COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 76B
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2015
R.G. N° 14/03863
AFFAIRE :
SA VTB BANK
C/
[E] [M] [E]
[G] [T] [S] épouse [E]
Société CERIM TRADING LIMITED
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mai 2014 par le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de VERSAILLES
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 13/06718
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Olivier FONTIBUS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Guillaume GOMBART, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Aude GONTHIER, avocat au barreau de VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE, après prorogation
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA VTB BANK
Société anonyme de droit russe, enregistrée au Registre National Unique des Personnes Civiles de Russie sous le numéro principal 1027739609391, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés,
[Adresse 1]
[Adresse 2])
Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 016598
Représentant : Me Alexandre BAILLY du PARTNERSHIPS MORGAN LEWIS & BOCKIUS MNP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J011
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [M] [E]
né le [Date naissance 1] 1961 à Rostov on don (RUSSIE)
de nationalité Russe
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentant : Me Olivier FONTIBUS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 108 - N° du dossier 13.00048
Madame [G] [T] [S] épouse [E]
née le [Date naissance 2] 1963 à Zlatooust (RUSSIE)
de nationalité Russe
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentant : Me Olivier FONTIBUS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 108 - N° du dossier 13.00048
INTIMES
****************
Société CERIM TRADING LIMITED
[Adresse 5]
Représentant : Me Guillaume GOMBART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 646
Représentant : Me Mehdi TENOURI, Plaidant, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 40
SA GAZPROMBANK
société anonyme de droit russe immatriculée au registre d'Etat Unique des personnes mor&ales sous le numéro 1027700167110, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 6])
Représentant : Me Aude GONTHIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 395
Représentant : Me Frédéric hery RANJEVA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0404
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Avril 2015, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO
FAITS ET PROCEDURE,
Le 23 mars 2009, M. [E] [E], dirigeant de la société de droit russe TAGANROGSKY AVTOMOBILNYI ZAVOD (ci-après TAGAZ), s'est porté caution solidaire des engagements de celle-ci en garantie de remboursement d'un prêt émis par la société VTB BANK d'un montant de 520.000.000 roubles, soit 12.999.057,57 €, avec intérêts au taux annuel de 18%. La garantie a été réitérée le 26 mars 2012.
Le 25 juillet 2012, la SA VTB BANK a été autorisée à inscrire une hypothèque provisoire sur le bien sis à [Adresse 7], appartenant à Monsieur [E] [E], pour sûreté d'une créance de 16.290.963,61€.
L'inscription d'hypothèque provisoire a été dénoncée le 11 septembre 2012.
Le 12 juillet 2013, par acte transmis aux autorités russes conformément aux dispositions de la convention de La Haye du 15 novembre 1965, M. [E] [E] et Mme [G] [T] [S] son épouse, ont fait citer la société VTB BANK devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Versailles, aux fins de voir notamment ordonner la mainlevée de l'hypothèque conservatoire du 6 septembre 2012, autorisée le 25 juillet 2012.
Vu l'appel interjeté le 21 mai 2014 par la SA VTB BANK du jugement contradictoire rendu le 13 mai 2014 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Versailles, qui a :
- ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire inscrite par elle le 6 septembre 2012 au Bureau des hypothèques de Versailles vol.2012 V2272 sur le bien sis à [Adresse 7], cadastré [Cadastre 1], appartenant à M. [E] [E] et son épouse née [G] [T] [S],
- débouté M. et Mme [E] de leur demande d'indemnité de procédure,
- condamné la société VTB BANK aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 février 2015 par lesquelles la SA VTB BANK, appelante, demande à la cour de :
A titre liminaire,
- débouter les époux [E] de leur appel incident tendant à voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la loi russe applicable à leur régime matrimonial,
- confirmer le jugement entrepris sur ce point,
- déclarer irrecevables, et subsidiairement mal fondées, les interventions volontaires des sociétés CERIM et GAZPROMBANK pour défaut d'intérêt à agir et absence de lien suffisant avec l'instance en cours,
-condamner les sociétés CERIM et GAZPROMBANK à lui payer chacune la somme de 5.000 € pour procédure abusive,
Sur le fond,
-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré la loi russe applicable au régime matrimonial des époux [E],
-condamner les époux [E], solidairement avec les sociétés CERIM et GAZPROMBANK, à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 janvier 2015 par lesquelles M. [E] [F] [E] et Mme [G] [T] [E], née [S], intimés, demandent à la cour de :
- débouter la VTB BANK de l'ensemble de ses demandes,
- les dire recevables et bien fondés en leur appel incident,
- dire que la loi française est applicable à la présente instance,
- ordonner la mainlevée de l'hypothèque conservatoire autorisée le 25 juillet 2012 et inscrite le 6 septembre 2012 sur leur bien immobilier sis à [Adresse 8],
- condamner la VTB BANK à leur payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les conclusions en intervention volontaire signifiées le 3 mars 2015 par lesquelles la société GAZPROMBANK demande à la cour de :
- accueillir sa demande en intervention volontaire et la déclarer recevable et bien fondée,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- rejeter les demandes de VTB BANK à son encontre fondées sur les articles 32-1 et 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en intervention volontaire signifiées le 22 janvier 2015 par lesquelles la société CERIM TRADING LIMITED demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention volontaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la VTB BANK à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 31 mars 2015 ;
Vu l'ordonnance de révocation de clôture et de clôture à nouveau prononcée le 8 avril 2015 ;
SUR CE , LA COUR :
La Cour se reporte, pour l'exposé des faits constants de la cause et des moyens des parties, aux écritures échangées par celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile, et à la motivation du jugement entrepris.
Il importe de rappeler préalablement qu'une ordonnance de référé rendue par le délégataire du premier président de cette cour le 20 novembre 2014 a dit n'y a voir lieu à référé sur la demande de sursis à exécution du jugement du juge de l'exécution de Versailles du 13 mai 2014, au motif qu'en soutenant que l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire contestée ne pouvait être prise que sur les biens communs, M. et Mme [E] entendaient remettre en cause l'autorisation judiciaire donnée sur requête, leur demande s'analysant nécessairement en une demande de rétractation de l'ordonnance, peu important que le juge ait statué par une décision qualifiée de jugement. En conséquence, le jugement entrepris est immédiatement exécutoire, son délai d'appel et l'appel lui-même n'ayant pas d'effet suspensif ainsi que précisé par l'article R121-20 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la violation par le juge du principe du contradictoire et la nullité du jugement :
La société VTB BANK reproche au premier juge d'avoir alors qu'il était saisi par M. et Mme [E] de l'interprétation de l'article 33 du Code civil de la Fédération de Russie, cru pouvoir vérifier d'office l'application à la cause de l'article 35 du même code, sans soumettre la question de cette application au débat contradictoire des parties.
Il importe de rappeler que dans le corps de leurs conclusions de première instance M. et Mme [E] ont évoqué les dispositions du code de la famille de la Fédération de Russie et ont versé aux débats la traduction des articles intéressant le débat, y compris celle de l'article 35 dudit code. Toutefois, l'absence de position écrite de la société VTB BANK sur ce point a conduit les parties en appel à prendre position lors de l'audience dû 8 avril 2014 sur la loi applicable au régime matrimonial des époux. La société VTB BANK à laquelle il appartenait de répondre par écrit aux arguments soulevés par les intimés, qui lui avaient été communiqués dès le 31 mars 2014 dans cette procédure sommaire, ne saurait nier l'existence d'un débat oral. La demande d'annulation du jugement entrepris est en conséquence rejetée, ce d'autant que la société appelante a conclu devant la cour de façon détaillée à l'application précisément de la loi russe.
Sur l'incident de révocation de clôture et de rejet des conclusions et pièces tardives, soulevé par la société appelante :
La société VTB BANK a sollicité et obtenu la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 31 mars 2015 et la clôture à nouveau au 8 avril 2015, juste avant l'ouverture des débats à l'audience de plaidoiries du même jour. Elle demande également le rejet des pièces de CERIM et GAZPROMBANK communiquées la veille et le jour de la première ordonnance de clôture, prononcée le 31 mars, qu'elle n'a pu en huit jours traduire, instruire avec son client et auxquelles elle n'a pu apporter réponse utile avant le 8 avril 2015, alors que la société GAZPROMBANK notamment, est présente par son intervention volontaire à la cause depuis le 27 janvier 2015.
Il est constant qu'en l'espèce la société GAZPROMBANK a communiqué tardivement sa pièce n° 17, constituée d'une consultation d'un professeur de droit de 17 pages, privant la société VTB BANK de l'exercice de son droit à la contradiction des débats, lequel est un principe directeur du procès civil en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile et un élément fondamental du droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Il importe de rappeler qu'aux termes de l'article 764 du code de procédure civile 'Les délais fixés dans le calendrier de la mise en état ne peuvent être prorogés qu'en cas de cause grave et dûment justifiée', et que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.
En l'espèce, la clôture a été repoussée à deux reprises, les 27 janvier et 31 mars 2015. Les trois jeux d'écritures de la société GAZPROMBANK ont été régularisés le matin même des trois dates successivement fixées pour la clôture : le 27 janvier 2015 à 8h20, le 3 mars 2015 à 8h07, le 31 mars 2015 à 7 h59. Le dépôt par la société GAZPROMBANK d'une pièce nouvelle importante, consistant en une consultation d'un professeur de droit, la veille de la clôture du 31 mars 2015, alors qu'elle avait obtenu un report de clôture dès le 27 janvier 2015 qui lui aurait permis de produire cette pièce auparavant, doit être sanctionné par le retrait des débats de cette pièce, qui ne sera pas examinée.
Sur l'intervention volontaire de la société GAZPROMBANK :
La société VTB BANK soulève l'irrecevabilité de l'intervention volontaire tardive de la société GAZPROMBANK, en rappelant que l'intervention est aux termes de l'article 330 du code de procédure civile recevable si son auteur a intérêt pour la conservation de ses droits, à soutenir une des parties au litige, et qu'en vertu de l'adage 'nul ne plaide par procureur', une partie ne peut intervenir dans un litige pour soutenir une autre partie si elle n'y a pas directement intérêt.
Il est constant que les droits de la société GAZPROMBANK, autre créancière de M. [E] et auteur d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur le bien commun des époux postérieure en date à celle de la VTB BANK, peuvent être affectés par l'issue du litige opposant les époux [E] et la société VTB BANK. Si l'infirmation ou la confirmation du jugement entrepris n'a pas d'incidence sur les droits de la société GAZPROMBANK, dont la créance demeurera inchangée et dont l'inscription d'hypothèque a été définitivement validée par un autre jugement rendu le même jour que celui déféré, il n'en reste pas moins que la société GAZPROMBANK a intérêt à intervenir pour défendre ses chances de pouvoir exécuter sa créance, en contestant ls droits de la société VTB BANK première inscrite.
En conséquence, l'intervention volontaire de la société GAZPROMBANK ne peut qu'être déclarée recevable.
Sur l'intervention volontaire de la société CERIM TRADING :
Pour justifier son intérêt à intervenir, la société CERIM soutient qu'elle serait propriétaire de l'immeuble objet de l'hypothèque judiciaire provisoire situé à BOUGIVAL- LOUVECIENNES et appartenant aux époux [E].
En l'espèce, alors que la propriété des époux [E] est confirmée par de nombreux éléments juridiques : attestation notariale (pièce 2 des intimés), réponse des Hypothèques à la demande de renseignements des époux(p. n° 3), ordonnance du juge de l'exécution autorisant l'inscription d'hypothèque provisoire sur l'immeuble appartenant à M. [E], dénonciation du bordereau d'hypothèque provisoire, avis de taxe foncière sur la maison de [Localité 1] pour 2012 au nom des époux [E], la société CERIM ne rapporte pas la preuve de sa qualité prétendue de propriétaire de l'immeuble litigieux. Elle expose qu'en vertu d'une décision arbitrale du 29 décembre 2014 de la cour permanente d'arbitrage russe, dont une procédure d'exequatur serait actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de PARIS, cette instance arbitrale aurait constaté que les époux [E] 'auraient plus d'une fois manifesté la volonté de céder leur immeuble à la société CERIM', cessionnaire d'un de leurs anciens prêteurs, la banque DONINVEST ; le 10 janvier 2012, un acte translatif de propriété aurait été conclu entre M. et Mme [E] et la société CERIM TRADING, et le 1er février 2012 les époux [E] auraient signé avec cette intervenante volontaire un contrat de location du bien objet de l'inscription d'hypothèque.
Outre qu'une sentence arbitrale étrangère, non exéquaturée en France, ne saurait constituer un titre valable de propriété d'un immeuble situé en France, la décision arbitrale russe invoquée se limiterait à la fin de l'année 2014 à viser une volonté de transférer le droit de propriété sans pour autant trancher la question de la propriété de l'immeuble, alors que celui-ci aurait été aliéné en janvier 2012.
Dans la mesure où la société CERIM TRADING ne démontre pas être propriétaire de l'immeuble litigieux, elle ne justifie d'aucun intérêt à intervenir ni d'un lien suffisant avec la présente instance. Son intervention volontaire sera donc déclarée irrecevable.
En tout état de cause sur le fond , conformément à l'article 30 1° du décret du 4 janvier 1955, le transfert à CERIM TRADING de la propriété du bien situé à [Adresse 9] serait inopposable à la société VTB BANK puisqu'il n'a pas été régulièrement publié.
Sur le fond :
+Sur la loi matrimoniale régissant les époux [E] :
Par une motivation que la cour adopte en tous ses éléments, le juge de l'exécution a reconnu la soumission du régime matrimonial des époux [E] au droit russe, qui répute les époux mariés sans contrat soumis à un régime matrimonial légal de communauté portant sur les biens acquis pendant le mariage.
Les éléments de preuve fournis devant le juge de l'exécution ont encore été corroborés en appel par le fait que les avis d'imposition sur le revenu nouvellement produits par Mme [E] indiquent qu'entre 2004 et 2008 celle-ci était sans revenus mais employait un salarié à domicile, payé donc par M. [E] sur des revenus non imposables en France, et qu'entre 2010 et 2013 elle a déclaré des revenus enregistrés à la rubrique 'pensions alimentaires', période pendant laquelle M. [E] vivait en Russie, y travaillait en tant que PDG de grandes entreprises, y déclarait ses revenus et pourvoyait à tous les besoins du ménage. Ces nouvelles pièces confirment qu'entre 2004 et 2013 le centre des intérêts patrimoniaux des époux était en Russie. Dans deux actes, notarié et judiciaire, effectués en Russie les 21 avril 2011 et 4 décembre 2012( pièces n° 30 et32 des époux [E]) Mme [E] a réitéré sa déclaration de domiciliation ou'séjour principal' en le fixant en 'Russie, région de [Adresse 10]", adresse confirmée par un courrier du service des Hypothèques russes récent puisque du 20 août 2014.(pièce [E] n° 27)
Il convient de rappeler que dans l'instance en référé devant le premier président de cette cour, les époux [E] ont d'ailleurs reconnu l'applicabilité du droit russe et le défaut de localisation en France de leurs intérêts patrimoniaux.
M. et Mme [E] s'étant mariés sans contrat le 3 mars 1984 devant l'officier de l'état civil de Rostov sur le [Localité 2] en Russie, les dispositions de la convention de [Localité 3] de 1978, non encore entrées en vigueur en 1984, ne leur sont pas applicables.
Pour la détermination de la loi applicable aux époux mariés avant l'entrée en vigueur de cette convention internationale, outre le critère prépondérant du premier domicile matrimonial, la jurisprudence française de droit international privé retient le principe de permanence de la loi applicable au régime matrimonial. Il est certain que la loi applicable au régime matrimonial de tout investisseur étranger ne peut varier au gré de ses acquisitions immobilières hors de son pays.
Il importe de souligner en outre que les époux [E] n'indiquent nullement résider tous deux en France, affirmation qui ne serait au demeurant étayée par aucun justificatif. Seule Mme [E] se prévaut d'avoir fixé sa résidence à BOUGIVAL(78) depuis l'année 2000.
Aucune volonté expresse de rupture avec la loi russe, telle qu'elle pourrait ressortir de l'acquisition d'un statut de réfugié ou d'une naturalisation, ne ressortant des pièces versées aux débats, les intimés M. et Mme [E] ne caractérisent aucune volonté de rupture radicale avec la loi russe, au vu des nombreux critères de rattachement cités parle jugement et ci-dessus rappelés.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a estimé que M. et Mme [E] étaient soumis en ce qui concerne les effets du cautionnement donné par l'un
des époux sur les biens communs aux deux conjoints, à la loi russe.
+Sur le défaut de consentement d'un époux au cautionnement fourni par l'autre :
L'immeuble de [Localité 1] sur lequel la société VTB BANK a inscrit l'hypothèque judiciaire provisoire litigieuse, est un bien commun aux époux [E].
Or, ainsi qu'il ressort du jugement entrepris, Mme [S] n'a pas fourni de consentement au cautionnement souscrit unilatéralement par son époux, sous l'intitulé 'contrat de garantie n°2", le 26 mars 2012 au profit de VTB BANK.
Aux termes de l'article 35 du code de la famille de la Fédération de Russie, '1° la possession, disposition et administration des biens de la communauté s'exerce par consentement mutuel des époux ;
2° losqu'un époux effectue un acte concernant les biens communs, il est présumé agir avec le consentement de l'autre époux. Un acte concernant les biens communs des époux peut être frappé de nullité s'il a été effectué en l'absence de consentement de l'autre époux, mais uniquement sur la demande de ce dernier et seulement dans les cas où il a été prouvé que l'autre partie à la transaction était au courant ou aurait du être au courant du désaccord de l'autre époux de valider ledit acte ;
3° pour effectuer un acte de disposition impliquant la cession de biens immobiliers ou un acte exigeant une authentification notariale et/ou un enregistrement légal, il est obligatoire de produire le consentement écrit et notarié de l'autre époux. L'époux qui n'a pas donné son consentement notarié peut demander au tribunal l'annulation dudit acte dans un délai d'un an à compter du jour où il savait ou en a pris connaissance.'
En droit russe, le cautionnement, de même que l'emprunt, souscrit par un époux engage les biens communs du couple même en l'absence de consentement de l'autre époux. Une interprétation large de l'article 35 2° du code de la famille de la Fédération de Russie permet au conjoint non signataire du contrat de garantie d'agir contre le contrat de cautionnement, considéré comme 'acte concernant les biens communs'. En l'espèce, force est de constater que le premier juge n'a pas tiré de ce texte toutes ses conséquences légales, puisqu'il a considéré l'action en mainlevée d'hypothèque judiciaire provisoire de Mme [E] devant le juge de l'exécution de VERSAILLES comme valant la demande d'annulation de l'acte de cautionnement devant le tribunal russe compétent, offerte au conjoint non garant et non signataire d'un acte de consentement notarié au cautionnement, par l'article 35-2° du Code de la famille de la Fédération de Russie. Il est constant qu'en confondant ces deux actions, le juge de l'exécution s'est contredit puisqu'il ne s'est pas référé au droit russe, dont il avait pourtant justement retenu l'application.
Toutefois c'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il n'était pas établi qu'[G] [E] avait été informée de l'engagement de son époux au profit de VTB BANK, avant la dénonciation de l'acte d'inscription d'hypothèque provisoire litigieux, et que dès lors elle disposait d'un délai d'un an pour solliciter l'annulation du cautionnement devant la juridiction compétente. Il y a lieu de constater que Mme [E], pour démontrer qu'elle avait mis à profit ce délai d'un an à compter du jour où elle avait eu connaissance du cautionnement de son époux, a invoqué en cours d'instance d'appel une 'requête en reconnaissance d'invalidité du contrat de caution' présentée par elle au juge du tribunal de l'arrondissement Vorochilovski de Rostov sur le Don le 4 décembre 2012. Or la pièce n° 32 des époux [E] n'est pas dirigée contre les contrats de garantie des 23 mars 2009 et 26 mars 2012 objets du litige, mais contre le contrat de garantie n° 730000/2008/00103 du 23 octobre 2008 pour un prêt consenti à la société Russlegauto alors que les contrats de garantie litigieux assortissent des prêts consentis par la banque VTB à la société Taganrogsky. Outre que les époux [E] apparaissent avoir cherché à tromper la religion de la cour, il convient de constater que Mme [E] n'a jamais exercé son droit de demander l'annulation a posteriori desdits contrats de garantie.
Sur l'application à la cause de l'article 1415 du code civil français :
Aux termes de l'article 1415 du code civil, 'chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, qui dans ce cas, n'engage pas ses biens propres'.
Ce texte édicte une règle de protection de l'ordre public impérative dans la mesure où sa raison d'être est de protéger le conjoint ainsi que la famille contre des actes dangereux entrepris par l'un des époux sans le consentement de l'autre et susceptibles de produire des effets excessifs sur la vie familiale. Il se rattache ainsi au régime primaire des articles 212 et suivants du code civil, bien qu'il ne soit pas situé formellement au sein du Livre premier du code civil, mais dans son Livre troisième, et peut être qualifié, de même que les règles du régime primaire, de loi de police applicable à l'époux résidant en France, quel que soit son régime matrimonial. La jurisprudence s'est déjà prononcée en faveur de son application à l'époux étranger, mais de façon isolée et limitée, la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 30 juin 1990 appliquant l'article 1415 du code civil à des époux dont le régime matrimonial était régi par une loi étrangère, uniquement en se fondant sur la volonté marquée des époux dans un contexte personnel assez particulier, de rompre avec leur loi matrimoniale d'origine.
C'est pertinemment qu'en l'espèce, le juge de l'exécution a écarté l'application de l'article 1415 du code civil en rappelant explicitement que ce texte n'est applicable aux immeubles situés en France et appartenant à des étrangers, que sous réserve de l'intervention de la loi du régime matrimonial des époux déterminant les effets du mariage, et ne saurait en aucun cas se voir conférer la portée d'un principe autonome de doit international privé qui primerait la loi applicable au régime matrimonial des époux. Outre que le rattachement de l'article 1415 du code civil au 'régime primaire' défini par les articles 212 et suivants du code civil est encore contesté à ce jour, il importe de rappeler qu'en l'espèce, le domicile familial n'est pas établi en France, seule Mme [E] résidant en France avec les deux fils du couple, qui sont largement majeurs. Par ailleurs la loi russe reste conforme à l'ordre public international français, puisqu'elle réserve au conjoint non consentant au cautionnement et engageant les biens communs une action en annulation spécifique, qu'en l'espèce Mme [E] n'a pas choisi d'exercer.
En conséquence, le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a donné mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite par la société VTB BANK sur l'immeuble situé à [Adresse 11]. Il y a lieu de dire la société VTB BANK fondée à inscrire une telle sûreté provisoire sur le bien immeuble commun aux deux intimés.
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :
L'échec à un droit ne saurait dégénérer en abus hors les cas d'intention malicieuse, de légèreté blâmable ou d'erreur grossière équipollente au dol, et la société VTB BANK n'est pas fondée à réclamer une indemnité aux deux intervenantes, et notamment à la société CERIM qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits. Elle verra rejeter ses demandes de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Il apparaît équitable d'allouer à la SA VTB BANK, au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'engager pour voir reconnaître ses droits, une somme de 15.000 €, que les époux [E] seront condamnés à lui verser, in solidum avec les sociétés GAZPROMBANK et CERIM TRADING.
Succombant en leur argumentation et leurs demandes incidentes, les époux [E], et les sociétés GAZPROMBANK et CERIM supporteront les dépens de première instance et d'appel, qui seront répartis entre eux par tiers.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare irrecevable l'intervention de la SA CERIM TRADING ;
0rdonne le retrait des débats du rapport de consultation amiable du Pr [I] produit tardivement par la SA GAZPROMBANK,
INFIRME le jugement rendu le 13 mai 2014 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de VERSAILLES, sauf en ce qu'il a déclaré la loi russe applicable au régime matrimonial des époux [E] ;
Statuant à nouveau,
Déboute M. [E] [F] [E] et Mme [G] [S] épouse [E] de leur demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 6 septembre 2012 sur le bien commun situé à [Adresse 12], cadastré AP5 ;
Rejette le surplus des demandes de la société VTB BANK ainsi que celles de la SA GAZPROMBANK ;
Condamne M. et Mme [E], in solidum avec les sociétés GAZPROMBANK et CERIM TRADING, à verser à la SA VT BANK une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les entiers dépens seront supportés par tiers par chacun des trois intimés, et que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Baptiste AVEL, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,