEURS devant la cour d'appel de VERSAILLES saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 11 avril 2012 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES 4ème chambre civile le 4 octobre 2010 et APPELANTS du jugement rendu le 02 Avril 2009 par le tribunal de grande instance de VERSAILLES 4ème Chambre
Monsieur [M], [I] [C]
né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 3]
Madame [R], [L] [H] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentés par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 22141 vestiaire : 626
plaidant par Maître Michel AKLI, avocat au barreau de PONTOISE vestiaire : 44
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DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI ET INTIMES
Monsieur [N] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS 'MAF'
Ayant son siège [Adresse 4]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentés par Maître Sophie POULAIN, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 212075, vestiaire : 180
plaidant par Maître Chantal MALARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 073
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mars 2014, Madame Marie-Josèphe JACOMET, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Président,
Madame Anna MANES, Conseiller,
Madame Sylvie DAUNIS, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Candice HANRIOT
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FAITS ET PROCEDURE,
M. et Mme [C], maîtres de l'ouvrage, ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [S], architecte, assuré par la société Mutuelle des Architectes Français (la MAF), chargé la société PRETI des travaux d'extension et de mise aux normes "handicapés" de leur maison.
La mission confiée à M. [S] par contrat du 15 février 2003 comportait le projet de conception générale, l'assistance à la passation des marchés, le visa des plans, la direction, la comptabilité des travaux et l'assistance à l'opération de réception.
Le marché conclu le 30 janvier 2004 avec la société PRETI pour un montant de 61.493,84 euros stipulait un délai d'exécution de quatre mois à compter du début des travaux fixé au 3 février 2004. Les travaux ont pris du retard et il est apparu que la société PRETI avait sous-traité le 3 juin 2004 le lot "couverture" à M. [Z], et, le lot "charpente" le 6 juillet 2004 à la société BATITOUT 2000.
Le retard ayant perduré, le chantier, affecté de malfaçons et de non-façons, a été déclaré abandonné par M. [S] aux termes de la dernière réunion de chantier du 20 décembre 2004. La liquidation judiciaire de la société PRETI a été prononcée par jugement du 1er mars 2005.
M. [V], l'expert désigné par le juge des référés par ordonnance du 26 avril 2005, ayant déposé son rapport le 23 octobre 2006, les époux [C] ont notamment fait assigner en indemnisation de préjudices M. [S] et la MAF devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES qui, par jugement réputé contradictoire du 2 avril 2009, a :
' Constaté l'absence de demande contre la MAAF assurances,
' Déclaré irrecevables les demandes formulées à l'encontre de Me [J], représentant des créanciers liquidateurs de la société PRETI et à l'encontre de la société BATITOUT,
' Rejeté les demandes dirigées contre M. [S] et son assureur, la MAF et contre M. [Z], artisan,
' Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamné les époux [C] aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt rendu par défaut, la cour d'appel de VERSAILLES le 4 octobre 2010 a :
' Constaté le désistement de M. [S] et de la MAF à l'égard de M. [Z] et le dessaisissement consécutif de cette juridiction relativement à ce sur quoi porte ce désistement,
' Déclaré irrecevables les demandes dirigées contre la MAAF assurances,
' Confirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
' Rejeté toute autre prétention,
' Condamné les époux [C] aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt du 11 avril 2012, au visa de l'article 1147 du code civil, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [C] contre M. [S] et la MAF, l'arrêt rendu le 4 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de VERSAILLES, remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de VERSAILLES, autrement composée.
Par déclaration remise au greffe le 16 janvier 2013, les époux [C] ont saisi la cour d'appel de VERSAILLES désignée comme cour de renvoi à la suite de la cassation prononcée 11 avril 2012 en exécution de cet arrêt.
Dans leurs dernières conclusions du 24 juin 2013, les époux [C], sur le fondement de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 11 avril 2012, de l'article 1147 du code civil, invitent cette cour à :
' LES DÉCLARER recevables et bien fondés en leur appel,
' INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
' DÉCLARER M. [S] et la MAF solidairement responsables des préjudices subis par eux, en raison des malfaçons et non-façons affectant les travaux sur l'immeuble sis [Adresse 2]) et violation des règles contractuelles,
Avant dire-droit,
' NOMMER tel Expert qu'il plaira à la Cour de désigner avec pour nouvelle mission de :
'Se rendre sur place,
'Se faire communiquer tous documents et pièces que l'Expert estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
'Visiter les lieux et examiner de façon exhaustive toutes les malfaçons et non-façons depuis 2004 ;
'Evaluer les préjudices subis par les époux [C] depuis 2004.
'Indiquer et évaluer les travaux nécessaires à la réfection, et chiffrer le coût des remises en état réactualisé à 2012 ;
'Autoriser les époux [C] à faire exécuter aux frais avancés solidairement par M. [S] et la MAF les travaux estimés indispensables - d'une part la mise hors d'eau et partiellement hors d'air du bâtiment et d'autre part une intervention sur l'installation électrique non sécurisée en plusieurs endroits - par telle entreprise de leur choix avec approbation de l'Expert , sous le contrôle et bonne fin de ce dernier ;
'Mettre à la charge de M. [S] et de la MAF ès qualités d'assureur de M. [S] les frais liés à cette expertise et notamment le montant de la provision.
A titre subsidiaire,
' CONDAMNER conjointement et solidairement M. [S] et son assureur la MAF à leur payer les sommes suivantes :
'240.000 euros HT au titre du surcoût des travaux valeur 2012 ;
'174.400 euros au titre du préjudice de jouissance ;
'30.000 euros au titre du préjudice moral,
' CONDAMNER conjointement et solidairement M. [S] et son assureur la MAF à leur payer la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' CONDAMNER conjointement et solidairement M. [S] et son assureur la MAF aux entiers dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans leurs dernières conclusions du 13 mai 2013, la MAF et M. [S] invitent cette cour, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, à :
' DÉBOUTER les époux [C] de leurs demandes de condamnations solidaires formulées à leur encontre,
' REJETER la demande des époux [C] d'expertise judiciaire,
' REJETER leur demande au titre des travaux de reprise à hauteur de 230.000€,
' En tout état de cause,
' DIRE et juger que l'indemnité susceptible de leur être allouée au titre des travaux de reprise ne saurait excéder la somme de 10.516,15€ toutes taxes comprises telle que fixée au rapport d'expertise d'octobre actualisée selon l'indice BT 01 du coût de la construction,
' REJETER les demandes au titre du préjudice de jouissance et au titre du préjudice moral,
' LES CONDAMNER à leur payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture est prononcée le 2 juillet 2013.
*****
Sur la portée de la cassation
Considérant que la Cour de cassation, au visa de l'article 1147 du code civil, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES du 11 avril 2012, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [C] contre M. [S] et la MAF alors que la cour d'appel avait constaté que l'architecte avait commis une faute en conseillant le choix de la société PRETI, non assurée et en difficulté financière et que l'action introduite à l'encontre de M. [S], dont la responsabilité était engagée quel que soit le fondement de la responsabilité de la société PRETI, tendait à la réparation du préjudice résultant du non-respect par cette société de ses obligations envers les maîtres de l'ouvrage par suite de la violation par l'architecte de son obligation de vérifier sa qualification ;
Qu'en conséquence, cette cour, saisie du renvoi après cassation, devra procéder à l'appréciation de l'existence des préjudices résultant de cette faute donc vérifier que les époux [C] caractérisent le lien de causalité entre la faute et les préjudices qu'ils allèguent ;
Sur les demandes des époux [C]
Considérant que les époux [C] font grief au jugement de les débouter de leur demande en condamnation de l'architecte et de son assureur en paiement de sommes au titre du surcoût des travaux, au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral alors que la faute de l'architecte résultait de son choix inapproprié de la société PRETI, entreprise en difficulté et non assurée ; que les époux [C] soutiennent en outre que l'architecte a non seulement manqué à son devoir de conseil, mais également à ses obligations contractuelles en matière de direction et de comptabilité des travaux et à l'assistance aux opérations de réception ; que le préjudice en résultant doit être affiné par une nouvelle expertise ; que l'expertise est justifiée par le fait que le rapport a été déposé il y a sept ans déjà et que les postes retenus par l'expert doivent être réévalués ; que le premier expert n'a pas tenu des diverses malfaçons apparues en cours d'expertise ignorant ainsi le bilan final de l'opération ; qu'il n'a pas plus abordé la question des conditions matérielles de la reprise des travaux ; que les époux [C] n'ont pas pu trouver des entreprises susceptibles de reprendre les travaux ; que le décompte général et définitif dressé par l'expert est critiquable dans la mesure où ne figurent pas les moins-values représentant les travaux prévus et non exécutés (cheminée cuisine, hors d'eau et hors air) ; qu'il ne tient pas compte des problèmes matériels auxquels ils se heurtent depuis des années ; que la nouvelle expertise précisera les conditions dans lesquelles les nouveaux travaux (reprises et finitions) devront être accomplis ; qu'enfin l'expert n'a pas relevé de griefs à la charge de M. [S], architecte ce que le nouvel expert ne manquera pas de relever compte tenu de l'arrêt de la Cour de cassation ; que si leur demande d'expertise devait être rejetée, ils sollicitent que la cour de renvoi chiffre le montant des travaux restant à réaliser outre les travaux d'urgence ; qu'ainsi le coût des travaux sur une surface pondérée de 200m² doit être évalué à un montant de 240.000 € ; que le préjudice de jouissance ne peut être inférieur à la somme de 70% de la valeur locative, soit 2.000 € par mois sur 109 mois (de juin 2004 à juin 2013) soit 2.000€ x 80% = 1.600€ x 109 mois soit la somme de 174.400 € ; qu'en outre, l'architecte doit être condamné à leur verser 30.000 € au titre de leur préjudice moral dans la mesure où les époux [C] sont âgés et que leur état de santé est précaire ;
Considérant que M. [S] et la MAF font valoir que la Cour de cassation ne s'est prononcée que sur un seul des éléments de nature à engager la responsabilité contractuelle du débiteur, mais n'a pas examiné le deuxième élément à savoir le lien de causalité entre la faute retenue et les préjudices allégués ; que la faute retenue à l'encontre de l'architecte n'est pas la cause des préjudices dont se plaignent les époux [C] ; que l'inachèvement des travaux et la reprise des malfaçons en cours de chantier résultent non pas des difficultés financières de la société PRETI ou de son défaut d'assurance, mais de l'abandon de chantier par les deux entreprises sous-traitantes ;
Considérant que l'architecte n'est pas tenu d'une obligation de réaliser les travaux mais seulement d'une obligation de moyen ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que les désordres ont pour origine des non façons et malfaçons dont sont responsables les entreprises PRETI et BATITOUT qui ont abandonné le chantier ; que les époux [C] se bornent à affirmer que l'architecte a commis des fautes contractuelles en matière de direction et de comptabilité des travaux et d'assistance aux opérations de réception, sans préciser en quoi consistent ces fautes et en ne fournissant aucun élément susceptible de les caractériser ; que l'expertise judiciaire menée ne conclut pas à des pareilles fautes ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier et les époux [C] ne soutiennent pas plus qu'ils ne justifient d'une absence de compétence technique de la part de la société PRETI pour mener à bien ce chantier ; que la seule faute caractérisée, s'agissant de l'architecte, consiste en un manquement à son obligation d'information et de conseil en ce qu'il a sélectionné une société, la société PRETI, non assurée et en difficulté financière ; que cependant le lien de causalité entre la faute et les préjudices allégués au titre du surcoût des travaux et du préjudice de jouissance n'est pas établi ; qu'en effet, les époux [C] sollicitent la somme de 240.000 € au titre du surcoût des travaux en raison des non façons et mal façons alors que l'architecte n'est pas tenu d'une obligation de réaliser les travaux et que la faute commise par lui n'est pas à l'origine de ces non façons et mal façons ; que les époux [C] demandent en outre 174.400 € au titre du préjudice de jouissance ; qu'il est constant que les travaux consistaient en une amélioration de la maison existante, que les époux [C] vivaient dans cette maison et ne l'ont pas quitté durant les travaux ; qu'il résulte des constatations de l'expert qu'ils ont dû vivre dans leur maison après l'arrêt du chantier dans des conditions d'inconfort certain ; que toutefois, il ne résulte pas des pièces produites que la faute de l'architecte soit à l'origine de ce préjudice de jouissance ou ait directement contribué à sa survenance ;
Considérant qu'en revanche, les époux [C], personnes âgées et présentant un état de santé dégradé, démontrent que la faute de l'architecte leur a causé un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2.500 euros chacun ;
Considérant que la responsabilité de M. [S] n'étant pas caractérisée dans la survenance des malfaçons et des non façons affectant l'immeuble litigieux et des préjudices matériels et de jouissance dont se plaignent les époux [C], la demande d'expertise est sans portée ; que cette demande d'expertise ne saurait dès lors être accueillie ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité commande d'allouer à M. et Mme [C] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes à M. [S] et à la MAF sur ce fondement ;
Considérant que M. [S] et à la MAF qui succombent pour l'essentiel en leurs prétentions devant la cour de renvoi, supporteront les dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement
Dans les limites de sa saisine,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de VERSAILLES du 2 avril 2009,
Vu l'arrêt du 4 octobre 2010 de la cour d'appel de VERSAILLES,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 2012,
Réforme le jugement, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme [C] contre M. [S] et la MAF,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [S] et la société MAF à verser à M. et Mme [C] la somme de 2.500 € chacun en réparation de leur préjudice moral,
Condamne in solidum M. [S] et la société MAF à verser à M. et Mme [C] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne in solidum M. [S] et la société MAF aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Président et par Mme HANRIOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,