COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 64B
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 NOVEMBRE 2014
R.G. N° 12/05679
AFFAIRE :
[E] [G]
C/
[X] [I]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° RG : 09/03362
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Olivier ROUAULT de la SCP MARTIN-
BATAILLE-ROUAULT
Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS
Me Catherine LEGRANDGERARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [G]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5] (16)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Olivier ROUAULT de la SCP MARTIN-BATAILLE-ROUAULT, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C135
APPELANT
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1/ Monsieur [X] [I]
[Adresse 3]
[Localité 1]
2/ Mutuelle AREAS DOMMAGES
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 624 - N° du dossier 000548
Représentant : Me Aude CANTALOUBE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0124 substituant Me Hélène FABRE de l'Association Hélène FABRE, Carole SAVARY, Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0124
INTIMES
3/ LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Catherine LEGRANDGERARD, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Octobre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
------------
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 janvier 2007, [E] [G] (qui portait à l'époque le nom de [E] [C]) a été blessé lors d'une chute sur une piste de ski, occasionnée par le chien de [X] [I], assuré par la compagnie Areas Dommages.
A la suite de sa saisine par [E] [G], le tribunal de grande instance de Versailles, par jugement du 14 septembre 2010, a notamment déclaré [X] [I] responsable du préjudice subi par la victime, l'a condamné in solidum avec son assureur à l'indemniser et a ordonné une mesure d'expertise confiée au docteur [E] [V] à l'effet de définir et évaluer les conséquences corporelles de la chute pour [E] [G].
Le docteur [E] [V] a diligenté sa mission et a déposé un rapport le 17 novembre 2010 dont les conclusions sont les suivantes :
- gêne fonctionnelle temporaire totale du 30 janvier au 30 mars 2007,
- gêne fonctionnelle temporaire partielle :
du 31 mars au 30 septembre 2007 en classe IV
du 1er octobre 2007 au 30 juin 2008 en classe III
du 1er juillet 2008 au 30 avril 3009 en classe II
- consolidation au 30 avril 2010 (date de la reprise de travail à 77 %),
- préjudice esthétique temporaire nul,
- préjudice esthétique définitif nul,
- préjudice d'agrément pour toutes les activités pratiquées avant l'accident jusqu'à la consolidation,
- préjudice d'agrément après consolidation pour le ski, le ski nautique et le golf. La natation et le jogging ne peuvent plus être pratiqués au même niveau qu'avant l'accident,
- déficit fonctionnel permanent à hauteur de 28 %,
- préjudice sexuel nul.
Par jugement du 22 mai 2012, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- condamné in solidum [X] [I] et la compagnie Areas Dommages, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à payer :
à [E] [G], les sommes de 178.982,04 € en réparation de son préjudice et de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à la CPAM des Yvelines, les sommes de 38.050,25 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2011, 980 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Plus précisément, le tribunal avait fixé le préjudice corporel de [E] [G] de la façon suivante :
- dépenses de santé actuelles (DSA) : 5.161 €, dont à déduire débours de la CPAM des Yvelines de 2.215 € et remboursements mutuelle de 1.407 €, soit un solde à charge de la victime de 1.539 €,
- tierce personne : 10.748 €,
- pertes de gains professionnels actuels (PGPA) à charge de la victime : 49.695 €,
- pertes de gains professionnels futurs : néant,
- incidence professionnelle et perte de droits à la retraite : 20.000 €,
- pénibilité et perte de promotion : 30.000 €,
- déficit fonctionnel temporaire : 10.000 €,
- pretium doloris : 5.000 €,
- préjudice d'agrément temporaire : néant,
- préjudice d'agrément définitif : 10.000 €,
- déficit fonctionnel permanent : 42.000 €,
[E] [G] a interjeté appel de cette décision, et, aux termes de conclusions en date du 20 septembre 2012, il demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris sur les postes d'indemnisation de son préjudice corporel suivants : perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, souffrances endurées, préjudice d'agrément temporaire et préjudice d'agrément définitif,
et statuant à nouveau :
de condamner Monsieur [I] in solidum avec la compagnie d'assurances Areas Dommages à lui verser :
au titre des pertes de gains professionnels futurs la somme de 135.001 €
au titre de l'incidence professionnelle :
o au titre de pertes de pension de retraite : 30.289 €
o au titre des pertes d'une chance de promotion : 15.000 €
o au titre de l'indemnisation d'une pénibilité accrue : 15.000 €
o au titre des souffrances endurées : 15.000 €
o au titre du préjudice d'agrément temporaire : 5.000 €
o au titre du préjudice d'agrément définitif : 25.000 €
de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
de condamner en conséquence, en deniers ou quittances valables, Monsieur [I] et la compagnie d'assurances Areas Dommages à lui verser une somme de 484.463 € et ce après déduction des créances des organismes sociaux,
de condamner Monsieur [I] et la compagnie d'assurances Areas Dommages à lui verser une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Yvelines et opposable à la compagnie d'assurances Areas Dommages,
de condamner Monsieur [I] et la compagnie d'assurances Areas Dommages in solidum en tous les dépens qui comprendront notamment les frais et honoraires de l'expertise judiciaire avec recouvrement direct.
Dans des conclusions du 5 juillet 2013, [X] [I] et la compagnie Areas Dommages demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la CPAM des Yvelines de l'intégralité de ses demandes et de condamner [E] [G] à leur payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2.000 €. A titre subsidiaire, ils prient la cour d'évaluer l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs à hauteur de 124.200,92 € et de ramener à de plus justes proportions l'indemnité au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de conclusions du 16 novembre 2012, la CPAM des Yvelines demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur les mérites de l'appel interjeté par [E] [G], de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions la concernant, de lui donner acte de ce qu'en vertu de l'exécution provisoire ordonnée en première instance, elle a été intégralement réglée des condamnations prononcées à son profit par la compagnie Areas Dommages, assureur de [X] [I], et, y ajoutant, de condamner solidairement [X] [I] et la compagnie Areas Dommages à lui verser la somme de 997 € correspondant au montant revalorisé de l'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance du 24 janvier 1996 et la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 septembre 2014.
SUR CE
- Sur l'évaluation du préjudice corporel de [E] [G]
Ne sont pas contestées tant par [E] [G] que par [X] [I], la compagnie Areas Dommages et la CPAM des Yvelines les évaluations des postes de préjudices suivants :
les DSA
les DFTT et DFTP
la tierce personne
les PGPA
le DFP
Il convient en conséquence d'examiner les seuls postes de préjudice dont l'infirmation est sollicitée par [E] [G].
Le docteur [E] [V] retient comme déficit fonctionnel permanent (DFP) à la suite de la chute de ski :
- des séquelles subjectives : des douleurs des épaules au changement de temps, aux efforts prolongés,
- des séquelles objectives : une raideur importante des deux épaules handicapant la victime dans sa vie quotidienne et dans son activité professionnelle.
Il précise qu'il existe un retentissement professionnel pour [E] [G] qui ne peut pas travailler les bras en hauteur et ne peut travailler qu'à 77 % d'un plein temps, ce qui a une incidence sur sa carrière.
C'est avec pertinence que le tribunal a fait observer que le déficit fonctionnel permanent dont était atteint [E] [G] en raison des séquelles aux épaules ne l'empêchait pas de travailler les bras en hauteur puisque le temps partiel de travail à 75 % s'effectuerait, selon les indications fournies par l'intéressé lui-même, par un travail effectif à temps complet pendant trois mois d'affilée suivi d'un repos le mois suivant.
A l'appui de sa réclamation chiffrée, la victime, chef de cabine principal à Air France, présente un calcul théorique basé sur un montant de salaire annuel moyen de 50.800 € perçu avant l'accident sur lequel il applique le pourcentage de 75 %, soit 38.100 €, et retient la différence de 12.700 € par an comme perte annuelle à capitaliser jusqu'à l'âge de 60 ans.
Cependant force est de constater que [E] [G] limite sa production de pièces :
- aux déclarations de revenus antérieures à l'accident soit 2004, 2005 et 2006 s'abstenant de produire celles correspondant aux périodes postérieures à la consolidation de 2010, 2011, 2012 et 2013,
- aux bulletins de paye de mai 2010 à novembre 2011 inclus s'abstenant étrangement de produire ceux des mois de décembre 2010 et 2011,
- aux bulletins de paye de janvier 2012 à avril 2013 s'abstenant de produire les autres de 2013 et ceux des mois de 2014 antérieurs à l'ordonnance de clôture.
En outre l'examen des montants des différents bulletins de paye, révélant des salaires mensuels inférieurs aux autres certains mois à la suite, ne corroborent nullement les modalités de son travail à temps partiel (3 mois de travail et un mois de repos) telles que soutenues par [E] [G] dans ses écritures.
Les documents intitulés 'tours de services' communiqués de façon parcimonieuse pour la période de décembre 2010 à juillet 2011 ne correspondent pas non plus aux indications fournies par [E] [G] dans ses écritures.
Le certificat dressé par le docteur [T] [K] le 30 mai 2012 soit postérieurement à la mise en place du temps partiel allégué, après les rappels des différents examens de la médecine du travail, relate pour le temps partiel les indications qui lui ont été fournies par la victime elle-même laissant le soin à la juridiction saisie de vérifier puisqu'elle mentionne 'il pourra vous présenter son planning de travail depuis janvier 2010 pour corroborer ces faits'.
Or, comme indiqué précédemment les pièces bien incomplètes produites aux débats ne permettent pas à la cour de considérer que c'est pour des raisons médicales que [E] [G] ne travaille qu'à 75 %, de connaître les revenus exacts perçus depuis la date de consolidation et de retenir l'existence de pertes de gains professionnels futurs. C'est donc à raison que les premiers juges ne lui avaient alloué aucune somme de ce chef.
Mais c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la nature et l'importance des séquelles subies par [E] [G] entraînent pour l'exercice de sa profession une pénibilité accrue et sont sources de perte de promotion avec répercussion sur ses droits à la retraite.
- Perte de chance d'une promotion et pénibilité accrue :
[E] [G], en réclamant 15.000 € pour la pénibilité accrue et 15.000 € pour la perte de promotion, sollicite en pratique la confirmation chiffrée de la décision de première instance pour ces préjudices pour lesquels une somme globale d'un montant de 30.000 € lui avait été allouée.
- Pertes de droit à la retraite :
Au vu des pièces produites, le tribunal a retenu, à juste titre, que si [E] [G] a effectivement perdu des points de cotisations pendant 4 ans entraînant une réduction de la retraite qu'il percevra, la perte de points résultant de son passage à 77 % puis 75 % de son temps de travail n'a en revanche pas lieu d'être prise en compte, faute par l'intéressé d'avoir démontré la nécessité d'un temps de travail aménagé.
Peut également être retenue une perte de droits à la retraite générée par la perte de chance de promotion.
En raison des pièces insuffisantes produites et déplorées précédemment par la cour, le mode de calcul opéré par la victime consistant à retenir une perte mensuelle à capitaliser jusqu'à l'âge de la retraite, ne peut pas être retenu.
La somme forfaitaire de 20.000 € telle qu'allouée en première instance pour ce chef de préjudice doit être confirmée.
Le tribunal, au vu des éléments produits dont notamment le rapport d'expertise judiciaire, a fait une juste évaluation en accordant à [E] [G] la somme de 5.000 € au titre des souffrances endurées (3/7).
L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément permanent et les pièces versées aux débats par [E] [G] consistent en un relevé d'un listing de réservation annuelle de logement à la montagne, chacune d'une huitaine de jours de 1995 au jour de l'accident.
La pratique du ski nautique, du golf, de la natation et du jogging ne fait l'objet d'aucun document concernant le niveau et la fréquence.
Dés lors la somme allouée par le tribunal en réparation du préjudice d'agrément permanent après consolidation, doit être confirmée soit la somme de 10.000 €.
C'est avec pertinence que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément temporaire spécifique avant consolidation afin d'éviter une double indemnisation, la somme allouée au titre du DFTT et du DFTT indemnisant justement la perturbation apportée par l'accident avant la consolidation dans le cadre de toutes les activités de la vie courante y compris de loisirs.
- Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé s'agissant du sort des dépens et des frais irrépétibles.
Succombant, [E] [G] sera condamné aux dépens exposés en appel.
Dès lors que le tiers responsable, [X] [I], n'est pas à l'origine de l'appel, qu'il n'a pas formé d'appel incident, que l'appelant succombe et que le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, il n'y a pas lieu de le condamner au paiement d'une nouvelle indemnité forfaitaire. La CPAM des Yvelines sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Pour des considérations d'équité, il n'y a pas lieu d'allouer à [X] [I] et son assureur une indemnisation au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
La CPAM des Yvelines, qui a dirigé sa demande de ce chef uniquement contre les intimés, en sera déboutée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne [E] [G] aux dépens exposés en appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute la CPAM des Yvelines de sa demande d'indemnité forfaitaire en cause d'appel,
Déboute la CPAM des Yvelines, [X] [I] et la compagnie Areas Dommages de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,