COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50Z
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 MAI 2015
R.G. N° 13/05614
AFFAIRE :
[M] [T] [B] [V]
C/
[F] [D] [N]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 01
N° RG : 11/05818
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-
DE CARFORT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEPT MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [M] [T] [B] [V]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 3] (25)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1352062
Représentant : Me Hélène LADIRE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 378 substituant Me Nicolas BECKER de la SELARL VAILLY-BECKER, avocat au barreau d'ANNECY
APPELANT
****************
1/ Monsieur [F] [D] [N]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
2/ Société GEFONIM PARTICIPATIONS, SARL
N° SIRET : 348 786 815
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334 - N° du dossier 32113
Représentant : Me Philippe MISSIKA de la SEP DOLFI MISSIKA MINCHELLA SICSIC ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W11
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mars 2015, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON
FAITS ET PROCÉDURE
M. [V] et la société Avantages IDF, dont il est le gérant, ont réalisé une mission de médiation dans le cadre d'un conflit opposant trois des quatre actionnaires de la société Sofinvest Lens (détenue pour 30 % par la société Gefonim Participations représentée par M. [N], pour 30 % par la société CIGC représentée par M. [R], pour 30 % par la société 2I représentée par M. [P], pour 10 % par la société Decathlon).
Le 3 novembre 1998, un protocole a été conclu entre M. [V] à titre personnel, la société Avantages IDF, la société Gefonim Participations et la société CIGC, dont la finalité était la cession à M. [V] des 150 parts sociales que la société 2I céderait aux sociétés Gefonim Participations et CIGC.
La cession par la société 2I des parts qu'elle détenait dans la société Sofinvest a été réalisée le 23 décembre 1998 au profit des sociétés Gefonim Participations et CIGC.
M. [V] prétendant que les termes du protocole le concernant (consistant en la cession par Gefonim et CIGC à son profit des titres acquis de la société 2I, soit pour chacun 15 % du capital de la société Sofinvest Lens) n'avaient pas été exécutés, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre le 21 janvier 2003 pour obtenir l'exécution du protocole et la réparation de ses préjudices.
Au cours de cette instance, M. [N] lui a adressé, le 28 octobre 2003, un courrier dans lequel il indiquait : 'si, par le plus grand des hasards, le tribunal considérait que tu avais renoncé à l'application du protocole, en plus de mon amitié, tu bénéficierais du produit des 15 % du capital de Sofinvest Lens détenus par Gefonim Participations'.
Par jugement du 23 juin 2004, le tribunal de commerce a débouté M. [V] de ses demandes, considérant notamment qu'il avait refusé l'exécution du protocole, alors que les signataires lui avaient finalement offert de réaliser l'opération dans les conditions de prix convenues, et qu'il ne pouvait 'ainsi prétendre qu'il aurait subi un préjudice, alors que s'il avait procédé à l'acquisition des parts dans des conditions de prix inchangées, il en serait maintenant propriétaire à la valeur qu'il estime être la leur'.
Par arrêt du 10 mars 2005, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision, considérant que le protocole était caduc, M. [V] y ayant finalement renoncé.
M. [V] a formé un pourvoi contre cet arrêt que la Cour de cassation a rejeté le 19 décembre 2006.
Invoquant l'engagement souscrit par M. [N] dans le courrier précité du 28 octobre 2003, M. [V] l'a fait assigner, le 2 mai 2011, ainsi que la société Gefonim Participations dont il est le gérant, devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de les voir condamnés solidairement à lui payer les sommes de 1.530.950 euros et 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 27 juin 2013, la juridiction a déclaré recevable son action et l'a débouté de toutes ses demandes, le condamnant à payer aux défendeurs la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V] a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 10 octobre 2013, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son action recevable, de le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau de :
A titre principal :
juger que son action est recevable,
donner acte à [F] [N] et à la société Gefonim Participations qu'ils reconnaissent lui devoir les sommes de 8.250 euros et de 62.500 euros,
condamner conjointement et solidairement [F] [N] et la société Gefonim Participations à lui payer une somme de 1.530.950 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.
A titre subsidiaire :
désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission : d'évaluer la valeur patrimoniale de la société Sofinvest Lens, d'évaluer la rentabilité de la société Sofinvest Lens, d'évaluer les 15 % lui revenant, d'établir un projet de compte entre les parties.
En tout état de cause :
condamner 'conjointement et solidairement' [F] [N] et la société Gefonim Participations au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice et au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Par conclusions du 3 décembre 2013, M. [N] et la société Gefonim Participations prient la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [V] recevable, et statuant de nouveau, de le dire irrecevable en ses demandes ; à titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris. En tout état de cause, ils demandent à la cour de constater qu'ils ne reconnaissent pas devoir une quelconque somme à M. [V], et de le condamner à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2015.
SUR CE,
Le tribunal a considéré que la demande de M.[V] ne contrevenait pas au principe de l'autorité de la chose jugée, l'objet de la présente instance n'étant pas identique à celui définitivement jugé, puisque M. [V] sollicitait désormais l'exécution de l'engagement pris par M. [N] et la société qu'il dirige aux termes du courrier du 28 octobre 2003 et non pas celle du protocole. Agissant sur le fondement d'un autre acte juridique, les premiers juges ont déclaré recevables ses demandes.
Sur ce point, les intimés persistent à soulever l'irrecevabilité des demandes de M. [V] dans la mesure, notamment, où les parties sont les mêmes que celles présentes dans l'instance précédente et que l'objet de son action est le même, seul son fondement étant modifié. Or, il a été définitivement débouté de ses demandes tendant à se voir allouer une indemnisation relative au prétendu préjudice subi à la suite du défaut de rétrocession des parts de la société Sofinvest Lens détenues par la société Gefonim Participations.
Les intimés invoquent au surplus le principe jurisprudentiel de la concentration des demandes.
M. [V] fait valoir que son action est recevable, rappelant qu'au jour de l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce, il ne disposait pas du courrier de M. [N], et que l'engagement qu'il contenait étant conditionné à une décision défavorable du tribunal, il ne pouvait utilement l'invoquer avant que la juridiction n'ait statué. Il considère que l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée car l'objet de ses demandes n'est pas matériellement identique, puisqu'il a sollicité devant la juridiction consulaire l'équivalent du protocole non exécuté en dommages-intérêts et qu'en l'espèce, il demande l'application de l'engagement pris par M. [N] dans le courrier litigieux qui ne porte que sur 15 % du capital de la société Sofinvest. Il considère enfin, sur la question de la concentration des moyens, que dès lors que le changement de fondement juridique s'accompagne d'une modification de l'objet de la demande, la jurisprudence reconnaît la recevabilité de l'action.
Il est constant que devant la juridiction consulaire, M. [V] a assigné le 21 janvier 2003 diverses personnes, dont M. [N] (qui n'était pourtant pas signataire à titre personnel du protocole en cause) et la société Gefonim Promotion, et qu'il sollicitait notamment la condamnation in solidum des sociétés Gefonim Participations et CIGC à lui verser la somme de 12.000 euros au titre des dividendes versés par la société Sofinvest, à la suite de son AG du 13 juin 2002 et la condamnation in solidum des société Sofinvest, Gefonim Participations, Gefonim Promotion, CIGC et de MM. [N] et [R] à lui verser une somme de 1.256.000 euros au titre du préjudice financier (montant de la valorisation de 30 % des parts de Sofinvest et une somme de 377.000 euros au titre du préjudice moral.
Au cours de cette instance, M. [V] a reçu le courrier de M. [N] qu'il a d'ailleurs versé aux débats.
Il a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d'une demande fondée sur ce courrier, aux termes de laquelle il sollicite une quote-part des dividendes distribués par la société Sofinvest depuis 2001 (à hauteur de 15 %, quote part à laquelle il prétend dans le capital, correspondant à la quotité détenue par la société Gefonim Participations qu'il revendique) et la valorisation de cette même quote-part du capital de Sofinvest.
Il est de principe, que, sous peine de chose jugée implicite, il incombe au demandeur de présenter dans la même instance l'ensemble des moyens de nature à fonder la demande. Il en ressort qu'un demandeur ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile.
Les parties ne peuvent en effet réitérer leur demande, au cours d'une instance ultérieure, que si celle-ci est fondée sur l'existence d'un droit né après la décision rendue à l'issue de l'instance initiale.
En l'espèce, il est manifeste que M. [V] disposait, devant la juridiction consulaire du courrier de M. [N] sur lequel il fonde aujourd'hui ses prétentions, et qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une demande subsidiaire, de former ses demandes, à l'encontre de M. [N] et/ou de la société Gefonim, lesquelles tendent à obtenir la contre partie monétaire de la part de dividendes correspondant à 15 % des parts de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes parts.
Les prétentions actuelles ont en effet le même objet que celles développées devant le tribunal de commerce, puisqu'elles tendent à obtenir la part de dividences attachée à la possession de la quote part d'actions de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes actions, et présentent une seule différence avec celles formées devant la juridiction consulaire : elles ne s'adressent désormais qu'à M. [N] et la société Gefonim et ne portent plus de ce fait que sur 15 % des actions au lieu de 30 %.
Dans ces conditions, l'objet des prétentions est le même que celui qui a été soumis au tribunal de commerce, la cause en était connue alors que l'instance était toujours en cours, les parties sont les mêmes de sorte qu'il appartenait à M. [V] de former les prétentions qu'il soutient aujourd'hui devant la juridiction consulaire.
Ses demandes seront donc déclarées irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce, dont la décision a été confirmée par la cour d'appel de céans.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point, le reste de ses dispositions étant confirmé.
Succombant en appel, M. [V] sera condamné aux dépens y afférents.
Il versera en outre une somme de 1.500 euros à M. [N] et à la société Gefonim Participations.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [V],
Le confirme s'agissant des dispositions relatives au sort des dépens et frais irrépétibles,
Statuant à nouveau du chef infirmé :
Déclare irrecevables les demandes de M. [V],
Y ajoutant :
Condamne M. [V] aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] à payer à M. [N] et à la société Gefonim Participations la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Marine EYROLLES, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,