COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 27 NOVEMBRE 2014
R.G. N° 14/03051
AFFAIRE :
AGS CGEA IDF EST
C/
Me [P] [Z] - Mandataire liquidateur de la Société LES BATIMENTS NOUVEAUX
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Industrie
N° RG : 13/00515
Copies exécutoires délivrées à :
Me Christian GUILLOT
la SCP NEVEU SUDAKA ET ASSOCIES
Me Ekrame KBIDA
Copies certifiées conformes délivrées à :
AGS CGEA IDF EST
Me [P] [Z] - Mandataire liquidateur de la Société LES BATIMENTS NOUVEAUX, [D] [X]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Christian GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0474
APPELANTE
****************
Me [P] [Z] - Mandataire liquidateur de la Société LES BATIMENTS NOUVEAUX
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Armelle MAISANT de la SCP NEVEU SUDAKA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P43
Monsieur [D] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Ekrame KBIDA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 187
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2014, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Madame Aude RACHOU, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [D] [X] a été embauché le 1er mars 2010 par la société Bâtiments Nouveaux en qualité de chef d'équipe selon contrat à durée déterminée moyennant une rémunération mensuelle qui était en dernier lieu de 3.200 € brut avec un salaire de référence de 3.657,04 €, compte tenu des heures supplémentaires.
La durée du contrat de travail était de dix sept mois avec un terme au 31 août 2011.
La convention collective applicable est celle du bâtiment.
La société emploie moins de onze salariés.
Par jugement du 7 janvier 2011, le tribunal de commerce de Pontoise, sur saisine d'office, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL Bâtiments Nouveaux, maître [P] [Z], étant désigné en qualité de liquidateur.
La date de cessation des paiements a été fixée au 3 mai 2010.
Par jugement du 21 novembre 2011, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé à l'encontre de monsieur [S], gérant de la SARL Bâtiments Nouveaux, une mesure de faillite personnelle.
Monsieur [D] [X], soutenant que son contrat de travail a été rompu verbalement le 30 décembre 2010 et qu'il n'a pas été payé de ses salaires depuis juin 2010, a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency ( section Industrie) le 4 novembre 2011 aux fins d'obtenir paiement de ses salaires et indemnités ainsi que la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement du 10 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Montmorency a dit la rupture du contrat de travail abusive et fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Bâtiments Nouveaux comme suit :
- 24.861,27 € à titre de rappel de salaire
- 2.559,92 € au titre des congés payés
- 3.650,90 € € à titre d'indemnité de précarité
- 29.256,32 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
le jugement étant opposable à l'AGS CGEA IDF EST
L'AGS prise en sa Délégation Régionale UNEDIC AGS IDF EST a régulièrement interjeté appel de cette décision le 24 juin 2014.
Aux termes de ses conclusions du 14 octobre 2014 soutenues oralement à l'audience du même jour, elle demande à la cour l'infirmation de la décision, l'irrecevabilité et le débouté de monsieur [D] [X].
En tout état de cause, la cour dira que monsieur [D] [X] a abandonné ses salaires en compte courant au bénéfice de la SARL Bâtiments Nouveaux jusqu'à l'ouverture de la procédure collective.
Enfin, [D] [X] n'ayant pas été licencié dans les quinze jours de l'ouverture de la procédure collective, sa garantie n'est pas mobilisable en vertu des dispositions de l'article 3253-8 du contrat de travail.
Subsidiairement, sa garantie ne pourrait être limitée qu'à un plafond 4.
Aux termes de ses conclusions du 14 octobre 2014 soutenues oralement à l'audience du même jour, maître [P] [Z], ès qualités de liquidateur de la SARL Bâtiments Nouveaux, s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la recevabilité et le bien fondé de l'appel interjeté et subsidiairement demande la confirmation de la décision entreprise et au débouté de la demande d'[D] [X] relative à l'octroi de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Aux termes de ses conclusions du 14 octobre 2014, soutenues oralement à l'audience du même jour, [D] [X] demande à la cour la fixation au passif de la SARL Bâtiments Nouveaux de
- 35.107,58 € à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail
- 24.861,27 € de rappel de salaires
- 2.486,12 € au titre des congés payés y afférent
- 3.657,04 € au titre de l'indemnité de précarité
- 5.000 € de dommages et intérêts pour non remise de l'attestation ASSEDIC
Il sollicite enfin la délivrance des documents sociaux conformes sous astreinte.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 14 octobre 2014 ;
SUR CE :
Considérant que l'AGS a interjeté appel de la décision exposant qu'[D] [X] soutient faussement avoir travaillé sans être payé de juin à décembre 2010 inclus, soit sept mois ;
que les antécédents relatifs à [D] [X] laissent présumer une fraude ;
qu'en effet, il a fait l'objet de quatre prises en charge par l'AGS depuis 1996 dans des circonstances ambiguës ;
qu'en tout état de cause, s'il était avéré qu'[D] [X] a travaillé durant ces sept mois sans recevoir de rémunération, il convient de juger soit qu'il a abandonné celle ci en compte courant de la SARL Bâtiments Nouveaux, par l'effet de la novation soit qu'il a démissionné à compter de juin 2010 ;
que ce dernier ne communique aux débats que les éléments qu'il souhaite, mettant ainsi l'AGS dans l'impossibilité de constater l'existence d'un lien de subordination ;
qu'en toute hypothèse, faute d'avoir été licencié dans les quinze jours de l'ouverture de la procédure collective, la garantie de l'AGS n'est pas mobilisable pour les indemnités de rupture
Considérant que maître [P] [Z] s'en rapporte, rappelant que le gérant de la société monsieur [S], n'a jamais répondu à ses convocations et n'a jamais remis de liste de salariés ;
qu'il n'était donc pas en mesure de licencier éventuellement des salariés ;
qu'en toute hypothèse :
- le montant du rappel de salaires ne peut excéder la somme de 24.861,27 €
- l'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période postérieure à la rupture n'est pas due, en l'absence de travail effectif
- les dommages et intérêts dus pour tardiveté de la remise des documents de fin de contrat ne sont pas dus, la présence du salarié étant ignorée et celui ci ne s'étant pas manifesté auprès du liquidateur
que maître [P] [Z] ès qualités rappelle enfin que l'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et/ou conventionnels ;
Considérant qu'[D] [X] conclut à la confirmation de la décision déférée sauf à dire que le montant des dommages et intérêts pour rupture anticipée doit tenir compte des congés payés et de l'indemnité de précarité et que les dommages et intérêts pour défaut de remise des documents sociaux seront chiffrés à 5.000 € ;
Considérant qu'au vu de ces éléments, qu'[D] [X] produit un contrat à durée déterminée à compter du 1er mars 2010 à effet jusqu'au 31 août 2011 ;
que les bulletins de salaire et ses relevés de comptes bancaires versés aux débats font apparaître que depuis juin 2010 il ne reçoit plus de paiement, étant observé qu'il produit ses bulletins de salaire jusqu'à novembre 2010 inclus ;
que cependant, l'AGS est mal fondée à soutenir qu'[D] [X] aurait abandonné ses salaires en compte courant de la société Bâtiments Nouveaux, la novation ne se présumant pas et devant résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
que par ailleurs, l'AGS est tout aussi mal fondée à soutenir qu'il a démissionné à compter du mois de juin 2010, le contrat à durée déterminée ne pouvant être rompu avant son terme par la démission du salarié ;
mais considérant que la fraude corrompt tout ;
que l'AGS verse aux débats les rapports personnalisés relatifs à la :
- SARL ENGIN dont le dirigeant principal était [U] [X] qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 4 juillet 1996, son dirigeant ayant été interdit de gérer pour une durée de dix ans par jugement du 6 avril 1998 ;
- SARL CAN qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 3 novembre 1998, [U] [D] [X] ayant été engagé en qualité de chef d'atelier le 1er avril 1998
- SARL SEBAT qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 7 mars 2005 avec une date de cessation de paiement au 10 mai 2004, [U] [D] [X] ayant été engagé en qualité de chef de chantier le 9 janvier 2004
- SARL BATIMO qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 6 novembre 2006 et dont le gérant a fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle par jugement du 1er octobre 2007, [U] [D] [X] ayant été engagé en qualité de carreleur le 1er août 2005 avec un salaire de référence de 3102 € et le CGEA IDF EST ayant rejeté la prise en charge ;
que le salarié ne donne aucune explication sur les circonstances de la rupture de ce contrat de travail
qu'il n'en donne pas plus sur son absence de réactivité relatif au défaut de paiement de ses salaires de juin à décembre 2010 selon lui et à la saisine du liquidateur, nommé quelques jours seulement après la rupture alléguée de son contrat de travail, alors qu'en outre il connaît la procédure en la matière ;
qu'enfin, la cour observe au surplus qu'il a saisi tardivement le conseil de prud'hommes le 4 novembre 2011 sans pour autant justifier de démarche antérieure relative au paiement de ses salaires
qu'eu égard à ces éléments, il convient de dire que la décision à intervenir sera inopposable à l'AGS prise en sa Délégation Régionale UNEDIC AGS IDF EST ;
que par ailleurs, [D] [X] verse aux débats les bulletins de salaire des mois de mars à novembre 2010 inclus ;
qu'il soutient que son employeur a rompu verbalement son contrat de travail le 30 décembre 2010 ;
mais considérant qu'il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il est resté à disposition de son employeur jusqu'au 30 décembre 2010 ;
que la rupture sera fixée au 30 novembre 2010, date du dernier bulletin de salaire qui laisse présumer la poursuite des relations contractuelles entre les parties, nonobstant le fait que le salarié n'était pas payé de ses salaires ;
qu'une somme de 21.204,23 € sera fixée à la liquidation judiciaire de la société Les Bâtiments Nouveaux à titre de rappel de salaires jusqu'au mois de novembre 2010 compris, outre 2120, 42 € au titre des congés payés ;
qu'il sera également fixé une somme de 32.913,39 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, étant observé que le salarié n'a pas droit à une indemnité pour congés payés, ne s'agissant pas d'un travail effectivement accompli et de 3.291,33 € au titre de l'indemnité de précarité ;
Considérant qu'enfin, il lui sera alloué une somme de 50 € pour non remise des documents de fin de contrat et de l'attestation assedic qui cause nécessairement au salarié un préjudice ;
Par Ces Motifs
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit abusive la rupture du contrat de travail
la réformant pour le surplus et statuant à nouveau
Fixe à la liquidation judiciaire de la SARL Les Bâtiments Nouveaux les sommes de :
- 21.204,23 € à titre de rappel de salaires
- 2.120,42 € au titre des congés payés
- 32.913,39 € à titre de dommages et intérêts
- 3.291,33 € au titre de l'indemnité de précarité
- 50 € de dommages et intérêts pour non remise des documents de fin de contrat et de l'attestation assedic
dus à monsieur [D] [X].
Dit inopposable à l'AGS prise en sa Délégation Régionale UNEDIC AGS IDF EST la présente décision.
Condamne maître [P] [Z] ès qualités de liquidateur de la SARL Les Bâtiments Nouveaux aux dépens.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Aude RACHOU, Président et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,