COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 38Z
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 MARS 2015
R.G. N° 14/00527
AFFAIRE :
SAS SMEG FRANCE RCS ROUEN
C/
[Q] [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 02
N° RG : 12/09658
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Thierry VOITELLIER, Avocat,
Me Jean-yves VINCOT, Avocat
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ MARS DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS SMEG FRANCE RCS ROUEN
N° SIRET : 344 08 3 0 19
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 584 N° du dossier 015102
APPELANTE
****************
Monsieur [Q] [F]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3] (78)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par : Me Jean-yves VINCOT de la SCP JEAN-YVES & ANNE VINCOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 18
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Janvier 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Madame Christine FAVEREAU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE :
La SAS SMEG FRANCE commercialise des produits électroménagers sous la marque SMEG et avait pour cliente, la société DIF ECO dirigée par Monsieur [Q] [F].
A compter de 2009, la société DIF ECO a rencontré des difficultés financières. En avril 2009, s'apprêtant à passer une commande importante à la SAS SMEG FRANCE, Monsieur [Q] [F], a accepté de remettre à cette dernière , un chèque daté du 10 mai 2009, d'un montant de 15.000€ tiré sur son compte personnel, afin de garantir le paiement de la commande en cas de défaillance de la société DIF ECO.
Le 28 décembre 2009 la société DIF ECO a procédé au règlement de la commande garantie par le chèque susvisé, d'un montant de 29.921,71 € .
Le 7 janvier 2010, une nouvelle commande était passée pour un montant de 31.238,16 €.
Le 9 mars 2010, le tribunal de commerce de CHARTRES a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société DIF ECO fixant la cessation des paiements au 15 janvier 2010.
Le 11 mars 2010, la SAS SMEG FRANCE a averti Monsieur [Q] [F] de ce qu'elle allait remettre son chèque à l'encaissement compte tenu de l'incapacité de la société DIF ECO à régler ses créances.
Le 14 avril 2010, la SAS SMEG FRANCE a été informée du rejet du chèque présenté à l'encaissement, en raison de l'opposition faite le 9 mars 2010 par Monsieur [Q] [F] au motif de la perte du chèque .
Le même jour, la SAS SMEG FRANCE a régulièrement déclaré sa créance au passif de la société DIF ECO à hauteur de 36.321,23€.
Suite à la décision du juge des référés du tribunal de grande instance de VERSAILLES du 23 juillet 2010 qui a ordonné la mainlevée de l'opposition au paiement sous astreinte, la SAS SMEG FRANCE a de nouveau présenté le chèque en paiement lequel a été encore rejeté en raison de la nouvelle opposition formée par Monsieur [Q] [F] , cette fois pour utilisation frauduleuse. De plus la provision sur le compte bancaire de ce dernier était insuffisante.
Le 23 novembre 2012, la SAS SMEG FRANCE a assigné Monsieur [Q] [F] devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES afin d'obtenir le paiement de la somme de 15.000€ correspondant au montant du chèque .
Vu l'appel interjeté le 20 janvier 2014 par la SAS SMEG FRANCE du jugement contradictoire rendu le 17 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de VERSAILLES qui a :
- débouté la société SMEG FRANCE de ses demandes,
- condamné la société SMEG FRANCE à payer à Monsieur [F] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la société SMEG FRANCE aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 août 2014 par lesquelles la SAS SMEG FRANCE, appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :
- déboutée de l'ensemble de ses demandes de paiement,
- condamné à payer la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- déclarer les demandes de condamnation formées par Monsieur [Q] [F] irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, et non fondées,
- débouter Monsieur [Q] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- constater que la SAS SMEG FRANCE est créancière de la société DIF ECO à hauteur de la somme de 30.321,23€,
- constater que Monsieur [Q] [F] lui a remis un chèque de 15.000€ payable à vue,
- déclarer que Monsieur [Q] [F] a commis une faute en faisant opposition au chèque remis volontairement et en retirant la provision disponible,
- condamner Monsieur [Q] [F] à lui payer les sommes de :
15.000 €, outre les intérêts courus et à courir au taux légal à compter du 14 avril 2010 et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts à compter du 23 novembre 2012, à titre de dommages et intérêts, 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [Q] [F] aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2014 par lesquelles Monsieur [Q] [F], intimé, demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer les demandes de la SAS SMEG FRANCE irrecevables en vertu du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS SMEG FRANCE de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement entrepris et de condamnation à payer la somme de 15.000 e à la SAS SMEG FRANCE,
- condamner la SAS SMEG FRANCE à lui payer 15.000€ pour paiement indu,
- ordonner la compensation entre les sommes dues par la SAS SMEG FRANCE et par lui,
En tout état de cause, condamner la SAS SMEG FRANCE à lui payer la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 13 janvier 2015 ;
SUR CE LA COUR,
Considérant que Monsieur [Q] [F], Président de la société DIF ECO, a remis à la société SMEG FRANCE le 10 mai 2009 un chèque tiré sur son compte personnel d'un montant de 15.000 € afin de garantir le paiement d'une commande passée auprès de la société SMEG FRANCE ;
Considérant que le chèque est un instrument de paiement payable à vue par application de l'article L.131-31 du code monétaire et financier , et ce quelle que soit la qualification de garantie donnée à ce chèque (CA Paris, 12 mars 1993) ;
Considérant que 'l'émission du chèque réalise le dessaisissement irrévocable du tireur au profit du bénéficiaire, qui acquiert immédiatement la propriété de la provision' (Cass Com 22 juin 1993 n°90-16.998) ;
Considérant que le chèque est un instrument de paiement que le bénéficiaire peut faire encaisser, même dans le cas où il lui a été remis à titre de garantie, sauf à en restituer le montant si le paiement reçu était indu' (Cass Com 17 novembre 1998 n° 96-14.296 ; Cass Com 18 février 2003, n°97-20.341) ;
Considérant que le moyen d'irrecevabilité des demandes de la société SMEG FRANCE au motif de sa contradiction au détriment d'autrui, ne repose sur aucun fondement sérieux ; qu'il doit être rejeté ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que le chèque de garantie daté du 10 mai 2009 de Monsieur [Q] [F] avait initialement été remis au titre de la commande passée par celui-ci au nom de sa société, auprès de la société SMEG lors de la Foire de Paris pour un montant de 29.921,71 € ;
Que cela résulte en effet de l'accord écrit de la société SMEG FRANCE du 10 mai 2009, signé par Monsieur [C], son représentant sur la foire de Paris , de l'attestation émanant de celui-ci en date du 22 mai 2010, ainsi que du courriel du 16 mai 2009 de Monsieur [G] [T], directeur administratif et financier de la société SMEG FRANCE à Monsieur [C];
Considérant qu'il est constant que cette commande n'a été définitivement réglée par la société DIF ECO que le 28 décembre 2009, après une lettre de change impayée le 5 août 2008 et un chèque émis sans provision du 21 octobre 2009 ;
Mais, considérant qu'il ne peut qu'être constaté que Monsieur [Q] [F] n'a pas lors du paiement par la société DIF ECO demandé la restitution de son chèque personnel de 'garantie', alors que ce n'est que le 9 mars 2010 que le tribunal de commerce de Chartres a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société DIF ECO et fixé la date de cessation des paiements au 15 janvier 2010 ;
Que la société SMEG FRANCE, avait connaissance des difficultés financières récurrentes de la société DIF ECO dont elle précisait à son salarié sur le stand de la Foire de PARIS qu'elle ne bénéficiait plus d'une couverture et avait déjà un encours interne de 25.000 € ; que c'est la raison pour laquelle elle avait conditionné la livraison de la commande faite sur la foire de Paris en mai 2009 à la remise d'un chèque de garantie personnelle du président de la société DIF ECO;
Qu'il se déduit des précautions prises par la société SMEG FRANCE un an avant l'ouverture de la procédure collective, qu'elle n'aurait pas accepté de nouvelles commandes de la société DIF ECO sans garantie de paiement , alors qu'elle savait que cette dernière ne bénéficiait plus d'une assurance-crédit ;
Qu'au contraire, la société SMEG FRANCE a, par la suite livré une commande à la société DIF DECO suivant facture du 14 janvier 2010 d'un montant de 31.238,16 € ;
Que ces éléments suffisent à considérer que le chèque litigieux, non réclamé par Monsieur [F], dirigeant avisé, et ainsi resté en la possession de la société SMEG FRANCE, a , par un accord tacite des parties, été reporté en garantie des commandes ultérieures passées par la société DIF ECO et à tout le moins de celle qui a été faite en fin d'année 2009, livrée le 7 janvier 2010 et qui n'a pas été payée ;
Qu'à ce titre la société SMEG FRANCE produit aux débats les documents comptables justifiant de livraisons effectuées au bénéfice de la société DIF ECO ainsi que sa déclaration de créance effectuée le 14 avril 2010 pour un montant de 36.321,23 € entre les mains du liquidateur judiciaire de la société DIF ECO ;
Considérant que le paiement du chèque personnel de garantie émis par le gérant de la société DIF ECO est donc causé par la créance que la société SMEG FRANCE détient à l'encontre de la société DIF ECO ;
Que le chèque dit de garantie n'a pu être honoré qu'en raison des deux oppositions successives infondées de Monsieur [Q] [F] ; qu'en effet il a été ordonné mainlevée de la première ainsi qu'il a été dit plus haut et que le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Rouen a classé le 22 septembre 2011 sa plainte déposée par Monsieur [Q] [F] visant à justifier la seconde opposition, au motif de l'utilisation frauduleuse du chèque ;
Que les agissements de Monsieur [Q] [F], tendant à faire échec au paiement du chèque litigieux, sont fautifs et directement à l'origine de l'impossibilité de la société SMEG FRANCE d'en percevoir le montant ; que Monsieur [Q] [F] doit par conséquent être condamné à payer à la société SMEG FRANCE, la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2010, date de la première présentation du chèque ;
Considérant qu'il convient d'accueillir la demande de capitalisation des intérêts échus sur cette somme, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, à compter de la première demande en ce sens de la société SMEG FRANCE ;
Considérant que le chèque étant causé, ainsi que cela résulte des motifs qui précèdent, le paiement de la somme de 15.000 € à venir ne saurait constituer un paiement indû dont Monsieur [Q] [F] serait fondé à obtenir la restitution, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité de sa demande en ce sens , qualifiée de nouvelle par l'appelante ;
Considérant que Monsieur [Q] [F] , partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel ;
Que toutefois, les conditions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas remplies ;
Que la société SMEG FRANCE sera déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ,
Statuant à nouveau et y ajoutant ,
Déclare recevables les demandes de la société SMEG FRANCE,
CONDAMNE Monsieur [Q] [F] à payer à la société SMEG FRANCE la somme de 15.000 € avec intérêt au taux légal à compter du 14 avril 2010, et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la première demande en ce sens,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,
CONDAMNE Monsieur [Q] [F] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,