COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82E
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 NOVEMBRE 2014
R.G. N° 14/01105
AFFAIRE :
FEDERATION CGT DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE
C/
SAS COMPAGNIE IBM FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° RG : 13/10681
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS
Me Claire RICARD
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
FEDERATION CGT DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20140161
Ayant pour avocat plaidant Me Alain OTTAN, avocat au barreau de MONTPELLIER
APPELANTE
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SAS COMPAGNIE IBM FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Ayant pour avocat postulant Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2014129
Ayant pour avocat plaidant Me Joël GRANGE de la SCP Cabinet Flichy Grangé Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2014, Madame Catherine BEZIO, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Statuant sur l'appel formé par la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie à l'encontre du jugement en date du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal de grande instance de NANTERRE l'a débouté de ses demandes dirigées à l'égard de la société IBM et l'a condamné à verser à celle-ci la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions en date du 29 août 2014 de la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, appelante, qui prie la cour, infirmant la décision déférée, d'annuler le plan de sauvegarde de l'emploi afférent au projet d'adaptation d'IBM à ses enjeux, avec toutes conséquences de droit, de condamner la société IBM à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction pour ceux le concernant, au profit de Maître Emmanuel JULIEN, AARPI-JRF, avocats, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions en date du 1er septembre 2014 de la ste IBM FRANCE qui demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie ; à titre subsidiaire, de confirmer le jugement déféré et en conséquence, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Maître Claire RICARD conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il est constant que dans le cadre d'un projet de restructuration intitulé 'Plan d'accompagnement d'IBM France face à ses nouveaux enjeux économiques', la société IBM France a mis en place une procédure d'information et de consultation de son comité central d'entreprise et de ses comités d'établissement tant au titre de l'article L.2323-6 du code du travail que de l'article L.1233-28 du même code ; qu'aux termes du plan de sauvegarde de l'emploi soumis au comité central d'entreprise, le 27 mai 2013, étaient envisagées la suppression de 689 postes ainsi que la mobilité géographique contrainte de 129 collaborateurs ; que ce plan prévoyait principalement des mesures de fin de carrière et de départs volontaires, un plan de reclassement interne et des mesures de mobilité externe, l'ensemble étant accompagné de dispositions d'accompagnement financier et d'aide à la formation ; que les divers comités d'entreprise étaient également informés et consultés et que le comité central d'entreprise émettait son avis le 24 juillet 2013 ;
Que parallèlement, des négociations entre la société IBM France et les organisations syndicales étaient mises en place et qu'un accord intitulé 'accord sur la méthode et les mesures d'accompagnement dans le cadre du plan 2013 d'adaptation d'IBM France à ses enjeux économiques' était signé, le 8 juillet 2013 par deux organisations syndicales, la CFE-CGC et l'UNSA ; que la fédération CGT a exercé son droit d'opposition à cet accord, par lettre du 19 juillet 2013 ;
Qu'à compter du 5 septembre 2013 s'est ouverte la période dite 'de volontariat' destinée à permettre aux salariés de se porter candidat à un départ volontaire et que le 8 octobre 2013, la société informait les représentants du personnel que le nombre de candidatures au départ volontaire et à des mesures de fin de carrière était très supérieur au nombre de suppressions de poste et de mobilités contraintes envisagées et qu'en conséquence, elle renonçait à ces dernières mesures ; qu'un avenant à l'accord du 8 juillet 2013 - après consultation du Comité central d'entreprise- était signé, le 28 octobre 2013, entre la société intimée et 3 organisations syndicales, CFDT, CFE-CGC et UNSA, aux termes duquel la société IBM France prenait acte du nombre de départs volontaires et s'engageait à renoncer aux licenciements et aux mesures de mobilité géographique contraintes ; que le comité central d'entreprise et les comités d'entreprise étaient de nouveau consultés, respectivement le 20 novembre 2013 et entre le 22 et le 25 novembre 2013, sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi actualisé ;
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Sur la recevabilité
Considérant que pour soutenir l'irrecevabilité des demandes de la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, la société IBM France invoque, en premier lieu, son défaut d'intérêt et de qualité à agir ;
Qu'elle soutient que l'appelante ne justifie d'aucun intérêt propre, seuls les intérêts des salariés étant en cause en l'espèce et qu'en contestant la validité du plan de sauvegarde de l'emploi dans sa version initiale, alors que ce plan n'existe plus en tant que tel, elle n'entend que contester les informations remises aux représentants du personnel en juin 2013 et donc les modalités d'information et de consultation de ceux-ci ; que la possibilité d'une telle action n'appartient qu'au comité central d'entreprise et aux comités d'établissement, seuls ceux-ci étant en mesure de contester les conditions de leur information et de leur consultation, ;
Qu'elle affirme, par ailleurs que la CGT ne saurait invoquer en l'espèce, l'article L.2132-3 du code du travail et la défense de l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, dans la mesure où la version initiale du plan n'est pas celle qui a été appliquée aux salariés dont les intérêts n'ont, dès lors, pas été mis en péril par cette première version, le plan final ne mettant en oeuvre que des mesures de départ volontaire ; qu'elle ne conteste nullement l'affirmation de l'appelante selon laquelle il n'y a pas eu deux plans distincts mais bien un seul plan avec une version initiale et une version finale mais soutient que la critique de la version initiale sans tenir compte de la version finale est irrecevable de la part d'une organisation syndicale et ne relève que de la compétence des instances représentatives ;
Considérant, qu'en second lieu, la société IBM France fait reproche à la CGT de ne pas avoir mis en cause les organisations syndicales signataires des accords du 8 juillet et du 28 octobre 2013 dont est issu le plan de sauvegarde de l'emploi et qui ont eu pour effet de contractualiser les engagements de l'employeur et l'ensemble des mesures du plan ; que ces organisations signataires n'ont pu formuler leurs observations sur les demandes de l'appelante et qu'en conséquence, celles-ci doivent être déclarées, en l'état, irrecevables ;
Considérant que la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie réplique tout d'abord, qu'un seul plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté par la société intimée - et non deux - le contenu de celui-ci ayant été amené à évoluer au cours de la procédure d'information et de consultation et que l'affirmation selon laquelle sa contestation ne porterait que sur la version initiale du plan est inexacte, le plan de sauvegarde de l'emploi constituant un acte juridique unique dont l'annulation entraîne la mise à néant de l'ensemble de ses dispositions (initiales ou finales) ;
Qu'elle soutient que l'accord du 28 octobre 2013 ne constitue pas un accord au sens de l'article L.1233-22 du code du travail, se contentant de prendre acte de l'engagement de l'employeur de ne pas procéder à des licenciements ou à des mesures de mobilité contrainte ;
Qu'elle invoque l'article L.2132-3 du code du travail pour soutenir que son action est recevable dès lors qu'elle repose sur la violation d'une règle d'ordre public social, ce qui est le cas en l'espèce, sa contestation portant sur le non-respect des dispositions relatives au licenciement économique collectif et à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
Qu'elle fait valoir, enfin, que le plan de sauvegarde de l'emploi dont elle conteste la validité, est un engagement unilatéral de l'employeur et ne constitue pas un accord d'entreprise nécessitant la présence aux débats des organisations syndicales signataires des accords du 8 juillet et du 28 octobre 2013 ;
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Considérant qu'en application de l'article L2132-3, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile, concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Que la violation des dispositions du code du travail relatives au licenciement collectif pour motif économique et à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'elle est établie, est de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des salariés et justifie l'intervention des organisations syndicales ; qu'en l'espèce, l'action de la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie tend à l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société IBM France et s'inscrit dans le cadre des dispositions ci-dessus, peu important que ses intérêts propres ne soient pas directement en cause ;
Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des écritures de l'appelante que son action tend à l'annulation de l'ensemble du plan diligenté par l'intimée, ce qui englobe la version de ce plan présentée initialement le 24 juillet 2013 et celle soumise à consultation le 20 novembre 2013 ; que de l'aveu même de la société IBM France, il n'existe qu'un seul plan de sauvegarde de l'emploi comportant une première version (plan initial) et une dernière version (plan final) ;
Que certes au vu des pièces versées aux débats, le plan final diffère de celui présenté au départ en ce qu'il prend acte de l'engagement de la société intimée de renoncer aux licenciements et aux mesures de mobilité géographique contrainte - le nombre de salariés s'étant porté candidat à un départ volontaire, étant supérieur au nombre de suppression d'emplois - mais qu'il n'en demeure pas moins que le plan soumis au comité central d'entreprise le 20 novembre 2013 reprend en leur totalité les dispositions du plan initial prévoyant la suppression de 689 postes et 129 mesures de mobilité géographique contrainte ; qu'il y est précisé au chapitre 3 intitulé 'contexte d'actualisation du livre I et modifications apportées par l'avenant à l'accord de méthode' que 'La présente actualisation du livre I a, en conséquence, pour finalité d'intégrer au livre I du 24 juillet 2013 les engagements pris par la Direction suite aux bilans de volontariat, faits dans le strict respect des conditions fixées par le plan d'origine' ; qu'en conséquence, le litige dont est saisi la cour ne concerne nullement la procédure d'information et de consultation - qui est du ressort exclusif des instances représentatives - mais bien le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi que les organisations syndicales sont habilitées à contester ;
Que l'analyse de celui-ci doit s'effectuer au regard des mesures présentées à l'origine de la procédure qui doivent être précises, sérieuses, suffisantes et proportionnées aux moyens de l'entreprise et du groupe auquel celle-ci appartient ; qu'il résulte que l'action de la fédération CGT est, de ce chef, recevable ;
Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne la mise en cause des organisations syndicales signataires des accords du 8 juillet et du 28 octobre 2013, force est de constater que le premier de ceux-ci a été frappé d'opposition de la part de la CGT par courrier en date du 19 juillet 2013 et que cette opposition n'a fait l'objet d'aucune contestation ; que les parties ne produisent aucun élément quant à la validité de cette opposition et qu'en conséquence, il y a lieu de constater qu'en application de l'article L.2231-9 du code du travail, cet accord doit être réputé comme non écrit ; qu'il ne peut en être tiré, dès lors, aucune conséquence ;
Que par ailleurs, l'accord du 28 octobre 2013, dénommé à tort 'avenant à l'accord du 8 juillet 2013" signé par trois organisations syndicales ne peut être considéré comme un accord de méthode au sens des articles L.1233-22 du code du travail, dans la mesure où il est intervenu postérieurement à la présentation du plan de sauvegarde de l'emploi et après la mise en oeuvre de la procédure de volontariat et où, surtout, il se limite à la prise d'acte par l'employeur du nombre de départs volontaires 'dans le strict cadre des mesures prévues dans le livre I au chapitres 2... et 3" (du plan d'accompagnement) et à l'engagement de celui-ci d'abandonner les licenciements et les mesures de mobilité contrainte, éléments déjà existant lors de la réunion du Comité central d'entreprise du 18 octobre 2013 ;
Qu'en effet, il résulte des éléments du dossier que lors de cette réunion, la société IBM France annonçait que le nombre de candidatures au départ volontaire était supérieur à l'objectif de 689 suppressions de postes et de 129 mesures de mobilité contrainte et qu'en conséquence, elle renonçait à tout départ ou mobilité contrainte ; qu'il en résulte que cet accord a été sans effet sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et sur son déroulement et qu'en conséquence, la mise en cause des signataires de cet accord n'était nullement nécessaire à la solution du présent litige ;
Considérant que les irrecevabilités soulevées par la société IBM France seront rejetées ;
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Sur le plan de sauvegarde de l'emploi
Considérant qu'aux termes de l'article L.1233-62 du code du travail, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :
1°) des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure,
2°) des créations d'activités nouvelles par l'entreprise,
3°) des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi,
4°) des actions de soutien à la création d'activité d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés,
5°) des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents,
6°) des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente cinq heures hebdomadaire ou 1600 heurs par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée ;
Qu'en l'espèce le plan présenté aux élus, le 24 juillet 2013, comporte diverses mesures, qui, outre les départs volontaires et mesures de fin de carrière, concernent le reclassement interne, le reclassement externe, et des mesures d'accompagnement financier et de formation ;
Sur l'absence de recours au temps partiel, de réduction de la sous-traitance et de création d'activités nouvelles
Considérant que la fédération CGT reproche à la société intimée de n'envisager, au sein du plan de sauvegarde de l'emploi, aucun recours au temps partiel et de ne pas prévoir la création d'activités nouvelles notamment en mettant fin au recours à la sous-traitance ; que la société IBM France affirme avoir toujours et de longue date, favorisé l'accès au temps partiel, ainsi qu'il résulte de l'accord d'entreprise signé le 7 décembre 2009 sur les mesures destinées aux seniors et des dispositions relatives à la GPEC ; qu'elle soutient par ailleurs avoir réduit de façon significative le recours à la sous-traitance et oeuvré en permanence au développement porteuses et d'avenir ;
Considérant que les premiers juges ont, par des motifs que la cour adopte, jugé que la société IBM France justifiait d'efforts constants et réels en matière de recours au temps partiel et de diminution de la sous-traitance et démontrait son action importante en matière de recherche et de développement de secteurs d'activités prometteurs ; que ce moyen sera, en conséquence, écarté ;
Sur les mesures de reclassement interne
Considérant qu'au titre de ces mesures, la société IBM France s'est, tout d'abord, engagée à geler les recrutements externes jusqu'au 31 décembre 2013 et s'engage à mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour identifier les postes disponibles tant au sein de l'entreprise que dans les autres sociétés du groupe, en France et à l'étranger ; qu'elle précise que les postes disponibles sont publiés dans un outil informatique 'Global Opportunity Marketplace' (ou GOM), les salariés ayant la possibilité d'accéder à cet outil à tout instant et de se faire assister par l'espace mobilité compétence ; qu'une mise à jour de la liste des postes doit être opérée tous les quinze jours ; qu'en annexe 3 du plan, il est fourni une note d'information relative aux modalités d'accès à l'outil GOM et cinq pages extraites de cet outil, censées décrire les postes ouverts au reclassement à la date du 17 juillet 2013 avec une première mise à jour prévue au 27 septembre ;
Que la fédération CGT soutient que ce dispositif ne saurait constituer des mesures de reclassement interne au sens du code du travail, les salariés étant renvoyés à consulter une liste en langue anglaise de postes prétendument ouverts à l'embauche en constante évolution, à effectuer, eux-mêmes un tri des offres existantes sans pouvoir connaître les caractéristiques précises de celles-ci, notamment au titre de la rémunération et sans savoir précisément si ce poste restera disponible ; qu'au surplus, il n'existe aucun engagement ferme sur le nombre de reclassements possibles et que l'outil GOM n'est nullement fiable compte tenu de ses imprécisions et erreurs ;
Que l'intimée fait valoir au contraire, que le plan s'étant limité à des départs volontaires, il n'y a aucune nécessité de prévoir un plan de reclassement; qu'elle soutient que l'outil GOM permet de recenser dans l'ensemble du groupe et dans le monde entier, tous les postes disponibles ; que cet application n'a pas été développée pour les besoins du plan de sauvegarde de l'emploi mais est utilisé quotidiennement par les collaborateurs d'IBM souhaitant une mobilité géographique ou professionnelle et est mis à jour en temps réel ; qu'elle affirme que les indications portées sur GOM ne peuvent préciser le montant des rémunérations offertes, celles-ci pouvant varier en fonction du profil du candidat et de la localisation du poste ; qu'elle invoque, enfin, l'instauration d'un espace mobilité compétence destiné à guider les salariés dans la recherche d'un poste ;
Considérant que - lorsqu'il s'inscrit, comme en l'espèce, dans le cadre d'une procédure de suppression d'emplois, avec départs contraints possibles - le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter un plan de reclassement interne comprenant des mesures précises et concrètes de nature à éviter les licenciements ou à en réduire le nombre ; que ce plan s'apprécie en fonction des moyens dont dispose l'employeur et doit contenir des indications sur le nombre, la nature et la localisation des emplois pouvant être proposés aux salariés dont le poste est supprimé ;
Qu'il convient en outre de préciser que le présent litige portant sur l'ensemble du plan de sauvegarde de l'emploi, l'analyse de celui-ci doit porter sur les mesures présentées dans la version initiale du plan et non après la mise en oeuvre de la période de volontariat ;
Considérant, par ailleurs, qu'au regard des dispositions du plan, quant au reclassement interne, force est de constater que la société IBM France ne chiffre pas le nombre de postes offerts au reclassement ;
Qu'elle renvoie les salariés concernés à l'utilisation de l'outil GOM qui constitue une bourse des emplois comportant l'ensemble des offres d'emplois au sein du groupe et qui, de l'aveu même de l'intimée, n'a pas été constitué pour les besoins du plan de sauvegarde de l'emploi ; que cette liste accessible grâce à une application créée au sein de l'entreprise suppose que le salarié effectue sa propre recherche avec éventuellement l'assistance de l'espace mobilité compétence qui a notamment pour mission d'apporter des précisions sur la nature du poste, sa définition et sa disponibilité, et évaluer son adéquation aux compétences de l'intéressé ;
Que la liste figurant dans l'outil GOM est en évolution constante, au fil des recrutements et que force est de constater que dans l'annexe 3 du plan, de nombreuses offres ne sont plus disponibles ; que compte tenu de son caractère évolutif, l'outil GOM n'est pas sérieusement exploitable et ne peut constituer une liste de postes offerts au reclassement, ceux-ci devant être clairement définis, dédiés uniquement aux salariés dont les postes seront supprimés et comporter des indications précises et claires, de façon à en appréhender le caractère sérieux ; que notamment, la rémunération attachée à l'emploi constitue incontestablement une information déterminante et l'absence de précision de ce chef ne permet pas une appréciation approfondie de la valeur de l'offre ;
Qu'il en résulte de façon manifeste que les dispositions relatives au reclassement interne présentées par IBM France ne constitue nullement des mesures de reclassement interne telles que définies ci-dessus ; que de ce chef, le plan de sauvegarde de l'emploi doit être considéré comme particulièrement insuffisant et déclaré nul, peu important que les premiers juges, par des motifs que la cour adopte, aient reconnu comme satisfaisantes les autres mesures proposées notamment au titre du reclassement externe, de la formation, des critères d'ordre des licenciements ou de la proportionnalité du plan aux moyens de l'entreprise ;
Considérant qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de la fédération CGT en allocation de dommages et intérêts, à hauteur de la somme de 5.000 euros, eu égard au préjudice résultant de la méconnaissance par IBM France de ses obligations d'ordre public en matière de reclassement ;
Qu'il y a lieu, par ailleurs, d'allouer à la fédération CGT la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner la société IBM France aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie recevable en ses demandes ;
INFIRME le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
ANNULE le plan de sauvegarde de l'emploi afférent au plan d'accompagnement d'IBM France face à ses nouveaux enjeux en date du 24 juillet et du 20 novembre 2013 ;
CONDAMNE la société IBM France à verser à la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie la somme de 5.000 € (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts ;
LA CONDAMNE à verser à cette dernière la somme de 5.000 € (CINQ MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Emmanuel JULIEN, AARPI-JRF AVOCATS, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,