COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUILLET 2014
R.G. N° 12/01327
AFFAIRE :
[T] [P]
C/
Association CENTRE EQUESTRE DUNOIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES
Section : Agriculture
N° RG : 11/00544
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL GINISTY MORIN LOISEL JEANNOT
la AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON
Copies certifiées conformes délivrées à :
[T] [P]
Association CENTRE EQUESTRE DUNOIS
le : 03 Juillet 2014
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [T] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me André - luc JEANNOT de la SELARL GINISTY MORIN LOISEL JEANNOT, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 57
APPELANT SUR LE PRINCIPAL
INTIME SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Association CENTRE EQUESTRE DUNOIS
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Bruno GALY de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 02, affaire plaidée par Maître COUZINET Isabelle,
INTIMEE SUR LE PRINCIPAL
APPELANTE SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle LACABARATS, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres (Section Agriculture) du 14 février 2012 qui a :
- dit que M. [D] [M] n'avait pas qualité pour représenter ou assister le Centre Equestre Dunois,
- dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
- condamné le CENTRE EQUESTRE DUNOIS à verser à M. [P] les sommes suivantes :
. 1 416,72 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
. 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
. 2 833,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 283,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 2 220 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 987,62 euros au titre du salaire de la mise à pied conservatoire du 16 octobre au 6 novembre 2009,
. 98,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied conservatoire
. 800 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [P] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents,
- débouté M. [P] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
- ordonné au CENTRE EQUESTRE DUNOIS de remettre à M. [P] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés, conformes à la présente décision,
- débouté M. [P] de ses demandes d'exécution provisoire et d'intérêts de retard au taux légal,
- condamné le CENTRE EQUESTRE DUNOIS aux entiers dépens, qui comprendront les frais éventuels d'exécution forcée de la présente décision,
Vu la déclaration d'appel adressée au greffe le 1er mars 2012 et les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour M. [T] [P] qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- juger irrégulier, nul à tout le moins abusif, son licenciement pour faute grave,
- condamner l'association CENTRE EQUESTRE DUNOIS à lui verser les sommes de :
. 1 416,72 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
. 17 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
. 2 833,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 283,34 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 2 220 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 987,62 euros bruts au titre du salaire de la mise à pied conservatoire du 16 octobre au 6 novembre 2009,
. 98,76 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied conservatoire,
. 18 138,33 euros bruts au titre des heures supplémentaires sur les 5 années précédant le licenciement en date du 5 novembre 2009,
. 1 813,83 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires,
. 8 500,32 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail,
. 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour l'association CENTRE EQUESTRE DUNOIS qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 14 février 2012, statuant de nouveau,
- dire que le licenciement de M. [P] repose sur une faute grave,
- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement, des heures supplémentaires et du travail dissimulé,
- condamner M. [P] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LA COUR,
Considérant que M. [P] a été engagé, par le centre équestre, en qualité d'agent d'entretien des box, dans le cadre d'un Contrat Emploi Solidarité, du 11 février 2002 au 11 février 2003 ; qu'il a ensuite bénéficié d'un contrat de travail à temps plein, à durée déterminée du 12 février 2003 au 12 avril 2003, en qualité d'accompagnateur de tourisme équestre, puis d'un contrat de travail à durée indéterminée, également à temps complet, à compter du 1er mai 2003 avec les mêmes fonctions ;
Que les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des centres équestres ;
Que, le 4 avril 2009, M. [P] a été victime d'un accident du travail résultant d'une manoeuvre effectuée par Mme [Y] [K], responsable pédagogique du centre équestre, alors qu'elle montait des obstacles pour un concours au volant du tracteur ;
Que M. [P] a été en arrêt de maladie jusqu'au 19 août 2009, a repris son travail pendant 10 jours avant d'être en vacances jusqu'au 5 octobre 2009 ;
Qu'il a été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 15 octobre remise en main propre, à compter du même jour à 18 heures, puis convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 22 octobre 2009 à un entretien préalable fixé au 31 octobre 2009 ;
Qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 5 novembre 2009 ainsi libellée :
' (...)
Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave, en effet, vous avez :
- commis des négligences dans l'accomplissement de votre travail : vulgarité et grossièreté à l'égard de jeunes cavaliers ayant engendré des plaintes et le départ de certains clients, occasionnant ainsi une incidence financière pour le centre équestre Dunois,
- pratiqué un dénigrement régulier d'une collègue auprès de plusieurs personnes,
- usé d'intimidation à l'égard de votre employeur et d'une collègue,
- eu un comportement dédaigneux à l'égard de votre supérieure hiérarchique qui a nui au bon fonctionnement du travail,
- refusé d'exécuter une tâche qui vous incombait : le 27 août 2009 vous avez modifié l'organisation d'une randonnée prévue sur une journée, sans respecter les horaires initialement convenus, entraînant la plainte d'un parent.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l'établissement et nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave. (...) ' ;
Considérant, sur la procédure de licenciement, que la convocation à l'entretien préalable, au mépris des dispositions de l'article L. 122-14 devenu L. 1232-4 du code du travail, ne précise pas l'adresse des services dans lesquels la liste des conseillers du salarié est tenue à disposition ;
Qu'il convient, confirmant le jugement, de dire la procédure de licenciement irrégulière ; que cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice au salarié en rendant difficile la recherche d'un conseiller, préjudice que le premier juge a justement évalué en lui allouant à titre de réparation la somme de 1 416,72 euros ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant, sur le licenciement, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;
Que pour être suffisamment motivée la lettre de licenciement doit énoncer des faits matériellement vérifiables ; qu'il n'est pas nécessaire qu'ils soient précisément datés ;
Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement est donc suffisamment motivée ;
Que le fait que les témoignages produits par le centre équestre émanent de personnes faisant partie du cercle proche des dirigeants du club ne suffit pas à estimer qu'ils sont nécessairement dépourvus de force probante, dès lors qu'ils sont suffisamment précis ;
Que, s'agissant de la vulgarité et grossièreté de M. [P] à l'égard de jeunes cavaliers, dans ses écritures le centre équestre reproche à M. [P] d'avoir pris une photo, le 28 août 2009, au retour d'une randonnée, de la cuvette des toilettes, après l'avoir utilisée, et d'avoir fait circuler la photo auprès des personnes présentes à l'accueil ;
Que M. [X], âgé de 22 ans, atteste avoir assisté à ces faits le 28 août 2009 et que Mme [Q], enseignante au club, relate aussi, sans préciser de date, avoir constaté le non respect des règles de bienséance : photos des WC après y avoir été et envoyées aux jeunes ;
Que M. [P] fait valoir que des faits de cette nature se sont déroulés en août 2008 au cours d'une soirée au club, ont été immédiatement portés à la connaissance de Mme [K] et sont donc prescrits ;
Que Mme [O] témoigne que ' ladite photo des toilettes était une blague qui m'était destinée lors d'une soirée barbecue au club, et qu'elle est datée de mon premier été au club donc de l'été 2008 ' ; que Mme [A] confirme cette version ;
Que les témoignages de M. [X] et Mme [Q] sont suffisamment concordants pour estimer que ces faits sont établis ;
Que Mme [F], principale de collège, atteste, le 10 décembre 2009, avoir été alertée par les élèves du collège des propos inappropriés et des écarts de langage fréquents émis à leur encontre par le moniteur chargé de cette activité ; qu'elle précise qu'elle a alors alerté Mme [K] pour que le moniteur soit rappelé à l'ordre ;
Qu'en l'absence de précision sur la date de dénonciation des faits il convient de les considérer prescrits ;
Que, s'agissant du dénigrement régulier d'une collègue, de l'intimidation à l'égard de son employeur et d'une collègue, du comportement dédaigneux à l'égard de sa supérieure hiérarchique, Mme [L] atteste avoir remarqué le 10 octobre 2009 que M. [P] s'approchait de Mme [Y] [K] pour lui parler à voix basse et avoir été étonnée de constater que s'il s'éloignait l'air joyeux et satisfait, elle avait l'air abattue et perturbée ce qui n'était pas le cas avant que M. [P] lui parle ; qu'elle ajoute qu'ensuite M. [P] avait rejoint M. [J] et qu'ils riaient ensemble ; que M. [G] témoigne avoir vu, le samedi 10 octobre 2009, M. [P] s'approcher de Mme [Y] [K] et repartir en rigolant , que Mme [C] témoigne avoir trouvé Mme [Y] [K] le dimanche suivant dans un état d'abattement inquiétant, qu'elle pleurait et que dans l'après-midi elle a expliqué que la veille elle avait été harcelée par M. [P] accompagné de M. [J] et qu'elle n'avait rien pu répondre et faire car elle accompagnait ses cavaliers ; qu'elle précise que Mme [Y] [K] le lendemain était en arrêt de maladie pour dépression ; que le témoignage de Mme [N], présidente de l'association, ne peut être pris en considération ;
Que Mme [Y] [K], supérieure hiérarchique de M. [P] mais qui n'a pas la qualité d'employeur relate, dans une attestation recevable, le comportement difficile de M. [P] à son égard à son retour de congé le 5 octobre et ses nombreuses provocations le samedi 10 octobre 2009 soutenu par son ami ;
Que Mme [Q], enseignante au centre équestre, atteste que M. [P], avec lequel elle n'avait pas été en contact depuis plusieurs mois, lui a envoyé le 1er octobre des textos, dont elle donne le contenu ; que le premier commençait par ' salut mémère ' et que leur objet était de l'informer qu'il allait reprendre son travail , qu'il ne voulait pas d'histoire mais voulait savoir ce qui se passe ;
Que ce fait fautif, tant le ton du texto est peu respectueux, étant établi, il permet de faire remonter le début du délai de prescription au 1er août 2009 et de prendre en considération les faits dénoncés par Mme [W] qui atteste avoir reçu en août 2009 un SMS débutant ainsi ' Ta salope de copine ' particulièrement insultant et dégradant envers [Y] [K] ;
Que ce grief est établi ;
Que, s'agissant de la modification de la randonnée du 27 août 2009, M. [P] ne conteste pas avoir modifié le programme de cette journée en raison du temps très pluvieux ; que Mme [S] dont les deux enfants participaient à cette randonnée se félicite dans une attestation de cette initiative ;
Qu'il n'en demeure pas moins que M. [P] en transformant une randonnée prévue pour 2 heures le matin, suivies d'une pause pic nic, et d'une nouvelle randonnée de 2 heures l'après-midi, en 4 heures le matin, a sensiblement modifié, de son propre chef, l'organisation de la journée ;
Que ce grief est établi ;
Que les parties produisent toutes les deux des témoignages contradictoires sur les qualités professionnelles de Mme [Y] [K] dont la cour ne peut donc tirer aucune conclusion ;
Que les faits établis démontrent que M. [P], à son retour d'arrêt de maladie, a adopté au sein du club une attitude qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'il convient, infirmant le jugement, de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture et rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire ;
Considérant, sur les heures supplémentaires, que M. [P] soutient qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires et que ses horaires étaient, en réalité, au minimum : 8h à 12h et 14h30 ou même 13h30 à 18h30, voire plus lorsqu'il y avait des concours à organiser, des chevaux malades à surveiller et des clôtures à entretenir et rénover ;
Qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, mais qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Qu'à l'appui de sa demande M. [P] communique les listings des concours amateurs des années litigieuses, sans établir qu'il était présent lors de ces compétitions, et des calendriers sur lesquels figurent seulement les jours de concours, de randonnées, de congés payés et d'arrêts de travail ;
Que ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre au centre équestre de fournir ses propres éléments ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de ce chef et de la demande subséquente relative au travail dissimulé ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,
INFIRMANT partiellement le jugement,
DIT le licenciement fondé sur une faute grave,
DEBOUTE M. [T] [P] de ses demandes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de paiement de la mise à pied conservatoire,
CONFIRME pour le surplus le jugement,
DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
DEBOUTE les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [P] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, conseiller, en l'absence de Madame Isabelle Lacabarats, président, régulièrement empêchée et par Madame Christine Leclerc, greffier.
Le GREFFIER Le PRESIDENT