COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 DECEMBRE 2014
R.G. N° 13/02421
AFFAIRE :
[F] [R]
C/
SAS REYNOLDS EUROPEAN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 10/03586
Copies exécutoires délivrées à :
Me Anne VINCENT-IBARRONDO
Copies certifiées conformes délivrées à :
Alain BAILLOT
SAS REYNOLDS EUROPEAN
le : 04 décembre 2014
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [R]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne
APPELANT
****************
SAS REYNOLDS EUROPEAN
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A270
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de :
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,
Par jugement du 3 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :
- débouté Monsieur [F] [R] de ses demandes,
- mis les dépens éventuels à la charge de Monsieur [F] [R].
Par déclaration d'appel adressée au greffe le 10 juin 2013 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Monsieur [F] [R] demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- constater le non respect des conditions de sa mise à la retraite :
. avec les textes en vigueur à l'époque,
. la non prise en compte de son refus selon l'article L.1237-5 du code du travail,
. la non conclusion avant sa mise à la retraite d'un avenant de cessation partielle d'activité tel que défini à l'article R.322-7-2 du code du travail,
. la non prise en compte du besoin d'éviter les licenciements,
. la non prise en compte de la démission avant même son départ de la seule personne embauchée à l'époque Monsieur [D] [H],
- dire que la rédaction de la présentation du comparatif des conventions collectives représente une volonté de tromper,
- dire que l'adoption de cette nouvelle convention collective ainsi que la refonte complète des équipes de direction, ne constituait que des man'uvres destinées à réduire la masse salariale de la société REYNOLDS EUROPEAN sans préoccupation aucune de la préservation de l'emploi particulièrement des jeunes, tel qu'était le but de l'avenant du 19 décembre 2003 apporté à la convention de la métallurgie ;
- qualifier sa mise à la retraite en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, mais fondée sur la discrimination due à son âge apportant de manière directe un traitement moins favorable aux travailleurs ayant atteint l'âge fixé pour l'admission à la retraite par rapport à l'ensemble des personnes en activité,
- condamner la SAS REYNOLDS EUROPEAN à lui verser l'indemnité de licenciement suivant le calcul présenté par messagerie électronique interne le 18 janvier 2006 à son personnel par un comparatif de l'ancienne convention Import-Export et la nouvelle convention de la Métallurgie adoptée en septembre 2005, soit la somme de 1 195 747 euros,
- et, à titre subsidiaire, la même indemnité de licenciement calculée suivant la convention de la métallurgie en vigueur 'à l'époque de son licenciement, soit la somme de 200 104 euros,
- ordonner à la SAS Reynods European de lui verser une indemnité compensatoire de la décote pratiquée sur le montant de sa retraite puisqu'il n'a pas pu cotiser jusqu'au terme de ses 65 ans soit la somme de 107 772 € .
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SAS REYNOLDS EUROPEAN entend voir :
- fixer la moyenne de salaire de Monsieur [F] [R] à la somme de 6 246,75 euros,
- dire que la mise à la retraite de Monsieur [F] [R] est régulière et nullement discriminatoire,
- dire que la mise à la retraite de Monsieur [F] [R] n'est pas constitutive d'un licenciement,
- débouter, en conséquence, Monsieur [F] [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
LA COUR,
qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que Monsieur [F] [R] a été engagé par la SAS REYNOLDS EUROPEAN suivant contrat à durée indéterminée du 16 septembre 1974, en qualité d'agent commercial ;
qu'en dernier lieu, il occupait un emploi de chef de ventes, statut cadre position II moyennant un salaire de base mensuel de 4772,08 euros ;
que les relations contractuelles entre les parties étaient initialement soumises à la convention collective de l'import-export ;
que par accord d'entreprise du 15 novembre 2005, applicable à compter du 1er janvier 2006, il a été fait application de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne pour les non-cadres et de la convention collective nationale de la métallurgie pour les cadres ;
que compte tenu du statut cadre de Monsieur [F] [R], celui-ci s'est vu appliquer à compter du 1er janvier 2006 la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
que le 18 janvier 2006, la SAS REYNOLDS EUROPEAN a demandé à Monsieur [F] [R] s'il pouvait bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein ;
que Monsieur [F] [R] ayant répondu qu'il n'entrait pas dans ses intentions de cesser ses activités professionnelles, la SAS REYNOLDS EUROPEAN a saisi le 3 avril 2006 le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référés, afin d'avoir communication de son relevé de carrière établi par la CNAV ;
qu'en cours de procédure, Monsieur [F] [R] a transmis son relevé de carrière dont il est ressorti que ce dernier pouvait bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ;
que la SAS REYNOLDS EUROPEAN a notifié à Monsieur [F] [R] sa mise à la retraite par courrier recommandé avec avis de réception en date du 28 juin 2006, libellé en ces termes :
'Vous avez atteint l'âge de 60 ans qui vous permet de faire valoir vos droits à la retraite.
Il résulte d'autre part des informations que vous nous avez fournies que vous avez droit à une retraite à taux plein, puisque vous avez cotisé pendant au moins 163 trimestres à un ou plusieurs régimes de base de la sécurité sociale.
Dans ces conditions, nous vous informons que nous avons décidé de vous mettre à la retraite, conformément aux dispositions de notre convention collective.
Cette décision, qui ne constitue pas un licenciement, prendra effet à l'issue d'un préavis de 6 mois.
A cette date, nous vous verserons les salaires et congés payés auxquels vous avez droit ainsi que l'indemnité de mise à la retraite prévue par notre convention collective' ;
que contestant sa mise à la retraite et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [F] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 2 novembre 2010, d'une demande de requalification de sa mise à la retraite en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'article L.122-14-13 en vigueur à la date du 28 juin 2006 ' la mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge visé au 1° de l'article L.351-8 du code de la sécurité sociale ( 65ans) ;
que dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant les contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle, un âge inférieur peut être fixé dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens de la sécurité sociale ;
que l'article 31-2-1 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie alors applicable précise que la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur d'un ingénieur ou cadre qui ayant atteint au moins l'age fixé au 1° de l'article L.351-1 du code de la sécurité sociale (60 ans), peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale et qui peut faire liquider sans abattement les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO auxquelles l'employeur cotise avec lui sur les tranches A et B des rémunérations , ne constitue pas un licenciement lorsque cette mise à la retraite s'accompagne de l'une des 6 dispositions suivantes :
- conclusion par l'employeur d'un contrat d'apprentissage,
- conclusion par l'employeur d'un contrat de qualification ou de professionnalisation ,
- embauche compensatrice déjà réalisée dans le cadre d'une mesure de préretraite progressive ou de toute autre mesure ayant le même objet,
- conclusion par l'employeur d'un contrat de travail à durée indéterminée,
- conclusion avec l'intéressé , avant sa mise à la retraite d'un avenant de cessation partielle d'activité, telle que définie à l'article R.322-7-2,
- évitement d'un licenciement visé à l'article L.321-1 du code du travail,
(...) que l'employeur doit prévenir l'ingénieur et le cadre de sa mise à la retraite 6 mois avant la date à laquelle il sera mis effectivement fin au contrat de travail ;
que sans préjudice des dispositions de l'article L.122-14-13 alinéa 2 du code du travail
la mise à la retraite, à l'initiative de l'employeur avant l'age de 65 ans d'un ingénieur ou cadre dans les conditions de présent paragraphe ouvre droit à l'intéressé à une indemnité de mise à la retraite ;
que le tableau comparatif établi par la SAS REYNOLDS EUROPEAN au moment du changement de convention collective, simple document récapitulatif ne constituait pas un accord collectif et ne pouvait se substituer à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui s'appliquait à Monsieur [F] [R] à compter du 1er janvier
2006 ;
qu'il s'ensuit que sous réserve de respecter les conditions sus- visées, la SAS REYNOLDS EUROPEAN était fondée à notifier à Monsieur [F] [R] sa mise à la retraite et n'a pas à justifier 'd'une raison objective, légitime et proportionnée, extérieure' autrement que celle liée à son âge ;
que force est de constater que ces textes n'exigent pas la tenue d'un entretien préalable ; que la mise à la retraite qui est un mode de rupture du contrat de travail distinct du licenciement n'implique pas l'observation des dispositions de l'article L.122-14 du code du travail ;
que les textes sus-visés subordonnent la régularité de la mise à la retraite de Monsieur [F] [R] à 3 conditions ;
que Monsieur [F] [R], né le [Date naissance 1] 1944 avait presque 62 ans le 28 juin
2006 ;
que la condition liée à l'age était donc remplie ;
que l'article R 351-27 du code de la sécurité sociale prévoit que pour les assurés qui justifient (...) d'une durée égale à 160 trimestres , le taux applicable à leur salaire annuel de base est le taux plein soit 50% ;
que Monsieur [F] [R] avait cotisé au régime de base de la sécurité sociale de 181 trimestres dont 163 trimestres retenus et validés et avait droit en conséquence à une pension vieillesse à taux plein ;
que la seconde condition était remplie ;
que la 3ème condition exige que la mise à la retraite doit s'accompagner d'une contrepartie en termes d'emploi ou de formation professionnelle ;
qu'il n'est pas démenti par Monsieur [F] [R] que Monsieur [W] [Y], âgé de 28 ans a été embauché en qualité de commercial au statut Cadre suivant contrat à durée indéterminée en date du 19 mars 2007 dans le département Cuivre soit dans le service de l'appelant ;
que l'ultime condition était donc également remplie ;
que Monsieur [F] [R] ne peut soutenir utilement que sa mise à la retraite constitue une discrimination fondée sur l'âge sur le fondement de la directive n° 2000/78 relative à l'égalité de traitement qui certes interdit les discriminations mais prévoit en son article 6 que des différences de traitement fondées sur l'âge peuvent être justifiées,'notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de formation professionnelle';
que tel est le cas des textes pré-cités ; que ces dispositions applicables en 2006 ont été reconnues conformes à la dite directive européenne ;
que, par ailleurs, Monsieur [F] [R] ne justifie pas que la SAS REYNOLDS EUROPEAN avait mis en place une politique de réduction du nombre d'employés dès lors que les 3 départs de l'entreprise, de Messieurs [X], [U] et [G] en décembre 2005, 27 février 2007 et 16 juin 2008 intervenus pour les deux derniers après la mise à la retraite de l'appelant ne démontrent pas une réduction effective du personnel dans la mesure où le nombre de salariés soit 60 en janvier 2006 et 2007 et 64 en janvier 2008 est resté stable au cours de cette période ;
qu'en outre, Monsieur [F] [R] allègue que la démission de Monsieur [D] [H], cadre commercial embauché en juillet 2006 serait due aux 'conditions de travail créées par la nouvelle direction' ; que cependant ce dernier n'a pas démissionné mais a vu rompre sa période d'essai ;
qu'il s'ensuit que la SAS REYNOLDS EUROPEAN a respecté les dispositions légales et conventionnelles en vigueur au moment de la mise en retraite de Monsieur [F] [R] ; qu'il convient de rejeter l'ensemble de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que Monsieur [F] [R], qui succombe, doit supporter la charge des dépens d'appel et ne saurait bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement , contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne Monsieur [F] [R] aux dépens d'appel
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, présidente et Madame Christine LECLERC, greffier.
Le GREFFIER Le PRESIDENT