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10/09/2015 | FRANCE | N°12/08657

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 septembre 2015, 12/08657


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 29A



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 12/08657



AFFAIRE :



[A] [CT]





C/

[Y], [JP] [S]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 10/01451



Expédition

s exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, avocat au barreau de VERSAILLES



- Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES



- Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE & B...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 29A

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 12/08657

AFFAIRE :

[A] [CT]

C/

[Y], [JP] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 10/01451

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, avocat au barreau de VERSAILLES

- Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES

- Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE & BRESDIN, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [A] [SI] [UX] [CT]

née le [Date naissance 7] 1948 à [Localité 4] (14)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 172 - N° du dossier p10010

- Représentant : Me Jean-Pierre PILLON, Plaidant, avocat au barreau de CAEN

APPELANTE

****************

Madame [Y], [JP] [S]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 10] (78)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 - N° du dossier 290118

Plaidant par Maitre CHATAIN, collaboratrice de Maitre Patrick CHABRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R009

Madame [D], [ED] [S]

née le [Date naissance 6] 1984 à [Localité 10] (78)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 - N° du dossier 290118

Plaidant par Maitre CHATAIN, collaboratrice de Maitre Patrick CHABRUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R009

Monsieur [F] [N]

né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-Marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE & BRESDIN, avocat postulat et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 080153

Madame [O] [H] épouse [N]

née le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-marie ALEXANDRE de la SELARL ALEXANDRE & BRESDIN, avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 - N° du dossier 080153

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges DOMERGUE, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 25 septembre 2012 qui a notamment :

- dit n'y avoir lieu à transmission du dossier de curatelle d'[X] [E],

- annulé les deux testaments olographes rédigés les 30 décembre 2004 par [X] [E],

- débouté Mme [Y] [S] et Mme [D] [S] de leur demande d'annulation du testament authentique du 10 septembre 2003,

- constaté que l'ordonnance d'envoi en possession rendue le 26 août 2008 se trouve privée d'effet par le jugement,

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[X] [E], décédée le [Date naissance 2] 2007 à [Localité 12],

- désigné pour y procéder dans le cadre des dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile Me [P], notaire à [Localité 8],

- dit que les loyers perçus pour les appartements de la maison située à [Adresse 6] et régulièrement séquestrés entre les mains de Me [P], notaire à [Localité 8] depuis le décès d'[X] [E] reviennent à M. et Mme [F] [N],

- débouté Mme [A] [CT] de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de Mme [Y] [S] et Mme [D] [S],

- Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une éventuelle décision de l'administration fiscale,

- Dit qu'il appartiendra au Notaire commis d'établir les comptes des impôts et taxes réglés par Mme [A] [CT] dont elle serait créancière à l'égard de la succession,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [A] [CT] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'appel de cette décision relevé le 17 décembre 2012 par Mme [A] [CT] qui, par ses dernières conclusions du 15 mars 2013, auxquelles il est expressément renvoyé, demande à la cour de réformer le jugement et de :

- dire qu'elle est légataire universelle d'[X] [E],

Vu l'article 1382 du code civil,

- dire et juger que Mmes [Y] [S] et [D] [S] ont commis une faute en tardant à faire état du testament du 25 juillet 2000,

- condamner solidairement les consorts [S] à lui payer la somme de 60.000 € à titre de dommages-intérêts,

- condamner les consorts [S] ainsi que M. et Mme [N] à lui payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [IK] ;

Vu les dernières conclusions du 7 mai 2013 des consorts [S] qui demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 901 et suivants, 972 et suivants, 1001 et 1304 du code civil,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a annulé les testaments olographes consentis à Mme [A] [CT] en date du 30 décembre 2004, ordonné la rétractation de l'ordonnance de la présidente du tribunal de grande instance de Versailles d'envoi en possession de Mme [A] [CT] en vertu desdits testaments et débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé valable le testament authentique du 10 septembre 2003,

- statuer à nouveau,

- constater l'insanité d'esprit d'[X] [E] à l'époque de la rédaction du testament authentique du 10 septembre 2003,

En conséquence,

- annuler le testament authentique rédigé par Me [T] [V], notaire, en date du 10 septembre 2003,

- condamner Mme [A] [CT] à verser aux demanderesses la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tous succombants aux dépens dont distraction au profit de Me [WC] [HF], en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 13 mai 2013 de M. [F] [N] et de Mme [O] [H], son épouse, qui demandent à la cour de :

- débouter Mme [CT] et les consorts [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf à préciser que l'ordonnance d'envoi en possession qui se trouve privée d'effet en raison du jugement, et aujourd'hui de l'arrêt, a été rendue le 26 mars 2008 et non le 26 août 2008 comme indiqué par erreur dans le dispositif du jugement dont appel,

A titre subsidiaire, si les deux testaments olographes de 2004 n'étaient pas déclarés nuls,

Vu l'article 1036 du code civil,

- dire et juger que les legs particuliers du testament authentique du 10 septembre 2003 n'ont pas été expressément révoqués dans ces testaments de 2004, et conservent, de ce fait, leur plein effet,

Dans cette hypothèse,

- faire injonction à Mme [A] [CT] de délivrer aux époux [N] le legs particulier dont ils sont bénéficiaires aux termes du testament authentique recueilli par Me [Q] [V], notaire, le 10 septembre 2003 et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard si le nécessaire n'est pas fait dans un délai de 6 mois à compter de l'expiration des délais de recours éventuel à l'encontre de l'arrêt à intervenir,

- condamner tout succombant à verser aux époux [N] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [Q] [W], de la SELARL Alexandre et Bresdin;

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant qu'[G] [SI] [E], née le [Date naissance 5] 1932, est décédée le [Date naissance 2] 2007 à la maison de retraite de [4] (78), où elle demeurait ;

Considérant que par jugement du 21 septembre 2004 le juge des tutelles du tribunal d'instance de Poissy avait placé [X] [E] sous le régime de la curatelle renforcée de l'article 512 du code civil ; que par jugement du 23 septembre 2005, la curatelle renforcée était remplacée par une mesure de tutelle ;

Considérant que le 30 décembre 2004, deux testaments olographes datés du même jour, attribués à [X] [E], avaient été remis par Mme [A] [CT], cousine de la défunte, à Me [B] [U], notaire associé à [1] (14) ; que suite au décès d'[X] [E], un acte de notoriété était établi par ce notaire le 26 février 2008 constatant qu'on ne connaît à celle-ci ni héritier réservataire, ni dispositions à cause de mort postérieures aux deux testaments du 30 décembre 2004 lesquels, rédigés en termes identiques, désignent Mme [A] [CT] en qualité de légataire universelle ;

Que par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Versailles du 26 mars 2008, Mme [CT] était envoyée en possession ; que le règlement de la succession était confié à Me [TS] [P], notaire à [Localité 8] (78) ;

Considérant que par exploit du 29 décembre 2009, Mme [Y] [S] et Mme [D] [S], petites-filles de [KZ] [S], concubin pré-décédé d'[X] [E], ont assigné devant le tribunal de grande instance de Versailles Mme [A] [CT] et M. [I] [E], frère et précédent légataire universel de la défunte, suivant testament authentique du 10 septembre 2003, en annulation tant des testaments du 30 décembre 2004 que du testament du 10 septembre 2003 ; que le tribunal a statué par le jugement dont il est fait appel ;

Sur la demande d'annulation des testaments du 30 décembre 2004

Considérant qu'à l'appui de son recours, l'appelante excipe du non état d'insanité mental de la défunte au moment de la rédaction des testaments du 30 décembre 2004 et fait valoir, en substance :

- qu'une mesure de protection judiciaire des majeurs ne permet pas de présumer l'existence de l'insanité d'esprit, alléguant qu'en l'espèce, si l'examen médical réalisé le 27 février 2004, avant le placement sous curatelle de la défunte, mentionne les termes rapportés dans le jugement, l'expert indique également que l'intéressée a fourni ses éléments biographiques et 'a collaboré à l'entretien dont elle comprend l'enjeu', ce qui démontre que ce médecin n'a pas noté de troubles du jugement ;

- que les comptes-rendus des examens neurologiques réalisés en avril, août et novembre 2004 au C.H.U de [1] démontrent que les traitements prescrits à [X] [E] avaient amélioré son état ;

- que le fait d'écrire avec difficulté ne fait pas la preuve de l'insanité d'esprit, l'écriture tremblée d'[X] [E] sur les testaments du 30 décembre 2004 étant, à l'évidence, en lien avec le syndrome parkinsonien mis en évidence par l'expert ;

- que la rédaction de deux testaments identiques n'est pas irrationnelle mais une pratique courante ;

- que le frère de la défunte, [I] [E], n'a pas émis de réserve quant au discernement de sa soeur au moment de la rédaction des testaments du 30 décembre 2004 lui retirant la qualité de légataire universel ;

Que l'appelante ajoute que la motivation du tribunal est contradictoire dès lors que le même faisceau d'indices l'a conduit à annuler les testaments de 2004 mais non le testament de 2003 ;

Considérant que les consorts [S] répliquent que les testaments établis le 10 septembre 2003 et le 30 décembre 2004 doivent être annulés en raison de l'insanité d'esprit de la testatrice, le testament rédigé le 25 juillet 2000 devant, par conséquent, recevoir application ;

Qu'au sujet des testaments du 30 décembre 2004, les intimées sollicitent la confirmation du jugement ; qu'elles observent que l'insanité de la testatrice résulte, en premier lieu, d'éléments intrinsèques aux testaments, notamment :

- l'écriture illisible et le placement des mots dans un sens illogique, rendant impossible la compréhension des intentions réelles d'[X] [E], sans rapport avec la qualité habituelle du langage et de l'écriture de la défunte, ainsi que son ancienne activité professionnelle de bibliothécaire ;

- l'existence de différences entre les deux testaments quant au prénom de la défunte avec une erreur manifeste dans l'écriture de son propre prénom, signe patent de sénilité au moment de la rédaction ;

Que les consorts [S] allèguent que l'insanité d'esprit de la testatrice lors de la rédaction des testaments du 30 décembre 2004 résulte, en second lieu, d'éléments extrinsèques, en particulier :

- l'indication dans l'examen médical réalisé par le Dr [C] le 27 février 2004, qu'[X] [E] 'ignore tout de la gestion de ces biens...elle se montre incapable de réaliser les opérations arithmétiques, les effectuant très rapidement avec de nombreuses erreurs , ce qui témoigne d'une détérioration cognitive', l'expert concluant que l'intéressée aurait besoin 'd'être contrôlée dans les actes de la vie civile' ;

- la confirmation de cette analyse dans le certificat établi le 26 mars 2004 par le Dr [ME], sur lequel s'est fondé le juge des tutelles pour placer [X] [E] sous curatelle renforcée ;

- l'aggravation très rapide de l'état d'[X] [E] conduisant le juge des tutelles à placer [X] [E] sous tutelle le 23 septembre 2005, à la suite d'un nouvel examen médical du Dr [ME] ;

Qu'au sujet du testament authentique du 10 septembre 2003, les intimées sollicitent l'infirmation du jugement, affirmant que la défunte présentait déjà à cette date une insanité d'esprit ; qu'elles relèvent ainsi :

- l'incohérence de la désignation cadastrale des biens ayant donné lieu, dans ce testament, à des legs particuliers ;

- que les facultés physiques et mentales de la défunte ont commencé à décliner en décembre 2001 ainsi qu'il résulte :

* du compte rendu d'hospitalisation et de suivi à la clinique de la M.G.E.N entre le 9 janvier 2002 et le 28 mars 2002, hospitalisation effectuée pour syndrome confusionnel et syndrome dépressif majeur,

* de la consultation du Dr [R], neurologue, en septembre 2003 et d'un bilan neurologique complet établi le 18 novembre 2003 par le Dr [J] dont le diagnostic a été confirmé lors d'un examen de ce même médecin le 18 décembre 2003,

* de la consultation du Dr [K] en date du 5 février 2004 constatant un syndrome démentiel plutôt de type frontal et concluant à la nécessité de placer [X] [E] sous tutelle,

* de la consultation du Dr [C] en date du 27 février 2004 faisant état d'une détérioration cognitive par rapport à son niveau précédent ;

- qu'au moment de l'introduction de la requête en ouverture d'une mesure de protection des majeurs en février 2004, [X] [E] demandait à son conseil de dénoncer la procuration générale accordée le 10 septembre 2013 aux époux [N], expliquant qu'elle était alors dans un état de faiblesse psychologique ;

Que les intimées ajoutent que la motivation du tribunal est contradictoire dans la mesure où des éléments médicaux de 2002, retenus pour annuler les testaments de 2004, n'ont pas été pris en considération pour annuler le testament de 2003 ;

Considérant que les époux [N] sollicitent la confirmation du jugement faisant valoir, s'agissant des testaments du 30 décembre 2004, que leur rédactrice n'était pas en pleine possession de toutes ses facultés intellectuelles et physiques lors de leur rédaction ; que les intimés soutiennent, à cet égard :

- que les deux testaments sont partiellement illisibles et montrent des signes de la défaillance et de l'insanité d'esprit de la rédactrice,

- qu'ils ne comportent pas de description des biens immobiliers de la testatrice,

- que l'insanité d'esprit avait été constatée trois mois plus tôt dans le jugement rendu le 21 septembre 2004 par le juge des tutelles,

- que Me [U], notaire qui s'était vu remettre les testaments olographes, avait lui-même des doutes sur leur régularité, exprimés dans un courrier du 14 janvier 2005 à [X] [E] ;

Considérant que, comme le rappelle l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ;

Considérant, s'agissant des éléments intrinsèques invoqués par les intimés à l'appui de leur démonstration que, bien que rédigés d'une petite écriture tremblée et comportant de nombreuses lettres mal formées, les deux testaments datés du 30 décembre 2004 sont suffisamment lisibles pour constater la disposition suivante, identique sur les deux documents (les signes illisibles sont remplacés par un point) : 'Je soussignée [X] [E] demeurant à [Adresse 6] déclare léguer la totalité de mes biens à [A] [CT]' Fait à ... le 30 décembre 20004" ;

Que la maladie de Parkinson dont se trouvait affectée la défunte permet d'expliquer l'écriture peu lisible et la disposition incertaine des lettres dans l'espace (écrasement de certains signes, doublement de boucles, comme 20004 au lieu de 2004) ; que comme l'affirment les intimées dans leurs conclusions, la maladie de Parkinson ne s'accompagne pas nécessairement d'une altération des facultés mentales ;

Qu'aucune inversion de mots ou incohérence de syntaxe ne peut être décelée ; que la testatrice a convenablement écrit son prénom au début du texte ; que l'utilisation dans la signature, avant son patronyme écrit de sa main, de la première initiale de son prénom composé au lieu de deux initiales, est sans portée puisqu'il ressort du testament olographe rédigé le 25 juillet 2000, dont se prévalent les consorts [S], qu'[X] [E] avait alors déjà signé de cette façon (pièce n°5 des consorts [S]) ;

Qu'il ressort de la juxtaposition des deux documents écrits le même jour que l'un des deux documents (la pièce n°2 des consorts [S]) est sensiblement plus lisible que l'autre (pièce n°1) ; qu'il était, dès lors, tout à fait sensé, pour la rédactrice, dans l'hypothèse où l'ordre de rédaction par la défunte a été celui retenu dans le bordereau des pièces communiquées des consorts [S], de ré-écrire le premier testament pour tenter d'en écrire un second plus lisible ;

Qu'en conséquence, il n'existe pas d'éléments intrinsèques aux testaments litigieux susceptible de démontrer l'insanité d'esprit de leur rédactrice ;

Considérant qu'il résulte de l'article 470 du code civil que la personne en curatelle peut librement tester, sous réserve de l'application de l'article 901 du même code ;

Qu'en l'espèce, pour prononcer par ordonnance du 21 septembre 2004 la curatelle renforcée de la défunte, le juge des tutelles s'est fondé sur le fait qu'il était établi, 'spécialement par les éléments médicaux' que la défunte souffrait d''une importante altération de ses facultés mentales' l'empêchant de percevoir seule ses revenus ou d'assurer la gestion courante de ses affaires , sans toutefois préciser celles de ces facultés qui étaient altérées ;

Que l'ordonnance vise le certificat médical délivré le 26 mars 2004 par le Dr [ZW] [ME], médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le procureur de la République ; que ce certificat n'a cependant été produit par aucune des parties ; que les autres pièces du dossier de curatelle ne sont pas non plus produites, si ce n'est le rapport du Dr [G] [C], ci-dessous évoqué, susceptible d'avoir accompagné la requête présentée au juge des tutelles ;

Qu'au demeurant, il s'induit des propos d'[X] [E] rapportés par le Dr [C] et du fait que [I] [E] a lui-même fait appel à ce médecin spécialiste en matière de tutelles, que la demande d'ouverture d'une curatelle était souhaitée par la défunte et motivée par son souhait d'être assistée dans la gestion de ses affaires, particulièrement pour la location de l'une de ses maisons à Meulan ;

Qu'en conséquence, aucun élément tiré de la procédure de curatelle ne démontre l'insanité d'esprit de la testatrice au moment de la rédaction des testaments litigieux ;

Considérant qu'à partir des différents rapports et comptes-rendus médicaux produits par les parties, le parcours médical d'[X] [E] durant les six dernières années de son existence, durant lesquelles ont été prises les dispositions testamentaires litigieuses, peut se résumer ainsi :

1) Se plaignant de troubles mnésiques, [X] [E] consultait le Dr [GA] en octobre 2001 ; après réalisation d'un scanner cérébral, le médecin constatait un syndrome cérébelleux statique et diagnostiquait une hydrocéphalie à pression normale ( pièce n°25 de Mme [CT], pièce n° 11 des consorts [S]) ;

2) L'état cognitif de la patiente s'étant considérablement dégradé, [X] [E] était hospitalisée en urgence le 9 janvier 2002 au Centre hospitalier de [2] (78) et transférée dans un établissement de la M.G.E.N. ; le Dr [BX] relevait un syndrome dépressif avec note confusionnelle, confusion secondaire à une hyponatrémie par prise de diurétique ; sur le plan cognitif, le Mini Mental State (M.M.S) était évalué le 10 janvier 2002 à 19/30 avec troubles de l'orientation temporo-spatiale ; sur l'échelle MATTIS d'évaluation de la démence (seuil pathologique à 122), elle présentait un score de 120/140 ; [X] [E] quittait l'établissement le 13 février 2002 mais continuait de bénéficier de soins de suite et de réadaptation jusqu'au 28 mars 2002 ; les soins prodigués et le traitement médicamenteux permettaient de faire régresser la confusion mentale tandis que le MMS était évalué le 14 mars 2002 à 26/30 (mêmes pièces) ;

3) Le 10 octobre 2002, le Dr [Z], neurologue au service de neurochirurgie de la Fondation Rothschild, en réponse à 'un tableau clinique compatible avec une hydrocéphalique chronique', et suite à 'l'amélioration spectaculaire obtenue par les ponctions lombaires', pratiquait chirurgicalement une 'dérivation ventriculo-péritonéale' suivie d'une convalescence dans un centre de [3] (78) ; le 1er avril 2003, dans un compte-rendu au Dr [RD], médecin traitant d'[X] [E], le Dr [Z] notait : 'le problème principal reste à mon sens un syndrome dépressif' et relevait un MMS 'aux environs de 25"(pièces n° 12 et 13 des consorts [S]) ;

4) En juin 2003, des courriers médicaux faisaient état d'un syndrome parkinsonien et de nombreuses chutes conduisant à la prescription de Modopar tandis qu'une nouvelle IRM révélait une atrophie cérébrale diffuse, des lésions de leuco-araïoses (démence vasculaire) et un aspect de dilatation des ventricules cérébraux (pièce n°25 de Mme [CT])

5) Le 16 décembre 2003, le Dr [R], neurologue à [Localité 9], ayant reçu en consultation [X] [E] en septembre 2003 puis de nouveau après contrôle par IRM cérébral, établissait un compte-rendu faisant état des doléances de la patiente (troubles neurologiques, tels des troubles de l'équilibre, troubles cognitifs, essentiellement 'dys-exécutifs sans troubles mnésiques importants' et troubles comportementaux tels l'apathie et le désintérêt), ainsi que du résultat d'examens évoquant 'la reformation d'une hydrocéphalie'et 'une détérioration sous-corvicale à prédominance antérieure fronto-temporale' ; il prescrivait un nouveau traitement (pièce n°16 des consorts [S]) ;

Un examen neuro-psychologique réalisé dans le même temps, le 18 novembre 2003, dans le but d' 'objectiver les troubles de mémoire et évaluer les autres fonctions' mentionnait un niveau de raisonnement et d'élaboration conceptuelle 'moyen'et en concluait en faveur d'une 'détérioration cognitive globale légère', la neuro-psychologue reliant l'incapacité d'accomplir des actes élaborés et la gestion domestique, non à un déficit intellectuel mais à la 'tristesse' et à la 'douleur morale' du sujet (pièce n°15 des consorts [S]) ;

6) Le 5 février 2004, le Dr [YR] [K] adressait au Dr [RD], un compte-rendu relatif à l'examen le même jour de sa patiente, pensionnaire depuis une chute dans la rue, le 30 décembre 2003, de la maison de retraite de [Localité 7] (78) : le médecin indiquait avoir trouvé [X] [E] 'ralentie et triste', précisant ne pas avoir fait de tests neuropsychologiques compte tenu de ceux réalisés par le Dr [R], relevant néanmoins une confusion de la patiente quant au numéro de sa nouvelle chambre à la maison de retraite, et soulignant la persistance d'un syndrome dépressif (pièce n°17 des consorts [S]) ;

7) Entre le 27 février et 3 mars 2004, le Dr [G] [C], médecin spécialiste inscrite sur la liste dressée par le procureur de la République en matière de tutelles, examinait à la demande de son frère, [I] [E], [X] [E] ; elle relevait que l'intéressée collaborait 'volontiers à l'entretien, dont elle comprend l'enjeu' et rapportait des éléments biographiques précis fournis par [X] [E] qui lui indiquait vouloir être déchargée des tâches administratives ;

Dans son certificat, le Dr [C] énonçait qu'[X] [E] lui faisait part de sa 'tristesse' et de ses 'idées noires', en relation avec une interdiction de sortir de la maison de retraite, et son sentiment d'être ainsi séquestrée ; le médecin constatait une détérioration des fonctions cognitives résultant de ce que l'intéressée faisait de 'nombreuses erreurs' en effectuant 'très rapidement' des opérations arithmétiques (pièce n°15 des consorts [S]) ;

8) Le 2 avril 2004, le Dr [M] [L], neurologue au CHRU de [1] (14), dans un compte-rendu au Dr [NJ], nouveau médecin traitant d'[X] [E], qui demeurait depuis peu chez son frère [I] [E] à [Localité 6] (14), exposait avoir reçu celle-ci en consultation le 30 mars précédent ; le praticien faisait état d'une patiente 'parfaitement orientée dans le temps et dans l'espace', ajoutant qu' 'il n'y a pas de troubles praxiques' (planification des gestes complexes) et 'pas d'aphasie' ; le médecin évoquait la co-existence d'une maladie neuro-dégénérative et de lésions vasculaires, tout en considérant que l'examen neurologique ne lui permettait pas de confirmer le diagnostic d'hydrocéphalie à pression normale (pièce n°25 de Mme [CT]);

9) Le 25 août 2004, le Dr [L] notait, au titre des chutes récidivantes et des retards à l'initiation du mouvement associés à des épisodes de blocage, une amélioration de l'état de la patiente (pièce n°26 de Mme [CT]) ;

10) Le 25 novembre 2004, le Dr [L] faisait état de difficultés dans la marche et augmentait, en conséquence, la dose de son traitement (pièce n°27 de Mme [CT]);

Considérant qu'il ressort de ces documents médicaux qu'[X] [E] a vu sa santé mentale décliner fortement au début de l'année 2002 avant de connaître un redressement sensible ; qu'il s'est avéré que la confusion mentale relevée en janvier 2002 avait pour origine un diurétique dont la prise a été interrompue ; que l'imagerie médicale a révélé un processus de détérioration cérébro-vasculaire qui a été provisoirement jugulé par des ponctions cérébrales puis par l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2002 ; que si, selon les constatations du Dr [R], cette détérioration avait repris son oeuvre en décembre 2003, les tests et les entretiens effectués avec [X] [E] dans les mois précédents la rédaction des testaments du 30 décembre 2004, en dernier lieu un mois auparavant, montrent une baisse des capacités cognitives de l'intéressée mais non une atteinte des fonctions cérébrales telle qu'elle puisse être assimilée à une insanité d'esprit ;

Qu'ainsi les troubles exposés courant 2003 et 2004 sont considérés comme étant essentiellement des troubles de l'humeur ; que les erreurs relatives au numéro d'une nouvelle chambre ou dans des calculs mentaux effectués trop rapidement ne sont pas suffisamment significatifs ; que comme le souligne l'appelante, le fait que le Dr [C] indique qu'[X] [E] 'a collaboré à l'entretien dont elle comprend l'enjeu' démontre l'absence de troubles du jugement ; que l'examen approfondi d'avril 2004 mentionne une parfaite orientation d'[X] [E] dans l'espace et le temps, l'absence de troubles du comportement ou de la parole ; que les examens ultérieurs en 2004 ne font état que de difficultés de l'équilibre ou de la mobilité ;

Que dès lors, pas plus que les éléments intrinsèques, les éléments extrinsèques invoqués ne démontrent que la défunte n'était pas en état, le 30 décembre 2004, d'exprimer un consentement libre et éclairé au moment de rédiger ses dispositions de dernière volonté ;

Considérant que les demandes tendant à l'annulation des testaments du 30 décembre 2004 seront dès lors rejetées ; qu'il convient de constater que Mme [A] [CT], légataire de tous les biens de la défunte, a ainsi la qualité de légataire universelle ;

Que les demandes fondées sur les testaments antérieurs, en date du 10 septembre 2003 ou du 25 juillet 2000, doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur la demande subsidiaire des consorts [S] et des époux [N] tendant à ce qu'il soit dit que les testaments du 30 décembre 2004 n'ont pas révoqué les legs particuliers contenus dans le testament du 10 septembre 2003

Considérant que dans son précédent testament, rédigé en la forme authentique le 10 septembre 2003, [X] [E] avait institué son frère [I] [E] légataire universel à charge pour lui d'exécuter deux legs particuliers : 1°/ le legs à M et Mme [N] de la maison située [Adresse 4]/ le legs à Mme [Y] [S] et à Mme [D] [S] d'une maison et d'un garage situés [Adresse 2] ;

Considérant que, dans ses testaments datés du 30 décembre 2004, [X] [E] a déclaré léguer à [A] [CT] 'la totalité de (ses) biens' ;

Considérant que ni les consorts [S], ni les époux [N], tout en demandant subsidiairement qu'il soit dit que les testaments du 30 décembre 2004 n'ont pas révoqué les legs à eux consentis dans le testament précédent ne présentent pas d'argumentation à l'appui de leur prétention ;

Que l'appelante affirme, dans le corps de ses conclusions, qu'[X] [E], dans ses testaments du 30 décembre 2004, n'a pas expressément révoqué ses dispositions antérieures, contenues dans le testament du 10 septembre 2003 ; que toutefois, l'appelante n'en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses conclusions, seul opposable à la cour, sollicitant seulement d'être reconnue légataire universelle d'[X] [E] ;

Considérant que, selon l'article 1136 du code civil, les testaments postérieurs qui ne révoquent pas d'une manière expresse les précédents, n'annulent dans ceux-ci que les dispositions s'y trouvant contenues qui sont incompatibles avec les nouvelles dispositions ou contraires à celles-ci ;

Considérant que le legs par la défunte à Mme [A] [CT] de la totalité de ses biens est incompatible avec la disposition contenue dans le testament précédent léguant une partie de ces biens aux époux [N] et aux consorts [S] ;

Que les demandes tendant à ce qu'il soit dit que les testaments du 30 décembre 2004 n'ont pas révoqué les legs particuliers contenus dans le testament du 30 septembre 2003 seront donc rejetées ;

Considérant que Mme [CT] ne démontre la réalité d'aucun préjudice imputable à faute aux consorts [S] ou aux époux [N] ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Considérant qu'il convient de condamner tant les consorts [S] que les époux [N] à payer à Mme [CT] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement,

Constate que, par l'effet des testaments en date du 30 décembre 2004, Mme [A] [CT] est légataire universelle d'[X] [E],

Déboute Mme [Y] [S], Mme [D] [S], M. [F] [N] et Mme [O] [H] épouse [N] de toutes leurs demandes,

Déboute Mme [A] [CT] de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne à payer à Mme [A] [CT], en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- Mme [Y] [S] et Mme [D] [S], la somme de 1.000 € ,

- M. [F] [N] et Mme [O] [H] épouse [N], la somme de 1.000 € ,

Condamne Mme [Y] [S], Mme [D] [S], M. [F] [N] et Mme [O] [H] épouse [N] aux dépens dont distraction au profit de Me [IK] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 12/08657
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°12/08657 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;12.08657 ?
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