COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JANVIER 2015
R.G. N° 13/00711
AFFAIRE :
SARL ALLEGRO PARTNERS agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
C/
[P] [X]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 21 Décembre 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 08.01.15
à :
Me Pierre GUTTIN,
Me Catherine LEGRANDGERARD,
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JANVIER DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL ALLEGRO PARTNERS agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 23]
Représenté(e) par Maître Pierre GUTTIN, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 13000047 et par Maître D. de BERNIS, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
- Monsieur [P] [X]
né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
- Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 16] 1976 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
- Monsieur [I] [HT]
né le [Date naissance 7] 1981 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 13]
- Monsieur [J] [SU]
né le [Date naissance 15] 1962 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 8]
- Monsieur [G] [A]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 3]
- Monsieur [J] [U]
né le [Date naissance 11] 1966 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
- Monsieur [QS] [ZR]
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 7]
- Monsieur [C] [F]
né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 9]
- Madame [O] [L]
née le [Date naissance 10] 1953 à [Localité 14] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 3]
- Monsieur [E] [L]
né le [Date naissance 8] 1954 à [Localité 24] (TUNISIE)
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 3]
- Monsieur [R] [S]
né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 1]
- Monsieur [K] [OQ]
né le [Date naissance 13] 1967 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 3]
- Monsieur [YG] [A]
né le [Date naissance 14] 1976 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 10]
- Madame [M] [N]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 4]
- Madame [Z] [B]
née le [Date naissance 6] 1983 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 11]
- Madame [Q] [HT]
née le [Date naissance 7] 1981 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 3]
- Madame [H] [JV]
née le [Date naissance 12] 1982 à [Localité 22]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 12]
- Société civile CALYTIMAX Capital de 320 560 €
[Adresse 4]
[Localité 6]
- SAS GROUPE [P] [X] Capital de 42 720 €
RCS de [Localité 3]
Président : Monsieur [P] [W]
N° SIRET : 492 80 0 0 16
[Adresse 17]
[Localité 3]
Représentés par Maître Catherine LEGRANDGERARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391 et par Maître J-D.MERMILLOD-BLONDIN, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Novembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie VAISSETTE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
La société Allegro partners (la société Allegro) dont le gérant est M. [V] [Y] a pour activité l'enseignement de la musique à domicile et elle développait un chiffre d'affaires de 1 811 761 euros pour un résultat net de 300 158 euros au 31 décembre 2011.
Son principal concurrent était la société Groupe [P] [X] (la société [X]), dirigé par M. [P] [X], exerçant sous l'enseigne Fasiladom, avec une activité identique et, pour l'exercice 2011-2012, un chiffre d'affaires de 626 982 euros pour un résultat net de 130 099 euros.
Après des échanges informels, M. [Y] a transmis à M. [X] par courrier électronique du 29 décembre 2011 une 'letter of interest' (LOI) confirmant l'intérêt de la société Allegro pour la reprise de 100 % des actifs de la société [X] sous forme d'une offre indicative qui formulait un prix d'achat de 1 080 000 euros sous certaines conditions suspensives et selon un calendrier et des engagements divers.
Ensuite, après modifications d'un précédent projet, une lettre d'intention datée du 6 mars 2012 a été envoyée par M. [Y] à M. [X] pour formaliser l'intention de la société Allegro d'acquérir la totalité des actions de la société [X], sous diverses hypothèses énumérées en termes de chiffre et volume d'affaires, d'excédent brut d'exploitation et de résultat de la société [X], le tout pour l'exercice 2011/2012. Elle a reçu l'accord écrit de M. [X].
La lettre en son point 3 (Prix) indiquait que la valorisation s'établirait, selon les informations que vous nous avez remises à un montant estimé total de 1 250 000 euros , ci-après dénommé 'le prix initial d'acquisition'et il était stipulé que le prix sera versé selon les échéances suivantes et susceptible d'être révisé comme suit :
-règlement de 80 % du prix initial d'acquisition à la date d'acquisition, soit 1 000 000 euros,
-règlement en numéraire du solde du prix, soit 20 % au 30 septembre 2012 soit 250 000 euros dont le montant sera révisé comme suit, savoir :
Le prix initial d'acquisition a été arrêté d'un commun accord entre les parties notamment en tenant compte des critères suivants, qui seront appréciés au jour de la perte par M. [P] [X] de son mandat social et au plus tard le 30 juin 2012 :
' l'excédent brut d'exploitation des comptes clos au 30 juin 2012 selon les mêmes méthodes comptables que celles ayant présidé à leur détermination dans les comptes du dernier exercice clos le 30 juin 2011et sous le contrôle du commissaire aux comptes sera égal à 110 000 euros,
' dans l'hypothèse où le montant de l'excédent brut d'exploitation 2012, pour quelque raison que ce soit, serait inférieur à 110 000 euros , toute insuffisance seulement et exclusivement viendra en déduction à l'euro l'euro sur le solde du prix dû par l'acquéreur au vendeur.
Il était ensuite précisé que 'pour le calcul du prix initial d'acquisition, il avait été tenu compte de la dette nette, d'un montant maximum de 500 000 euros à la date de signature du contrat d'acquisition', la dette nette faisant l'objet d'une définition complexe sur plusieurs lignes (premier paragraphe de la page 3 de la lettre d'intention).
' dans l'hypothèse où le montant de la dette nette à la date de signature du contrat d'acquisition, pour quelque raison que ce soit, serait supérieure à 500 000 euros, tout
excédent seulement et exclusivement viendra en déduction à l'euro l'euro sur le solde du prix dû par l'acquéreur au vendeur.
Il était encore prévu la réalisation d'un audit de la société [X] dont les résultats satisfaisants constituaient une condition suspensive, la souscription d'une garantie d'actif et de passif par le vendeur au profit de l'acquéreur et la condition suspensive de la rédaction de la documentation juridique incluant le protocole d'acquisition dont les termes devaient être 'mutuellement acceptables'.
De nombreux échanges essentiellement par courriers électroniques ont suivi entre les conseils de chaque partie et il a été décidé qu'un rendez-vous aurait lieu le 6 avril 2012 pour signer le protocole de cession dont le projet a été transmis par le conseil de la société Allegro le 2 avril précédent.
Lors du rendez-vous du 6 avril 2012, une divergence d'interprétation de la clause relative au prix est apparue entre les parties et la cession n'a pas été signée. Aucun accord ultérieur n'a pu être trouvé.
M. [X] et les autres associés de la société [X] ont assigné la société Allegro devant le tribunal de commerce de Nanterre par acte du 13 juin 2012 pour voir juger, à titre principal, que la vente était parfaite et voir enjoindre à la société Allegro de régulariser l'acte et de payer le prix sous astreinte et, subsidiairement , lui accorder une provision et ordonner une expertise pour déterminer le préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers par la société Allegro.
Par jugement du 21 décembre 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :
-dit que la vente n'était pas parfaite,
-débouté le groupe [P] [X] de sa demande d'expertise,
-condamné la société Allegro à payer au groupe [P] [X] la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Allegro a fait appel du jugement le 24 janvier 2013 et, par dernières conclusions signifiées le 21 octobre 2014, demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la vente n'était pas parfaite et en ce qu'il a débouté le groupe [P] [X] de sa demande d'expertise,
-l'infirmer pour le surplus,
-dire que M. [X] a été fautif dans l'exercice de son droit de rupture de négociations précontractuelles, ou subsidiairement, qu'aucune faute n'a été commise par la société Allegro dans l'exercice de son droit de rupture de négociations précontractuelles,
-dire que la société [X] ne justifie d'aucun préjudice indemnisable qui serait la conséquence d'agissements fautifs de la société Allegro,
-débouter en conséquence la société [X], M. [X] et les autres associés de la société [X] de toutes leurs prétentions,
-condamner solidairement les défendeurs à l'appel à lui verser à titre indemnitaire une somme de 30 000 euros correspondant aux honoraires engagés par elle pour l'opération et une somme de 20 000 euros correspondant au coût de mobilisation interne engagé pour l'opération,
-condamner solidairement les défendeurs à l'appel à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Allegro fait valoir en substance :
-que dès les négociations initiales , l'approche de la société Allegro a entendu déterminer le prix définitif d'acquisition en fonction de la valorisation des actifs de la société [X] sous déduction de la dette réelle de celle-ci et du besoin en fonds de roulement normatif,
-que le conseil de la société Allegro a transmis au conseil de la société Allegro le projet d'acte de cession le 2 avril 2012 sans que M. [Y] en ait eu préalablement connaissance,
-que par courriel du 4 avril 2012, M. [X] a fait part d'une difficulté à M. [Y] sur l'interprétation du versement des sommes,
-qu'une confusion a été faite par M. [X] entre la valorisation des actifs et le prix d'acquisition, que le paiement de 1, 25 millions aurait abouti à payer l'acquisition près de trois fois sa valeur de marché,
-que la réunion du 6 avril 2012 n'ayant pu déboucher sur un accord, les premiers juges ont à juste titre retenu que la vente n'était pas parfaite à défaut d'accord sur le prix,
-que la lettre d'intention ne constituait nullement un engagement de conclure la cession et ne peut être qualifiée d'accord ferme et définitif,
-qu'elle stipulait en outre plusieurs conditions suspensives, à savoir la réalisation d'audits effectivement réalisés les 8 et 9 mars 2012 et la signature de la documentation juridique nécessaire incluant un protocole d'acquisition dont les termes seraient mutuellement acceptables ce qui n'a pu être accompli, de même que le projet amendé de garantie d'actif et de passif n'a pas reçu l'accord de la société Allegro,
-que la rupture des pourparlers est par principe libre,
-que la société Allegro n'est pas à l'origine de leur rupture puisqu'elle a maintenu sa volonté d'acquérir et a formulé de nouvelles propositions par courriel du 27 avril 2012 qui n'ont pas été acceptées par la société [X],
-que le refus d'acquérir au prix de 1 250 000 euros était légitime eu égard au montant de la dette de la société [X] et de ses résultats négatifs mis en exergue par les audits,
-que la fin des pourparlers n'est pas intervenue brutalement de sa part, une solution ayant été recherchée après la découverte par MM. [X] et [Y] de leur divergence d'interprétation sur le prix de cession le 4 avril 2012,
-qu'aucune faute ne peut être imputée à la société Allegro dans la rupture,
-que les préjudices allégués par la société [X] ne peuvent être fondés sur une perte de chance de réaliser les gains de la cession et ne sont nullement démontrés puisque la rupture des pourparlers en avril 2012 n'a pu empêcher la société [X] de préparer sa rentrée par une communication publicitaire et que, de toute façon, la diminution de cette communication ainsi que de la masse salariale résultaient de décisions prises par M. [X] avant le rapprochement avec la société Allegro et qui se sont d'ailleurs poursuivies au cours de l'exercice 2013 après la rupture des négociations, qu'en outre, le chiffre d'affaires a augmenté en 2012 et le résultat négatif en 2011 est devenu positif en 2012, la baisse enregistrée en 2014 ayant des causes étrangères à la rupture des pourparlers,
-qu'aucun fichier 'clients' n'a été communiqué à la société Allegro, la tentative opérée par mail ayant échoué en raison de la taille trop importante du fichier et que la société Ballesteer ne démontre aucune perte d'élèves, ni aucun détournement de clientèle par Allegro.
La société [X] et ses actionnaires ont conclu en dernier lieu le 3 novembre 2014 pour voir :
-déclarer irrecevable et mal fondé l'appel de la société Allegro,
-déclarer recevable et bien fondé son propre appel,
-juger que la vente de l'intégralité des actions , titres et droits de vote de la société [X] au profit de la société Allegro est parfaite conformément aux termes de l'acte de cession du 6 avril 2012,
-dire que la société Allegro, en la personne de son gérant en exercice, doit régulariser la documentation juridique et payer le prix de 1 000 000 euros aux associés tel que défini dans l'acte de cession du 6 avril 2012,
-juger que le transfert effectif de propriété aura lieu le jour de la signature et du paiement,
-condamner sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt par voie d'huissier la société Allegro à régulariser la documentation juridique et à régler le prix de 1 000 000 euros,
-condamner la société Allegro au paiement de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
A titre subsidiaire,
-dire que la société Allegro a commis une faute dans la rupture abusive des pourparlers,
-la condamner au paiement d'une provision de 150 000 euros ,
-désigner un expert pour décrire et évaluer les préjudices subis par la société [X],
A titre plus subsidiaire,
-condamner la société Allegro au paiement d'une somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'intégralité des préjudices causés du fait de la rupture abusive des pourparlers,
-en tout état de cause, condamner la société Allegro au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société [X] et ses actionnaires soutiennent pour l'essentiel :
-que sa dette a permis son développement rapide et n'en était pas une pour partie puisqu'elle correspondait à la valeur de 'coupons' (cours ) payés d'avance et non encore utilisés par les élèves et que la valeur de la société réside surtout dans le fait qu'elle était le deuxième des acteurs principaux sur le marché des cours de musique à domicile, de sorte qu'en la rachetant, Allegro se serait retrouvée en quasi-monopole,
-que l'intégralité des documents, procurations, garantie bancaire à première demande, pièces comptables a été transmise par son conseil pour le rendez-vous du 6 avril 2012 et l'intégralité des diligences requises effectuée par elle,
-que le texte de l'acte de cession était clair quant au prix convenu, seul le complément de prix étant susceptible d'ajustement,
-que la seule raison du refus de signature est la turpitude et l'intention frauduleuse de l'acquéreur qui a décidé de faire une lecture erronée de la clause de prix pourtant claire,
-que l'ultimatum ultérieur de M. [Y] n'était qu'une manipulation,
-que la lettre d'intention d'achat, rédigée par la société Allegro, n'en avait que le nom puisqu'il existait un accord sur la chose et sur le prix et que les négociations ont eu lieu et les deux conditions suspensives ont été levées, le refus de signer la documentation juridique étant frauduleux,
-que d'ailleurs dans ses conclusions d'appel n°2, la société Allegri a qualifié le rendez-vous du 5 puis 6 avril 2012 de 'rendez-vous de signature' ce qui constitue un aveu judiciaire,
-que dès le 16 février 2012, M. [X] a transmis à M. [Y], qui avait déjà pris l'initiative de la politique commerciale, des informations sur les caractéristiques de la société [X] , lui a demandé l'autorisation de congés payés pour des salariés et lui a transmis un tableau avec tous les coupons vendus où figure le nom de tous les clients,
-que les audits ont été favorables,
-que depuis le 6 avril 2012, la société Ballesteer est dans une situation incertaine sur le plan commercial pour ne pas avoir réservé sa campagne publicitaire de septembre 2012, que ses salariés sont dans une instabilité inacceptable puisqu'un transfert d'activité à [Localité 23] avait été annoncé, le tout ayant provoqué une chute du nombre d'inscriptions et d'élèves,
-que l'impact du défaut de signature n'a pas opéré sur le résultat pendant la période 2011/2013 puisque les coupons sont vendus un ou deux ans d'avance, mais sur le volume d'affaires et les inscriptions en 2011/2012, chute accentuée ultérieurement,
Subsidiairement,
-que la rupture est survenue la veille de la signature après des pourparlers longs, complexes et très avancés et résulte de la mauvaise foi de M. [Y],
-que seule une expertise permettra la détermination du préjudice indemnisable et qu'à défaut, celui-ci, au vu des éléments communiqués, s'élève à 500 000 euros .
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION
La société [X] demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel formé par la société Allegro sans invoquer aucun moyen au soutien de cette prétention qui est dénuée de tout fondement. L'appel doit donc être déclaré recevable.
-Sur la perfection en débat de la cession des actions de la société [X]
Le périmètre de la cession, à savoir l'intégralité des actions, titres et droits de vote de la société [X] ne fait pas difficulté.
En revanche, le litige réside dans le point de savoir si un accord existait avant le 6 avril 2012 sur le prix de cette cession.
La lettre d'intention datée du 6 mars 2012 est destinée à 'formaliser l'intention préliminaire de la société Allegro' et comporte l'emploi du conditionnel quant à l'acquisition projetée et, sous une rubrique 'prix', dont la rédaction est complexe, les modalités de valorisation de l'entreprise selon les détails précédemment cités fonctionnant en partie par hypothèses non encore vérifiées puisque dépendantes de l'audit à réaliser . Elle prévoit plusieurs conditions suspensives, à savoir outre la réalisation d'un audit de la société [X] , la souscription d'une garantie d'actif et de passif par le vendeur au profit de l'acquéreur et la rédaction de la documentation juridique incluant le protocole d'acquisition dont les termes devaient être 'mutuellement acceptables'.
La garantie d'actif et de passif négociée entre les parties faisait encore l'objet de modifications la veille du rendez-vous prévu pour la signature de la 'documentation juridique' puisqu'une nouvelle version amendée en était transmise le 5 avril 2012 par le conseil de M. [X] à celui de M. [Y], sans acceptation établie de ce dernier.
Comme l'ont retenu les premiers juges, les échanges versés au dossier sous forme de courriers électroniques qui avaient eu lieu entre les conseils respectifs entre le 6 mars et début avril 2012 n'avaient pas porté sur le prix et aucune discussion tangible n'est rapportée quant à son calcul définitif , aux valeurs à retenir et aux modalités précises de paiement. En conséquence, il n'existait pas avant le 6 avril 2012 un accord ferme et définitif des parties sur le prix . De plus, la perfection de la cession était renvoyée à l'établissement du protocole d'acquisition dans des termes 'mutuellement acceptables' et il est apparu dans les jours précédant le rendez-vous du 6 avril 2012 que les parties n'avaient pas la même interprétation de la portée de la clause relative au 'prix d'acquisition initial' figée pour la société [X], mais à finaliser après discussions selon la société Allegro, ce qui a rendu impossible la signature du protocole de cession, faute d'accord sur le prix de cession.
Enfin, la qualification dans des écritures de la société Allegro du rendez-vous du 6 avril de rendez-vous de 'signature' n'a aucune portée et ne modifie pas le fait qu'il n'existait à cette date aucun accord ferme sur le prix.
Le tribunal a ainsi considéré à bon droit que la vente n'était pas parfaite ; il y a lieu de confirmer le jugement à ce titre et de rejeter la demande de régularisation de la documentation juridique dont l'acte du 6 avril 2012.
-Sur la rupture des pourparlers
A défaut de perfection de la vente, il convient d'examiner les circonstances de la rupture des pourparlers.
La rupture s'est manifestée lors du rendez-vous du 6 avril 2012 en considération de la divergence portant sur le prix, M. [X] estimant que le prix de 1 million d'euros était dû, dans tous les cas, à la signature de l'acte de cession, tandis que M. [Y] prétendait distinguer la valorisation des actifs et le prix de cession, ce dernier étant affecté selon lui en totalité par la déduction de la dette nette et du besoin en fonds de roulement normatif.
Or, il résulte tant de la lettre d'intention que du projet d'acte de cession du 6 avril 2012 que les stipulations relatives au prix pouvaient légitimement être interprétées comme garantissant au cédant un prix minimum de 1 million d'euros, seul le complément de prix faisant l'objet de diminutions éventuelles en fonction de l'excédent brut d'exploitation et de la dette nette, la notion de besoin en fonds de roulement négatif étant absente de ces documents.
Les pourparlers étant toujours en cours, leur rupture par l'une des parties était en principe libre. Mais en modifiant unilatéralement , sans motif, ni explication préalable, à quelques jours d'un rendez-vous qui devait être consacré à la signature des actes juridiques
concluant une cession négociée avec sérieux depuis plusieurs semaines dont les conditions de détermination du prix envisagé étaient fixées par des projets rédigés pour l'essentiel par ses conseils, la société Allegro a commis une faute constitutive d'un abus dans l'exercice de son droit de rompre les pourparlers.
Elle ne peut en aucun cas se fonder sur les propositions dont elle a saisi son partenaire après cette rupture pour prétendre lui imputer la responsabilité d'une rupture dont elle est l'initiatrice et qui était alors consommée.
La société Allegro, qui a entretenu son partenaire jusqu'au début avril 2012 dans la croyance de la conclusion d'un contrat aux conditions résultant de la lettre d'intention, doit indemniser les préjudices induits par la participation de la société [X] au processus de négociation, à savoir les dépenses inutiles causées par la négociation et les mesures qu'elle a nécessitées .
-Sur le préjudice de la société [X]
La société [X] ne pourrait se prévaloir au titre du préjudice indemnisable née de la rupture abusive des pourparlers de la perte de chance de réaliser les gains espérés du contrat de cession et elle ne forme d'ailleurs aucune demande à ce titre.
Elle demande à titre principal une mesure d'expertise sans expliquer en quoi une telle mesure d'instruction s'impose pour quantifier son préjudice indemnisable, alors qu'elle est en mesure d'apporter à la cour les éléments de preuve des dommages prétendument subis et qu'elle expose d'ailleurs à titre subsidiaire.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise, une telle mesure ne pouvant avoir pour objet de pallier les insuffisances d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.
La société [X] rapporte la preuve que l'étude notariale qui l'a assistée pendant toute la négociation finalement rompue a émis une facture le 5 avril 2012 pour cette prestation d'un montant de 27 159, 17 euros .
A ces honoraires dépensés inutilement, il faut ajouter le temps mobilisé en pure perte par la société [X], essentiellement par M. [X], pour participer aux négociations formalisées entre le 29 décembre 2011 et le 6 avril 2012, étudier les projets successifs, recueillir l'accord et les pouvoirs de ses associés au nombre de 17 , dommage qui peut être justement compensé par l'octroi d'une somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La société [X] fait valoir qu'elle n'a commandé aucune campagne publicitaire pour la rentrée 2012, à la demande de M. [Y] et que son volume d'affaires et le nombre de ses clients ont consécutivement diminué.
Elle ajoute qu'elle a , comme elle le devait, transmis l'identité de ses clients en cours de négociation et impute à la connaissance acquise par la société Allegro de son fichier client la baisse enregistrée du nombre de ces derniers . Elle prétend que ses actions commerciales et de développement ont été paralysées pendant deux années du fait du comportement de son principal concurrent Allegro.
S'agissant de l'empêchement allégué de la campagne de communication publicitaire pour l'automne 2012, il n'est aucunement établi qu'à l'issue de la rupture du 6 avril 2012, la société [X] ne disposait pas du délai requis pour la mise en place d'une campagne pour le mois de septembre suivant. Et surtout, il résulte de deux courriels adressés les 2 et 4 mai 2011 par M. [X] à M. [Y] que dès cette époque, alors qu'aucune négociation formelle n'était engagée entre les deux sociétés, M. [X] avait de son propre chef décidé de réorienter sur internet ('Adwords')la communication publicitaire de sa société afin d'en réduire le coût de 130 000 € l'année suivante. Ainsi, la baisse du budget communication publicitaire ne résulte que d'une libre décision de gestion de M. [X] largement antérieure à la négociation de la cession envisagée et la société Allegro ne peut être tenue pour responsable de ses conséquences éventuelles.
La société [X] prouve qu'elle a tenté de transmettre par voie électronique l'intégralité des 'coupons clients' c'est-à-dire le fichier de ses clients à M. [Y] le 23 mars 2012, mais qu'il n'a pas été réceptionné en raison de son volume. La transmission effective ultérieure via 'Yousendit' dont M. [X] a fait état le 26 avril 2012 auprès du conseil de la société Allegro est établie au dossier par l'envoi du 30 mars 2012 (pièce 59 [X]).
Il reste que la société [X] ne rapporte aucune preuve d'une relation causale entre la détention du fichier par la société Allegro à compter de mars 2012 et la baisse du nombre de ses clients qui s'est au demeurant amorcée dès l'exercice 2011/2012, étant observé, comme elle le souligne elle-même, que la majorité des inscriptions a lieu en septembre, donc en l'espèce dès septembre 2011, et elle ne cite aucun exemple d'élève qui aurait été 'détourné' par la société Allegro.
Dans le cadre des négociations, M. [X] a signé le 19 mars 2012 un engagement de s'interdire, sauf accord préalable et écrit de M. [Y], toute opération excédant la gestion courante de la société [X]. Cet engagement expirait à la signature du contrat de cession ou au plus tard le 15 avril 2012.
Une gêne en est nécessairement résultée dont la brièveté doit néanmoins être soulignée et la société [X] ne fait d'ailleurs état d'aucune opération importante perdue en raison de cet engagement. Une somme de 20 000 euros est de nature à compenser l'entrave limitée dans le temps éprouvée dans la gestion de la société [X], en raison des exigences de la société Allegro.
La société [X] impute encore à la société Allegro la déstabilisation de ses salariés liée à une cession à intervenir longue et hésitante.
Pour l'établir, elle verse deux mails émanant de salariés. Celui de Mme [FA] ne prouve aucune déstabilisation particulière de la salariée, son départ ultérieur de l'entreprise ne résultant que d'une annotation manuscrite anonyme apposée sur le texte du courriel. En revanche, une angoisse liée à l'incertitude de la cession est exposée dans le courriel écrit par M. [F] , mais ce message est daté du 18 avril 2012 alors que les parties étaient déjà en conflit et il ne peut à lui seul rapporter la preuve d'une désorganisation de l'entreprise consécutive à la perturbation de ses salariés en raison de négociations qui ont finalement échoué.
Surtout, la diminution de la masse salariale de la société [X], par des ruptures conventionnelles et des non-renouvellements de contrats à durée déterminée, résulte de décisions prises par M. [X] antérieurement au processus de négociation et destinées à améliorer les résultats de la société , comme le démontre notamment le mail adressé à ce sujet par M. [X] à M. [Y] le 4 mai 2011 qui l'assurait même que l'entreprise pourrait être transmise sans salarié, étant d'ailleurs relevé que la société [X] ne comptait plus que trois salariés au 6 avril 2012.
Dès lors, aucune désorganisation de l'entreprise consécutive à une déstabilisation des salariés imputable à l'attitude de la société Allegro ne peut être retenue.
Les doléances présentées par la société [X] relatives à la perte de chiffre d'affaires et de résultat ne peuvent ainsi fonder sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 500 000 euros .En effet, il convient de répéter que l'imputabilité de ces baisses à la société Allegro n'est pas établie.
En tout état de cause, et surabondamment, après des résultats pour la première fois positifs pour l'exercice 2011/2012, les chiffres des exercices clos au 30 juin 2013 et 30 juin 2014, dont la société [X] soutient, sans le démontrer, qu'ils sont seuls significatifs en raison du décalage allégué d'un ou deux ans entre la commande des cours et leur exécution effective, ne témoignent que d'une faible diminution au 30 juin 2013, le résultat net étant à cette date très proche de celui de l'année précédente (127 723 euros au lieu de 130 099 euros) et d'une diminution certes plus marquée enregistrée au 30 juin 2014 mais qui ne justifie pas davantage le quantum sollicité .
Finalement, la société [X] est en droit d'obtenir, en indemnisation du préjudice avéré en lien avec la rupture des pourparlers, au titre des sommes versées à son conseil, du temps consacré par son président à la négociation et aux actes préparatoires de la cession et de l'entrave apportée à sa gestion du 19 mars au 6 avril 2012, des dommages-intérêts d'un montant de 107 159, 17 euros soit en valeur arrondie 107 160 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel de la société Allegro partners,
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Allegro partners à payer à la société Groupe [P] [X] la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts,
L'infirme de ce chef,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Allegro partners à payer à la société Groupe [P] [X] la somme de 107 160 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture abusive des pourparlers,
Déboute la société Groupe [P] [X] du surplus de sa demande de dommages-intérêts,
Ajoutant au jugement,
Déboute la société Allegro partners de sa demande tendant à voir imputer à faute la rupture des pourparlers à M.[X] et de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,
Condamne la société Allegro partners à payer à l'ensemble des intimés une somme globale de 12 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,