COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
ML
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2015
R.G. N° 13/05031
AFFAIRE :
[W] [R]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 12-00594N
Copies exécutoires délivrées à :
la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
[W] [R]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [W] [R]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
comparante en personne
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [B] [U] (Inspecteur du contentieux) en vertu d'un pouvoir général
Société de droit étranger AIG EUROPE LIMITED
[Adresse 1]
[Adresse 1]
LONDRES (ROYAUME UNI)
représentée par Me Sonia HERPIN de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,
Le 3 janvier 2011, Mme [R], employée de la société Chartis Europe depuis le 30 avril 2006 en qualité d'assistante de production, a adressé à son employeur un certificat médical d'accident du travail établi par le Dr [C] à [Localité 3], faisant état d'un harcèlement professionnel avec syndrome dépressif réactionnel.
Le 6 janvier 2011, la société Chartis Europe a établi une déclaration d'accident du travail en émettant des réserves au motif que Mme [R] avait organisé son arrêt de travail et que l'adresse indiquée par l'assurée à [Localité 2], n'était pas son adresse habituelle.
Mme [R], qui a repris le travail le 16 janvier 2011, a été licenciée le 17 mars 2011 pour faute simple, après mise à pied conservatoire du 11 février 2011, rémunérée.
Par lettre du 26 mai 2011, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine a refusé la prise en charge de l'arrêt de travail au titre de la législation professionnelle au motif qu'il n'existait pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail.
Mme [R] a saisi la commission de recours amiable qui a confirmé le refus de prise en charge par décision du 20 janvier 2012.
Elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre qui a, par jugement du 7 octobre 2013, rejeté ses demandes et dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [R] a interjeté appel de cette décision.
Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire en conséquence que l'accident déclaré est survenu par le fait du travail.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Chartis Europe, devenue AIG Europe, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 7 octobre 2013,
- condamner Mme [R] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par observations soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine conclut à la confirmation du jugement.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions écrites déposées à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l'appui de son appel, Mme [R] fait valoir qu'elle a subi un harcèlement moral au sein de l'entreprise, à compter de décembre 2009, résultant de la surcharge de travail occasionnée par le maintien de son activité à l'identique malgré l'acceptation par l'employeur d'une formation qualifiante, qui la contraignait à s'absenter 2 jours par semaine pendant un an. Elle ajoute qu'elle a fait l'objet de propos menaçants et d'un avertissement injustifié le 15 novembre 2010, prononcé le jour de l'anniversaire du décès de sa mère, puis d'un nouvel avertissement injustifié le 24 décembre 2010. Ces éléments établissent selon elle le lien de sa maladie avec le travail. Elle considère enfin que l'accident déclaré le 3 janvier 2011, devait être traité par la caisse primaire de Vendée, qui n'a pas pris de décision dans le délai d'un mois, ce qui devait la conduire à reconnaître implicitement le caractère professionnel de l'accident.
La société AIG Europe fait valoir en réplique qu'elle ignorait que Mme [R] était encore rattachée à la caisse primaire de Vendée, ce qui explique qu'elle a adressé la déclaration d'accident à la caisse des Hauts de Seine, du lieu de sa résidence. Sur le fond, elle soutient qu'il existait une relation conflictuelle entre la salariée et sa hiérarchie depuis 2007, ce qui exclut le critère de soudaineté exigé pour la reconnaissance de l'accident du travail. Elle conteste en tous cas le prétendu harcèlement moral invoqué par la salariée, et indique que le conseil de prud'hommes de Nanterre a reconnu la validité des avertissements notifiés à Mme [R] et légitimé son licenciement par jugement du 15 février 2013.
La caisse primaire des Hauts de Seine fait valoir que la décision de refus de prise en charge est intervenue dans les délais puisque Mme [R] n'a transmis le certificat médical initial que le 17 mars 2011, et qu'elle a dû obtenir de la caisse de Vendée les éléments du dossier concernant l'assurée qui n'avait pas changé de caisse d'affiliation malgré son déménagement. Elle constate qu'il existe un litige prud'homal entre l'assurée et son employeur, mais estime que la reconnaissance de l'accident du travail suppose l'existence d'un événement soudain, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
A titre liminaire, il sera rappelé que l'article R. 312-1 du code de la sécurité sociale fixe le lieu d'affiliation des assurés sociaux à la caisse primaire d'assurance maladie dans la circonscription de laquelle ils ont leur résidence habituelle.
Mme [R] est salariée depuis le 30 avril 2006 de la société Chartis Europe qui est implantée à [Localité 1] et déclare être elle-même domiciliée sur cette commune.
Elle dépend donc de la caisse primaire des Hauts de Seine qui avait compétence pour traiter la déclaration d'accident du travail établie le 6 janvier 2011 et envoyée à juste titre par l'employeur à cette caisse.
Par ailleurs, la caisse primaire dispose d'un délai de 30 jours pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, ce délai pouvant être prolongé de deux mois en cas d'enquête complémentaire. Ce délai court à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial, en application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale.
Le 7 janvier 2011, la caisse primaire des Hauts de Seine a demandé à Mme [R] de lui faire parvenir le certificat médical initial.
L'examen du certificat produit par la caisse, fait figurer une date de réception au 17 mars 2011.
Mme [R] ne démontre pas qu'elle a procédé à l'envoi de ce document à une date antérieure. La lettre de la caisse primaire de Vendée du 19 avril 2012 qui l'informe de la transmission du dossier à la caisse des Hauts de Seine à la date du 11 février 2011, ne comporte pas de précision sur la nature des pièces transmises. Elle ne permet donc pas d'établir la réalité de la transmission du certificat médical initial qui se trouverait déjà à cette date dans le dossier transmis à la caisse des Hauts de Seine.
Le certificat médical initial ayant été reçu le 17 mars 2011, la caisse des Hauts de Seine disposait du délai d'un mois pour se prononcer, avant le 17 avril 2011.
Toutefois, il n'est pas contesté que par lettre du 30 mars 2011, Mme [R] a été informée de la prolongation de l'enquête pour une durée de deux mois, ce qui a reporté le délai au 30 mai 2011.
L'information relative à la clôture de l'enquête lui a été notifiée par lettre du 5 mai 2011 et le 26 mai 2011 la caisse lui a notifié le refus de prise en charge de l'accident.
Il ressort donc de ces éléments que la caisse primaire des Hauts de Seine a pris sa décision dans le respect des délais légaux. Mme [R] ne peut donc pas se prévaloir d'une décision implicite de prise en charge de l'accident.
S'agissant de la contestation de la décision de refus de prise en charge, il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail.
Il en résulte une présomption d'imputabilité qui ne peut être combattue que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.
Il appartient au salarié d'établir au préalable les circonstances exactes de l'accident autrement que par ses propres affirmations et de prouver que la lésion est apparue au temps et au lieu de travail.
En outre, en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et à l'employeur de prouver que les agissements ou décisions allégués sont, le cas échéant, justifiés par des éléments objectifs.
En l'espèce, les pièces versées aux débats par les parties ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement moral dont Mme [R] aurait été victime depuis 2009.
Au contraire, il ressort des mails produits par Mme [R] que la société Chartis a réservé une suite favorable à sa demande de formation en licence professionnelle d'assurance, qui s'est déroulée du 5 octobre 2009 au 4 juillet 2010, au titre de laquelle la société a engagé un financement de 7 000 € pour le suivi de cette formation, hors coût d'absence de la salariée.
Sa demande de poursuite du congé individuel de formation, a été reportée en juin 2010 à un an. Mais il ressort du compte-rendu de réunion du comité d'entreprise, que l'unanimité des personnes présentes a constaté qu'il était impossible dans l'immédiat de donner une suite favorable à cette demande, pour des motifs liés à l'insuffisance des effectifs de la société à ce moment.
La lettre d'avertissement du 17 novembre 2010 comme les mails échangés en janvier 2010, produits par la société, tendent à montrer qu'il n'a pas été fixé de nouveaux objectifs à Mme [R] par son manager sur la période de formation, afin de tenir compte des contraintes occasionnées par le suivi de cette formation.
Les relations avec l'employeur se sont dégradées à compter de novembre 2010, à la suite de deux avertissements notifiés à Mme [R] les 15 novembre 2010 et 24 décembre 2010.
Toutefois, il ressort de la lecture des lettres d'avertissement que l'employeur reprochait à la salariée des comportements fautifs, le jugement du 15 février 2013 du conseil de prud'hommes de Nanterre ayant rejeté la demande d'annulation de ces mesures disciplinaires.
Par suite, les éléments du dossier ne font pas ressortir des faits constitutifs de harcèlement moral, qui en tous cas, au regard des éléments invoqués par la salariée, n'auraient pu conduire qu'à une déclaration de maladie professionnelle, et non à un accident du travail, en l'absence d'imputation d'un fait générateur brusque et soudain.
Au vu de ces éléments, il apparaît que la décision de refus de prise en charge par la caisse primaire des Hauts de Seine est bien-fondée, le jugement entrepris devant être confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité permet de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine en date du 7 octobre 2013 ;
Y ajoutant,
Rejette la demande présentée par la société AIG Europe en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,