COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 17 JUIN 2015
R.G. N° 14/00767
AFFAIRE :
SA LEROY MERLIN
C/
[L] [B] épouse [Z]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Mantes La Jolie
N° RG : 13/00238
Copies exécutoires délivrées à :
la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES
Me Anne-sophie DUVERGER-DREYFUS
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA LEROY MERLIN
[L] [B] épouse [Z]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA LEROY MERLIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 substituée par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100
APPELANTE
****************
Madame [L] [B] épouse [Z]
Chez Mme [Z] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Anne-sophie DUVERGER-DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1090
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle COLIN, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Michèle COLIN, Président,
Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
Vu le jugement rendu le 24 janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie ayant :
- requalifié le contrat à durée déterminée conclu le 3 mars 2008 entre madame [Z] et la société LEROY MERLIN en contrat à durée indéterminée,
- condamné la société LEROY MERLIN à payer à madame [L] [Z] les sommes de :
- 2 820 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 282 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 2 745 euros brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2008 outre 274,50 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 7 973 euros brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2009 outre 797,30 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 3 116,12 euros brut à titre de rappel de salaire du 1er janvier au 7 mars 2010 outre 311,61 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 817,80 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 410 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société LEROY MERLIN de lui remettre les documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- débouté madame [Z] du surplus de ses demandes,
- dit que la société LEROY MERLIN supportera les dépens.
Vu la déclaration d'appel de la société LEROY MERLIN reçue au greffe de la Cour le 12 février 2014.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 23 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la société LEROY MERLIN qui demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter madame [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, la débouter de ses rappels de salaire pour les périodes interstitielles,
- la condamner en tous les dépens.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 23 mars 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de madame [Z] qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris sauf à porter à la somme de 25 380 euros l'indemnité pour licenciement abusif,
- condamner la société LEROY MERLIN à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA COUR :
[L] [Z] a travaillé pour la société LEROY MERLIN dans le cadre de contrats à durée déterminée du 20 novembre 1995 au 19 août 2010.
La société LEROY MERLIN commercialise des articles de bricolage, de décoration, d'outillages et d'articles de jardin.
Les relations de travail étaient régies par la convention collective du bricolage.
Le 26 juin 2013, madame [Z] saisissait le Conseil de prud'hommes afin de voir requalifier ses CDD en CDI et de demandes indemnitaires subséquentes.
C'est dans ces conditions que la juridiction sociale rendait la décision dont appel.
Sur la requalification des CDD en CDI :
Madame [Z] soutient que le CDD conclu le 3 mars 2008, tout comme ceux conclus en 2009 et 2010, se rapportent à un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise, 'l'accroissement temporaire de l'activité liée à la saisonnalité jardin' invoqué par l'entreprise constituant une activité permanente annuelle, durable et normale, dont l'accroissement pendant les saisons de printemps, été et automne est dénué de tout aléa.
Tout au long des 25 CDD qu'elle avait effectués, elle avait pallié aux besoins structurels de main d'oeuvre de l'entreprise.
Il ne s'agissait pas d'emplois saisonniers, ceux-ci concernant des travaux appelés à se répéter chaque année en fonction du rythme des saisons effectués pour des entreprises dont l'activité obéissait aux mêmes variations, ce qui n'était pas le cas de LEROY MERLIN qui poursuivait son activité vente toute l'année.
Au surplus, les CDD qu'elle avait effectués n'ayant plus été datés à compter de mars 2001, l'entreprise ne pouvait rapporter la preuve qu'ils lui avaient été remis dans les deux jours comme prévu à l'article L.1242-13 du code du travail.
Enfin, le contrat à effet du 31 août 2009, conclu pour 7 jours pour pourvoir au remplacement d'une salariée en congé sabbatique, madame [M], n'avait pas été conclu sur une durée en adéquation avec la nature de l'absence.
La société LEROY MERLIN fait valoir que le code du travail n'impose pas de faire figurer la date dans les CDD, la seule obligation étant de les transmettre au salarié dans les deux jours de l'embauche, ce qui avait été fait pour madame [Z], et qu'elle n'avait nullement l'obligation de maintenir son CDD du 31 août 2009 aussi longtemps que le congé sabbatique de madame [M].
S'agissant des contrats conclus pour accroissement d'activité liée à la saisonnalité jardin, ils étaient conformes à la législation et à la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle le recours aux CDD était possible en cas de variation cyclique de production, sans qu'il soit nécessaire que cet accroissement présente un caractère exceptionnel ni que le salarié soit affecté à la réalisation même de ces tâches.
C'était le cas en l'espèce, l'entreprise présentant en printemps et été un pic d'activité cyclique donnant lieu à un chiffre d'affaires deux fois plus important que celui réalisé de septembre à février.
Les contrats explicitement liés à la saisonnalité étaient également exempts de reproche, le caractère saisonnier d'un emploi concernant des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collective, ce qui correspondait aux circonstances dans lesquelles le magasin [Établissement 1] de [Localité 1] recrutait des salariés en CDD.
Enfin, madame [Z] ne démontrait pas qu'elle était restée à la disposition de l'employeur entre deux contrats et devait dès lors être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Selon l'article L.1242-1 du code du travail, le CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, quelle que soit son activité.
Un CDD ou un contrat de mission peut être conclu en cas d'accroissement temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise.
Cet accroissement temporaire peut résulter notamment de variations cycliques de production et n'a pas à présenter un caractère exceptionnel.
Toutefois, il doit y avoir une corrélation entre les pics d'activité et le recours au contrat précaire à peine de requalification en CDI.
En l'espèce, la Cour constate que par CDD du 3 mars 2008, 2 mars 2009 et 8 mars 2010, madame [Z] a été recrutée pour accroissement temporaire de l'activité liée à la saisonnalité jardin et ce jusqu'à la fin du mois d'août suivant.
La société LEROY MERLIN produit à cet égard des pièces établissant que le chiffre d'affaires de son rayon jardin est deux fois, voire trois fois plus important au cours de cette période de l'année que de septembre à février et qu'il en est de même pour le nombre de clients.
Elle caractérise ainsi qu'elle connaît chaque année un accroissement temporaire de son activité, sachant que les jurisprudences citées par la salariée, si elles relèvent la nécessité que cet accroissement soit temporaire, précisent également qu'il n'est pas nécessaire qu'il présente un caractère exceptionnel et peut être lié à des variations cycliques de production.
Il s'ensuit que les CDD conclus pour saisonnalité de l'activité jardin n'ont pas eu pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'ils ne sauraient dès lors être requalifiés en CDI sur ce fondement.
S'agissant de l'absence de dates de conclusion des CDD, si l'absence d'écrit, l'omission du motif du contrat, du nom de la personne remplacée, de la durée du contrat ou sa transmission tardive peuvent entraîner sa requalification en CDI, force est de constater que la date ne figure pas au rang des mentions obligatoires prévues à l'article L.1242-12 du code du travail, ne fût-ce que pour vérifier que le contrat n'a pas été transmis tardivement, étant au surplus observé que madame [Z] ne soutient pas que tel aurait été le cas.
Il s'ensuit que l'absence de date de conclusion des CDD ne saurait entraîner leur requalification en CDI.
Enfin, le CDD du 31 août 2009 ne saurait davantage être requalifié en CDI, le terme du contrat à durée déterminée du salarié engagé en remplacement d'un salarié dont le contrat de travail a été suspendu pouvant être antérieur à la reprise du travail par ce dernier.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris pour débouter la salariée de sa demande de requalification et de ses demandes indemnitaires subséquentes, en ce compris les demandes de rappels de salaire eu égard à l'absence de requalification, de sa demande de remise des documents sociaux et de celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les mesures annexes :
Partie succombante, madame [Z] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Cependant, la situation économique des parties commande de laisser à chacune d'elles la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris ;
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
DEBOUTE madame [L] [Z] de sa demande visant à la requalification des CDD qu'elle a conclus avec la société LEROY MERLIN en CDI et de toutes ses demandes subséquentes, en ce compris les rappels de salaire et la remise des documents de fin de contrat sous astreinte ;
La DEBOUTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Y AJOUTANT,
DEBOUTE [L] [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,