COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 SEPTEMBRE 2015
R.G. N° 13/03885
AFFAIRE :
[Q] [G]
C/
SOCIETE VERAZ NETWORKS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : 12/00124
Copies exécutoires délivrées à :
la SARL MOREUIL
la SELEURL CAZEAU & ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Q] [G]
SOCIETE VERAZ NETWORKS
le : 25 Septembre 2015
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Q] [G]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
comparant en personne, assisté de Me Laurent MOREUIL de la SARL MOREUIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0317
APPELANT
****************
SOCIETE VERAZ NETWORKS
[Adresse 1]
[Adresse 4]
représentée par Me Nathalie CAZEAU de la SELEURL CAZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0247
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 03 Juin 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC
Par jugement du 5 septembre 2013 le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT (section encadrement) a :
- dit que le licenciement de Monsieur [Q] [G] repose sur une faute grave,
- débouté Monsieur [Q] [G] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Monsieur [Q] [G] à verser à la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS une somme de 5 000 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur [Q] [G] de ses autres demandes,
- condamné Monsieur [Q] [G] aux dépens.
Par déclaration d'appel adressée au greffe le 16 septembre 2013 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [Q] [G] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS lui a unilatéralement supprimé 89 jours de congés payés acquis,
- condamné la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser la somme de 102 852, 14 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- dire que les objectifs fixés pour 2010 en anglais lui sont inopposables,
- condamner en conséquence la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser la somme de 74 064 € à titre de rappel de rémunération variable pour 2010, outre celle de 7 406, 40 € à titre de congés payés afférents,
- dire qu'aucun objectif ne lui a été fixé pour 2011,
- condamner en conséquence la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser la somme de 156 533 € à titre de rappel de rémunération variable pour 2011, outre celle de 15 653€ à titre de congés payés afférents,
- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- à titre principal, condamner la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser les sommes de :
. 376 773,36 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement majorée de 20 %,
. 119 532,24 € outre 11 953, 22 € à titre de congés payés afférents à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir une indemnité compensatrice de préavis de 6 mois,
- à titre subsidiaire , condamner la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser les sommes de :
. 313 977 € à titre d'indemnité de licenciement,
. 59 766,12 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,outre 5 976, 61 € à titre de congés payés sur préavis,
. 67 042 € à titre de rappel de rémunération variable pendant le préavis,
. 46 691,18 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement sur rémunération variable 2010,
. 1 740 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 870 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- en tout état de cause, condamner la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes avec capitalisation,
- condamner la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS aux dépens.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [Q] [G] était bien fondé,
- débouter Monsieur [Q] [G] de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, dire que le licenciement de Monsieur [Q] [G] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- le débouter de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à titre infiniment subsidiaire, dire que Monsieur [Q] [G] ne rapporte pas la preuve du préjudice dont il se prévaut et sur lequel il fonde sa demande de dommages et intérêts ,
- en conséquence le débouter de cette demande
- en tout état de cause, dire Monsieur [Q] [G] mal fondé en toutes ses demandes,
- le débouter en conséquence de toutes ses autres demandes,
- condamner Monsieur [Q] [G] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
LA COUR,
qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que Monsieur [Q] [G] a été engagé à compter du 1er juillet 1992 initialement par contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée en date du 20 janvier 1998 par la S.A.R.L. ECI TELECOM en qualité de 'Director -compression equipment & Régional manager for Africa' ;
qu'à compter du 26 avril 2006, la S.A.R.L. ECI TELECOM a été cédée à la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS qui a repris le contrat de travail de Monsieur [Q] [G] dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS qui exerce dans le domaine des systèmes de télécommunications, réseaux et plate formes médias, dispose d'un effectif de 3 salariés ;
que Monsieur [Q] [G] qui est cadre dirigeant de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS a assumé les fonctions de gérant du 28 mars 2006 au 31 décembre 2008, date à laquelle Madame [A] [P] lui a succédé ;
qu'à compter du 1er janvier 2007, Monsieur [Q] [G] a pris les fonctions de Vice-Président Europe du Sud et de l'Ouest, Moyen- Orient et Afrique régularisé par avenant du 17 janvier 2008 ;
qu'à compter du 1er octobre 2010, la société de droit américain VERAZ NETWORKS Inc. a racheté la société de droit Canadien DIALOGIC Corporation et a changé de nom pour s'appeler DIALOGIC Inc., cette dernière étant l'actionnare unique de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS ;
que le 28 mars 2011, la SEC, la commission américaine des opérations de bourse a notifié au groupe Dialogic Inc. une enquête visant des actes concernant des méthodes inappropriées de comptabilisation des revenus concernant la société VERAZ NETWORKS Inc et ses filiales et sociétés affiliées dont la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS avant la fusion ;
que le 7 avril 2011, Monsieur [R] [O], en sa qualité de Vice-Président exécutif et CAO du groupe Dialogic a adressé à l'ensemble des salariés du groupe incluant Monsieur [Q] [G] un courriel leur demandant de préserver tous documents relatifs d'une part aux sociétés VERAZ avant la fusion et d'autre part tous documents courants Dialogic, e-mails ou communications concernant les sociétés VERAZ avant la fusion, étant précisé que le mot document devait être interprété au sens le plus large possible ;
que le 8 avril 2011, Monsieur [R] [O] écrivait à Monsieur [Q] [G] en lui demandant de n'effacer aucune donnée contenue sur son disque dur, Black berry, Iphone ou tout autre support ;
que des échanges très nombreux d'e-mails entre Monsieur [R] [O] et Monsieur [Q] [G] par l'intermédiaire d'avocats israélien, américain et français se sont succèdés d'avril à fin juillet 2011 ;
que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 juillet 2011, Monsieur [Q] [G] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 5 août 2011 ;
que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS a notifié à Monsieur [Q] [G] son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du10 août 2011 libellée en ces termes :
(...) Suite à la date d'entretien du 5 août dernier auquel vous avez été convoqué, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les raisons suivantes :
En avril 2011, le Vice Président et CAO du Groupe DIALOGIC, a informé par écrit l'ensemble des salariés du Groupe DIALOGIC de ce que la SEC, Autorité américaine en charge du contrôle et de la réglementation des marchés financiers avait initié des investigations en lien avec des accusations de comptabilisation erronée de produits financiers et de violation de la loi américaine sur les actes de corruption à l'étranger «( US Foreign Corrupt Practices Act »). Comme vous le savez, VERAZ FRANCE SARL est une société détenue par DIALOGIC, Inc. (société ayant son siège dans le Delaware), et appartient au Groupe DIALOGIC, incluant la société Dialogic Inc. et l'ensemble de ses filiales directes et indirectes.
Comme il l'était indiqué par le Vice-président et CAO dans cet email, le Groupe DIALOGIC requérait de l'ensemble des salariés des sociétés du Groupe DIALOGIC qu'ils coopèrent pleinement à ces investigations.
En votre qualité de salarié d'une filiale du Groupe Dialogic occupant des fonctions de cadre exécutif de haut niveau, votre collaboration et votre coopération dans le cadre de ces investigations ont été bien entendu sollicitées.
A plusieurs reprises, soit en vous contactant directement soit en s'adressant (à votre demande) à vos avocats en Israël, en France et aux Etats-Unis, le Vice Président et CAO du Groupe DIALOGIC , la Gérante de VERAZ et les Avocats du Groupe DIALOGIC vous ont demandé de consentir à ce que le Comité Interne du Groupe DIALOGIC, formé par le Comité de Direction de Dialogic Inc., et ses Conseils procèdent à la revue des éléments enregistrés dans la mémoire informatique de votre ordinateur professionnel et, plus généralement, de coopérer avec eux en ce qui concerne ces investigations.
Malgré la bonne foi dont la société a fait preuve dans les négociations intervenues avec vous et vos avocats, et l'accord donné par la société pour exclure de cette revue les documents privés concernant vos contentieux familiaux, vous avez refusé de coopérer et de signer le formulaire qui vous était présenté par le Groupe DIALOGIC pour manifester votre accord.
Le 3 juin 2011, après de nombreuses discussions, en particulier avec vos différents avocats, nous vous avons adressé un projet de lettre modifié par rapport aux projets qui "avaient été successivement adressés sous différentes formes, à vous-même et à vos avocats au cours du mois de mai, afin d'obtenir votre accord formalisé sur l'inspection des documents enregistrés dans votre ordinateur, excluant spécifiquement du périmètre de recherche ceux qui portaient la mention « Documents Tribunal Famille », que vous avez désigné comme des documents se référant à votre vie privée.
Nous avions fait tous les efforts envisageables pour nous adapter à toutes les demandes formulées par vous-même et par vos avocats en établissant ce dernier projet de lettre transmis le 3 juin dernier, et tant vous-mêmes que vos avocats avez été alertés, à plusieurs reprises, sur le fait que le Groupe DIALOGIC se devait d'obtenir la signature de ce courrier dans le cadre des investigations S.E.C et nous avions fourni de notre coté tous les efforts nécessaires pour que vous acceptiez de signer cette lettre.
Après plus d'un mois de discussions et de négociation, nous avons donc été très surpris par votre ultime refus de ratifier ce document, refus qui nous a été communiqué par le biais de votre avocat américain le 15juin 2011.
Nous avons immédiatement demandé à votre avocat américain si vous accepteriez toutefois, malgré votre refus de nous fournir un consentement formel et signé préalablement à l'examen des documents ne relevant pas de votre vie privée enregistrés sur votre ordinateur professionnel, de rencontrer les représentants du Groupe DIALOGIC et son Conseil aux fins de discuter de différents points en lien avec les investigations SEC en cours.
Là encore, votre avocat américain nous a informés de votre refus.
Suivant courrier du 1 er juillet 2011, vous rappelant ces circonstances, nous vous avons indiqué que votre refus persistant de coopérer était susceptible de compromettre le bon déroulement des investigations S.E.C en cours, au préjudice du Groupe DIALOGIC, et manifestait une violation de vos obligations en tant que salarié.
Aux termes de ce courrier, nous vous avons donné un délai de 48 heures pour signer le courrier du 3 juin 2011 précité et pour nous proposer une date d'entretien avant le 15 juillet suivant, en présence des représentants de Veraz France SARL, de DIALOGIC Inc.et de son Conseil, au sujet de l'enquête S.E.C.
En réponse, vous vous êtes contenté de soutenir que notre demande d'entretien aurait été contraire aux dispositions légales, sans plus vous expliquer sur ce point, et vous avez prétendu avoir respecté les consignes fournies quant à la conservation des documents enregistrés sur votre ordinateur professionnel, tout en réitérant votre refus de signer le document d'autorisation du 3 juin 2011 qui vous avait été transmis.
Alors même que nous vous avions clairement indiqué que l'entretien pour lequel nous souhaitions votre présence visait à discuter de certains points en lien avec les investigations S.E.C en cours, vous n'avez pas cru bon de nous proposer une date de réunion, comme nous vous l'avions demandé.
La raison pour laquelle nous avions besoin d'échanger avec vous dans le cadre de la procédure d'investigation de la SEC était liée à certains points soulevés par le Groupe DIALOGIC et ses avocats. Ils concernent des problèmes de reconnaissance de chiffre d'affaire et des relations entre le Groupe DIALOGIC et ses clients directs d'une part et agents d'autre part, dans lesquels vous avez été impliqué. Nous avons en effet découvert de nombreux documents et correspondances au cours des investigations dans lesquels vous êtes impliqué qui nécessitent des explications complémentaires ou des commentaires qui sont requis de la part du Groupe DIALOGIC afin de coopérer pleinement dans le cadre de l'enquête SEC.
Cette demande de rendez-vous n'était au demeurant aucunement contraire, comme vous l'avez soutenu, à de quelconques dispositions légales.
Conformément aux obligations générales qui vous incombent en votre qualité de salarié, et au regard du niveau très élevé de vos responsabilités dans l'entreprise, un esprit de coopération et de loyauté des plus élémentaires aurait du vous conduire à nous proposer des dates pour que cet entretien puisse se tenir.
Votre refus de donner la moindre suite à cette demande, manifesté à plusieurs reprises et en dernier lieu dans votre courrier du 7 juillet 2011, pour des motifs non justifiés et aucunement justifiables en l'état de vos réponses, manifeste une violation caractérisée de vos obligations à l'égard de Veraz France SARL et du Groupe DIALOGIC.
Comme nous vous l'avons déjà rappelé, vous vous êtes tenu, aux termes de votre contrat de travail, de vous soumettre aux règles et procédures internes du groupe DIALOGIC.
A cet égard, le Code de conduite et d'Ethique du Groupe DIALOGIC prévoit expressément que les salariés du Groupe DIALOGIC sont tenus de coopérer avec les autorités locales et internationales afin de permettre au groupe DIALOGIC et à ses salariés de se conformer à ses obligations légales, ce qui manifeste une obligation de coopération des plus élémentaires, dans le cadre d'une relation de travail salarié.
Compte tenu de l'importance des investigations menées par la S.E.C, au regard de ses conséquences potentielles pour le groupe DIALOGIC, dont Veraz France SARL fait partie, votre attitude d'opposition systématique aux consignes et aux demandes de coopération qui vous ont été récemment adressées met en cause la bonne marche de l'entreprise et fait peser sur le Groupe DIALOGIC de nombreux risques, incluant la possibilité, pour la SEC, de mener une enquête approfondie, la condamnation à de potentielles amendes, outre le risque de poursuites judiciaires ou de sanctions administratives aux Etats Unis.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Le licenciement notifié par le présent courrier prend donc effet immédiatement à la date du 10 août 2011, sans indemnité de préavis, ni de licenciement ;
Considérant sur les demandes de rappel de salaires sur rémunération variable 2010 et congés payés afférents, que Monsieur [Q] [G] sollicite la perception du bonus maximum à objectifs atteints en raison de l'inopposabilité de ses objectifs et de son plan de rémunération 2010 libellé en langue anglaise ;
que cependant, la règle édictée par l'article L.1321-6 alinéa 3 selon laquelle tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français n'est pas applicable aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers ;
qu'au cas d'espèce, le plan de commissionnement a été envoyé depuis l'étranger dès lors que l'auteur de ce plan est la société VERAZ NETWORKS Inc., société mère de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS qui est domiciliée aux Etats Unis ;
qu'au urplus, le contrat de travail de Monsieur [Q] [G] de nationalité israélienne dont l'article 4 mentionne que ce dernier réside en Israel au moment de sa signature est rédigé en anglais ; que ce dernier est parfaitement bilingue, s'exprime de façon permanente et constante en anglais tel que cela ressort de la lecture des échanges d'e-mails qu'il verse lui- même aux débats ;
qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [Q] [G] à ce titre ;
Considérant, sur les demandes de rappel de salaires sur rémunération variable 2011 et congés payés afférents, qu'aucun plan de commission n'a été signé pour l'année 2011 ; que le plan de commissionnement de l'année 2010 prévoyait expressément qu'il n'était pas reconductible par tacite reconduction ; qu'aucune rémunération variable n'est prévue au contrat de travail de Monsieur [Q] [G] ;
que cependant Monsieur [Q] [G] a signé tous les ans un plan de commission et a perçu une rémunération à ce titre ;
qu'en cas d'absence d'accord entre le salarié et l'employeur sur le montant d'une commission contractuelle, il appartient au juge de fixer le montant de cette rémunération variable en tenant compte des critères visés au contrat ainsi que des accords conclus les années précédentes ;
que Monsieur [Q] [G] verse au dossier le plan de commissionnement 2008 ; que cependant, ce document de langue anglaise dont il n'est pas proposé de traduction ne peut être pris en considération en application de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 qui fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales ;
que le plan de commission 2010 versé en langue française par la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS prévoit que les primes seront acquis et payés et les crédits pour la réalisation des quotas octroyés à condition que tous les événements nécessaires à l'octroi de ces commissions ,primes ou crédits soient réalisés et vous soyez employé par la société à la date où cette commission ou prime est versée ou la réalisation des quotas assurée ;
que Monsieur [Q] [G] sollicite que cette clause de présence soit déclarée inopposable car rédigé en anglais ; que ce moyen a déjà été rejeté ;
que cependant il n'est pas démenti par la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS que la rémunération variable était versée trimestriellement ; que Monsieur [Q] [G] est en droit en conséquence de percevoir la rémunération variable jusqu'à son licenciement ;
que cette somme ne peut être égale à la rémunération variable maximum de l'année 2010 dès lors que Monsieur [Q] [G] a été licencié en août 2011 et qu'il y a lieu de tenir compte des mois non travaillés ; que la cour évalue en conséquence cette rémunération variable à la somme de 46 000 €, outre celle de 4600 € à titre de congés payés afférents ;
que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Considérant sur l'indemnité compensatrice de congés payés, qu'aux termes de l'article L.3141-26 du code du travail lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité de congé auquel il avait droit, il reçoit pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L.3141-22 à L.3141-25 ; que l'indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur ;
qu'il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et non au salarié de prouver qu'il n'a pas pris ses congés ;
qu'au cas d'espèce, l'annexe F du contrat de travail de Monsieur [Q] [G] précise que le salarié aura droit d'accumuler les jours de congés non pris et de les combiner avec ceux enregistrés en sa faveur pendant la période des vacances dans les registres de la société à la condition que le nombre total de jours non utilisés n'excède pas 50 jours ;
que cependant les bulletins de paie de Monsieur [Q] [G] depuis 2007 ont toujours mentionné un contingent de congés payés acquis supérieurs à 50 ; qu'à la cessation de son mandat de gérant le 31 décembre 2008, la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS a audité les bulletins de paie de ce dernier dès lors qu'elle a décidé de ne pas cotiser à l'assurance chômage ; qu'elle a le 16 février 2009 confirmé à Monsieur [Q] [G] qu'il disposait de 105 jours de congés acquis ; que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS ne peut invoquer en conséquence une erreur matérielle ;
qu'en outre, la clause contractuelle limitant à 50 le nombre de congés reportables est sans effet dès lors que l'employeur a depuis de nombreuses années expressément accepté que les congés payés se reportent et se cumulent au delà de 50 jours ;
qu'il s'ensuit que la mention de 139 jours de congés payés acquis sur le bulletin de paie du mois de juin 2011 vaut accord de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS pour le report des congés payés non pris ;
qu'il n'est pas contesté que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS a réglé à Monsieur [Q] [G] l'indemnité de congés payés de 50 jours soit la somme de 91 881, 68 € à l'issue du contrat de travail ;
qu'il convient en conséquence d'allouer à Monsieur [Q] [G] la somme complémentaire de 102 852, 14 € à titre d'indemnité compensatrice des 89 jours de congés payés non pris ;
Considérant, sur le licenciement ,que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que l'article 9-1 du code civil précise que chacun a droit au respect de sa vie privée ;
qu'il s'ensuit que les dossiers et fichiers créés par le salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'entreprise sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir librement accès hors de la présence du salarié sauf pour les fichiers clairement identifiés comme personnels ;
qu'encore faut-il que le salarié n'ait pas identifié ces fichiers et documents comme personnels ou ne les ai pas classés de telle sorte qu'ils puissent être considérés comme tels ;
que si tel est le cas, sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les dits fichiers qu'en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé ;
qu'hors ce cadre, une investigation de l'ordinateur du salarié et notamment des messages personnels émis ou reçus par lui sera assimilée à une violation du secret de la correspondance ;
qu'au cas d'espèce, la lettre de licenciement du 10 août 2011 qui fixe le limites du litige,
reproche à Monsieur [Q] [G] d'avoir refusé de coopérer avec la direction à l'occasion d'un contrôle de la SEC et notamment :
- d'avoir refusé de laisser consulter les documents professionnels contenus dans la mémoire informatique de son ordinateur professionnel
- d'avoir refusé de répondre aux questions des représentants du groupe DIALOGIC et de son conseil sur les investigations de la SEC en cours et notamment sur les problèmes de reconnaissance de chiffre d'affaires et des relations entre le groupe Dialogic et de ses clients d'une part et agents d'autre part dans lesquels le salarié a été impliqué,
- de s'être systématiquement opposé aux consignes et aux demandes de coopération du groupe DIALOGIC dont la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS fait partie ;
que sur la communication des documents professionnels contenus dans la mémoire informatique de son ordinateur professionnel, Monsieur [R] [O] en sa qualité de Vice-Président exécutif et Cao du groupe DIALOGIC a contacté directement par e-mail du 8 avril 2011, Monsieur [Q] [G] , en raison de ses fonctions et de son niveau de responsabilité pour savoir comment ils pouvaient se contacter et à quel endroit leur équipe IT pouvait récupérer les données nécessaires ;
que le 11 avril ce dernier donne son numéro de téléphone pour que Monsieur [R] [O] l'appelle à sa convenance mais ce dernier n'arrive pas à le joindre, laisse des messages, envoie un nouveau message le 13 avril 2011 ; que Monsieur [Q] [G] répond le 13 avril 'Je vous appellerai dans une heure à peu près', puis prétexte un virus qui 'je ne sais pas si c'est le même virus que j'ai eu cette fois mais la dernière fois vers septembre 2010 cela avait complètement détruit mon ordinateur ' ;
qu'un rendez-vous était pris pour le 19 avril 2011 avec les techniciens du groupe ; que cependant, la loi israélienne sur la vie privée s'appliquant en raison de son caractère territorial et de la nationalité de Monsieur [Q] [G], un texte de consentement écrit a été envoyé à ce dernier aux fins de permettre aux consultants d'effectuer les investigations nécessaires en lien avec l'enquête SEC ;
que Monsieur [Q] [G]soumettait à son avocat israélien Maitre [D] lequel était d'après le salarié 'très inquiet concernant les problèmes de violation de la vie privée que la signature de ce formulaire pourrait engendrer'démontrant en conséquence que l'employeur
devait obtenir le consentement du salarié ; qu'il suggérait même que vous vous mettiez en contact direct avec lui ;
qu'un nouveau document corrigé de façon à interdire l'accès aux documents privés afférents à sa vie privée selon les propositions de l'avocat israélien était envoyé le 19 avril à Monsieur [Q] [G] ;
que le 20 avril Monsieur [Q] [G] écrivait de nouveau en indiquant 'j'ai toujours des problèmes concernant le fait que des gens de la société pourront consulter mes documents privés et je ne considère pas que votre document résolve ce problème' ;j'ai parlé à Monsieur [Y] [M] qui est mon avocat en France;
que Monsieur [R] [O] enverra un e-mail à l'avocat en France accompagné d'une copie d'un document encore modifié ; que Monsieur [Q] [G] indiquera 'que rien ne pouvait être fait car mon avocat est en vacances au ski ';
que finalement, Monsieur [Q] [G] renverra un document signé le 23 avril 2011 mais partiel avec réserves dès lors que la fin du dit document est libellé en ces termes ' je comprends et accepte que DIALOGIC et moi-même détermineront rapidement le droit pour DIALOGIC et ses représentants de rechercher, étudier et divulguer certains des documents électroniques toutefois cet accord de ma part viendra séparément et je ne renonce pas aux droits que j'ai au respect de mes données personnelles selon les droits israélien, français ou toute autre loi s'agissant des documents électroniques dont je ne souhaite pas la consultation, sauf pour ceux explicitement énoncés aux termes des présentes ;'
qu'ainsi, Monsieur [Q] [G] consentait à ce que les fichiers professionnels en sa possession soient copiés mais refusait que ces documents dupliqués puissent être utilisés et interdisait en conséquence toute divulgation ou recherche sur les dites données de sorte que DIALOGIC et ses avocats ne pouvaient en prendre connaissance et la SEC ne pouvait procéder à des investigations ;
que le 9 mai 2011, Madame [U] [E], avocate américaine de Monsieur [Q] [G] prenait contact avec Monsieur [R] [O] pour discuter de la rédaction du document mais lui indiquait qu'elle devait prendre le temps de voir son client et qu'aucune réponse ne pourrait être donnée avant deux semaines ;
qu'un nouveau document daté du 3 juin 2011 a été adressé à l'avocat américain de Monsieur [Q] [G] destiné à palier au problème des documents personnels que ce dernier avait enregistrés sur son ordinateur professionnel ;
que le 15 juin 2011, au cours d'une conférence téléphonique avec le conseil de Monsieur [Q] [G], Monsieur [R] [O] et le conseil américain de DIALOGIC, Monsieur [Q] [G] a persisté dans son refus de signer le dit document ;
que ce dernier permettait l'examen par DIALOGIC et la SEC des éléments présents dans l'ordinateur et autres appareils à disposition de Monsieur [Q] [G] à l'exception de documents personnels précisément définis relevant de procédures judiciaires familiales impliquant le salarié et qu'il avait pu stocker sur ces supports ;
que Monsieur [Q] [G] ne peut soutenir utilement que ce document visait à autoriser très largement non seulement le groupe DIALOGIC mais également des tiers à accéder à toutes les données contenues sur son ordinateur et son téléphone portable professionnels et à les communiquer dès lors qu'il n'était demandé au salarié que la possibilité d'utiliser les contenus électroniques professionnels enregistrés sur des supports fournis par l'employeur pour l'exécution par le salarié de ses missions habituelles, de les examiner et de pouvoir ainsi répondre aux investigations de la SEC en date des 25 août , 8 septembre, 3 et 10 novembre 2011 qui visaient nommément Monsieur [Q] [G] ;
que de plus le règlement intérieur de DIALOGIC applicable aux salariés de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS et porté à la connaissance de Monsieur [Q] [G] comporte une exigence renforcée de loyauté de la part des salariés ; que ce dernier devait respecter les consignes de son employeur et obtempérer à ses demandes s'agissant du matériel informatique professionnel d'autant qu'il occupait des fonctions de cadre dirigeant et avait été gérant de la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS au moment des faits, objet de l'enquête ;
que le grief est établi ;
que sur le fait d'avoir refusé de répondre aux questions des représentants du groupe Dialogic et de son conseil sur les investigations de la SEC en cours, il n'est pas contesté que Monsieur [Q] [G] a refusé d'assister à une réunion en présence du conseil en charge de l'enquête de la SEC ;
que ce dernier ne saurait invoquer le droit de ne pas participer à sa propre incrimination et en particulier l'article 6 de la CESDH dès lors que dans les rapports entre un salarié et son employeur elle ne s'applique pas en dehors du cadre d'un procès ;
qu'en outre, l'entretien en question n'était pas un entretien préalable à une éventuelle procédure de licenciement mais doit s'analyser en une réunion de travail qui pouvait permettre à l'employeur de présenter une défense argumentée à la SEC ; que le refus de Monsieur [Q] [G] ne matérialise pas son droit au silence mais son refus de collaborer avec son employeur ;
que ce grief est établi ;
qu'enfin les demandes de DIALOGIC, renouvelées à plusieurs reprises tant à Monsieur [Q] [G] qu'à ses avocats, et accompagnées de rappels concernant la gravité de ses actes de refus relevaient du pouvoir normal d'investigation de l'employeur compte tenu de l'existence de l'enquête SEC dont ce dernier avait parfaitement informé Monsieur [Q] [G] et respectaient la règle de proportionnalité, peu important que cette enquête par la suite ait débouchée sur un non lieu ;
qu'il s'ensuit que le comportement fautif ainsi établi de Monsieur [Q] [G], cadre dirigeant, est suffisamment grave pour être caractérisé de faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
que les demandes de Monsieur [Q] [G] seront rejetées à ce titre et le jugement entrepris confirmé ;
Considérant que la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS qui succombe partiellement doit supporter la charge des dépens d'appel et ne saurait bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que dans un souci d'équité il convient d'écarter l'application de l'article 700 du Code de Procédure civile tant en première instance qu'en appel ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme partiellement le jugement entrepris,
Condamne la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS à verser à Monsieur [Q] [G] les sommes de :
- 102 852, 14 € à titre d'indemnité compensatrice des 89 jours de congés payés non pris,
- 46 000 € au titre de la rémunération variable 2011, outre celle de 4600 € à titre de congés payés afférents,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la S.A.R.L. VERAZ NETWORKS aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, présidente et Madame Christine LECLERC, greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT