COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 MAI 2015
R.G. N° 13/03830
MCP/CA
AFFAIRE :
[T] [N] épouse [D]
C/
SA CRC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° RG : F 12/00081
Copies exécutoires délivrées à :
Me Nathalie MORENO GOURLAY
la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[T] [N] épouse [D]
SA CRC
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [T] [N] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Nathalie MORENO GOURLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2381
APPELANTE
****************
SA CRC
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Monsieur Jean-Michel AUBAC, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
Faits Procédure et Prétentions des parties
La société Centre de Recherches et d'Etudes des Chefs d'Entreprise (ci-après CRC) a pour objet d'apporter aux entreprises une offre de formation continue pour les cadres.
Cette société fait partie du groupe HEC.
Elle compte plus de 10 salariés.
L'activité relève de la Convention collective nationale des organismes de formation.
Madame [T] [D] était engagée en qualité de Responsable des ressources humaines par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 23 mars 2009 ; elle avait le statut cadre, indice H et son coefficient était 450 ; à compter du 1er septembre 2010, elle avait été employée à temps plein.
Son salaire mensuel moyen des 12 derniers mois s'élevait à 4.418, 70 €.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 décembre 2011, la salariée faisait l'objet d'un licenciement pour faute grave.
Contestant cette mesure Madame [D] saisissait le Conseil de prud'hommes de Versailles.
* * *
Par jugement en date du 10 juillet 2013, le Conseil de prud'hommes disait que le licenciement pour faute grave était justifié et déboutait les parties de l'intégralité de leurs demandes ; Madame [D] était condamnée aux dépens.
Madame [D] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 23 août 2013 par déclaration au greffe enregistrée le 9 septembre 2013.
Dans le dernier état de ses conclusions, elle demande l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société CRC à lui verser les sommes suivantes :
. 7 180, 38 € au titre du rappel de salaire sur la mise à pied
. 718, 03 au titre des congés payés y afférents
. 4 418, 70 € au titre de la prime de résultat des membres du CODIR
. 441, 87 € au titre des congés payés y afférents
. 16 655, 82 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
. 1 665, 58 € au titre des congés payés y afférents
. 3 284, 88 € au titre de l'indemnité de licenciement
. 66 612 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (nets de CSG et de CRDS)
. 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour mesures vexatoires
. 3 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle demande, enfin, que ces sommes soient assorties des intérêts légaux et la condamnation de la société aux dépens.
Dans le dernier état de ses conclusions, la société CRC demande la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l'intégralité des prétentions formées par Madame [D] et sa condamnation au versement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
Motifs de la décision
Considérant que la lettre datée du 2 décembre 2011 notifiant à Madame [D] la mesure de licenciement pour faute grave faisait état de la découverte, au cours du mois du mois d'octobre 2011, de la participation de la salariée à des activités dans le cadre de l'Association - Institut Francophone d'Etudes et d'Analyses Systémiques - ci-après IFEAS, la confusion entretenue par la salariée dans l'exercice de ses activités au sein de la société CRC et les activités menées, par ailleurs par elle, dans le cadre de la dite Association et également, l'utilisation au profit de cette dernière notamment du téléphone mis à sa disposition par la société CRC ;
Sur la prescription des faits invoqués à l'encontre de la salariée
Considérant qu'aux termes de l'article L 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Considérant que Madame [D] soutient que la société connaissait son implication dans l'Association IFEAS à un date très antérieure à la procédure de licenciement mise en oeuvre le 21 octobre 2011 et, dès lors, que les faits considérés étant prescrits, à cette date, ne pouvaient donner lieu à des poursuites disciplinaires ;
Considérant, selon les termes de la lettre de licenciement datée du 2 décembre 2011, qu'il était exposé : 'au mois d'octobre, nous avons découvert votre participation... à une activité parallèle pour le compte de l'organisation IFEAS... directement concurrente du CRC... Vous étiez présente pour une formation IFEAS qui s'est tenue les 5 et 6 mai 2011 au Maroc... Vous avez d'ailleurs utilisé votre téléphone professionnel CRC depuis le Maroc... Vous ne nous avez à aucun moment tenu informés ni de l'existence de cette structure, ni surtout de votre participation... ' ;
Considérant qu'il est établi que :
- entre le mois d'octobre 2010 et le mois d'octobre 2011, Madame [D] a suivi une formation dispensée par son employeur qui comprenait différents examens,
- il était prévu la remise d'un mémoire dont pour la salariée le sujet était - L'apport de la systémique au coaching -,
- au mois d'avril 2011, avait été évoquée, au travers de différents messages électroniques adressés, notamment à Madame [Y] [M] salariée de la société CRC, la présence de Madame [D] aux rencontres IFEAS de Rabat organisées au mois de mai suivant devant porter sur la systémique,
- dans le préambule du mémoire rédigé par la salariée, celle-ci faisait expressément référence à sa participation au colloque s'étant déroulé au Maroc,
- Monsieur [U], Délégué général au sein de la société CRC, avait signé le diplôme obtenu par Madame [D] ;
Considérant au regard de ce qui précède, que la société CRC ne peut prétendre n'avoir eu connaissance de la participation de la salariée au colloque litigieux qu'au mois d'octobre 2011, alors que cette participation ressortait des contenus des mails échangés au mois d'avril 2011dont Madame [M] avait été destinataire ce qui implique que dès cette époque la société avait été informée de la présence à Rabat de Madame [D] en mai 2011 ;
Considérant, en conséquence, que par application du texte sus-visé, il convient de dire que les faits fautifs retenus contre Madame [D] étaient prescrits lorsqu'ils ont été invoqués le 21 octobre 2011 de sorte que ces faits n'ont pu justifier la mesure de licenciement qui doit, dès lors, être considérée sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail
Considérant, en premier lieu, qu'il convient de condamner la société à verser à Madame [D] un rappel de salaire correspondant à la mise à pied entre le 22 octobre et le 6 décembre 2011 soit 7 180, 38 € et les congés payés y afférents soit 718, 03 € ;
Considérant, en deuxième lieu, que Madame [D] peut prétendre au versement d'un indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement et il convient de condamner la société à lui verser la somme de 3 284, 88 € au titre de l'indemnité de licenciement (1/5 de mois par année d'ancienneté) et 16 655, 82 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (correspondant à 3 mois de salaire) et 1 665, 58 € au titre des congés payés y afférents;
Considérant, en troisième lieu, qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, Madame [D] avait au moins deux années d'ancienneté et que la société employait habituellement au moins onze salariés ;
Considérant qu'en application de l'article L 1235-3 du Code du travail, la salariée peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ; que compte tenu de son âge (42 ans), de son niveau de qualification et de son aptitude à retrouver un emploi il convient de lui allouer, à ce titre, la somme de 38 000 € (nets de CSG et CRDS) ;
Considérant, enfin, que par lettre reçue le 24 septembre 2010, Madame [D] a été informée qu'elle était susceptible de percevoir une prime équivalente à un mois de salaire dans l'hypothèse où l'entreprise atteindrait un résultat global de 100.000 € ; qu'il est établi que le résultat net de la société à été supérieur à cette somme de telle sorte qu'il y a lieu de condamner la société à verser à l'appelante la somme de 4 418, 70 € et les congés payés y afférents soit 441, 87 € ;
Sur les dommages-intérêts complémentaires
Considérant que Madame [D] forme une demande complémentaire en dommages-intérêts en soulignant les mesures brutales et vexatoires dont elle a été l'objet et elle fait valoir, à ce propos, les circonstances de la remise de la convocation à l'entretien préalable, l'intervention d'un huissier et les scellés apposés sur son ordinateur ;
Considérant qu'il est exact que, Madame [D] a été convoquée à une réunion 'pour faire le point sur les activités du [Localité 3]' alors qu'il s'agissait de lui notifier une mise à pied et de la convoquer à un entretien préalable ; qu'en outre, un huissier est intervenu et des scellés ont été apposés sur son ordinateur ;
Considérant que jusqu'alors, la salariée n'avait reçu aucune observation défavorable et dès lors, il apparaît que les circonstances de la mise en oeuvre du licenciement ont été entourées d'artifices vexatoires ayant été à l'origine d'un préjudice distinct de celui lié à la rupture du contrat de travail et il convient d'allouer de, ce chef, à la salariée la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts;
Sur les demandes accessoires
Considérant que les créances salariales ainsi que l'indemnité de licenciement sont productives d'un intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de sa convocation devant le Bureau de conciliation du Conseil des prud'hommes en l'espèce le 06 Février 2012 ; que les créances indemnitaires sont productives d'un intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Considérant que la société CRC qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à verser à Madame [D] une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1.500 € ;
Que la société CRC doit être déboutée de cette même demande ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Versailles en date du 10 juillet 2013 en toutes ses dispositions,
Condamne la société CRC à verser à Madame [T] [D] les sommes suivantes :
. au titre de la mise à pied et des congés payés y afférents 7.180, 38 € et 718, 03 €,
. au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 16.655, 82 €,
. au titre des congés payés y afférents 1.665, 58 €,
. au titre de l'indemnité de licenciement 3.284, 88 €,
. au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse 38.000 € (nets de CSG et de CRDS),
. au titre de la prime de résultat et des congés payés y afférents 4.418, 70 € et 441, 87 €,
. au titre des dommages-intérêts pour mesures vexatoires 5.000 €,
. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile 1.500 €,
Dit que les créances salariales et l'indemnité de licenciement porteront intérêt au taux légal à compter 06 Février 2012,
Dit que les créances indemnitaires porteront un intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute les parties en leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société CRC aux dépens,
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Sylvie BOSI, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT