COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JUIN 2014
R.G. N° 13/04321
AFFAIRE :
SAS TAKEUCHI FRANCE SAS ...
C/
[P] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mai 2013 par le Juge de l'exécution de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 13/01274
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP MOREAU E. & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JUIN DEUX MILLE QUATORZE, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS TAKEUCHI FRANCE SAS poursuites et diligences de son président y domicilié en cette qualité
N° SIRET : 431 .46 0.5 00
[Adresse 1]
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.147 - N° du dossier 20137179
Représentant : Cnet Giraud Naud Amiot & associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS -P359
APPELANTE
****************
Monsieur [P] [R]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2] - JAPON
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22387
Représentant : Me Stéphane JOFFROY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2073 -
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
M. [P] [R], salarié de la société TAKEUCHI MANUFACTURING, société mère à 100% de la société TAKEUCHI FRANCE, a été détaché en France en 2000.
Il a commencé à exercer son emploi au sein de TAKEUCHI FRANCE le 1er juin 2000, en qualité de directeur administratif. La société lui allouait un véhicule de fonction et prenait en charge le loyer d'un appartement. Il avait le statut de salarié détaché et à ce titre, son imposition était prise en charge par la société.
Par lettre en date du 13 juillet 2004, [H] JAPON notifiait à [P] [R] son licenciement.
Après une longue procédure prud'homale, la cour d'appel de PARIS a décidé, par arrêt du 12 septembre 2012, de débouter [P] [R] de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral, mais d'accéder à sa demande concernant la rectification des bulletins de salaire.
Par arrêt du 3 juillet 2013, la même cour rendait un arrêt de rectification pour erreur matérielle, précisant que le loyer du logement s'élevait à 3.163,32 € et non 3.613,32 €.
M. [P] [R] a saisi par assignation du 12 février 2013, le tribunal de grande instance de PONTOISE afin de voir faire injonction à la société TAKEUCHI FRANCE d'exécuter les obligations mises à sa charge par l'arrêt du 12 septembre 2012, et d'obtenir le paiement des sommes de 15.000 € à titre de dommages-intérêts et de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 4 juin 2013 par la SAS TAKEUCHI FRANCE du jugement rendu le 13 mai 2013 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PONTOISE qui a :
-fixé l'astreinte provisoire à sa charge à la somme de 50 € par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 15 jours de la signification de la présente décision et jusqu'à la remise de l'intégralité des pièces mentionnées dans l'arrêt, pour l'exécution de l'obligation de remise à [P] [R] des bulletins de paie pour la période du 1er décembre 2003 au 18 octobre 2004 (sans la mention salaire au Japon), des bulletins de paie pour la même période (avec mention d'un avantage en nature au titre du logement d'un montant en équivalence de 3.613,32 € et imputation des cotisations sociales afférentes auprès des organismes concernés), une attestation Pole emploi avec les mêmes rectifications et indications des intimées comme co-employeurs et un certificat de travail indiquant les mêmes intimés co-employeurs, telle qu'ordonnée par la cour d'appel de PARIS dans un arrêt du 12 septembre 2012,
- condamné la société TAKEUCHI FRANCE à payer à M. [R] les sommes de :
5.000 € de dommages-intérêts,
1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté la société TAKEUCHI FRANCE de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700,
-débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
-rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- condamné la société TAKEUCHI FRANCE aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 16 janvier 2014 par lesquelles la SAS TAKEUCHI FRANCE, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, demande à la cour de :
- débouter [P] [R] de toutes ses demandes,
- à titre subsidiaire, déclarer irrecevable la demande de liquidation de l'astreinte,
- se déclarer incompétente pour la demande de dommages-intérêts présentée par [P] [R],
- condamner [P] [R] à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2014 par lesquelles [P] [R], intimé, poursuivant la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, demande à la cour de :
- débouter la société TAKEUCHI FRANCE SAS de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- constater que la société TAKEUCHI FRANCE SAS n'a pas exécuté les obligations lui incombant en vertu du jugement déféré,
- en conséquence, liquider l'astreinte à la somme de 10.350 €,
- fixer une nouvelle astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt jusqu'à la communication par la société TAKEUCHI FRANCE des pièces demandées,
- condamner la SAS TAKEUCHI FRANCE SAS à lui payer les sommes de :
309.214 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE , LA COUR :
La Cour se reporte, pour l'exposé des faits constants de la cause et des moyens des parties, aux écritures échangées par celles-ci conformément à l'article 455 du C.P.C., et à la motivation du jugement entrepris.
Sur le prononcé d'une astreinte :
Lors de l'audience du juge de l'exécution, la société TAKEUCHI FRANCE avait délivré à M. [R] non des bulletins de salaire mensuels, comme la loi fait obligation à tout employeur d'en délivrer à un salarié, mais des bulletins de salaire annuels pour 2003 et 2004, se prévalant à tort de ce qu'à la date de l'arrêt de la cour d'appel au fond, M. [R] n'était plus salarié à son service. L'argumentation de la société TAKEUCHI FRANCE selon laquelle l'injonction à elle faite par la cour d'appel de Paris de remise 'de' bulletins de salaires a été satisfaite par la communication par elle d'un bulletin de salaire unique pour l'année 2003 et d'un bulletin de salaire unique pour l'année 2004 est spécieuse et inopérante, dès lors que l'emploi du pluriel dans l'injonction de remise 'de' bulletins de salaire rectificatifs renvoie à la remise de bulletins de salaire mensuels, obligation de tout employeur envers tout salarié.
Par ailleurs l'examen des procédures ayant opposé les parties révèle que la société TAKEUCHI FRANCE a attendu le prononcé du jugement entrepris pour présenter requête en rectification d'erreur matérielle de l'arrêt au fond du 12 septembre 2012, manifestant une inertie préjudiciable dans la mise à exécution de l'arrêt qui lui avait été dûment signifié.
Ces circonstances justifient que la décision entreprise prononçant une astreinte reçoive confirmation en son principe.
Sur la liquidation de l'astreinte :
Ce n'est que le 28 novembre 2013 finalement, après de nombreuses démarches ayant abouti à plusieurs rectifications des productions de pièces demandées, que le conseil de M. [R] recevait des bulletins de salaire conformes à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris sur la réintégration des avantages en nature.
Il apparaît que la liquidation de l'astreinte ordonnée par le jugement du 13 mai 2013 entrepris n'est pas possible pour n'avoir pas été demandée en première instance, et alors que le jugement du juge de l'exécution ne s'est prononcé que sur une demande de fixation d'une telle astreinte. En tout état de cause, la liquidation de l'astreinte alors ordonnée ne pourrait plus intervenir, le jugement assortissant d'une astreinte une obligation erronée quant au montant de l'avantage en nature dont l'inscription sur les bulletins de paye était requise.
La demande de liquidation d'astreinte présentée pour la première fois en cause d'appel et fondée sur une obligation inexécutable car erronée, est irrecevable.
Il convient de relever au demeurant sur le fond qu'au vu des circonstances de l'espèce, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 12 septembre 2012 ne pouvait être valablement signifié et exécuté qu'à compter de l'arrêt rectificatif du 3 juillet 2013 qui a ordonné sans astreinte la remise à M. [R] des bulletins de paye rectifiés sur la période du 1er décembre 2003 au 18 octobre 2004 avec la mention d'un avantage en nature au titre du logement d'un montant en équivalence de 3.163,32 €- au lieu de 3.613,32 € visé dans l'arrêt de 2012- et imputation des cotisations sociales afférentes auprès des organismes concernés.
Sur la demande de fixation d'une nouvelle astreinte provisoire à un taux supérieur :
Si la société TAKEUCHI FRANCE doit être considérée comme ayant entendu exécuter l'arrêt sur le fond rectifié, M. [R] est fondé à souligner qu'elle n'a procédé qu'à une exécution incomplète de ses obligations.
En effet, la société TAKEUCHI FRANCE n'a pas tiré les conséquences de ses rectifications sur les indemnités de licenciement et l'indemnité compensatrice de congés payés, indemnités à nature de salaires, alors qu'une modification de l'avantage en nature - logement impliquait un nouveau calcul de ces dernières eu égard à la hausse des salaires bruts cumulés.
De même le bulletin de salaire rectifié du mois d'octobre 2004 mentionne toujours l'existence d'un salaire au Japon, mention déclarée erronée et dont la suppression a été ordonnée par les décisions judiciaires intervenues. Par ailleurs, la société appelante n'a pas remis à son ancien salarié une attestation Pôle emploi, ni un certificat de travail conforme.
Il y a lieu, pour mettre fin à un contentieux qui n'a que trop duré, et afin d'assurer les communication et rectification des dernières pièces manquantes ou non conformes, de fixer pour l'avenir une astreinte provisoire de 300 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours de la signification du présent arrêt.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de M. [R] :
+Sur la demande fondée sur l'article 1382 du code civil :
Il importe de rappeler qu'une cour d'appel statuant en fixation et liquidation d'astreinte sur l'appel d'une décision du juge de l'exécution, n'a pas le pouvoir d'apprécier le préjudice subi sur le fondement des articles 1382 ou 1147 du code civil, lesquelles relèvent du juge du fond. Il s'en déduit que M. [R] ne peut demander sur la base du premier de ces textes au juge de l'exécution l'appréciation du préjudice subi du fait d'une application à son égard défavorable du contrat de prévoyance le liant à la société NOVALIS, en termes d'assiette de la pension d'invalidité qui lui est servie depuis l'année 2007, en raison de la carence de la société TAKEUCHI à lui fournir ses documents sociaux, à défaut de tout élément contradictoire permettant de vérifier les mécanismes contractuels du contrat de prévoyance dont il bénéficie. Il est rappelé à ce titre que tout litige lié à un contrat de travail ressort de la compétence de la juridiction prud'homale, cette compétence s'étendant aux litiges liés à des contrats de prévoyance conclus en raison du contrat de travail.
+Sur l'application de l'article L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution :
En vertu de l'article L 121-3 du code des procédures civiles d'exécution,
'Le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.'
Il convient par requalification de la demande de réparation, d'apprécier le montant des dommages-intérêts compensant la résistance abusive de la société TAKEUCHI FRANCE dûment relevée et critiquée par M. [R] dans ses écritures, à produire les pièces demandées.
A l'issue d'une longue procédure prud'homale qui s'est déroulée entre 2005 et 2012, M. [R] a du encore engager pendant près d'un an une procédure devant le juge de l'exécution pour obtenir les bulletins de salaire rectifiés ainsi que décidé par l'arrêt définitif de renvoi après cassation du 12 septembre 2012 tel que rectifié, certaines pièces manquant toutefois encore.
L'arrêt de la cour d'appel de Paris visait tout d'abord à obtenir de la société TAKEUCHI FRANCE des bulletins de salaire ne portant plus mention d'une rémunération de M. [R] au Japon, et faisant apparaître l'avantage en nature-logement pour sa valeur réelle de 3.613,32 € selon l'indication de la cour.
Dans un premier temps, la société TAKEUCHI FRANCE :
-avait produit des bulletins de paye ne faisant plus mention de l'avantage en nature de logement, étant précisé que le bulletin de salaire de décembre 2003 annulait rétroactivement cet avantage pour l'année 2003.
Après l'arrêt de septembre 2012, elle a :
-en février 2013 appliqué les taux de cotisations sociales de la période de paiement - 2012 et 2013- et non les taux de la période de référence de 2003-2004,
-en avril 2013 envoyé des bulletins de paye annuels, l'un établi pour l'année 2003, l'autre pour l'année 2004.
A chaque fois, elle a adressé sur les réclamations de M. [R] des documents de régularisation, reconnaissant la validité des contestations de ce dernier.
Par ailleurs, ce n'est qu'après l'audience devant le juge de l'exécution, et en juin 2013, que la société TAKEUCHI FRANCE s'est décidée à saisir la cour d'appel de Paris d'une requête en rectification d'erreur matérielle, ce qui fait que l'erreur sur le montant de l'avantage en nature n'a été corrigée que le 3 juillet 2013, soit dix mois après le prononcé de l'arrêt principal.
Ainsi la société TAKEUCHI FRANCE, du fait de sa carence, n'a pu commencer à exécuter l'arrêt au fond que quatorze mois après son intervention. Sa résistance abusive a incontestablement causé à M. [R] un préjudice qu'il convient d'évaluer à la hausse, par réformation de la décision entreprise sur le montant des dommages-intérêts alloués, en portant la condamnation correspondante à la somme de 8.000 €.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Au vu des circonstances de la cause, il apparaît équitable d'allouer à M. [R] une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il a du exposer pour sa défense à un appel injustifié.
Sur les dépens :
Succombant en son recours, la société TAKEUCHI FRANCE supportera les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement rendu le 13 mai 2013 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PONTOISE en toutes ses dispositions, sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à M. [R] ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable en cause d'appel la demande en liquidation d'astreinte présentée par M. [R] ;
Fixe une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 300 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours de la signification du présent arrêt et jusqu'à l'entière communication par TAKEUCHI FRANCE des pièces suivantes :
+régularisation des indemnités de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés à l'identique de celle intervenue sur les bulletins de salaire produits le 28 novembre 2013;
+ fourniture d'un bulletin rectifié du mois d'octobre 2004 dépourvu de la mention de la perception d'un salaire au Japon ;
+ attestation Pôle emploi ;
+ certificat de travail conforme ;
Condamne la société TAKEUCHI FRANCE à verser à M.[P] [R] la somme de 8.000€, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Condamne la société TAKEUCHI FRANCE SAS à payer à M.[P] [R] une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C. ;
Condamne la société TAKEUCHI FRANCE SAS aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C .
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,