COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2015
R.G. N° 12/07482
AFFAIRE :
SCP FRANCOIS LEJEUNE, NOTAIRE ASSOCIE
C/
[P] [V] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre : 01
N° Section :
N° RG : 11/08545
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE
SCP LEGRAND & PONS-LEGRAND, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCP FRANCOIS LEJEUNE,
notaires associés,
titulaires de l'office notarial dont le siège est
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Michel RONZEAU de la SCP RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 9 et plaidant par Maitre Thomas RONZEAU, avocat au barreau du Val d'Oise.
APPELANTE
****************
Monsieur [P] [V] [X]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 3] (Val d'Oise)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : SCP LEGRAND & PONS-LEGRAND, avocats associés postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 120 - N° du dossier 20128740
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 décembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BLUM, Président
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
Vu le jugement réputé contradictoire du tribunal de grande instance de PONTOISE du 18 septembre 2012 ayant, notamment :
- déclaré recevable l'action en responsabilité engagée par M. [X] à l'encontre de la SCP François Lejeune, Notaires associés,
- dit que Me [M] [M] a commis une faute caractérisée, consistant en un manquement à son devoir de rigueur et d'information, qui engage sa responsabilité professionnelle,
En conséquence,
- condamné la SCP François Lejeune à payer à [P] [X] les sommes de :
*17.500 euros en réparation de son entier préjudice,
*2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Vu la déclaration du 31 octobre 2012, par laquelle la SCP François Lejeune a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 mai 2013, aux termes desquelles la SCP François Lejeune demande à la cour de :
- dire qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de son activité professionnelle,
- dire que M. [X] ne rapporte pas la preuve de l'existence et de l'étendue des préjudices dont il sollicite réparation,
- dire que les préjudices dont il sollicite réparation ne présentent en tout état de cause aucun lien de causalité avec les manquements formulés à son encontre,
En conséquence,
- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
- le déclarer mal fondé en son appel incident et l'en débouter,
- le condamner à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2013, aux termes desquelles [P] [X] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré recevable en son action,
- le confirmer en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la SCP François Lejeune, notaires associés, anciennement dénommée SCP [M]
- le déclarer recevable en son appel incident,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité son préjudice et, statuant à nouveau,
- condamner la SCP François Lejeune à lui payer la somme de 25.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral,
- débouter la SCP François Lejeune de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la SCP François Lejeune à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des éléments contradictoirement débattus que par acte notarié reçu le 21 janvier 1997 par Me [M] [M], notaire, M. [P] [X] a fait l'acquisition d'une habitation sise à [Localité 5] (95) cadastrée section AB n° [Cadastre 3] ;
Que l'acte précisait qu'il devenait propriétaire d'un immeuble situé '[Adresse 4] par un passage commun (...)' ;
Qu'ayant formé un projet d'extension de son garage accessible depuis la [Adresse 4], projet nécessitant de déplacer un poteau de téléphone, il a souhaité se raccorder au réseau téléphonique en passant par le passage commun, mais s'est heurté au refus de sa voisine, Mme [U], propriétaire des parcelles cadastrées n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] et se déclarant propriétaire de la cour sur laquelle M. [X] ne dispose que d'un simple droit de passage ;
Qu'à la suite de l'intervention d'un conciliateur de justice, puis d'un expert amiable, M. [X] a pu constater, au vu de l'acte de propriété de celle-ci, que Mme [U] était effectivement titulaire des droits qu'elle revendiquait ;
Qu'estimant que le notaire avait commis une faute en ne procédant pas, au moment de l'acquisition de la maison, aux vérifications permettant de s'assurer de l'étendue de ses droits, M. [X] a, par acte du 23 novembre 2011, fait citer la SCP François Lejeune, titulaire de l'office notarial anciennement dénommé SCP [M] devant le tribunal de grande instance de PONTOISE, au fins de la voir condamner à lui verser des réparations sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que cette demande a été partiellement accueillie par le jugement entrepris ;
Sur la faute
Considérant la SCP notariale François Lejeune, qui ne comparaissait pas en première instance, soutient que Me [M] n'a commis aucune faute lors de la rédaction de l'acte du 21 janvier 1997, ayant repris la description du passage commun telle qu'elle résultait des actes de propriétaires antérieurs ; qu'à aucun moment dans l'acte, il n'est fait mention d'une cour commune, mais d'un simple droit de passage ; que M. [X] ne démontre nullement avoir eu la jouissance de la cour autrement que pour accéder au lot dont il est le propriétaire ;
Qu'elle ajoute que la difficulté relative au statut de la cour litigieuse n'est apparue qu'à la lecture de l'acte de propriété de Mme [U], voisine de M [X], et non à la lecture de la chaîne de propriété du lot cédé, la seule devant être vérifiée par Me [M], qui n'avait pas à effectuer des vérifications cadastrales ;
Qu'en réponse, M. [X] soutient que le notaire se doit de vérifier l'étendue et de la nature des droits de propriété faisant l'objet de l'acte auquel il prête son ministère ; que la tâche du notaire consiste à rechercher et à analyser d'une façon approfondie l'ensemble des titres de propriété ; qu'en l'espèce, il relevait de la compétence de Me [M] de vérifier la nature et l'étendue des droits de propriété qui lui ont été transférés dans l'acte du 21 janvier 1997 ;
Que rien ne pouvait lui laisser supposer que la cour litigieuse n'était pas une cour commune, sa porte d'entrée étant au fond de celle-ci ;
Qu'il constate que le titre de propriété se borne à mentionner que la maison «'donne [Adresse 3] par un passage commun'», le titre ne distinguant pas la cour du porche ; que Me [M] aurait dû faire des vérifications cadastrales qui, s'il les avait effectuées, lui auraient révélé une différence de contenance de la propriété entre l'acte du 31 janvier 1963 et l'acte litigieux du 21 janvier 1997 ;
Qu'il rappelle que le notaire est tenu d'une obligation de résultat, en sa qualité de rédacteur d'acte ;
Mais considérant qu'ainsi que le relève à juste titre la SCP notariale, les énonciations de l'acte reçu par le ministère de Me [M] traduisent l'étendue de ses droits en mentionnant l'accès de l'immeuble vendu au numéro 13 de la grande rue par un passage commun ; qu'il n'est pas contesté que la cour mentionnée dans l'acte ne concerne que la cour directement attenante à la maison, dont M. [X] est propriétaire et a la jouissance exclusive ; qu'il n'est fait mention d'aucune autre cour ; que M. [X] ne peut donc prétendre avoir été induit en erreur par les mentions de l'acte sur l'existence d'un droit de propriété, tant sur la cour litigieuse que sur le porche, qui constituent l'assiette du droit de passage ; que le caractère commun du droit de passage exprime le fait que d'autres parcelles bénéficiaient du même droit ;
Que c'est en vain que M. [X] reproche au notaire de ne pas avoir procédé à des vérifications concernant le titre de Mme [U], dès lors que cette vérification, si elle avait été conduite, n'aurait pas imposé au notaire de décrire différemment l'étendue des droits cédés à l'égard de la cour litigieuse ;
Qu'il n'y a pas de conséquences à tirer de la différence de contenance de 50ca relevée par M. [X] entre son acte et celui publié à la conservation des hypothèques le 26 janvier 1966 (vente JACOVIDES / ALBAGLI - [Localité 4]) ; qu'en effet, l'acte publié en 1966 porte sur un ensemble plus vaste (5a 45ca au total contre 3a 45ca) lequel a fait l'objet de divisions ultérieures et d'une nouvelle numérotation parcellaire ; que la description de la maison objet de la vente dans l'acte publié en 1966 est, du reste, différente (maison élevée sur cave alors que la maison vendue à M. [X] est sur terre plein dans l'acte de 1997) ;
Que l'efficacité de l'acte au regard de l'étendue des droits de M. [X] est incontestable, et le notaire ne peut être tenu pour responsable de la croyance erronée et non induite par les énonciations de l'acte, de l'existence de droits autres qu'un simple droit de passage sur la cour litigieuse ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que M. [X] succombant dans ses prétentions doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 18 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de PONTOISE ;
STATUANT à nouveau de ce chef,
-DÉBOUTE [P] [X] de l'ensemble de ses demandes ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [P] [X] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,