COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4HC
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 MAI 2015
R.G. N° 13/04908
AFFAIRE :
SELARL FHB
C/
SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS BLANCHET
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 02
N° Section :
N° RG : 11/10453
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 07.05.2015
à :
Me Pascale REGRETTIER-
GERMAIN
Me Martine DUPUIS
TGI de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SELARL FHB Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté(e) par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 408 - N° du dossier 1101835 et par Maître J.-P. FABRE, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SA SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS BLANCHET agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1352015 et par Maître S. BAUDRY, avocat plaidant au barreau de TOURS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
Par jugement en date du 17 janvier 2011, la société Team partners a été mise en
redressement judiciaire, la selarl FHB en la personne de Maître [F] étant désignée administrateur et la Scp BTSG en la personne de Maître [Y] étant désignée mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée du 19 janvier 2011, la Société d'exploitation des établissements Blanchet Dhuismes (la société Blanchet), ayant pour objet la rénovation et le négoce de mobilier, a fait connaître à la Selarl FHB qu' 'en vertu du droit de réserve de propriété, article 4 de [ses] conditions générales de vente et notamment de l'alinéa 4.4", elle revendiquait son droit de propriété pour défaut de paiement de marchandises, afin d'en demander la restitution. A cette lettre était jointe une facture de vente de mobilier à la société Team partners du 23 décembre 2010 d'un montant total de 32 005,68 euros TTC.
Par lettre du 10 mars 2011, alors que le tribunal avait arrêté le plan de cession de la société Team partners et prononcé sa liquidation judiciaire le 23 février précédent, et que la Selarl FHB avait été maintenue dans sa mission d'administrateur en raison d'une autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 31 mars 2011, Maître [F] ès qualités a écrit à la société Blanchet qu'elle n'était pas en mesure d'acquiescer favorablement à la demande en l'état.
La société Blanchet a présenté une requête en revendication et en restitution de meubles, ou à défaut de restitution du prix perçu en cas de cession, au juge-commissaire le 18 mars 2011, en faisant état de deux factures de vente de marchandises demeurées impayées d'un montant total de 33 778,20 euros TTC.
Par ordonnance en date du 24 juillet 2011, le juge-commissaire, prenant acte de la cession du mobilier revendiqué, a déclaré la clause de réserve de propriété figurant dans les conditions générales de vente de la société Blanchet opposable à la procédure collective, ordonné la restitution du prix de revente des marchandises cédées sous réserve de propriété à hauteur de 3 000 euros correspondant à leur valeur de réalisation telle qu'estimée par le commissaire-priseur, et ordonné à la Scp BTSG prise en la personne de Maître [Y] de payer à la société Blanchet la somme de 3 000 euros.
La société Blanchet a alors engagé une action en responsabilité contre la Selarl FHB sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil.
Par jugement du 2 avril 2013, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- condamné la Selarl FHB à payer à la société Blanchet la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la Selarl FHB à payer à la société Blanchet la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande reconventionnelle de la Selarl FHB,
- condamné la Selarl FHB aux dépens.
La Selarl FHB a fait appel du jugement.
Par ses conclusions du 12 septembre 2013, l'appelante demande à la cour de :
-constater que la société Blanchet ne rapporte pas les preuves qui lui incombent d'une faute, commise par l'administrateur dans l'exercice de ses fonctions, en lien causal avec un préjudice indemnisable,
- infirmer le jugement,
- statuant à nouveau, débouter la société Blanchet de ses demandes,
- condamner la société Blanchet à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens avec droit de recouvrement direct.
La Selarl FHB soutient qu'elle a fait toutes diligences auprès de la société Team partners pour savoir quelle suite donner à la revendication, que celle-ci lui a indiqué que la clause de réserve de propriété qui figurait dans les conditions générales n'était mentionnée que sur les factures, que compte tenu de ces éléments, c'était à juste titre qu'elle avait considéré que la société Blanchet ne pouvait valablement faire état d'une clause de réserve de propriété à l'appui de sa revendication et que si le juge-commissaire avait finalement considéré dans son ordonnance que la clause était opposable à la procédure collective cela ne saurait en rien caractériser une faute de la part de Maître [F] dans la mesure où elle était en possession d'éléments qui l'amenaient légitimement à contester la clause. Selon elle, elle n'a fait qu'user d'un droit qui lui est reconnu par l'article L 624-17 du code de commerce, ce qui ne peut être considéré comme fautif, d'autant que le fait qu'une action en revendication soit en cours n'interdit pas l'administrateur de procéder à la cession des meubles concernés et que dans ce cas, la revendication se reporte sur le prix de vente qu'elle a pris soin de conserver afin de préserver les droits du revendiquant et qui a été finalement reversé à la société Blanchet.
Subsidiairement, la Selarl FHB soutient que le préjudice n'est pas justifié car la société Blanchet a été remplie de ses droits au titre de la revendication en percevant la somme de 3 000 euros, la différence entre le montant des factures impayées et le montant de la revendication sur le prix ne pouvant constituer un préjudice. Elle ajoute très subsidiairement que le préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de revendre les marchandises à un meilleur prix si elles avaient pu être récupérées et qu'une perte de chance est nécessairement inférieure au montant facturé.
Par conclusions du 12 novembre 2013, la société Blanchet demande à la cour de :
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- débouter la Selarl FHB de toutes ses demandes,
- y ajoutant, condamner la Selarl FHB à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Selarl FHB aux dépens avec droit de recouvrement direct.
La société Blanchet fait valoir que l'administrateur a commis une faute qui lui cause un préjudice en refusant d'acquiescer à sa requête en revendication et en incluant dans la périmètre des actifs qui pouvaient être cédés des biens qui lui appartenaient alors qu'elle lui avait préalablement indiqué qu'elle entendait obtenir leur restitution et que le délai de l'action en revendication au jour de la cession des actifs n'était pas encore expiré. Elle prétend que la faute est d'autant plus caractérisée en l'espèce que l'inventaire sur la base duquel le périmètre de la cession a été arrêté mentionnait expressément que les marchandises étaient inventoriées sous réserve de sa propriété et que l'administrateur était tenu de prendre toutes les mesures appropriées à l'égard de biens susceptibles d'être revendiqués afin d'assurer leur restitution ou, éventuellement, l'indemnisation de leur propriétaire.
Elle souligne que la subrogation sur le prix dans le cadre des actions en revendication n'a vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse où, au jour du jugement d'ouverture, les biens ne sont plus présents en nature mais que leur prix n'a pas encore été payé au débiteur par l'acquéreur . Elle soutient que son préjudice s'évalue bien en une perte de chance de récupérer et de vendre le matériel dans des conditions plus favorables et que ce préjudice a été correctement évalué par le premier juge à la somme de 10 000 euros.
SUR CE,
Considérant que l'article L 624-9 du code de commerce dispose que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture ; que selon l'article R 624-13 la demande en revendication d'un bien est adressée dans le délai prévu à l'article L 624-9 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur et qu'à défaut d'acquiescement dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse ;
Considérant que la société Team partners a été mise en redressement judiciaire le 17 janvier 2011 ; que la société Blanchet s'est prévalue de la clause de réserve de propriété des meubles vendus à la société Team partners auprès de la Selarl FHB dès le 19 janvier 2011 en lui écrivant : 'En vertu du droit de réserve de propriété, article 4 de nos conditions générales de vente, et notamment de l'alinéa 4.4, nous revendiquons notre droit de propriété pour défaut de paiement, afin de demander restitution des marchandises . En effet, nous avons des raisons légitimes de penser que notre client team partners ne sera pas à même de respecter son obligation de règlement . Vous en souhaitant bonne réception, et dans l'attente de vos réponses ...' ; que la Selarl FHB ne s'est pas méprise sur le sens de cette lettre qu'elle a reçue le 20 janvier 2011 puisqu'elle en a adressé au commissaire priseur et à la société débitrice le 21 janvier 2011 une copie en précisant que cette lettre faisait 'valoir une revendication du matériel fondée sur une clause de réserve de propriété' et en priant la société Team partners de ne pas consommer le stock sauf à consigner le prix entre ses mains tant qu'elle n'avait pas définitivement pris position sur la revendication ;
Considérant que la Selarl FHB a répondu à la société Blanchet le 10 mars 2011, soit après l'expiration du délai d'un mois prévu pour la réponse de l'administrateur qui expirait le 20 février 2011 et après la cession arrêtée par le tribunal le 23 février 2011 incluant les meubles revendiqués, qu'elle n'était pas en mesure 'd'acquiescer favorablement' à la demande de revendication en l'état faute de justifier de la connaissance de la société Team partners de la clause de réserve de propriété au plus tard au jour de la livraison car les conditions générales de vente n'avaient pas été acceptées par la société Team partners et ne figuraient pas sur les bons de livraison ni sur les bons de commandes mais uniquement sur les factures qui étaient envoyées directement à la comptabilité de la société à une adresse différente du lieu de livraison ; que la Selarl FHB a inclus les meubles revendiqués dans la cession globale d'actifs alors d'une part qu'il résultait des éléments de réponse fournis par la société Team partners que celle-ci avait déclaré connaître la clause de réserve de propriété qui figurait sur les conditions générales de vente et les factures et acquiescer à la revendication et alors d'autre part que le commissaire priseur avait procédé le 4 février précédent à un inventaire en mentionnant la liste des meubles 'sous réserve de propriété' de la société Blanchet ;
Considérant que la requête en revendication a été présentée au juge-commissaire le 18 mars 2011, soit dans le délai d'un mois suivant le délai de même durée prévu pour la réponse de l'administrateur mais postérieurement à la cession ;
Considérant qu'en procédant à la cession des meubles revendiqués dans ces circonstances rendant impossible leur restitution, sans attendre que le juge-commissaire statue sur la demande de revendication, la Selarl FHB a commis une faute à l'origine d'un préjudice pour la société Blanchet qui s'est vue ainsi privée d'une chance de vendre les meubles dont elle était propriétaire à un meilleur prix que la valeur de réalisation de 3 000 euros retenue par le juge-commissaire dans le cadre de l'action en revendication, laquelle ne lie pas le juge de la réparation du préjudice ; que cette chance était d'autant plus réelle que les meubles avaient été vendus et livrés à la société Team partners un mois avant le jugement d'ouverture de son redressement judiciaire et seulement deux mois avant le plan de cession de sorte que leur valeur de réalisation était proche de leur valeur d'exploitation égale, selon l'inventaire du commissaire priseur versé aux débats, à la somme de 24 000 euros ; qu'eu égard à l'existence d'un acompte de 10 133,44 euros versé à la commande par la société Team partners et à la somme de 3 000 euros versée par le liquidateur, c'est exactement que le premier juge a fixé à 10 000 euros le montant des dommages-intérêts dus par la Selarl FHB pour réparer le dommage subi par la société Blanchet ;
Considérant que le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a condamné par une appréciation exempte de critique la Selarl FHB à payer à la société Blanchet la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande de condamner la Selarl FHB à payer à la société Blanchet la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, la demande de l'appelante étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 2 avril 2013,
Y ajoutant,
Condamne la Selarl FHB à payer à la Société d'exploitation des établissements Blanchet Dhuismes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et rejette la demande présentée sur ce fondement par la Selarl FHB,
Condamne la Selarl FHB aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,