COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 38D
13e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2015
R. G. No 13/ 06202
AFFAIRE :
Me Francisque E...(mandataire ad'hoc, mandataire ad litem de la Sté MOULINEX SA), en vue d'assurer en justice la représentation de la procédure collective de la Sté MOULINEX SA...
C/ SA BANQUE CIC NORD OUEST, venant aux droits de la Banque SCALBERT DUPONT CIN et du CREDIT INDUSTRIEL DE NORMANDIE...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 04 No Section : No RG : 2005F04479
Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : 29. 01. 2015
à :
- Me Patricia MINAULT-Me Emmanuel JULLIEN-Me Anne-Laure DUMEAU,- Me Guillaume NICOLAS-Me Martine DUPUIS-Ministère Public-TC NANTERRE REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE QUINZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
- Maître Francisque E...pris en sa qualité de mandataire de justice avec la mission de mandataire ad'hoc, mandataire ad litem de la Sté MOULINEX SA, en vue d'assurer en justice la représentation de la procédure collective de la Sté MOULINEX SA, 3, Avenue de Madrid 92200 NEUILLY SUR SEINE-SELAS F...-G..., mission conduite par Me Didier F...pris en sa qualité de mandataire de justice avec la mission de mandataire ad'hoc, mandataire ad litem de la Sté MOULINEX SA, en vue d'assurer en justice la représentation de la procédure collective de la Sté MOULINEX SA, 3 Avenue de Madrid BP 41 92202 NEUILLY SUR SEINE CEDEX
Représentés par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619- No du dossier 20130476 et par Maître Stéphane CATHELY et Maître Maurice LANTOURNE, avocats plaidants au barreau de PARIS
APPELANTS
**************** Monsieur le Procureur Général COUR D'APPEL 5, rue Carnot 78000 VERSAILLES
SA LCL LE CREDIT LYONNAIS Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège No SIRET : 954 509 741 18 rue de la République 69000 LYON
Représentée par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20130647 et par Maître J. AUGAIS, avocat plaidant au barreau de PARIS
SA SOCIETE GENERALE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège-No SIRET : 552 120 222 29 Boulevard Haussmann 75009 PARIS
Représentée par Maître Anne-Laure DUMEAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628- No du dossier 40899 et par Maître Rémi KLEIMAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
SA BNP PARIBAS Représentée par son PDG en exercice domicilié de droit audit siège-No SIRET : 662 04 2 4 49 16, boulevard des Italiens 75009 PARIS
Représentée par Maître Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 234- No du dossier 130348 et par Maître Christian ORENGO du Cabinet KRAMER LEVIN LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
-SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège-No SIRET : B54 201 638 1 6 Avenue de Provence 75009 PARIS-SA BANQUE CIC NORD OUEST, venant aux droits de la Banque SCALBERT DUPONT CIN et du CREDIT INDUSTRIEL DE NORMANDIE 33 Avenue le Corbusier 59800 LILLE SA NATIXIS Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège No SIRET : 542 044 524 30 Avenue Pierre Mendès France 75013 PARIS
Représentées par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20130647 et par Maître FOURNIER-GILLE du Cabinet KRAMER LEVIN LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
SA CREDIT DU NORD agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège-No SIRET : 455 502 096 28, place Rihour 59800 LILLE
Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625- No du dossier 1352406 et par Maître Dominique SCHMIDT, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMES
VISA DU MINISTERE PUBLIC : LE 6 JANVIER 2015
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2014, Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente, Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
FAITS ET PROCEDURE,
Les 25 et 26 mars 1997, un pool bancaire composé du Crédit lyonnais (le LCL) en tant que chef de file, de la Société générale (la SG), de la Banque nationale de Paris (la BNP), du Crédit industriel et commercial, du Crédit industriel de Normandie, du Crédit national, de la société Paribas, du Comit et du Crédit du Nord, ont consenti à la société Moulinex SA, alors en phase de restructuration, un crédit à moyen terme de 1 200 000 000 francs soit 183 000 000 euros d'une durée de trois ans venant se substituer à des concours antérieurs. Etait stipulée au contrat une clause d'exigibilité anticipée en cas de dépassement ou d'impossibilité d'atteindre certains ratios financiers (article 11, § n, § o, et § p).
En juillet 1997, la société Moulinex SA a émis un emprunt obligataire à haut rendement de 45 700 000 euros entièrement souscrit par le marché.
En 1998, alors que le groupe Moulinex réalisait un chiffre d'affaires de 1, 2 milliard d'euros et employait environ 10 000 salariés, est survenue la crise russe qui a fortement impacté les résultats d'exploitation de la société Moulinex SA. Un nouveau plan de restructuration a été mis en place.
En janvier 1999, la société Moulinex SA a émis des Oceane (Obligations à option de conversion et/ ou d'échange en actions nouvelles ou existantes) d'un montant de 750 000 000 francs soit 115 000 000 euros.
Le 6 décembre 1999, la société Moulinex SA a obtenu des établissements bancaires une ouverture de crédit d'un montant de 200 000 000 francs destinée à permettre le remboursement de l'emprunt obligataire à haut rendement.
En mars 2000, une augmentation de capital a été lancée pour 840 000 000 francs soit 128 000 000 euros et entièrement souscrite par le marché. A la suite de cette augmentation, la société EL. FI. SA, filiale française de la société de droit italien EL. FI. SPA holding du groupe EL. FI., et société-mère de la société Brandt SA, est devenue actionnaire de la société Moulinex SA à concurrence de 26 % du capital.
Le 23 novembre 2000, une autre ouverture de crédit de 150 000 000 francs a été consentie par les mêmes banques destinée à financer les besoins d'exploitation de la société Moulinex SA.
En décembre 2000, est intervenue une fusion par voie d'absorption de la société EL. FI. SA par la société Moulinex SA, laquelle est devenue par voie de conséquence la société holding de la société Brandt SA.
Le nouveau groupe est devenu alors le troisième fabricant européen d'électroménager.
Le 7 septembre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert le redressement judiciaire de la société Brandt SA et par jugements du 12 septembre 2001 celui des filiales françaises en fixant la date de cessation des paiements au 7 septembre 2001.
Le redressement judiciaire de la société Moulinex SA a été ouvert le même jour, lequel s'est achevé le 22 octobre 2001 par l'adoption d'un plan de cession au profit de la société SEB, Maître F..., dont la Selas F...-G...prendra la suite, et Maître E...étant désignés comme co-commissaires à l'exécution du plan.
Les organes de la procédure ont obtenu le 21 décembre 2001, la désignation d'un collège d'experts (MM. B..., A... et C...) qui a reçu mission de rechercher et fournir au tribunal les éléments nécessaires permettant de déterminer la date de cessation des paiements de la société Moulinex SA en vue d'un report éventuel. Le rapport a été déposé le 29 octobre 2004.
Ils ont ensuite tenté sans succès de faire reporter la date de cessation des paiements de la société Moulinex SA. En effet, par arrêt du 28 mai 2009, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 juin 2008 qui avait débouté les co-commissaires à l'exécution du plan de la société Moulinex SA de leur demande de report.
Courant 2005, les co-commissaires à l'exécution du plan de cession de la société Moulinex SA ont assigné en responsabilité et en paiement de dommages-intérêts le LCL, la SG, la BNP Paribas, le Crédit du Nord (le CN), la société Natixis, le Crédit industriel et commercial (le CIC), le CIC Nord Ouest, et la société Intesa Sanpaolo venant aux droits de la société Banca Intesa devant le tribunal de commerce de Nanterre en leur imputant à faute un soutien abusif, en particulier à compter de janvier 2001. Les mêmes ont poursuivi l'instance en qualité de mandataires ad hoc-mandataires ad litem de la société Moulinex SA, fonction à laquelle ils ont été désignés par un jugement du 16 novembre 2011.
Par jugement en date du 28 juin 2013, le tribunal a :
- pris acte du désistement d'action des demandeurs à l'égard de la société Intesa Sanpaolo,- débouté la Selas F...-G...et Maître E...ès qualités de toutes leurs demandes,- débouté la BNP, la société Natixis, le CIC, le CIC Nord Ouest et la société Intesa Sanpaolo de leurs demandes au titre de procédure abusive,- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné les demandeurs aux dépens.
Le tribunal a retenu que la fusion intervenue en décembre 2000 entre la société Moulinex SA et la société EL. FI SA à la suite de l'augmentation de capital intervenue en mars 2000 à hauteur de 128 000 000 euros permettait légitimement aux banques de considérer que la situation financière de la société Moulinex SA devait nettement s'améliorer, que jusqu'au mois d'août 2001, alors que la situation de la société Moulinex SA était particulièrement délicate et s'aggravait constamment au vu et au su de tous, dont les banquiers, il restait encore la possibilité d'une éventuelle issue, si minime soit-elle, à savoir le renflouement de la société par son actionnaire italien qui en avait pris l'engagement. Le tribunal a ajouté que pendant toute la période qui s'est écoulée entre janvier et septembre 2001, compte tenu de la volonté affirmée par tous les acteurs de la vie économique et les pouvoirs publics, relayée par les média, de tout mettre en oeuvre pour sauver la société Moulinex, les banques étaient de fait dans l'impossibilité de prendre l'initiative de mettre fin aux crédits en cours et de précipiter ainsi le dépôt de bilan de l'entreprise. Il a en conséquence dénié l'existence d'une situation irrémédiablement compromise avant la fin du mois d'août 2001.
Maître F..., ès qualités, et Maître E..., ès qualités, ont fait appel du jugement.
Prétentions et moyens des appelants :
Aux termes de leurs dernières conclusions du 24 février 2014, les mandataires demandent à la cour de :
- dire que dans le jugement le tribunal a retenu que la société Moulinex SA s'est trouvée dans une situation irrémédiablement compromise sauf l'hypothèse d'un espoir sérieux de parvenir à un accord sur le financement d'un plan de redressement de l'entreprise,- constater que les banques intimées n'ont pas participé à des discussions portant sur le financement d'un plan de redressement de la société Moulinex SA, leur proposition tardive le 20 août 2001 ajoutant des exigences en terme de garantie et ne portant que sur les conditions restrictives de l'allocation d'un crédit de campagne,- dire qu'il n'est pas démontré qu'il aurait subsisté un espoir sérieux de redresser la société Moulinex SA qui se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise depuis le mois de janvier 2001 et à tout le moins depuis le mois d'avril 2001,- constater que le soutien financier consenti par les banques à la société Moulinex SA à compter du mois de janvier 2001 revêt un caractère abusif, de nature à engager leur responsabilité délictuelle à l'égard de l'ensemble des créanciers de la procédure collective de la société Moulinex SA,- constater que les fautes commises par les banques dans la poursuite abusive de concours financiers ont contribué au préjudice subi par l'ensemble des créanciers de la société Moulinex SA dont le montant correspond à la somme minimum de 365 366 000 euros sauf à ce qu'il soit jugé que le préjudice subi par les créanciers de la procédure collective s'élèverait à la totalité de l'insuffisance d'actif,- en conséquence, infirmer le jugement,- et statuant à nouveau, condamner in solidum le LCL, la SG, la BNP, le CIC, la Natixis, le CN et le CIC Nord Ouest à leur payer la somme minimum de 365 366 000 euros en principal à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de la date de l'acte introductif d'instance, en réparation du préjudice subi à raison du soutien abusif de l'activité de la société Moulinex SA en application de l'article 1382 du code civil, sauf à ce qu'il soit jugé que le montant du préjudice subi par l'ensemble des créanciers s'élèverait à la totalité de l'insuffisance d'actif de la procédure collective,- dire que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année entière au moins, en application de l'article 1154 du code civil,- rejeter les appels incidents de la BNP, et de la Natixis, du CIC et du CIC Nord Ouest, ceux-ci étant dépourvus de fondement,- débouter le LCL, la SG, la BNP, le CIC, la Natixis, le CN et le CIC Nord Ouest de l'ensemble de leurs demandes,- condamner in solidum le LCL, la SG, la BNP, le CIC, la Natixis, le CN et le CIC Nord Ouest à leur payer la somme 200 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner in solidum le LCL, la SG, la BNP, le CIC, la Natixis, le CN et le CIC Nord Ouest aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.
Les appelants soutiennent les moyens suivants :
- ainsi que l'a relevé le tribunal, la situation de la société Moulinex SA était obérée depuis le mois de mars 1999 puisque, de l'aveu même des banques qui avaient imposé les ratios stipulés dans le contrat de prêt syndiqué, la société Moulinex SA ne pouvait plus faire face à ses engagements contractuels ; il en résulte qu'à compter du mois de mars 1999, les banques ont maintenu les concours sous leur responsabilité ; aucune mesure de redressement n'a été mise en oeuvre après cette date de sorte que la situation de l'entreprise a continué à se dégrader ;
- il n'est pas établi que les discussions qui ont pu intervenir jusqu'à la fin du mois d'août 2001 ont revêtu le caractère sérieux exigé par la jurisprudence pour justifier qu'un espoir ait pu subsister jusqu'à cette date de parvenir à un accord permettant le sauvetage de la société Moulinex SA ; au mois de juillet 2001, il n'existait plus aucune solution possible pour la simple raison que les besoins de financement d'un plan de sauvetage avaient été augmentés, il était désormais nécessaire de réunir un financement de 125 000 000 euros ; la société Brandt SA assurait la survie de la société Moulinex SA en opérant des tirages sur sa ligne de crédit qui était intégralement consommée ; les actifs de la société Moulinex SA étaient déjà donnés en garantie au pool bancaire ; M. X...qui représentait la SG au conseil d'administration de la société Moulinex SA du 23 juillet 2001 suggérait sans succès la cession de la société Brandt ; le procès-verbal du conseil d'administration du 23 juillet 2001 n'évoquait pas les modalités précises d'un financement correspondant à la somme annoncée comme nécessaire au plan de financement ; les administrateurs admettaient tout au plus qu'une somme de 160 000 000 euros pourrait être trouvée auprès de l'actionnaire EL. FI. et des banques, ce qui était insuffisant ; à l'occasion d'une réunion du 27 juillet 2001 entre les membres du pool bancaire, ceux-ci se disaient favorables au financement sollicité à des conditions restrictives de libération des fonds et sous conditions de l'obtention de garanties nouvelles à exiger dont la caution de la société EL. FI. SPA ; les conditions nouvelles des banques marquaient clairement l'annonce de ce que les banques ne croyaient pas à la faisabilité du plan de sauvetage et souhaitaient transférer les risques sur l'actionnaire ; finalement les banques ont révélé en août 2001 qu'elles ne souhaitaient accorder qu'un simple crédit de campagne d'un montant insuffisant et que de nouvelles conditions étaient encore souhaitées ; la société EL. FI. SPA ne s'est jamais engagée à apporter à la société Moulinex SA les fonds nécessaires au financement de son activité ; l'opération de fusion n'était pas financée et a eu pour conséquence de dégrader la situation de la société Moulinex SA ;
- les banques avaient connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société Moulinex SA depuis le 22 décembre 2000 (date de la fusion) ; ce point est démontré par le rapport Finexsi commandé par les banques elles-mêmes et par les pièces de l'instruction pénale contre les dirigeants de la société Moulinex SA ; elles connaissaient les avances de fonds en provenance de la société Brandt SA, elles avaient communication des bilans de la société Moulinex SA et des procès-verbaux des assemblées générales ordinaires et extraordinaires, M. X...puis M. Y...étaient entrés au conseil d'administration de la société Moulinex SA pour y représenter respectivement la SG et le LCL ; les banques ne peuvent tout à la fois affirmer que le constat de la situation irrémédiablement compromise résultait de l'absence d'engagement financier de la part de l'actionnaire italien et écarter l'évidence d'un tel constat dès le lendemain de la fusion lorsque cet actionnaire n'exprimait aucune intention de soutien du groupe alors qu'un besoin de 500 000 000 francs avait été identifié par lui ;
- l'absence de rupture des concours et leur augmentation à compter de la date à laquelle la société Moulinex SA s'est trouvée dans une situation irrémédiablement compromise a retardé l'ouverture d'une procédure collective dont l'issue était pourtant certaine, aboutissant à dévaloriser les actifs en vue de favoriser la sauvegarde du maximum d'emplois dans les délais extrêmement courts imposés par la situation financière totalement obérée et a aggravé l'insuffisance d'actif ; le préjudice subi par les créanciers est représenté par la variation de l'actif net à la date à laquelle les banques ont eu connaissance de la situation irrémédiablement compromise et tel qu'il ressort à l'issue de la procédure collective ; au 31 décembre 2000, le montant de l'actif net positif de la société Moulinex SA s'élevait à la somme de 40 488 000 euros ; au 7 septembre 2001, le montant de l'insuffisance d'actif s'élevait à 325 178 000 euros ; la dépréciation de l'actif net s'élève en conséquence à la somme de 365 666 000 euros.
Prétentions et moyens du Crédit lyonnais :
Le LCL a conclu le 5 septembre 2014 pour voir :
- dire qu'à aucun moment à compter du mois de janvier 2001, les mandataires ad hoc de la société Moulinex SA ne justifient qu'il ait abusivement accordé à la société Moulinex SA un soutien financier, en connaissance d'une situation irrémédiablement compromise de celle-ci, à l'origine de l'insuffisance d'actifs invoquée par les appelants,- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les mandataires ad hoc de leurs demandes,- condamner in solidum les mandataires ad hoc à lui payer la somme de 400 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance,- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
Le LCL soutient pour l'essentiel que la société Moulinex SA n'était dans une situation irrémédiablement compromise au sens de la jurisprudence ni avant la fusion, ni entre le mois de décembre 2000 et le dépôt de bilan du 7 septembre 2001 :
- le rapport d'expertise du 29 octobre 2004 est dénué de pertinence pour caractériser une situation irrémédiablement compromise ; outre le fait que les chiffres donnés sont incohérents, l'ensemble des données comptables examinées par les experts résultent des comptes sociaux de la société Moulinex SA alors que pour apprécier l'existence d'une situation irrémédiablement compromise il faut se placer au niveau du groupe constitué par la société Moulinex SA et ses filiales qui participent à l'activité au travers des comptes consolidés auxquels le contrat de prêt des 25 et 26 mars 1997 faisait expressément référence ; l'analyse des comptes consolidés révèle un excédent brut d'exploitation largement positif jusqu'au 31 décembre 1999 qui n'est devenu légèrement négatif qu'au 31 décembre 2000, une capacité d'autofinancement plus élevée et un taux d'endettement moindre que ceux calculés par les experts ;
- le plan de sauvetage présenté aux banques en avril 2001 contenait un volet financement précis que la société Moulinex SA estimait pouvoir assumer seule et ce n'est qu'en juillet 2001 que la direction de la société Moulinex SA a révisé ses anticipations et demandé de nouveaux financements à son actionnaire majoritaire et aux banques, ces dernières étant sollicitées à hauteur de 91 500 000 euros ; lors du conseil d'administration du 23 juillet 2001, la société EL. FI. SPA a acté son accord pour la réalisation d'une nouvelle augmentation de capital de l'ordre de 600 000 000 francs pour laquelle elle était d'ores et déjà disposée à souscrire à hauteur de sa part dans le capital soit 450 000 000 francs environ ; fin juillet 2001, le plan de financement révisé soumis aux banques était donc définitivement et précisément arrêté et couvrait l'intégralité des besoins de trésorerie du groupe pour l'année 2001 et les exercices suivants ;
- c'est à tort que les appelants prétendent que les banques n'auraient pas accepté de financer ce plan ou auraient imposé un niveau de garantie dont il pourrait de déduire dès juillet 2001 qu'elles ne croyaient plus au dossier ; une proposition de prêt a été soumise au conseil d'administration de la société Moulinex SA du 4 septembre 2001dont le dirigeant, M. Z..., a estimé qu'il était globalement conforme à l'esprit des travaux et objectifs arrêtés par le conseil le 23 juillet précédent même si les conditions posées par les banques étaient draconiennes ; seule l'opposition inattendue aux modalités du projet de prêt lors du conseil du 4 septembre 2001 exprimée par l'actionnaire majoritaire, la société EL. FI. SPA, a finalement rendu impossible la mise en oeuvre du plan ;
- la présence de M. Y...représentant le Crédit lyonnais au conseil d'administration de la société Moulinex SA du 31 mars 1999 au 28 juillet 2000 n'est pas de nature à laisser présager une information particulièrement privilégiée du Crédit lyonnais quant à la marche de l'entreprise et qui conduirait cette banque à voir sa responsabilité tout particulièrement engagée ; les commissaires aux comptes n'ont jamais émis de réserves et ont toujours certifié les comptes sociaux ; les instances représentatives du personnel ont toujours estimé que le plan était de nature à conduire au redressement ;
- ce n'est donc que devant la situation financière très dégradée constatée en avril 2001 et en l'absence d'apport de fonds propres complémentaires en juillet et août 2001 sans lequel tout accroissement de l'endettement ne pouvait être raisonnablement envisagé, que le groupe s'est trouvé dans une situation irrémédiablement compromise ;
- l'insuffisance d'actifs invoquée par les appelants ne peut pas être imputée aux banques car les financements octroyés ne sont pas à l'origine de l'insuffisance d'actifs qui n'est d'ailleurs pas démontrée en l'état de procédures en cours contre les dirigeants ; le calcul de l'insuffisance d'actifs invoqué par les appelants n'est pas fondé.
Prétentions et moyens de la SG :
Par conclusions du 30 décembre 2013, la SG demande à la cour de :
- constater que la notion de situation irrémédiablement compromise n'est pas une notion économique et comptable mais une notion de fait consistant à déterminer si au moment du maintien et/ ou de l'octroi des concours il existait des perspectives de redressement de la société Moulinex SA ;- constater que l'argumentation des mandataires judiciaires de la société Moulinex SA consistant à faire état de la situation économique et financière de cette société qu'ils qualifient de largement « obérée » ou de « désastreuse » est impropre à caractériser une faute de sa part de nature à engager sa responsabilité au titre du soutien abusif ;- constater que l'argumentation des mandataires judiciaires de la société Moulinex SA repose sur des constats livrés a posteriori et non au moment des faits, et que ces constats sont impropres à caractériser une faute de sa part de nature à engager sa responsabilité au titre du soutien abusif ;- constater que si l'on se place au moment des faits et non a posteriori, à chaque fois que les concours des banques ont été sollicités pour être maintenus et/ ou augmentés il a existé de réelles perspectives de redressement de la société Moulinex SA constituées de plans et d'engagements de la part des actionnaires à participer au financement et au redressement de cette entreprise ;- constater qu'il a existé des espoirs de redressement de la société Moulinex SA jusqu'au mois de septembre 2001 date à laquelle son actionnaire majoritaire a décidé, contre toute attente, de ne pas participer à l'augmentation de capital envisagée lors de son conseil d'administration du 23 juillet 2001 ;- constater que jusqu'à ce que son actionnaire majoritaire ne l'abandonne, la société Moulinex ne se trouvait pas en situation irrémédiablement compromise, les banques ne commettant donc aucune faute en maintenant leurs concours ;- constater que les mandataires judiciaires de la société Moulinex SA ne démontrent pas de lien de causalité entre la faute et le préjudice qu'ils allèguent ;- constater que les mandataires judicaires de la société Moulinex SA sollicitent sa condamnation et celle des banques intimées à leur verser une somme qui correspondrait selon eux à l'insuffisance d'actif de la société Moulinex SA alors qu'en matière de soutien abusif, seul le préjudice résultant de l'aggravation de l'insuffisance d'actif est réparable ;- constater que les mandataires judiciaires de la société Moulinex SA ne rapportent pas la preuve d'une aggravation d'insuffisance d'actif et que le préjudice dont ils sollicitent la réparation n'est pas justifié ni dans son principe et son quantum ;- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 28 juin 2013 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions ;- condamner les mandataires judiciaires de la société Moulinex SA à lui verser la somme de 200. 000 euros en vertu des disposition de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner la SELARL F...¿ G...et Maître Francisque E...ès qualités aux entiers dépens.
Pour l'essentiel, la SG soutient les mêmes moyens que le LCL tels qu'ils ont été succinctement présentés ci-dessus.
Prétentions et moyens de la BNP :
Dans ses conclusions du 26 décembre 2013, la BNP soutient qu'il convient de :
- déclarer les mandataires ad hoc de la société Moulinex SA mal fondés en leur appel,- les débouter de leurs demandes,- confirmer le jugement,- y ajoutant, déclarer son appel incident bien fondé,- condamner Maître F...et Maître E...ès qualités à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et injustifié,- condamner Maître F...et Maître E...ès qualités à lui verser une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
Pour l'énoncé des moyens de la BNP, il est renvoyé à l'exposé succinct des moyens de LCL qui sont identiques.
Prétentions et moyens du CN :
Depuis ses écritures signifiées les 16 et 24 décembre 2013, le CN demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par Maître F...et Maître E...ès qualités,- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner Maître E...et Maître F..., tous deux ès qualités, in solidum à lui payer la somme de 50 000 euros,- les condamner aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.
Le CN ne soutient pas de moyens différents de ceux des autres banques.
Prétentions et moyens de Natixis :
Par conclusions des 23 et 24 décembre 2013, la société Natixis formule les prétentions suivantes :
- déclarer les mandataires ad hoc de la société Moulinex SA mal fondés en leur appel,- les débouter de leurs prétentions,- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- y ajoutant, déclarer son appel bien fondé,- condamner Maître F...et Maître E...ès qualités à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et injustifié,- les condamner également à lui payer une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
Les moyens de la société Natixis peuvent être rapprochés des moyens soutenus par LCL et exposés succinctement ci-dessus.
Prétentions et moyens du CIC et du CIC Nord Ouest :
Aux termes de leurs conclusions du 31 décembre 2013, le CIC et le CIC Nord Ouest demandent à la cour de :
- dire que les mandataires ad hoc, mandataires ad litem de la société Moulinex SA, n'apportent pas la preuve de la situation irrémédiablement compromise de cette société avant le refus par les actionnaires pendant l'été 2001 de participer au financement du plan Z...,- dire en tout cas que les demandeurs n'apportent pas la preuve de ce qu'ils aient eu à un quelconque moment avant ce refus connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société Moulinex SA,- dire en conséquence qu'ils n'ont commis aucune faute qui soit la cause d'un quelconque accroissement de l'insuffisance d'actif de la société Moulinex SA au détriment des tiers,- constater en tout cas que les demandeurs n'apportent pas la justification du préjudice invoqué et que l'article 146 du code de procédure civile s'oppose à ce qu'une expertise soit ordonnée pour en chiffrer le montant,- les débouter en conséquence de leur demande,- les condamner à leur payer solidairement ès-qualités la somme de 50. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,- les condamner, solidairement es-qualités, à leur payer la somme de 250. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- les condamner en tous les dépens avec droit de recouvrement direct.
Le CIC et le CIC Nord Ouest ne soutiennent pas de moyens différents de ceux qui sont soutenus par LCL et qui ont déjà été succinctement exposés plus haut.
Le ministère public a conclu le 6 janvier 2014 en déclarant s'en rapporter à justice.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que la procédure collective de la société Moulinex SA a été ouverte le 7 septembre 2001 de sorte que les dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce ne sont pas applicables à la présente action ;
Considérant que les mandataires ad hoc de la société Moulinex SA recherchent la responsabilité du pool bancaire pour avoir apporté ou maintenu leurs concours alors que la situation de cette société était irrémédiablement compromise ; qu'il n'existe aucune définition légale de la situation irrémédiablement compromise dont les contours ont été précisés par la jurisprudence, étant observé que cette notion ne se confond pas avec la cessation des paiements et qu'un soutien peut être jugé abusif alors même que l'entreprise n'est pas en état de cessation de paiements ; que pour qu'il y ait situation irrémédiablement compromise, il est nécessaire que l'entreprise ne soit plus viable au moment où les crédits sont accordés ou maintenus, que la situation soit sans issue et condamne inéluctablement la société à l'effondrement, une insuffisance de trésorerie même grave et prolongée ne suffisant pas à caractériser cette situation ; qu'il suffit que soit établie une possibilité de redressement pour que le crédit consenti ne soit pas abusif ou que les dirigeants fassent état de perspectives datées et chiffrées d'amélioration de la situation ;
Considérant que le crédit syndiqué des 25 et 26 mars 1997 stipulait que les banques avaient la faculté d'en exiger le remboursement anticipé dans le cas où les ratios financiers suivants n'étaient pas respectés :- le ratio 1 désignait le résultat du rapport entre les dettes financières nettes consolidées et la marge brute d'autofinancement consolidée et devait être inférieur à 1, 68 au 31 mars 1999,- le ratio 2 désignait le résultat du rapport entre le résultat d'exploitation consolidé et le résultat financier consolidé et devait être supérieur à 3, 84 au 31 mars 1999,- le ratio 3 désignait le résultat du rapport entre les capitaux propres consolidé et les dettes financières nettes consolidées et devait être supérieur à 1, 19 au 31 mars 1999 ;
Considérant qu'ainsi que le soutiennent avec pertinence les banques et le démontrent les pièces versées aux débats, le défaut de respect, au 31 mars 1999 et au 31 mars 2000, de ces ratios tel qu'analysé et relevé par le tribunal, et l'impossibilité pour la société Moulinex SA de les respecter, ne suffisent pas à caractériser une situation irrémédiablement compromise de la société Moulinex à compter du mois de janvier 2001, date choisie par les mandataires ad hoc comme date d'apparition de cette situation ; qu'en effet, entre le mois de mars 2000 et le mois de janvier 2001 divers événements ont considérablement modifié la situation financière de la société Moulinex SA ; qu'ainsi, l'année 2000 a été marquée pour la société Moulinex SA par l'adoption d'un nouveau plan de reconfiguration et de développement (appelé PRD), le troisième depuis 1996, approuvé le 29 février 2000 par le conseil d'administration, se traduisant notamment par :- une augmentation de capital par émission d'actions nouvelles avec maintien du droit préférentiel de souscription pour un montant de 128 250 000 euros, qui a permis à la société Moulinex SA de lever une somme de 122 000 000 euros lui donnant les moyens d'améliorer sa situation financière et de penser légitimement financer son PRD ainsi qu'elle l'a écrit dans le prospectus visé par la commission des opérations de bourse le 6 mars 2000,- l'augmentation corrélative de la participation dans le capital de la société Moulinex SA de la société EL. FI. SA qui en devenait l'actionnaire de référence ;
Considérant que l'année 2000 voit enfin la fusion, au mois de décembre, de la société Moulinex SA avec la société EL. FI. SA, dont la préparation a notamment donné lieu à une remontée de trésorerie de EL. FI. SA vers EL. FI. SPA d'un montant de 122 000 000 euros au cours de l'été 2000 laquelle a permis à la société EL. FI. SPA, désormais actionnaire de la société Moulinex SA à concurrence de 74 %, de renoncer à demander au pool bancaire un crédit complémentaire comme cela avait été envisagé ; qu'il résulte en effet du document confidentiel préparatoire à la fusion émanant de la société EL. FI à l'attention de la société Moulinex SA en date du 24 mars 2000 que l'ambition affichée du groupe EL. FI. était alors d'atteindre à terme de cinq ans une taille de 20 000 000 000 de francs de chiffre d'affaires dans l'électroménager en grande partie par croissance externe mais aussi par des investissements productifs et commerciaux, qu'il affirmait avoir les moyens de réaliser cette ambition grâce à une opération de grande envergure en mobilisant ses ressources financières et notamment ce qu'elle appelait son " trésor de guerre " consécutif à la vente des sociétés de sa branche chauffage ; que les banques ont accepté de maintenir les concours en prorogeant la date d'échéance du crédit syndiqué de mars 1997 et en acceptant de modifier les ratios contractuels, cet accord se concrétisant dans un acte du 24 avril 2001 ;
Considérant qu'à supposer que le défaut de respect des différents ratios contractuels au cours des exercices clôturés les 31 mars 1999 et 2000 soit démontré, ce qui fait l'objet de vives discussion entre les parties et de constats contradictoires entre le collège d'experts judiciaires et l'expertise unilatérale réalisée à la demande des banques par la société Finexsi, il faut souligner que l'évolution de la situation de la société Moulinex SA après le 31 mars 2000 interdit de tirer la moindre conclusion de cet éventuel manquement contractuel sur le bien ou le mal fondé de l'action en soutien abusif à compter du 1er janvier 2001 ;
Considérant que les mandataires ad hoc soutiennent que la société Moulinex SA s'est trouvée dans une situation irrémédiablement compromise en janvier 2001, soit immédiatement après la fusion, et à tout le moins à compter du mois d'avril 2001 ; qu'il résulte du rapport d'expertise de MM. A..., B...et C..., qu'au 31 décembre 2000, la trésorerie nette de la société Moulinex SA, qui était positive au 31 mars 2000 grâce à l'augmentation de capital du 29 février 2000, était redevenue négative après seulement neuf mois et que les fonds reçus de l'augmentation de capital ont principalement servi à couvrir la perte d'exploitation de la période (page 52) ; qu'au mois d'avril 2001, à la découverte des comptes arrêtés au 31 décembre 2000 révélant une perte de 130 000 000 euros sur neuf mois, un nouveau plan de sauvetage baptisé " plan de sauvetage horizon 2003 " a été élaboré avec pour objectif le retour à l'équilibre en 2003 ;
Considérant en effet qu'il résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société Moulinex SA en date du 25 avril 2001 que M. Z...a souligné à l'occasion de ce conseil d'administration que la performance globale du groupe nécessitait " une action vigoureuse et rapide ", que le groupe Moulinex " ne pouvait s'en sortir tout seul " et qu'il convenait de " capter rapidement et vigoureusement les synergies pouvant résulter de la fusion à défaut de quoi les pertes continueront, voire s'aggraveront " ; que le commissaire aux comptes a attiré l'attention des administrateurs sur les menaces qui pesaient sur la continuité d'exploitation du nouveau groupe, eu égard à l'ampleur des pertes constatées et compte tenu de l'équilibre délicat du bilan ;
Considérant qu'à partir de ce moment qui marque la révélation de l'ampleur des difficultés, les banques ont été en permanence associées à la mise en place du nouveau plan de sauvetage ; que cela est démontré par les éléments suivants :- une présentation du plan de sauvetage intégrant le groupe Brandt à la SG et à LCL dès le 27 avril 2001 prévoyant des plans sociaux en augmentation entraînant la suppression de 4 000 emplois, anticipant un retour à l'équilibre en 2003 mais des pertes de 100 000 000 euros en 2001 et supposant un financement pour 2001 à hauteur de 160 000 000 ou 220 000 000 euros,- des mémos émanant des directions concernées de la SG datés du 2 mai et du 11 juin 2001, à la suite de la présentation par la société Moulinex SA de ses comptes 2000, le premier concluant à l'existence d'atouts significatifs pour réussir son redressement (notamment les gisements d'économies liés à la fusion, et le soutien financier d'EL. FI.) mais à un niveau d'exposition au risque maximum, le second concluant à des économies prévues identifiables et réalisables, l'existence de moyens pour financer le plan mais sans aucune marge de manoeuvre, et à un avis de soutien du groupe " ce qui ne saurait se faire sans un effort préalable de l'actionnaire principal EL. FI. et nécessitera des covenants ou des garanties satisfaisants ",- une note sur un rendez-vous entre les dirigeants de la société Moulinex et LCL le 2 mai 2001 concluant à l'inutilité d'une réunion des banques du pool mais la nécessité de se revoir en septembre/ octobre avec les résultats du premier semestre et " surtout une idée plus précise du coût et du déroulement du plan social " et mentionnant que selon M. Z...un apport complémentaire des actionnaires de la société EL. FI SPA (famille D...) viendrait " tôt ou tard " ;
Considérant qu'aux yeux des banques, il était donc acté que tout nouveau concours de leur part serait conditionné à un effort concomitant de l'actionnaire majoritaire assorti de nouvelles garanties et que ce concours était envisageable ;
Considérant que pendant cette période, la société Moulinex SA honorait tous ses engagements au moyen de la trésorerie que lui apportait sa filiale la société Brandt SA en exécution d'une convention de trésorerie intra-groupe dont la cour dira qu'elle était licite par un arrêt de ce jour, dans le cadre de l'action en responsabilité dirigée contre les banques par les mandataires ad hoc de la société Brandt SA, et au moyen de tirages sur les lignes de crédit consenties par les banques à cette société dont la cour dira qu'ils n'étaient pas contraires aux intérêts des sociétés du groupe ;
Considérant que le conseil d'administration du 23 juillet 2001 qui s'est tenu en présence de M. D...a confirmé que le plan de sauvetage devait être financé en trois volets indissociables et conditionnés les uns aux autres, à savoir une augmentation de capital de l'ordre de 600 000 000 francs pour laquelle la société EL. FI SPA est d'ores et déjà disposée à souscrire à hauteur de 450 000 000 francs environ, cet engagement étant conditionné notamment à ce que les banques acceptent d'augmenter leur concours au moins à hauteur de 600 000 000 francs, sans toutefois que M. D...n'apporte une condition expresse relative à l'absence de garanties supplémentaires à fournir ; que la présentation aux banques du plan le 24 juillet 2001 mentionnait expressément que les besoins de trésorerie seraient couverts pas une nouvelle augmentation de capital de 90 000 000 euros souscrite à hauteur de 74, 3 % par la société EL. FI. SPA, des cessions d'actifs devant rapporter 100 000 000 euros et un financement complémentaire des banques ;
Considérant que lors du conseil d'administration du 4 septembre 2001, M. Z...a fait état des hésitations des banques qui accepteraient d'augmenter les concours à hauteur de 450 000 000 francs correspondant à la part d'ELFI. SPA et a diffusé le " term sheet " dans sa dernière mouture du 20 août 2001dans lequel selon lui, " les conditions posées par les banques sont bien sûr draconiennes mais globalement conformes à l'esprit des travaux et objectifs arrêtés lors du conseil du 23 juillet 2001 tandis que M. D...a émis un avis contraire, en estimant que le " term sheet " n'était pas acceptable notamment eu égard au coût de ce nouveau concours de l'ordre de 3 % au-dessus d'Euribor, que ce document créait une confusion entre la société EL. FI SPA et le groupe Moulinex et que les conditions n'étaient pas conformes à celles qu'il avait exposées lors du conseil du 23 juillet pour souscrire à l'augmentation de capital, notamment l'absence de garantie de la société EL. FI SPA puisque les banques exigeaient un nantissement sur les titres de la société EL. FI. SPA ;
Considérant qu'il résulte de ces circonstances qu'au moins jusqu'aux tous derniers jours du mois d'août 2001, tous les acteurs dont les banques ont légitimement pu croire qu'un plan de sauvetage financé allait être mis en place ; que tant que ces négociations étaient en cours et présentaient des chances d'aboutir, la situation de la société Moulinex SA n'était pas irrémédiablement compromise ;
Considérant en conséquence que le tribunal a jugé exactement que la société Moulinex SA ne s'est trouvée dans une situation irrémédiablement compromise qu'à compter de la fin du mois d'août 2001, soit quelques jours avant la déclaration de cessation des paiements, qu'il ne pouvait être reproché aux banques de s'être abstenues de dénoncer leurs concours au cours de la période qui s'est écoulée de janvier à septembre 2001 et que les mandataires ad hoc devaient être déboutés de leurs demandes ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que le fait de se méprendre sur la réalité ou l'étendue de ses droits ne suffit pas à caractériser l'exercice abusif d'une action en justice ou d'une voie de recours ; que les demandes de dommages-intérêts seront rejetées ;
Considérant que l'équité commande de condamner les appelants à payer à chacun des intimés la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 juin 2013 (no 2005F04479),
Y ajoutant,
Déboute la BNP Paribas, le Crédit du Nord, la société Natixis, le Crédit industriel et commercial et le CIC Nord Ouest de leur demande indemnitaire,
Déboute la Selas F...-G...ès qualités et Maître E...ès qualités de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Selas F...-G...ès qualités et Maître E...ès qualités à payer à la Société générale, à la BNP Paribas, au Crédit industriel et commercial, au CIC Nord Ouest, au Crédit du Nord, à la société LCL et à la société Natixis, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Selas F...-G...ès qualités et Maître E...ès qualités aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,