COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 SEPTEMBRE 2014
R.G. N° 12/04890
AFFAIRE :
SA STERIA
C/
[X] [V]
Syndicat STERIA AVENIR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES
Section : Activités diverses
N° RG : 10/00354
Copies exécutoires délivrées à :
Me Eve DREYFUS
Me Caroline ALBOUY
[X] [V]
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA STERIA
Syndicat STERIA AVENIR
[Z] [E]
Copie au ministère public
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA STERIA
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eve DREYFUS, avocat au barreau de PARIS
1ère APPELANTE
****************
Madame [X] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparante
Assistée de M. Joseph RAAD, délégué syndical ouvrier
2ème APPELANTE
****************
Syndicat STERIA AVENIR
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Caroline ALBOUY, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT VOLONTAIRE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 17 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
EXPOSE DU LITIGE
Madame [V] a été engagée par la société STERIA en contrat à durée déterminée à partir du 13 décembre 1995 à temps partiel, renouvelé jusqu'au 31 décembre 1996, en qualité de secrétaire ETAM position 2.2 coefficient 310 de la convention collective SYNTEC.
En 1997 elle a été nommée assistante administrative 1 position 2.2 à temps complet.
Elle a été affectée dans plusieurs services successifs, notamment à partir de janvier 2001 au secrétariat des moyens généraux.
Selon la salariée elle est membre élue du CHSCT depuis 2005, selon l'employeur depuis 2007. Elle occupe toujours cette fonction après avoir été de nouveau désignée en 2010 puis en 2013. Elle est en outre déléguée du personnel depuis 2009. Selon la société STERIA c'est à partir de 2007 qu'elle a eu un statut de salariée protégée.
Après avoir demandé en vain depuis 2008 à son employeur de revaloriser sa situation en l'absence d'évolution de coefficient, de qualification ou de promotion depuis son embauche, Madame [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Versailles en avril 2010 d'une demande de mise à niveau de l'indice et du salaire et de paiement de dommages-intérêts pour discrimination salariale et d'évolution professionnelle et pour harcèlement moral.
Au cours de la procédure, la salariée a été mutée au poste de chargée de recouvrement et à partir du 1er mai 2012 elle a été positionnée au niveau 3.1 de la classification ETAM, assistant administratif 2 coefficient 400, son salaire étant porté de 1650 à 1 870 euros mensuels.
Par jugement du 2 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de Versailles en formation de départage :
- a reçu Mme [V] en ses demandes,
- a dit que la société STERIA doit lui payer la somme de 6 032 euros en réparation du préjudice causé par la discrimination salariale,
- a dit qu'elle doit être classée au niveau 3.1 coefficient 400 de la convention collective SYNTEC à compter du 1er novembre 2011,
- l'a déboutée de ses autres demandes,
- a mis à la charge de la société STERIA la somme de 600 euros à verser à Mme [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement et mis les dépens à la charge de la société STERIA.
La cour a été saisie de l'appel de la société STERIA et de l'appel de Mme [V].
En cause d'appel le syndicat STERIA AVENIR est intervenu volontairement à l'instance.
Dans un arrêt rendu le 18 février 2014 la cour a ordonné la réouverture des débats et la communication de l'affaire au ministère public, a invité les parties à conclure selon un calendrier précis et a sursis à statuer sur les demandes et a réservé les dépens.
Monsieur le procureur général a eu communication de l'affaire avant l'ouverture des débats.
A l'audience 17 juin 2014 à laquelle l'affaire a été plaidée.
La société STERIA, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- à l'égard de Mme [V] : infirmer le jugement qui a retenu une discrimination salariale et l'a condamnée à lui verser 6 032 euros et rejeter ses autres demandes,
- à l'égard du syndicat STERIA AVENIR : rejeter des demandes et lui allouer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [V] par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, complétées par ses déclarations notées sur le procès-verbal d'audiences, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- juger qu'elle a été victime de discrimination salariale et aussi de discrimination syndicale à partir de mars 2008 et en outre de harcèlement moral,
- ordonner sa mise à niveau comme assistante administrative 3.3. coefficient 500 avec un salaire mensuel de 2245 euros (subsidiairement de 2221 euros) avec effet rétroactif à partir du mois d'avril 2010 date de saisine du conseil des prud'hommes
- condamner la société STERIA à lui verser la somme de 67 498 euros de dommages-intérêts en réparation de la discrimination subie, subsidiairement ordonner une expertise pour calculer le préjudice,
- condamner la société STERIA à lui verser la somme de 27 000 euros de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité et celle de 54 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement, subsidiairement surseoir à statuer sur cette dernière demande dans l'attente de la procédure pénale engagée ou très subsidiairement ordonner une expertise avant de statuer sur cette demande,
- condamner la société STERIA à lui verser les intérêts légaux à partir de la saisine du bureau de conciliation du conseil des prud'hommes et ordonner leur capitalisation,
- lui allouer la somme de 2 000 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Le syndicat STERIA AVENIR par écritures visées par le greffier et soutenues oralement demande à la cour de :
- le déclarer recevable,
- confirmer le jugement sur la discrimination,
- juger qu'il y a eu harcèlement,
- condamner la société STERIA à lui verser des dommages-intérêts d'un montant de 5 000 euros en réparation des atteintes aux intérêts collectifs de la profession,
- ordonner sous astreinte la publication de la condamnation de la société STERIA après censure du nom des salariés sur l'intranet de l'entreprise et dans deux journaux support papier 'Le monde Informatique' et '01 business',
- lui allouer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Dans le dernier état de la procédure Madame [V] considère que c'est en raison du non respect de l'égalité de traitement mais aussi à partir du mois de mars 2008 d'une discrimination syndicale qu'elle n'a fait l'objet d'aucune revalorisation de sa qualification ni de son salaire. La cour examinera successivement les éléments présentés par la salariée.
S'agissant de l'inégalité de traitement d'abord invoquée, Madame [V] fait état des fonctions qu'elle a occupées successivement à partir de 2003 en plus de celles de secrétariat, des durées moyennes relevées dans la société d'évolution par indice SYNTEC au moment des NAO et à partir de sa mutation au service recouvrement de la comparaison avec la salariée à laquelle elle a succédé, Madame [R].
La moyenne entre deux promotions entre le coefficient 310 et le coefficient 400 depuis 2001 est de 9 ans et demi selon les données issues des NAO. Selon le rapport égalité Hommes/Femmes 2013 produit par l'employeur cette durée moyenne est de 102,60 mois pour les femmes c'est à dire de huit ans et demi.
De son côté Madame [V] établit qu'elle est demeurée plus de seize années c'est à dire presque le double de durée, au même niveau de qualification et de coefficient.
En outre elle prouve qu'à partir de l'année 2003 elle a exercé des fonctions en autonomie en plus de celles de secrétariat. En effet contrairement à ce qu'allègue la société le contrat Auto Mission n'était pas intégré à ses fonctions de secrétariat de Monsieur [W]. C'est à juste titre que le premier juge a retenu que la salariée s'est occupée seule de ce contrat sans difficulté et avec efficacité au vu des courriers électroniques et des évaluations en particulier celle de 2007 qui a noté une parfaite maîtrise de ce dossier. Ces fonctions de gestion et de suivi en autonomie des dossiers de sinistres et d'assurance occupaient la salariée 40 % de son temps selon un courrier électronique de 2007 qui n'a pas été critiqué en son temps, la preuve que cette tâche occuperait désormais une salariée une heure par jour n'étant pas rapportée par la société STERIA. Si le mode opératoire employé était pré-défini cela ne signifie pas contrairement à ce que prétend la société que Madame [V] ne disposait d'aucune autonomie pour l'appliquer. C'est ainsi qu'elle prouve qu'elle était la seule interlocutrice du personnel pour la gestion de ce dossier et qu'elle donnait son avis directement à sa N+2 sur l'élaboration d'un livret relatif à cette mission.
Quant aux lacunes au niveau de l'autonomie et de l'expression écrite, les EPDI n'ont relevé la nécessité de développer des formations qu'en langue anglaise à partir de 2004, ce qui est contradictoire avec les reproches adressés seulement à partir de 2008 dans l'évaluation faite par Monsieur [W], lui-même n'étant pas exempt de critiques comme l'a noté le premier juge s'agissant de l'orthographe employée en langue française.
Ainsi les évaluations de la salariée de 1997 à 2001 puis de 2004 jusqu'en 2006 mentionnent un niveau de performance B (classement de A à D) et à partir de 2007 de niveau 3 (sur une échelle de 1 à 5) ce qui a été un niveau correct au cours de toute cette période, les objectifs étant atteints.
Enfin les arguments invoqués par la société pour justifier l'absence de promotion à partir de 2003, tenant selon elle aux difficultés professionnelles et techniques et aux obstacles imputables à la seule salariée ont été à juste titre écartés par le premier juge qui a relevé notamment que les propositions de changement de poste ne s'accompagnaient d'aucune promotion ni augmentation de salaire, sans que des éléments nouveaux ne soient présentés en appel par la société STERIA.
Madame [V] rapporte la preuve qu'à côté des fonctions d'études ou de préparation relevant du coefficient 2.2 elle exerçait aussi des fonctions de conception ou de gestion élargie s'agissant de la gestion du contrat Auto Mission. Cette mission correspond à la définition de la convention collective s'agissant de la position 3.1. à savoir : exercice de la fonction qui nécessite la connaissance du mode de résolution d'un nombre limité de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes et des procédés habituels et dont l'agent possède la pratique.
C'est pourquoi Madame [V] rapporte la preuve qu'à partir de janvier 2004, au vu de son évaluation à cette période, elle a subi une inégalité de traitement et qu'elle devait être classée niveau 3.1 coefficient 400.
En revanche elle n'apporte pas d'élément de fait laissant supposer une inégalité de traitement lorsqu'elle fait état que de nouvelles attributions lui auraient été données relevant d'un niveau de responsabilité équivalent au niveau 3.2 puis 3.3 jusqu'au mois de novembre 2011. En effet, il apparaît que la gestion du Parc Automobile relevait du secrétariat, la salariée reconnaissant qu'elle effectuait cette tache en binôme avec son supérieur. Quant à la mission KAPA et à l'utilisation d'un logiciel OFA en 2010, Madame [V] ne présente aucun élément de preuve à la cour sur le contenu et le détail de ces missions dont il n'est nullement prouvé qu'elles impliquaient autonomie dans leur réalisation.
Pour solliciter l'application du niveau de qualification 3.3., Madame [V] cite également la situation de Madame [R], salariée chargée de recouvrement à laquelle elle a succédé dans ce service à partir du mois de novembre 2011. Cette dernière avait ce niveau de qualification depuis qu'elle avait commencé à occuper ce poste en 2007. S'il est exact que les salariées ont été embauchées à un niveau comparable de diplôme, Madame [R] avait toutefois une expérience professionnelle antérieure de secrétariat et justifie d'une ancienneté supérieure à celle de Madame [V] de plus de six années. Mais surtout la société STERIA démontre que le volume de comptes qui lui a été confié est très largement inférieur à celui que gérait Madame [R] qui en outre avait suivi à partir de 2003 des formations en comptabilité ce qui n'est pas le cas de Madame [V]. Il existe donc des éléments objectifs démontrant que les salariées ne sont pas dans une situation comparable et dès lors que l'appelante ne peut pas revendiquer l'application du niveau de qualification 3.3. y compris lors de sa mutation au service recouvrement.
La fiche de poste de Madame [V] prouve que les fonctions de chargée de recouvrement qu'elle occupe désormais revêtent toutes une autonomie. Elle peut en outre justifier d'une expérience dans d'autres domaines (la gestion de l'assurance). Néanmoins ces éléments sont insuffisants à démontrer que dès sa nomination à ce nouveau poste Madame [V] remplissait toutes les conditions exigées par le niveau de qualification 3.2.. En effet celui-ci prévoit que l''exercice de la fonction nécessite la connaissance du mode de résolution de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes et des procédés habituels et dont l'agent possède la pratique mais nécessitant, en raison de leur nombre et de leur variété, une expérience diversifiée'. Or Madame [V] qui ne présente aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle dans ce poste ne démontre pas avoir encore acquis la possession de la pratique et une certaine expérience dans ces nouvelles fonctions justifiant qu'elle peut prétendre à ce niveau de qualification.
En appel Madame [V] soutient qu'elle a été également discriminée en raison de ses activités syndicales à partir de mars 2008.
L'article L 1132-1 du code du travail énonce qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposé, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En cas de litige, selon les dispositions de l'article L 1134-1 du même code, cette personne doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles.
L'article L 2141-5 du code du travail rappelle qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de (...) d'avancement, de rémunération. Ces dispositions sont d'ordre public et toute mesure contraire prise par l'employeur est considérée comme abusive et donne lieu à des dommages-intérêts.
La question du point de départ de la qualité de salariée protégée sur laquelle les parties sont en désaccord n'a pas d'incidence sur la discrimination syndicale invoquée dès lors que Madame [V] en situe le début au mois de mars 2008. Or la société reconnaît qu'elle a eu le statut de salariée protégée dès qu'elle a fait acte de candidature aux fonctions de membre du CHSCT c'est à dire à partir du mois de février 2007. Au surplus, le seul procès-verbal mentionnant le nom de la salariée en face de la qualité de secrétaire adjoint en 2005 est insuffisant à prouver qu'elle avait dès cette époque un mandat de membre élu du CHSCT. En effet les procès-verbaux répertoriant les membres du CHSCT fin 2005 et en 2006 ne mentionnent pas Madame [V] en qualité de membre ayant voix délibérative.
Pour soutenir qu'il y a eu également une discrimination syndicale Madame [V] fait état des reproches sur ses absences à cause de réunions dans le cadre de son mandat. Mais les pièces qu'elle cite (EPDI 2013 et courrier électroniques échangés entre membres de son service) font exclusivement état de la réorganisation du service de la salariée qui était alors absente. L'évaluation mentionne uniquement qu'elle n'a pas atteint les objectifs en raison de ses absences dues à l'impossibilité de lui permettre de rencontrer le médecin du travail pour la visite de reprise ce qui n'a aucun rapport avec ses mandats. Les menaces et les pressions évoquées par la salariée ne portent sur aucun fait précis.
Elle évoque également la persistance des problèmes professionnels alors qu'elle avait précédemment demandé une régularisation de la discrimination salariale ainsi que l'absence de promotion et de formation qui selon elle ont pour motif son appartenance syndicale.
Comme cela vient d'être jugé l'inégalité de traitement est démontrée à partir de l'année 2004. Madame [V] ne peut pas sérieusement évoquer une absence de formation alors qu'il est prouvé qu'elle a continué de suivre des cours d'anglais à partir de 2008 jusqu'en 2010 au vu du tableau récapitulatif des formations suivies. La société STERIA a refusé d'accéder à la demande de la salariée de suivre une formation de cadre gestion exprimée au mois de décembre 2008. Mais ce refus a été expliqué par l'employeur car il était nécessaire au préalable, selon lui, que la salariée effectue un bilan de compétence ce qu'elle venait finalement de contester. Or il est constant que le bilan de compétences a pour objectif de définir ensuite les formations adaptées. Et surtout il est incontestable que les parties étaient en désaccord sur le niveau de qualification approprié, le droit d'alerte du délégué du personnel fin 2008 revendiquant alors pour elle un niveau 3.2 depuis 2003. La cour a finalement jugé que le niveau de qualification réel était inférieur. En tout état de cause et même en tenant compte de ses demandes la salariée demeurait dans la catégorie ETAM tandis qu'elle revendiquait une formation de cadre ce qui pouvait légitimement être prématuré. C'est pourquoi la société STERIA justifie par des raisons objectives du caractère légitime de ce refus de formation.
Quant à l'absence de promotion et de régularisation, Madame [V] ne vise aucun fait précis en lien avec son activité syndicale à partir du mois de mars 2008. En outre les alertes exercées par le délégué du personnel en 2008 et 2009 ne citent pas de faits se rapportant à une discrimination syndicale mais font état d'une rupture d'égalité de traitement, de discrimination tenant aux origines ou à la race et d'un harcèlement. Il vient d'être jugé que l'absence de promotion a pour cause une rupture d'égalité. Mais en l'absence de preuve de faits contemporains de la qualité de salariée protégée se rapportant à l'activité syndicale, Madame [V] ne démontre pas de faits laissant présumer qu'elle a également subi une discrimination syndicale. Ces demandes sur ce fondement seront par conséquent rejetées.
Sur les conséquences de cette rupture d'égalité
La réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.
A ce titre, Madame [V] est fondée à demander au titre du préjudice de reconstitution de carrière des dommages-intérêts sur la base de la méthode CLERC, tenant compte de la différence entre les salaires correspondant aux minima issus des accords SYNTEC pour le niveau de qualification applicable et ceux perçus par la salariée de janvier 2004 à septembre 2014 inclus, et d'une majoration de 30 % correspondant aux avantages perdus (congés payés et retraites), étant précisé que les minima précités et ce mode de calcul ne sont pas critiqués par la société STERIA. La cour alloue par conséquent à Madame [V] en réparation de la discrimination salariale la somme de 34 278 euros de dommages-intérêts outre intérêts légaux à compter du prononcé de la présente décision.
Les intérêts légaux ci-dessus se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
La cour juge que Madame [V] peut prétendre en dernier lieu et depuis le 1er janvier 2013, à un salaire de 1979 euros mensuels conformément aux salaires minima SYNTEC eu égard à la qualification 3.1. coefficient 400.
Elle est déboutée de ses autres demandes afférentes à la discrimination salariale et syndicale.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif à l 'application des dispositions précitées, le salarié, conformément aux dispositions de l'article L 1154-1 du même code, établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de l'article L 1152-1 précité que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'appréciation doit porter sur l'ensemble des faits.
Par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, le premier juge a fait une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation des faits et documents de l'espèce. C'est pourquoi la cour les adopte et confirme le jugement en ce qui concerne le rejet de la demande au titre du harcèlement moral.
En effet, comme il a été relevé en première instance, Madame [V] ne rapporte pas la preuve de faits laissant présumer un harcèlement lorsqu'elle se contente de faire état de ses seules déclarations auprès du délégué syndical s'agissant des propos injurieux ou déplacés reprochés à ses supérieurs ou de témoignage indirect à propos de la surveillance de ses horaires de travail. Le témoignage d'une salariée portant le même nom qu'elle n'emporte pas la conviction de la cour dès lors que la société STERIA n'a pas été critiquée lorsqu'elle indique qu'il s'agit d'une cousine de Madame [V]. Enfin les témoignages contradictoires sur le déroulement de l'entrevue entre la salariée et son ancienne supérieure Madame [B] le 8 novembre 2011 ne permettent effectivement pas de prouver que c'est cette dernière qui a été agressive envers la salariée.
Comme l'a justement relevé le premier juge il a existé des tensions dans les relations professionnelles entre Madame [V] et ses deux supérieurs Monsieur [W] et Madame [B] mais sans qu'il soit prouvé que les remarques adressées à la salariée dépassent le pouvoir de direction et le management légitime.
L'employeur démontre d'ailleurs qu'il a tenu compte des préconisations du médecin du travail en procédant à une réorganisation le 15 décembre 2010 consistant à retirer à la salariée le secrétariat de Monsieur [W] pour la placer sous la hiérarchie directe de Madame [B] afin d'apaiser les relations professionnelles qui avaient atteint un niveau de tension anormal, sans qu'il soit prouvé que l'origine de cette situation soit due à des comportements de harcèlement imputable à l'employeur.
En cause d'appel Madame [V] fait état également d'un harcèlement en évoquant des agissements qui se seraient poursuivis selon elle à partir du 11 décembre 2013 sous forme de pressions de la part de sa hiérarchie. Elle fait état aussi de problèmes relationnels avec les collègues du service recouvrement et des comportements discriminatoires (reproches et demandes de justification de ses absences alors qu'elle est en délégation pour raison syndicale).
Cependant Madame [V] ne prouve aucun de ces faits. Elle produit ses seules déclarations ou les compte rendus du délégué du personnel qui a opéré un droit d'alerte le 11 février 2014 puis une déclaration de danger grave et imminent le 13 mars 2014 mais qui n'a jamais été le témoin direct de l'un de ces faits.
Les documents qu'elle verse aux débats s'agissant de ce droit d'alerte puis de la procédure de danger grave et imminent y compris les enquêtes effectuées tant avec les représentants de l'employeur qu'au sein du CHSCT ne visent aucun fait précis.
Dans une décision rendue le 10 avril 2014, l'inspecteur du travail statuant sur le recours de Madame [V] contre un avis médical d'aptitude du 26 février 2014, a confirmé cette décision et demandé au médecin du travail d'effectuer une étude de poste de travail de la salariée. Dans les motifs de sa décision, l'inspecteur du travail mentionne qu'il a rappelé à Madame [V] 'la possibilité qu'elle le saisisse en cas de dégradation de ses conditions de travail qui pourraient caractériser une situation de harcèlement : ce qui n'est pas le cas à l'heure de la présente. Madame [V] n'a pas saisi l'inspecteur du travail (qui) n'a pas constaté de situation caractérisant un harcèlement moral ou discriminatoire ou même une entrave à ses mandats'.
Il est constant que cet inspecteur a eu régulièrement communication de la procédure de danger grave et imminent mise en oeuvre par le CHSCT. Or Madame [V] ne justifie d'aucune investigation de la part de la DIRECTE s'agissant notamment de harcèlement. Elle ne rapporte pas la preuve d'une plainte pour harcèlement moral auprès du procureur de la république de Versailles par la seule production d'un accusé de réception daté du 26 mai 2014 à son attention.
L'absence de réponse et de justification du refus de la société STERIA d'accéder à sa demande de remboursement de frais au mois de février 2011 est insuffisante pour démontrer un quelconque harcèlement.
Il n'est pas nécessaire de se prononcer sur l'authenticité ou non du courrier électronique daté du 22 février 2011 attribué au médecin du travail, sur laquelle les appelants sont en désaccord, dès lors que cette pièce n'a aucune incidence sur la valeur probatoire qui s'attachent aux faits allégués par la salariée.
C'est pourquoi la cour confirme le jugement ayant débouté Madame [V] de sa demande au titre d'un harcèlement moral.
Sur l'obligation de santé et de sécurité
En cause d'appel Madame [V] demande réparation du préjudice résultant aussi du non respect selon elle de cette obligation par la société STERIA.
Mais comme la cour vient de le juger aucune preuve n'est rapportée d'un agissement subi par la salariée et imputable à l'employeur en méconnaissance de cette obligation. Si elle justifie que des arrêts de travail ont été dus selon les avis médicaux à une anxiété au travail, il n'est pas prouvé que l'employeur en soit à l'origine.
Le fait que la société STERIA a reçu le 5 août 2013 une mise en demeure de la DIRECTE de procéder à une évaluation des risques portant sur l'ensemble des facteurs psychosociaux et à l'élaboration d'un plan d'action à la suite de son constat de certains risques psychosociaux dans l'entreprise ne démontre pas que l'obligation de sécurité a été méconnue envers la salariée. C'est pourquoi Madame [V] sera déboutée de sa demande.
Sur l'intervention du syndicat STERIA AVENIR
La recevabilité de l'intervention du syndicat n'est pas contestée.
Sur le fondement des dispositions de l'article L 2132-3 du code du travail, qui est dans le débat, le syndicat STERIA AVENIR est fondé à demander réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et qui réside dans le non respect du principe d'égalité de traitement. C'est pourquoi la société STERIA est condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros de dommages-intérêts.
Il sera débouté de ses autres demandes dès lors qu'il n'est pas prouvé d'autres préjudices en l'absence de discrimination syndicale et de harcèlement établis. C'est pourquoi la cour déboute également le syndicat de sa demande de publication de la décision.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Tenue aux dépens de première instance et d'appel la société STERIA est condamnée à verser respectivement à Madame [V] et au syndicat STERIA AVENIR la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions SAUF sur le montant des dommages-intérêts pour discrimination salariale ou inégalité de traitement et sur la date depuis laquelle Madame [V] doit être classée au niveau de qualification ETAM 3.1. coefficient 400 de la convention collective SYNTEC ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement réformés,
JUGE que Madame [V] a fait l'objet d'inégalité de traitement ou de discrimination salariale à partir du 1er janvier 2004 et qu'elle doit être classée au niveau de qualification ETAM 3.1. coefficient 400 de la convention collective SYNTEC depuis le 1er janvier 2004 ;
JUGE qu'elle peut prétendre en dernier lieu et depuis le 1er janvier 2013, à un salaire de 1979 € mensuels (MILLE NEUF CENT SOIXANTE DIX NEUF EUROS) conformément aux salaires minima SYNTEC en raison de ce niveau de qualification ,
CONDAMNE la société STERIA à verser à Madame [V] la somme de 34 278 € (TRENTE QUATRE MILLE DEUX CENT SOIXANTE DIX HUIT EUROS) de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour inégalité de traitement ou de discrimination salariale outre intérêts légaux à compter du prononcé de la présente décision ;
DIT que les intérêts légaux ci-dessus se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Madame [V] de ses demandes au titre d'une discrimination syndicale et de l'obligation de santé et sécurité ;
CONDAMNE la société STERIA à verser au syndicat STERIA AVENIR la somme de 2 500 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et qui réside dans le non respect du principe d'égalité de traitement ;
Et DÉBOUTE le syndicat STERIA AVENIR de ses autres demandes de dommages-intérêts et de publication ;
CONDAMNE la société STERIA à verser la somme de 2 000 € (DEUX MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile d'une part à Madame [V] et d'autre part au syndicat STERIA AVENIR ;
DÉBOUTE la société STERIA de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
MET les dépens d'appel à la charge de la société STERIA.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,