COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 SEPTEMBRE 2014
R.G. N° 13/03391
AFFAIRE :
[M] [G]
C/
SA IFS FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Activités diverses
N° RG : 11/02335
Copies exécutoires délivrées à :
Me Claire PONROY
SCP LEXOCIA
Copies certifiées conformes délivrées à :
[M] [G]
SA IFS FRANCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [M] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle - 70 % - numéro 2013/010011 du 26/02/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
Comparante
Assistée de Me Claire PONROY, avocat au barreau de PONTOISE
APPELANTE
****************
SA IFS FRANCE (320 508 229 00053)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Nicolas FREZARD de la SCP LEXOCIA, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, président, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCÉDURE
Statuant sur l'appel formé par Mme [M] [G] contre le jugement en date du 5 juillet 2013 par lequel le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté Mme [G] de toutes ses demandes dirigées contre son ancien employeur, la société IFS France ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 12 mai 2014 par Mme [G] qui demande à la cour, infirmant le jugement déféré :
- d'ordonner la requalification de son poste de téléopératrice en celui d'assistante commerciale au salaire brut de 2266 €
- de condamner en conséquence la société IFS France à lui payer la somme de 23 964 € à titre de rappel de salaire
- de condamner la société IFS France au paiement de la somme de 40 788 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 10 000 € pour les conditions vexatoires et dégradantes dans lesquelles elle a dû exécuter son travail
avec remise des bulletins de paye correspondants et allocation de la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions développées à la barre par la société IFS France tendant à la confirmation du jugement déféré et au débouté de Mme [G] du chef de toutes ses prétentions ' la société IFS France requérant en tout état de cause que la condamnation à son encontre, fondée sur les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, soit limitée à 150 € ;
SUR CE LA COUR
SUR LES FAITS
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme [G] a été engagée par la société IFS France selon contrat à durée indéterminée en date du 17 juillet 2007, en qualité de téléactrice, statut employé, coefficient 220 échelon 1.1 de la convention collective des bureaux d'études techniques, dite SYNTEC ; que le salaire convenu était de 1500 € brut par mois, outre une prime de vacances de 200 € mensuelle, pour 35 heures hebdomadaires de travail ;
Que le 15 juillet 2009, la société IFS France a notifié un avertissement à Mme [G], visant ses retards et son attitude « négative par rapport à ses collègues et sa hiérarchie » ainsi que son « comportement agressif à l'égard d'une autre employée de l'entreprise » ;
Que par lettre du 23 juillet 2009, Mme [G] contestait cet avertissement et le 28 juillet suivant, écrivait à la société IFS France pour dénoncer des faits de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part de sa collègue, Mme [H], qui, selon elle, le même jour et sans raison, avait tenu à son égard des propos calomnieux et déplacés ; qu'elle demandait à l'employeur de prendre les mesures propres à faire cesser cette situation ;
Que la société IFS France a reçu Mme [G] le 1er septembre suivant, à l'occasion de plusieurs entretiens dont un avec Mme [H] au cours duquel il est apparu qu'une querelle avait opposée les deux protagonistes en dehors de l'entreprise ; que la tentative de rapprochement opérée entre les deux salariées n'a pas abouti mais que chacune d'elle a été priée d'adopter envers l'autre « une attitude mesurée » ;
Que le 8 septembre suivant, Mme [G] a écrit à la société IFS France pour se plaindre qu'elle n'avait toujours pris aucune mesure malgré sa demande du 28 juillet ;
Que par lettre du 15 septembre 2009, la société a demandé à Mme [G] de lui fournir des éléments précis fondant ses accusations contre sa collègue afin de pouvoir diligenter une enquête ;
Que le 15 octobre, Mme [G] a répondu en contestant l'avertissement reçu dont elle demandait l'annulation -celui-ci démontrant la discrimination dont elle était l'objet puisqu'à l'époque, seule, sa collègue avait été entendue ; qu'elle a maintenu que Mme [H] avait proféré des insultes et gestes déplacés à son encontre et a précisé que, depuis l'envoi de la lettre d'avertissement, elle subissait une dégradation de ses conditions de travail de la part de son supérieur hiérarchique, M. [O], et de l'équipe commerciale au sein de laquelle elle travaillait, ce harcèlement consistant en l'absence de fourniture de travail, la dissimulation d'informations etc ... ; qu'elle devait, en conséquence, avoir recours à un « suivi médical pour surmonter ces agressions sur sa santé tant physique que morale » ; que pendant les semaines suivantes, Mme [G] a effectivement été arrêtée pour maladie ;
Que parallèlement, le 30 septembre 2009, Mme [G] a saisi, de ses difficultés, l'inspecteur du travail à l'égard duquel la société IFS France s'est expliquée dans une lettre du 29 janvier 2010 où elle a exposé les diligences qu'elle avait entreprises et l'attente dans laquelle elle demeurait de la communication, par Mme [G], d'éléments lui permettant de mener une enquête sur le harcèlement moral dont elle se prétendait victime depuis le 1er septembre 2009 ;
Que dans une lettre électronique du 12 janvier 2010, Mme [G] a informé son supérieur hiérarchique qu'en l'absence de réponse donnée à ses divers courriers, elle refusait de prendre part au processus d'entretien d'évaluation annuel ;
Que le 29 janvier 2010 la société IFS France a réitéré, auprès de Mme [G], sa demande de précision contenue dans sa précédente correspondance, en notant que la seule scène rapportée par Mme [G] était celle survenue en juillet 2009, suivie, depuis, des entretiens du 1er septembre 2009 au cours desquels il avait été convenu que chaque salariée devait adopter une attitude mesurée à l'égard de l'autre ; que dans ces conditions la société demandait « une ultime fois » la communication de renseignement sur le harcèlement moral dont la salariée se plaignait, en assurant cette dernière qu'elle se tenait à sa disposition pour la recevoir avec un délégué du personnel afin d'évoquer sa situation ;
Qu'un nouvel entretien s'est ainsi tenu le 3 février 2010, entre Mme [G], assistée d'un conseiller du salarié, et le président de la société IFS France, à l'issue duquel celle-ci, dans une lettre du 5 février 2010, a maintenu l'avertissement du 15 juillet 2009, déclaré que la direction ne disposait toujours d'aucun élément ou signalement relatif à un quelconque harcèlement moral et a contesté le grief d'absence de fourniture de travail ainsi que les autres critiques à caractère professionnel de Mme [G] ;
Que le 25 février 2010, Mme [G] s'est plainte auprès de son responsable de n'avoir pas été conviée à une « dégustation de café organisée de façon informelle par Mme [H] » et, dans un courriel du même jour, ce responsable lui a reproché l'attitude agressive qu'elle venait d'avoir envers lui en refusant de sortir de son bureau ;
Que le lendemain, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé au 9 mars 2010, et le 17 mars 2010 la société IFS France a notifié à Mme [G] son licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
Que les griefs justifiant cette décision, repris dans la lettre sont les suivants :
1) comportement général, « agressif et accusateur permanent qui perturbe l'exécution de (son) travail » ;
- difficultés relationnelles avec ses collègues de travail (climat de tension, dénigrant notamment envers Mme [H])
- relations conflictuelles avec son « manager » auquel elle refuse de serrer la main ; non respect de ses recommandations, refus de l'entretien d'évaluation, réponse agressive à son égard)
- insuffisance professionnelle (gestion des relances téléphoniques, insuffisance du nombre des appels ...) déjà relevée dans le courriel du président du 5 février 2010 ;
Que Mme [G] a contesté son licenciement par lettre du 23 mars 2010 et a saisi à cette fin le conseil de prud'hommes le 2 septembre 2011 ; que, par le jugement entrepris, le conseil a débouté Mme [G], tant de cette contestation, que de sa demande de reclassification ;
*
SUR LA MOTIVATION
Sur le licenciement
Considérant qu'il résulte du rappel des faits qui précède qu'une querelle a éclaté, entre Mme [G] et sa collègue Mme [H], au mois de juillet 2009 ; que selon les entretiens du 1er septembre 2009, cette querelle avait pris sa source en dehors de l'entreprise et que Mme [G] a reçu un avertissement pour avoir poursuivi cette querelle au sein de l'entreprise, en se montrant agressive envers sa collègue ; que Mme [G], non confrontée à l'époque avec sa collègue, a estimé cette sanction injuste, affirmant que c'était, elle, au contraire, qui avait été outragée par les paroles et l'attitude de l'autre salariée ; qu'elle n'a, dès lors, eu de cesse de solliciter, de son employeur, la prise de mesures propres à mettre un terme au comportement de sa collègue ;
Que, postérieurement à l'avertissement, la société IFS France a reçu à diverses reprises Mme [G] en lui demandant de préciser les faits et événements justifiant la persistance de ses plaintes qui demeuraient vagues et imprécises ; que Mme [G] n'a jamais fait connaître à la société les précisions attendues, se référant seulement à l'incident ayant abouti à l'avertissement prononcé contre elle qu'elle souhaitait, en définitive, voir effacé ou, à tout le moins, partagé avec sa collègue ;
Considérant que, nourrissant une rancune particulière contre son « manager », M. [O], présent lors de l'altercation du mois de juillet, Mme [G] -ainsi qu'en témoignent les échanges de courriels produits- reprochait à celui-ci, sans raison, de la laisser sans travail, se plaignait auprès du président de la société que M. [O] ne la saluait pas -alors que le président constatait le contraire et le lui faisait remarquer- et refusait, enfin, de quitter le bureau de son supérieur et de se présenter devant celui-ci pour l'entretien d'évaluation, au motif que les mesures qu'elle requérait n'étaient toujours pas prises ;
Considérant que ce comportement non contesté de l'appelante traduit une insubordination caractérisée de celle-ci et une opposition volontaire à son responsable direct, cause d'une inévitable perturbation des relations de travail et du travail lui-même ; qu'il constitue, en conséquence, une cause réelle et sérieuse au licenciement de Mme [G], et ce, d'autant, que l'autre grief tiré de l'insuffisance professionnelle de la salariée, n'est pas non plus contestable puisqu'il n'est pas discuté que, pour le mois de mars 2010, les résultats de Mme [G] (évalués en fonction du nombre d'appels téléphoniques passés par elle) s'avéraient dérisoires (un appel abouti, 0 appel non abouti), sans que l'intéressée, invitée à s'en expliquer, ne les ait justifiés ;
Considérant que c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté Mme [G] de la contestation de son licenciement ;
*
Sur les conditions de travail
Considérant que, pas plus que devant les premiers juges, Mme [G] n'apporte la preuve, devant la cour, des prétendues conditions vexatoires de travail qui auraient été les siennes ;
Que le rappel des faits ci-dessus démontre que si l'appelante s'est vu notifier l'avertissement qui lui a été injustement notifié, selon elle, le 15 juillet 2009 -et qu'elle ne conteste cependant pas présentement- il n'est pas contestable que postérieurement à cette sanction, non seulement, Mme [G] n'a pas fait état de nouveaux événements affectant ses conditions de travail, malgré les invitations en ce sens de son employeur, mais encore, la société IFS France a multiplié les rendez-vous avec elle et répondu à ses demandes, tandis que le responsable dont elle se plaignait lui écrivait que sa porte lui était ouverte pour toute difficulté ;
Que, comme en première instance, Mme [G] ne produit d'ailleurs aucune pièce qui viendrait justifier la pertinence de ses affirmations ;
Que la décision déférée sera également confirmée sur ce point ;
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Sur les fonctions de Mme [G]
Considérant que Mme [G] a été engagée en qualité de « téléactrice » échelon 1.1 de la convention collective SYNTEC qui définit ainsi les fonctions de cet échelon :
« L'exercice de la fonction consiste en l'exécution d'opérations simples et répétitives reproduisant des modes opératoires en nombre limité et préalablement démontrés. Se satisfait d'une formation équivalente au niveau 6 de l 'Education Nationale et d'une courte période d'adaptation » ;
Considérant que Mme [G] revendique la classification d'assistante commerciale, position 2.1 de la convention collective, décrite par celle-ci :
« L'exercice de la fonction, généralement limitée à un domaine particulier d'application d'une technique, implique la connaissance de méthodes, procédés et moyens habituels et l'aptitude à les mettre en oeuvre à partir de consignes générales » ;
Considérant que Mme [G] soutient que son travail relevait plus de la prospection commerciale que de la simple exécution de tâches simples et répétitives, que son contrat de travail stipulait d'ailleurs qu'elle conservait « toute liberté dans l'organisation de son travail » et que Mme [H], qui était placée sous la responsabilité du même supérieur hiérarchique et effectuait des tâches semblables aux siennes, se voyait attribuer les fonctions d'assistante commerciale ;
Mais considérant que les fonctions d'assistante commerciale emportent, selon le descriptif versé aux débats par l'intimée, diverses attributions dont le marketing téléphonique ne constitue qu'un élément parmi d'autres, contrairement aux fonctions de Mme [G] qui consistaient essentiellement en un tel marketing ; qu'en outre, l'assistante participe à l'activité commerciale dont elle est le support logistique, contribuant à l'action des commerciaux par un suivi de leurs opérations et une mise à jour des outils de la force de vente ;
Que ces diverses fonctions sont beaucoup plus vastes et requièrent une plus grande autonomie que celles exercées par Mme [G] qui, selon son contrat, se réduisaient à « la téléprospection , avec une simple mise à jour de la base « gestion des prospects » ;
Considérant que Mme [G] ne peut donc prétendre à une autre classification que celle résultant de son contrat de travail, -et ce, peu important que ce contrat stipule qu'elle conserverait « toute liberté dans l'organisation de son travail », puisque la liberté ainsi visée s'inscrivait dans les limites des attributions confiées, ou que Mme [H] ait disposé, elle, du statut d'assistante commerciale, dès lors que selon son contrat, produit aux débats, cette salariée exerçait d'autres fonctions que celles définies au contrat de l'appelante ;
Considérant que Mme [G] sera en définitive, déboutée de son appel et le jugement entrepris, confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'équité commande de laisser à la charge de la société IFS France, ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
DIT n'y avoir pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société IFS France ;
CONDAMNE Mme [G] aux dépens d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,