COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 OCTOBRE 2014
R.G. N° 13/07035
AFFAIRE :
[U] [I]
C/
Madame [E] [S] veuve [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2013 par le Juge de l'exécution de TGI Versailles
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 13/02560
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Pascale REGRETTIER-
GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Epoux [U] [I]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (78)
de nationalité Française
[Adresse 2]
Représentant : Me Audrey ALLAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344
APPELANTS
****************
Madame Madame [E] [S] veuve [K]
née le [Date naissance 2] 1928 à [Localité 3] (68)
de nationalité Française
[Adresse 3]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1200284
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président chargé du rapport et Madame Anne LELIEVRE, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
[U] [I] et [C] [I] ont vendu, avec faculté de réméré, à [E] [S] veuve [K], un bien situé à [Localité 2], [Adresse 1], par acte du 22 mars 2006.
Par acte du même jour, [E] [K] a consenti un bail de 3 ans aux époux [I].
Par jugement du 6 décembre 2012, le tribunal d'instance de SAINT GERMAIN EN LAYE a condamné les époux [I] à payer la somme de 84.130 € au titre des loyers impayés, terme de juin 2012 inclus et a sursis à l'exécution des poursuites sous réserve de règlements de 6 mensualités de 300 euros, et dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance, la résiliation du bail sera immédiatement prononcée de plein droit l'expulsion des époux [I] sera ordonnée; la décision a été signifiée le 3 janvier 2013.
Par acte du 5 février 2013, [E] [K] a délivré aux époux [I] un commandement de quitter les lieux.
Autorisés par ordonnance du 22 mars 2013 à assigner à bref délai, les époux [I] ont fait citer [E] [K], aux fins de voir "constater" que les deux premiers règlements ont bien été effectués et de juger que le effets du commandement seront suspendus.
Vu l'appel interjeté le 17 septembre 2013 par [U] [I] et [C] [I] du jugement rendu le 3 septembre 2013 par le juge de l'exécution de VERSAILLES qui :
- les a déboutés de leurs demandes,
- a dit que le commandement de quitter les lieux du 5 février 2013 produira tous ses effets, la résiliation du bail étant acquise,
- les a condamnés à payer à [E] [K] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 août 2014 par lesquelles [U] [I] et [C] [I], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demandent à la cour de juger que les effets du commandement d'avoir à quitter les lieux qui leur a été notifié le 5 février 2013 doit être déclaré nul et de nul effet, de débouter [E] [K] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 11 août 2014 par lesquelles [E] [K] demande à la cour de :
- in limine litis : procéder à la radiation de l'appel pour défaut d'exécution des condamnations prononcées par le jugement du juge de l'exécution,
- au fond : confirmer le jugement entrepris et rejeter l'ensemble des demandes des époux [I],
- condamner ceux-ci à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 3 septembre 2014 ;
Considérant qu'au soutien de leur appel, [U] [I] et [C] [I] exposent avant toute défense au fond que [P] [K] devra être déboutée de sa demande fondée sur l'article 526 du code de procédure civile, des règlements ayant été effectués depuis le versement du 13 février 2014, et notamment une somme de 843,50 euros correspondant à l'article 700 et aux frais de signification ;
Qu'au fond, ils exposent que si les fonds réglés sur le compte CARPA, à la demande du juge de l'exécution du 25 juin 2013, n'ont pas été transmis à l'avocat de [P] [K], c'est uniquement en raison de son éloignement, que la propriétaire ne leur a jamais demandé l'actualisation des loyers, que les deux premiers règlements ont été effectués au mois de février et mars 2013, qu'ils n'ont été encaissés qu'en mai et que les deux suivants ont été égarés, que la dernière mensualité de 95.758 euros a bien été effectuée, et considèrent que l'intimée, qui est difficile à suivre en raison de ses changement d'adresse et retards à encaisser les chèques, fait preuve d'esprit de contradiction et de mauvaise foi ; que les règlements des loyers en retard sont intervenus pour la période allant de juin 2012 à janvier 2013 ; que l'intégralité des loyers en retard a ainsi été réglée et les loyers en cours sont payés chaque mois ;
Qu'ils ajoutent qu'une jurisprudence ancienne mais constante de la Cour de cassation rappelle que le délai imparti au débiteur ne peut courir que du jour de la signification de la décision qui le condamne en même temps au paiement d'une somme d'argent en cas de non respect du délai ; que la décision du tribunal d'instance leur a été notifiée au mois de janvier 2013;
Qu'ils considèrent enfin que le commandement de quitter les lieux doit être déclaré nul dans ses effets, malgré leur expulsion survenue le 3 juin 2014 alors qu'ils ont souffert d'un incendie du à un accident domestique les ayant obligés à bâcher leur habitation et n'ont toujours pas été indemnisés, et que leur expulsion a été ordonnée dans la précipitation et sur production d'un décompte erroné ;
Considérant que [P] [K] expose 'in limine litis' que les appelants ne se sont pas acquittés des condamnations prononcées à leur encontre et notamment de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier président a rejeté leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire faute de présenter des moyens sérieux de réformation, et que leur appel doit être déclaré irrecevable ;
Que, subsidiairement, elle fait valoir que l'arriéré de loyers, qui s'élevait à 84.130 euros arrêté au 1er juin 2012, comprenait en outre les loyers échus entre le 1er juillet et le 1er décembre 2012 pour 9.846 euros (1641x6), soit la somme globale de 93.976 euros, que [U] [I] et [C] [I] ne se sont pas acquittés des loyers courants comme le tribunal d'instance les avait condamnés ; que les règlements auraient du débuter dès le mois de décembre 2012 ; que ce n'est que le 17 février 2013 qu'un premier règlement, incomplet, lui sera adressé, et que par la suite, d'autres chèques seront adressés, perdus ou retournés à l'expéditeur ; que les loyers versés étaient en outre fondés sur le loyer d'origine ;
Qu'elle ajoute que les usages entre avocats et le règlement national des avocats concernant l'encaissement des chèques par la caisse CARPA du conseil du bénéficiaire n'ont pas été respectés;
Qu'elle considère que les règlements sont intervenus avec retard, le règlement de la somme de 95.758 euros supposée solder les condamnations du tribunal intervenant le 20 août 2013 et que les intérêts n'ont pas été réglés ; qu'elle fait valoir que les règles édictées par le code de procédure civile ont été respectées, que le délai de grâce part à compter du jugement lorsque celui-ci est contradictoire en application de l'article 511 de ce code et de l'article 450, qu'elle a patienté durant deux mois avant de délivrer un commandement de quitter les lieux, et que [U] [I] et [C] [I] sont solvables ayant notamment été bénéficiaires d'un héritage ;
Qu'elle indique que la demande de nullité des effets du commandement est devenue sans intérêt du fait de l'expulsion en date du 3 juin 2014, ajoute que la maison n'a fait l'objet d'aucun entretien par les locataires, que le décompte de l'huissier laisse apparaître un reliquat de 16.537,77 euros au 8 août 2014 et enfin que les époux [I] et leur conseil ne sont pas suffisamment qualifiés pour juger de l'état de santé de l'intimée ;
* * *
Considérant que, sur la recevabilité de l'appel et la demande de radiation de l'affaire, il sera fait observer que les appelants invoquent les dispositions de l'article 526 du code de procédure civile ; que le premier président de la cour, par décision du 14 novembre 2013, a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ; que le juge de l'exécution, aux termes de la décision entreprise, a notamment condamné [U] [I] et [C] [I] à verser à [P] [K] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; que celle-ci fait valoir que les appelants ne se sont pas acquittés du règlement de cette somme ;
Considérant toutefois que le pouvoir de décider la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, appartient au premier président ou, dès qu'il est saisi, au conseiller de la mise en état ; qu'en l'espèce, s'agissant d'une procédure relevant des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état n'a pas été saisi ; qu'il appartenait aux appelants de saisir de leur demande le premier président de la cour, ce qu'ils n'ont pas fait ;
Que l'appel sera déclaré recevable et l'intimée sera déboutée de sa demande tendant à ce que soit prononcée la radiation de l'affaire ;
Considérant que, sur le fond, il ressort des pièces produites au dossier que, par jugement du 6 décembre 2012, le tribunal d'instance de SAINT GERMAIN en LAYE, statuant par jugement contradictoire, a :
- condamné solidairement les époux [I] à payer à Madame [K] la somme de 84.130 euros au titre des loyers et charges dus au 1er juin 2012, terme de juin 2012 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 29 février 2012 sur la somme de 79.207 euros et du présent jugement pour le surplus,
- Sursis à l'exécution des poursuites et autorisé les époux [I] à se libérer de leur dette en 6 mensualités de 300 euros la dernière étant majorée du solde de la dette principale, intérêts, dépens et frais,
- Dit que les mensualités seront exigibles en sus du loyer courant assorti de l'avance sur charges et en même temps,
- Dit que si les délais sont respectés la résiliation judiciaire ne sera pas acquise,
- Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité ou d'un loyer à son terme exact, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible et la résiliation du bail sera immédiatement prononcée de plein droit au jour du manquement et dans ce cas,
- A défaut par Madame et Monsieur [I] d'avoir volontairement quitté leur logement deux mois après la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tout occupant de leur chef avec l'assistance de la force publique si besoin est et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais des expulsés dans tel garde meubles désigné par ces derniers ou à défaut par le bailleur,
- Monsieur et Madame [I] seront condamnés à payer à Madame [K] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail à compter du jour de la libération totale des lieux avec les intérêts légaux et à compter de chaque indemnité pour les indemnités à échoir,
- L'indemnité d'occupation sera due au prorata temporis et payable à terme et au plus tard le 5 du mois suivant,
- Le bailleur sera autorisé à indexer le loyer conformément aux dispositions contractuelles,
- Le bailleur sera autorisé à obtenir le remboursement des charges locatives au sens de l'article 23 de la loi de 1989,
- Condamné in solidum les époux [I] à verser à Madame [K] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 511 du code de procédure civile, lorsque des délais de grâce ont été accordés, le délai court du jour du jugement lorsque celui-ci est contradictoire ; que tel est le cas en l'espèce ;
Que l'intimée, qui soutient que le délai ne court en réalité que du jour de la notification, fait valoir à tort une jurisprudence qualifiée d'ancienne selon laquelle 'le délai imparti à un débiteur pour exécuter ses obligations par les juges du fond, qui prononcent en même temps condamnation de ce débiteur au paiement d'une somme d'argent au cas de non-respect de ce délai ne peut courir que du jour de la signification de la décision' ; que cette jurisprudence ne concerne pas des délais de grâce mais le délai imparti à un prestataire de service pour effectuer des travaux et, à défaut d'exécution de ceux-ci dans les délais, la condamnation du prestataire au versement de dommages-intérêts ;
Qu'il convient de faire application en l'espèce, des dispositions de l'article 511 du code de procédure civile et de dire que le délai de grâce accordé court du jugement contradictoire du tribunal d'instance de SAINT GERMAIN en LAYE en date du 6 décembre 2012 ;
Considérant que la première mensualité devait intervenir au plus tard le 6 janvier 2013 et la deuxième mensualité devait être effectuée au plus tard le 6 février 2013 ; que [U] [I] et [C] [I] justifient que la première mensualité a fait l'objet d'un règlement de 1.800 euros par chèque CARPA en date du 19 février 2013 ; qu'un deuxième règlement a été effectué par chèque de Maître [U] [Y] en date du 2 mars 2013, postérieurement au commandement de quitter les lieux ; que par courrier du 25 février 2013 adressé par Maître [Y] à Maitre [M], huissier de justice, le conseil de [P] [K] informait l'huissier que, suite au commandement de quitter les lieux notifié le 5 février 2013 à ses clients, un chèque avait été adressé à [P] [K] en règlement de la première mensualité et qu'un deuxième règlement serait adressé avant le 5 mars 2013 ;
Qu'en dépit de l'absence de réception immédiate de ces chèques par [P] [K] pour des motifs qui ne sauraient lui être imputables, il convient de constater qu'en tout état de cause, les règlements opérés par [U] [I] et [C] [I] sont tardifs ;
Considérant que la cour, saisie en appel de la décision du juge de l'exécution, ne peut apprécier le montant de la créance due par les époux [I] telle qu'elle résulte du jugement du tribunal d'instance de SAINT GERMAIN en LAYE en date du 6 décembre 2012 dont la cour n'est pas saisie dans le cadre du présent recours ;
Que la circonstance invoquée par les demandeurs selon laquelle ils n'ont jamais souhaité se dérober à leurs obligations de régler finalement l'intégralité des sommes dues à [P] [K] conformément au jugement du tribunal d'instance est sans incidence sur la présente action qui ne saurait davantage prendre en considération le comportement reproché à l'huissier postérieurement à l'expulsion intervenue le 3 juin 2014, ni les difficultés occasionnées à la suite d'un incendie intervenu dans les lieux loués ; qu'il n'y a pas lieu de donner acte aux époux [I] qu'un versement correspondant au solde dû au titre des loyers en retard est intervenu ni que les règlements des loyers en cours pour 1.682 euros ont bien été effectués, une telle demande, au demeurant dénuée d'incidence juridique, est étrangère à l'objet de la présente instance ;
Considérant que le commandement de quitter les lieux est régulièrement intervenu le 5 février 2013, et que la décision entreprise, qui a dit que le commandement produirait tous ses effets, ne peut qu'être confirmée ;
Considérant qu'il convient d'allouer à [P] [K] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la partie qui succombe conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne [U] [I] et [C] [I] à verser à [P] [K] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [U] [I] et [C] [I] aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,