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24/09/2015 | FRANCE | N°14/00532

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 24 septembre 2015, 14/00532


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 24 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/00532







AFFAIRE :





[FW] [XV]

...



C/



[HA] [QW]

...









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 12/12324







Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Anne Laure DUMEAU

Me Franck LAFON

Me Christophe DEBRAY

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 24 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/00532

AFFAIRE :

[FW] [XV]

...

C/

[HA] [QW]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 02

N° RG : 12/12324

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Anne Laure DUMEAU

Me Franck LAFON

Me Christophe DEBRAY

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

1/ Monsieur [FW] [XV]

né le [Date naissance 8] 1954 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

2/ Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 18] 1946 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 12]

75009 PARIS

3/ Monsieur [U] [S]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 12] (COLOMBIE)

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 7]

4/ Monsieur [HP], [GV], [PS] [Z]

né le [Date naissance 16] 1963 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 8]

75017 PARIS

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 14000023

Représentant : Me Isabelle GOESTER, Plaidant, avocat substituant Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1665

APPELANTS

****************

1/ Monsieur [HA] [QW]

né le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 28]

[Adresse 10]

[Localité 3]

2/ Madame [GQ] [W] épouse [QW]

née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 26] (ALGERIE)

[Adresse 10]

[Localité 3]

3/ Monsieur [D] [QW], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [GB] [QW], [I] [QW], [GG] [QW] et [XL] [QW]

né le [Date naissance 12] 1965 à [Localité 21]

[Adresse 4]

[Localité 1]

4/ Madame [Q] [G] épouse [QW], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [GB] [QW], [I] [QW], [GG] [QW] et [XL] [QW]

née le [Date naissance 19] 1962 à [Localité 18]

[Adresse 4]

[Localité 1]

5/ Monsieur [R] [QW], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [AU] [QW], [CW] [QW], [HU] [QW],

né le [Date naissance 13] 1967 à [Localité 21]

[Adresse 9]

[Localité 8]

6/ Madame [PD] [HF] épouse [QW], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [AU] [QW], [CW] [QW], [HU] [QW]

née le [Date naissance 14] 1968 à [Localité 17]

[Adresse 9]

[Localité 8]

7/ Madame [ZO] [QW] épouse [QR], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [C] [QR], [YF] [QR], [QH] [QR]

née le [Date naissance 21] 1969 à [Localité 21]

[Adresse 7]

[Localité 3]

8/ Monsieur [K] [QR], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [C] [QR], [YF] [QR], [QH] [QR]

né le [Date naissance 22] 1962 à [Localité 19]

[Adresse 7]

[Localité 3]

9/ Madame [B] [QW] épouse [M], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [HK] [M], [L] [M] et [ZE] [M]

née le [Date naissance 20] 1973 à [Localité 21]

[Adresse 16]

[Localité 3]

10/ Monsieur [FR] [M], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [HK] [M], [L] [M] et [ZE] [M]

né le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 20]

[Adresse 16]

[Localité 3]

11/ Madame [GL] [QW] épouse [Y], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [ZY] [Y], [PX] [Y], [PN] [Y]

née le [Date naissance 15] 1979 à [Localité 21]

[Adresse 13]

[Localité 4]

12/ Monsieur [X] [Y], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [ZY] [Y], [PX] [Y], [PN] [Y]

né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 15]

[Adresse 13]

[Localité 4]

13/ Madame [QC] [QW] épouse [ZJ], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs : [YP] [ZJ] et [T] [ZJ]

née le [Date naissance 7] 1981 à [Localité 21]

[Adresse 14]

[Localité 5]

14/ Monsieur [H] [ZJ], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs : [YP] [ZJ] et [T] [ZJ]

né le [Date naissance 17] 1975 à [Localité 16]

[Adresse 14]

[Localité 5]

INTIMES

Représentant : Me Anne Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628- N° du dossier 41088

Représentant : Me Valérie BURSTOW, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0006

15/ Monsieur [RL] [QW]

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 24]

[Adresse 4]

[Localité 1]

16/ Madame [QM] [QR]

née le [Date naissance 10] 1996 à [Localité 27]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 3]

17/ Monsieur [CR] [QW]

né le [Date naissance 11] 1996 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

18/ Monsieur [YZ] [QW]

né le [Date naissance 9] 1997 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Anne Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628- N° du dossier 41088

Représentant : Me Valérie BURSTOW, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0006

INTERVENANTS VOLONTAIRES, ETANT DEVENUS MAJEURS

Représentant : Me Anne Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628

Représentant : Me Valérie BURSTOW, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0006

19/ ONIAM (OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX), agissant poursuites et diligences de son directeur, Monsieur [N] [OO], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 17]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20140280

Représentant : Me ORANGE, Plaidant, avocat substituant Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0261

ASSIGNE EN APPEL PROVOQUE

20/ CENTRE CHIRURGICAL [1]

[Adresse 5]

[Localité 9]

pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

21/ Compagnie AVIVA

RCS NANTERRE N° B 306 522 665

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 14000060

Représentant : Me Aurélie EUSTACHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0456

INTIMES

22/ CPAM DES YVELINES

[Adresse 15]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140147

INTIMEE

23/ MUTUELLE MIP - RECOURS CONTRE TIERS

[Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE

--------------

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Juin 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON

-------

FAITS ET PROCÉDURE

M. [QW], né le [Date naissance 23] 1938, a été hospitalisé au Centre Chirurgical [1] le 26 janvier 2003 pour une cure de dissection chronique de l'aorte.

Le 29 janvier 2003, le docteur [YU] a pratiqué une intervention chirurgicale consistant en un remplacement prothétique de la crosse de l'aorte avec réimplantation en palette des troncs supra-aortiques.

Les suites opératoires ont été marquées par des complications, des convulsions, une tamponnade et un encombrement bronchique qui ont nécessité deux réintubations trachéales et une ventilation prolongée de plus de 48 heures.

La seconde intubation est intervenue le 6 février 2003 au soir et M. [QW] a été extubé le 7 février 2003 à 12 h.

Le 9 février 2003 au matin, lors de son petit déjeuner, M. [QW] a fait une fausse route à l'origine d'un arrêt cardia-vasculaire par asphyxie aigüe qui a été à l'origine d'une encéphalopathie post-anoxique avec des séquelles neurologiques importantes.

Se plaignant des conditions dans lesquelles il avait été soigné et suivi, M. [QW] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 31 octobre 2008, a ordonné une expertise confiée aux professeurs [A] et [E] qui ont déposé leur rapport le 11 septembre 2009.

Les consorts [QW] (soit M. [QW], son épouse, ses six enfants et leurs vingt deux petits-enfants) ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre le Centre Chirurgical [1], la compagnie Aviva, l'Oniam, la CPAM des Yvelines et la mutuelle MIP aux fins d'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique.

Par jugement avant dire droit du 1er avril 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné un complément d'expertise confié aux professeurs [A] et [E] avec mission de déterminer l'imputabilité de la négligence concernant la prévention du risque de fausse route, l'éventuel partage de responsabilité et de dire si cette négligence pouvait être en lien avec un défaut d'organisation ou de surveillance imputable au Centre Chirurgical [1].

Le professeur [A] était remplacé par ordonnance du 16 mai 2011 par le professeur [YK].

Les consorts [QW] ont ensuite fait assigner les docteurs [XV], [V], [S], [P], [HZ], [J], [O] et [Z] afin de leur voir rendre communes les opérations d'expertise.

Les experts judiciaires ont diligenté leur mission et ont déposé leur rapport le 10 septembre 2012 dont les conclusions sont les suivantes :

- ITT du 9 février 2003 au 12 juin 2007,

- consolidation le 12 juin 2007,

- souffrances endurées 5/7,

- préjudice esthétique 4,5/7,

- préjudice d'agrément important,

- le patient n'a plus d'activité sexuelle,

- M. [QW] a besoin d'une tierce personne active 5 heures par jour et de manière passive le reste du temps du fait du manque d'autonomie.

Le 3 avril 2013, les consorts [QW] se sont désistés à l'encontre des docteurs [P], [J], [HZ] et [O].

Les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] ont sollicité le rejet des demandes des consorts [QW] voire les diminutions des sommes réclamées et subsidiairement, en cas de condamnation, à être garantis par le Centre Chirurgical [1].

Ils ont également conclu à l'organisation d'une nouvelle expertise sur les dispositions réglementaires régissant le rôle, les attributions et les responsabilités propres des différentes catégories de personnel soignant en milieu hospitalier.

Le Centre Chirurgical [1] et la compagnie Aviva ont conclu au débouté des réclamations dirigées à leur encontre et à titre subsidiaire à une perte de chance et à une minoration des sommes réclamées et la garantie des docteurs [XV], [V], [S] et [Z].

Par jugement du 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre considérant que le défaut d'organisation des docteurs [XV], [V], [S] et [Z] et leur défaillance dans la prévention du risque de fausse route, étaient constitutifs de fautes à l'origine exclusive de la fausse route de M. [QW] et que le défaut d'organisation ou de surveillance du Centre Chirurgical [1] dans l'accident n'était pas établi, a :

constaté le désistement des demandeurs de l'instance à l'encontre des docteurs [P], [J], [HZ] et [O],

déclaré recevables les interventions volontaires de M. et Mme [Y], ès qualité de représentants légaux de leur fille [PN], et de M. et Mme [ZJ] en leur qualité de représentants de leurs enfants [YP] et [T],

débouté les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] de leur demande d'expertise complémentaire,

déclaré les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] responsables in solidum des conséquences dommageables résultant de l'accident de fausse route subi par M. [QW] le 9 février 2003,

débouté les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre du Centre Chirurgical [1] et de l'Oniam,

condamné in solidum les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] à régler à M. [QW] la somme de 2.350.456 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux ainsi que la somme de 271.575 euros en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

condamné in solidum les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] à payer les sommes suivantes :

à Mme [QW] née [W], épouse de M. [QW], la somme de 34.115,55 euros en réparation de ses préjudices (préjudices moral, sexuel et frais de déplacement)

à chacun des six enfants de M. [QW], la somme de 8.000 euros en réparation de leur préjudice d'affection,

aux vingt deux petits-enfants de M. [QW], la somme de 2.000 euros en réparation de leur préjudice d'affection.

condamné in solidum les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] à régler à la CPAM des Yvelines la somme de 76.427,65 euros sur le fondement de son action récursoire au titre des dépenses de santé actuelles avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2013,

fixé à la somme capitalisée de 22.032,75 euros les dépenses de santé futures de la CPAM des Yvelines, condamné in solidum les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] à rembourser ces débours, au fur-et-à-mesure de l'engagement des dépenses, sauf à préférer s'en libérer par le versement de leur capital représentatif, et à payer à la CPAM des Yvelines la somme de 1.015 euros,

réservé l'indemnisation des postes de préjudices frais médicaux restés à charge, appareillages, petits matériels, aides techniques, aménagement du domicile et des résidences secondaires, surcoût et aménagement du véhicule,

condamné les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] aux dépens et au paiement à M. [QW] la somme de 2.500 euros, à son épouse celle de 600 euros, à chacun de ses six enfants la somme de 400 euros et à M. [HZ] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des sommes octroyées,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

déclaré la décision commune à la Mutuelle MIP.

S'agissant de M. [QW], les sommes qui lui ont été allouées se décomposent comme suit :

- frais divers, honoraires de médecins conseils : 4.341,00 euros

- tierce personne, sur la base d'un coût horaire de 16 euros pour la tierce personne active et de 11 euros pour la tierce personne passive :

du 15 mai 2003 au 31 décembre 20121.071.612,00 euros

à compter du 1er janvier 2013 et à titre viager

119.068 euros x 10,437 = 1.242.713,00 euros

- déficit fonctionnel temporaire (DFT), 52,1 mois x 750 euros = 39.075,00 euros

- souffrances endurées 5/725.000,00 euros

- déficit fonctionnel permanent (DFP)

65 % à 2.500 euros du point162.500,00 euros

- préjudice esthétique 4,5/715.000,00 euros

- préjudice d'agrément20.000,00 euros

- préjudice sexuel10.000,00 euros

Les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] ont interjeté appel de cette décision à l'encontre des consorts [QW] du Centre Chirurgical [1], de la société Aviva, de la CPAM des Yvelines et de la Mutuelle MIP et, aux termes de conclusions du 27 mai 2015, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- à titre principal :

ordonner une nouvelle mesure d'expertise, confiée à un collège comprenant un chirurgien cardiaque, un ORL, un neurologue, un réanimateur et un neuro-radiologue, cette expertise ayant notamment pour objet de :

déterminer si l'accident survenu le 9 février 2003 a pour fait générateur une difficulté de déglutition, en raison d'une dysfonction laryngée après plusieurs intubations, ou peut-être la conséquence d'accidents vasculaires liés à l'état antérieur,

dire si, compte tenu des antécédents du patient et de son état de santé dans les suites de l'intervention du 29 janvier 2003, des manquements peuvent être retenus à l'encontre d'un professionnel de santé et/ou de l'établissement de soins dans la prise en charge de M. [QW], préciser à ce titre si l'état de ce dernier, avant la survenance de l'accident, nécessitait de procéder à certaines investigations ou de prendre certaines précautions avant la reprise d'une alimentation par voie orale, le cas échéant, dire à qui en incombait la responsabilité,

rappeler le rôle propre des infirmiers exerçant dans un service de réanimation, s'agissant de l'alimentation des patients,

dire si les fautes éventuellement relevées sont à l'origine de tout ou partie de préjudices de M. [QW] ou seulement d'une perte de chance de les éviter, en ce cas, évaluer la nature et l'importance de cette perte de chance, si possible en l'affectant d'un pourcentage,

procéder à une évaluation des préjudices en différenciant les dommages en lien avec l'état antérieur et les suites directes de l'intervention chirurgicale du 29 janvier 2013 ceux pouvant résulter d'un accident vasculaire ou d'autres complications non fautives, ceux qui seraient la conséquence des manquements retenus.

- à titre subsidiaire :

juger qu'ils sont fondés à demander le rejet des réclamations formulées à leur égard émanant tant des consorts [QW], que de la CPAM des Yvelines, du Centre Chirurgical [1], de la compagnie Aviva, de l'Oniam et, le cas échéant, de la Mutuelle MIP,

en tant que de besoin, juger qu'ils sont fondés à être relevés et garantis par le Centre Chirurgical [1] de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, en raison tant de la perte d'une partie du dossier médical que des fautes commises par le personnel salarié dans le cadre de son 'rôle propre' et en l'absence d'établissement d'un protocole de soins infirmiers dans le service de réanimation.

- à titre plus subsidiaire, si la cour devait relever une participation causale fautive des médecins dans l'absence d'établissement d'un protocole de soins infirmiers, ayant pu concourir au dommage :

juger qu'ils seraient fondés à être relevés et garantis par le Centre Chirurgical [1] à hauteur de 80 % des condamnations prononcées,

juger que le préjudice consiste en une perte de chance ne pouvant excéder 80 % d'éviter les dommages résultant de l'accident qui s'est produit le 9 février 2003, exclusion faite des atteintes neurologiques déjà observées avant cette date et relevant par conséquent de l'état antérieur,

juger que l'indemnité réparatrice au titre du poste tierce personne, avant application du taux de perte de chance, ne saurait excéder du 13 mai 2003 au 15 avril 2014 la somme de 295.190 euros et, pour le futur, une rente trimestrielle de 7.000 euros payable à terme échu,

pour le surplus, confirmer les évaluations des autres préjudices et y appliquer, de même qu'à la créance de la CPAM des Yvelines, le pourcentage de perte de chance retenu et débouter les consorts [QW] et la CPAM des Yvelines de leurs demandes autres ou plus amples,

subsidiairement encore, et si la cour estimait devoir, au titre du poste tierce personne, accueillir la demande de versement d'un capital, faire application du barème issu de l'arrêté du 11 février 2015, établi sur la base des tables de mortalités de l'INSEE 2006-2008 et d'un taux d'intérêt de 1,97 %.

- En tout état de cause, condamner toutes parties succombantes aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 15 mai 2015, les consorts [QW], prient la cour de :

donner acte à [RL] [QW], [CR] [QW], [QM] [QR] et [YZ] [QW], désormais majeurs, de leurs interventions volontaires et de la reprise à leurs noms de la procédure ouverte par leurs parents respectifs, ès qualités,

juger les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] mal fondés en leur appel et les en débouter,

réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau :

dire que le défaut d'organisation des réanimateurs, les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] et leur défaillance dans la prévention du risque de fausse route qui s'est réalisé, sont constitutifs de fautes qui sont à l'origine de la fausse route de M. [QW] et du préjudice qui s'en est suivi et engagent leur responsabilité en application de l'article L 1142-1 du code de la santé publique,

juger que la responsabilité du Centre Chirurgical [1], assuré auprès de la compagnie Aviva, est engagée pour faute en application de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique,

condamner les docteurs [XV], [V], [S] et [Z], le Centre Chirurgical [1] et la compagnie Aviva, in solidum ou les uns à défaut des autres à indemniser l'entier préjudice subi par M. [QW] et ses proches,

à titre très subsidiaire, juger que M. [QW] a été victime d'un accident médical et condamner l'Oniam à les indemniser de leur entier préjudice en application de l'article L 1142-1 précité,

en tout état de cause, condamner les docteurs [XV], [V], [S] et [Z], le Centre Chirurgical [1] et la compagnie Aviva, in solidum ou les uns à défaut des autres ou à titre très subsidiaire l'Oniam, à payer les sommes suivantes :

à M. [QW] :

* DSA

- débours de la CPAM des Yvelines 76.427,65 euros

- débours de la mutuelle MIPmémoire

- à charge de la victimeréserves

* DSF, prévues par la CPAM des Yvelines 22.032,75 euros

* frais divers, honoraires de médecins conseils4.341,00 euros

* appareillages, petits matériels, aides techniques, aménagement du domicile et des résidences secondaires, surcoût et aménagement du véhiculeréserves

* tierce personne : sur un coût horaire de 20 euros tant pour la tierce personne active que passive du 15 mai 2003 au 31 décembre 20142.254.400,00 euros

à compter du 1er janvier 2015 et à titre viager au regard du barème de capitalisation publié à la Gazette du Paris le 28 mars 2013 au taux de 1,20 % 197.760 euros par an x 9,124 =1.822.160,64 euros

subsidiairement, au regard du barème publié à la même date mais au taux de 2,35 % : 197.760 euros x 8,522 = 1.685.310,72 euros

* déficit fonctionnel temporaire (DFT), 52,1 mois x 750 euros = 39.075,00 euros

* souffrances endurées 5/725.000,00 euros

* déficit fonctionnel permanent (DFP), 65 % à 2.500 euros du

point 162.500,00 euros

* préjudice esthétique 4,5/715.000,00 euros

* préjudice d'agrément20.000,00 euros

* préjudice sexuel10.000,00 euros

* indemnité article 700 du code de procédure civile première instance : 2.500 euros, et en appel 5.000,00 euros

à Mme [GQ] [QW], épouse de M. [QW] :

- préjudice moral22.000,00 euros

- préjudice sexuel10.000,00 euros

- frais de déplacement2.115,55 euros

- indemnité article 700 du code de procédure civile

première instance600,00 euros

en appel800,00 euros

aux enfants de M. [QW] :

- en réparation de leur préjudice d'affection, à chacun d'eux 8.000,00 euros

- indemnité article 700 du code de procédure civile

première instance200,00 euros

en appel200,00 euros

aux petits-enfants de M. [QW] :

- en réparation de leur préjudice d'affection à chacun d'eux2.000,00 euros

- indemnité article 700 du code de procédure civile

première instance200,00 euros

en appel200,00 euros

- réserver l'indemnisation des postes de préjudices frais médicaux restés à charge, appareillages, petits matériels, aides techniques, aménagement du domicile et des résidences secondaires, surcoût et aménagement du véhicule,

- condamner les docteurs [XV], [V], [S] et [Z], le Centre Chirurgical [1] et la compagnie Aviva, in solidum ou les uns à défaut des autres ou et à titre très subsidiaire l'Oniam, aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct,

- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent arrêt, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier le montant des sommes retenues par l'huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par les défendeurs en sus de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les docteurs [XV], [V], [S] et [Z], le Centre Chirurgical [1], la compagnie Aviva et l'Oniam de toutes leurs conclusions dirigées contre eux et de leurs demandes d'expertise,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Yvelines et à la Mutuelle MIP.

Dans des écritures du 1er octobre 2014, le Centre Chirurgical [1] et la société Aviva demandent à la cour de déclarer les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] irrecevables en leur appel et en tout cas mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, de les en débouter, et de :

- A titre principal :

débouter les appelants de leur demande d'expertise sur le rôle de l'infirmier,

constater qu'ils s'en remettent à justice sur le mérite d'une nouvelle expertise s'agissant de l'origine et du mécanisme précis de survenue de l'accident du 9 février 2003,

juger irrecevable l'action en garantie fondée sur la perte d'un dossier médical, s'agissant d'une demande nouvelle en appel et, en tout état de cause, la juger infondée

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre,

débouter les consorts [QW], les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre eux.

- A titre subsidiaire :

dire, dans l'hypothèse d'une condamnation solidaire des défendeurs que les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] seront tenus de les garantir à 90 % des condamnations qui pourraient être mises à leur charge,

confirmer le jugement en ce qu'il a distingué les heures d'aide active des heures d'aide passive pour la détermination du coût de la tierce personne,

réformer le jugement pour le surplus s'agissant de l'indemnisation de la tierce personne et dire que pour la période jusqu'au 31 décembre 2013, elle ne saurait excéder un montant de 971.616 euros et qu'à compter du 1er janvier 2014 le montant annuel de cette indemnisation ne saurait dépasser 94.900 euros, et sera réglée sous forme de rente viagère, payée chaque trimestre à terme échu et dont le paiement sera suspendu en cas d'hospitalisation supérieure à 30 jours,

juger qu'en cas de capitalisation de la tierce personne pour le futur à compter du 1er janvier 2014, le barème appliqué sera celui publié par la Gazette du Palais en 2004,

débouter la CPAM des Yvelines de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

ramener à de plus justes proportions les réclamations formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- En tout état de cause :

débouter tous contestants de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

condamner les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct et les condamner à leur verser au titre des frais irrépétibles la somme de 4 000 euros.

Par conclusions du 16 juillet 2014, l'Oniam prie la cour de :

juger mal fondés les consorts [QW] en leur appel provoqué à son encontre et les débouter de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre lui,

débouter les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] de leur demande d'expertise,

confirmer le jugement entrepris,

juger que des fautes sont à l'origine du préjudice de M. [QW] et qu'elles engagent la responsabilité de leurs auteurs,

juger que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies,

débouter tant M. [QW] que les membres de sa famille, victimes indirectes, de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre et ordonner sa mise hors de cause,

condamner in solidum les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] ou à défaut les consorts [QW] à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros et à supporter les entiers dépens avec faculté de recouvrement direct.

Dans des conclusions du 13 juin 2014, la CPAM des Yvelines demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris,

juger qu'elle a droit au remboursement de sa créance sur l'indemnité mise à la charge du tiers réparant l'intégrité physique de la victime,

dire que son recours devra s'exercer poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices pris en charge par ses soins, à savoir : les frais d'hospitalisation, les frais médicaux et pharmaceutiques, d'appareillage à imputer sur les postes DSA et DSF,

condamner in solidum les docteurs [XV], [V], [S], [Z], le Centre Chirurgical [1] et la société Aviva à lui payer la somme globale de 98.460,40 euros correspondant aux prestations en nature suivantes :

frais d'hospitalisation :

du 9 février 2003 au 15 mai 2003 : 35.120,84 euros

du 15 mai 2003 au 14 novembre 2003 : 26.083,50 euros

frais pharmaceutiques du 22 juin 2006 au 21 septembre 2009 : 3.407,30 euros,

frais médicaux du 28 juin 2006 au 14 septembre 2009 : 10.279,75 euros

appareillage du 17 novembre 2006 au 11 mai 2009 : 1.536,26 euros

frais futurs : 22.032,75 euros

juger que cette somme portera intérêts à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

ajoutant au jugement entrepris :

ordonner la capitalisation des intérêts sur les condamnations prononcées,

condamner in solidum les docteurs [XV], [V], [S], [Z], le Centre Chirurgical [1] et la société Aviva à lui payer la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 1.028 euros à titre d'indemnité de recouvrement conformément à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

condamner la partie succombante aux dépens avec recouvrement direct.

Assignée le 4 mars 2014 à personne, la Mutuelle MIP n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de leur argumentaire, dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mai 2015.

SUR CE,

- Sur la procédure

Le Centre Chirurgical [1] et la société Aviva sollicitent de la cour qu'elle déclare irrecevable l'appel de MM. [XV], [V], [S] et [Z] sans fournir le moindre argument au soutien de cette prétention, étant observé au surplus que les questions relatives à l'irrecevabilité de l'appel relèvent de la compétence du conseiller de la mise en état.

Ils seront donc déboutés de cette demande.

Il convient de constater que désormais, les nommés [RL] [QW], [CR] [QW], [QM] [QR] et [YZ] [QW] interviennent volontairement dans l'instance pour être devenus majeurs au cours de celle-ci.

- Sur le fond

- Sur la responsabilité

Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable la demande de garantie formée par les appelants à l'encontre du Centre Chirurgical [1] au motif qu'elle serait en partie fondée sur la perte du dossier médical de M. [QW], le seul fait que ce moyen nouveau ait été développé en appel, au soutien d'une demande de garantie qui avait déjà été formée en première instance, ne constituant nullement une cause d'irrecevabilité aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Les appelants entendent pour l'essentiel se prévaloir d'un rapport établi le 19 février 2014 par le docteur [PI], anesthésiste réanimateur et expert judiciaire, aux termes duquel il suggère que M. [QW] souffrait de complications neurologiques, sans doute caractérisées par une atteinte des structures du tronc cérébral, que le compte-rendu de la fibroscopie réalisée le 6 février 2008 par un pneumologue (et non un ORL), qui constatait une 'mobilité médiocre des cordes vocales un peu figées en position intermédiaire' ne caractérisait pas nécessairement un risque de fausse route, que seuls les patients ayant, en moyenne, subi plus d'une vingtaine de jours d'intubation sont véritablement exposés à un risque de fausse route, alors que M. [QW] n'a été intubé que durant environ 7 jours au total, et que d'ailleurs, ayant pu ingérer sans problème, dans la nuit précédant l'accident 7 comprimés de cordarone, avec de l'eau, ceci constituait un excellent test de ses facultés de déglutition. Le docteur [PI] évoque l'hypothèse d'un accident vasculaire ischémique compte tenu des antécédents et symptômes présentés avant l'accident et n'exclut pas la possibilité d'une crise convulsive génératrice d'une complication d'étouffement, traduisant une hypoxie profonde qui précède l'arrêt cardiaque.

Il reproche aux experts désignés de s'être cantonnés à un défaut d'organisation imputable aux médecins, considérant que les documents perdus par la clinique auraient pu prouver qu'aucune reprise de la ré-alimentation n'avait été prescrite et qu'elle avait été une initiative du corps infirmier, ce qui entre dans son domaine de compétence propre.

En conséquence, les appelants exposent que si l'accident est certes concomitant de l'absorption d'un morceau de croissant, le docteur [PI] estime qu'il existe beaucoup d'arguments permettant d'évoquer d'autres causes qu'une fausse route par troubles de la déglutition après extubation de la trachée, ce qui justifierait que soit ordonnée une nouvelle mesure d'expertise.

Il convient de rappeler que si la première expertise judiciaire a été diligentée par les docteurs [A] et [E], la seconde a été réalisée par les docteurs [E], [YK] (anesthésiste réanimateur) et [V] (cardiologue), de sorte que la critique des appelants selon laquelle la seconde expertise ne serait que la reprise de la première, les experts ne pouvant se contredire, est infondée, seul le docteur [E] (chef du service de rééducation neurologique de l'hôpital [2] à [Localité 14]) ayant participé aux deux missions.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de 2012 que les critiques développées par le docteur [PI] ont en réalité déjà été examinées par les experts qui y ont apporté des réponses argumentées.

S'agissant de l'éventualité d'une pathologie à l'origine de l'arrêt cardiaque, ils ont indiqué que le déficit présenté par M. [QW] ne correspondait pas à une séquelle d'AVC ischémique classique secondaire à une obstruction artérielle (page 11 du rapport).

Ils se sont également penchés sur la question de savoir si la prise de cordarone par voie orale constituait un test de la capacité de déglutition. S'ils émettent un doute sur le fait que cette médication ait bien été administrée par voie orale, ils indiquent que même si tel a été le cas, cette prise de comprimés ne remplace pas le test de déglutition qui consiste, d'après la description du docteur [XV] à tester les liquides le premier jour, des aliments semi-solides le second jour et ce sous contrôle médical. Il en résulte que cette administration de comprimés ne constitue pas un test fiable de déglutition autorisant l'alimentation avec un croissant dès le 9 février 2003.

Enfin, il a été indiqué par le médecin réanimateur qui est intervenu auprès de M. [QW] qu'il avait lui-même retiré le morceau de croissant à l'origine de la fausse route.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est établi que l'arrêt cardiaque de M. [QW] a été provoqué par la fausse route dont il a été victime, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle expertise.

Le docteur [XV] a confirmé devant les experts qu'aucun protocole explicite n'existait sur les conditions de réalimentation d'un patient récemment extubé, protocole qui a été mis en place après l'accident dont a été victime M. [QW]. Il a même indiqué que 'pour les médecins il n'est pas habituel de vérifier systématiquement s'il y a un trouble de la déglutition' et que la prescription médicale (en toute hypothèse égarée pour la période concernée) pouvait très bien ne pas avoir été explicite sur la question de la réalimentation.

Le 'référentiel de compétences de l'infirmière de réanimation' versé aux débats révèle que le corps infirmier doit connaître les difficultés et les risques de la réalimentation orale après sevrage de la ventilation mécanique, qu'il est capable pour accompagner, surveiller et détecter les complications de la réalimentation orale dans ce cas et qu'il a les compétences pour accompagner le patient atteint d'une lésion neurologique et/ou laryngée lors de la reprise de l'alimentation orale, en détectant les éventuels troubles de déglutition. Il en résulte que c'est bien aux médecins qu'il appartient de prescrire la réalimentation par voie orale et, en fonction de l'existence ou non de lésions particulières, de prévoir un accompagnement particulièrement vigilant du patient à cette occasion.

Il convient de rappeler qu'aucune pièce retraçant les prescriptions médicales n'a été retrouvée s'agissant du suivi de M. [QW] entre le 7 et le 9 février 2003, de sorte qu'il ne peut être considéré que des instructions particulières avaient été données par les appelants au corps infirmier s'agissant des conditions de la reprise de l'alimentation, sachant qu'une telle décision relève de la responsabilité des médecins et non de celle des infirmiers, point qui n'a d'ailleurs pas été discuté par les appelants lors des opérations d'expertise, ceux-ci n'ayant alors absolument pas incriminé les infirmiers et les aides-soignants.

En tout état de cause, les recommandations précitées qui n'ont été publiées qu'en 2011 ne s'appliquaient pas au cas d'espèce qui s'est déroulé 8 années auparavant

Les experts ont encore observé que la nasofibroscopie du 6 février 2003 avait informé les médecins réanimateurs de l'existence de lésions laryngées, et que ces anomalies associées à l'état neurologique du patient devaient faire craindre des troubles de la déglutition sans qu'un nouveau contrôle par nasofibroscopie soit indispensable, les précautions consistant de toute façon à pratiquer un test de déglutition sous contrôle médical.

Ainsi que les experts judiciaires l'ont indiqué, la prévention du risque de fausse route chez M. [QW] relevait de la compétence exclusive du corps médical. Ce dernier est en effet seul compétent pour analyser les examens pratiqués, évaluer les conséquences des différents gestes intervenus (intubation prolongée ...) et, en conséquence, les risques encourus par le patient dans le cadre de la réanimation, ce qui conduit à écarter tout lien de causalité entre un défaut d'organisation de la clinique (incluant la 'perte' de partie du dossier médical de M. [QW]) ou un défaut de surveillance imputable à son personnel (infirmiers ou aides-soignants) et la fausse route subie par M. [QW], ainsi que l'a jugé le tribunal.

C'est précisément parce que M. [QW] n'a pas été diagnostiqué comme un patient présentant un risque important de fausse route et qu'il n'existait en outre pas de protocole clair sur la reprise de l'alimentation des patients en réanimation que l'accident s'est produit.

Les appelants sont donc mal fondés à solliciter la garantie du Centre Chirurgical [1] dont la faute n'est pas démontrée.

Ils indiquent que leur responsabilité ne peut être collective, chacun exerçant son art en toute indépendance et répondant, seul, de ses actes, qu'il est donc anormal que le tribunal ait retenu leur responsabilité exclusive et solidaire sans qu'il soit établi qu'ils aient les uns ou les autres personnellement pris en charge M. [QW] le jour de l'accident.

Or, les observations manuscrites du docteur [S] apparaissent sur le cahier d'observations médicales à la date du 7 février 2003, jour où M. [QW] a été extubé, les docteurs [V] et [Z] n'ont jamais contesté avoir pris en charge M. [QW], et, en tout état de cause, le docteur [XV], qui représentait ses trois confrères lors des opérations d'expertise, n'a jamais remis en cause le principe de leur mise en cause en tant que responsables du service de réanimation, chargés en cette qualité, d'organiser le service et les modalités de prise en charge des patients, s'agissant notamment des conditions de la reprise de l'alimentation.

Dans ces conditions, il était fondé de les condamner in solidum à réparer les conséquences dommageables de la fausse route subie par M. [QW].

Enfin, les appelants soutiennent que le préjudice ne pourrait consister qu'en une perte de chance ne pouvant être supérieure à 80 % dès lors que M. [QW] pouvait faire une fausse route même en cas de test préalable à la déglutition.

La reprise progressive de l'alimentation a précisément pour objectif de vérifier la capacité de déglutir du patient avec des boissons et aliments en petite quantité de manière à limiter les conséquences d'une fausse route éventuelle.

En conséquence, il ne peut être soutenu que la prise d'un croissant, sans test préalable, n'a pas constitué une prise de risques indéniable au regard de l'état général du patient.

En conséquence, l'absence totale de contrôle de la réalimentation de M. [QW] et l'administration d'aliments particulièrement inadaptés ne permettent pas d'analyser le préjudice subi par M. [QW] comme une simple perte de chance de ne pas être victime d'une fausse route.

Le jugement sera donc confirmé en ce que les médecins ont été déclarés seuls responsables in solidum du préjudice subi par les consorts [QW].

- Sur l'évaluation du préjudice de M. [QW]

Les dispositions du jugement du 19 décembre 2013 relatives à la fixation du préjudice corporel de M. [QW] ne sont critiquées par ce dernier et les docteurs [XV], [V], [S] et [Z] et la compagnie Aviva qu'en ce qui concerne la tierce personne avant et après consolidation.

Les experts judiciaires, dans leur rapport du 10 septembre 2012, ont retenu la nécessité pour M. [QW] d'une tierce personne active 5 heures par jour et de manière passive le reste du temps du fait du manque d'autonomie, lequel est directement consécutif à la fausse route dont il a été victime.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants au principal, le recours à une tierce personne passive apparaît indispensable compte tenu de l'état de santé de la victime et ce rôle ne saurait en aucun cas être assuré par l'épouse née en 1940 et âgée actuellement de 75 ans. En outre l'indemnisation de ce poste de préjudice ne peut être minorée au motif que l'assistance nécessaire est apportée par un membre de l'entourage.

L'indemnisation de la tierce personne doit être effectuée sur la base des horaires retenus par les experts judiciaires et mentionnée ci-dessus.

Le coût horaire doit être adapté non seulement dans le temps mais également au caractère actif et passif de l'intervention sans nécessité cependant de qualification particulière.

* pour la période du 13 mai au 11 juillet 2003 :

M. [QW] a séjourné à son domicile seulement les fins de semaine du vendredi 17 h au lundi 9 h, et ce, pendant 8 semaines ce qui représente :

15 h de tierce personne active (2 heures 30 le vendredi soir et le lundi matin et 5 heures chaque samedi et dimanche)

49 heures de tierce personne passive (4 heures 30 le vendredi, 6 heures 30 le lundi, 19 heures chaque samedi et dimanche).

En considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 13 euros et passive de 10 euros, il convient d'allouer la somme suivante : (15 heures x 13 euros + 49 heures x 10 euros) x 8 fins de semaine = 5.480 euros.

* pour la période du 11 au 28 juillet 2003, soit 18 jours :

S'agissant de vacances passées en familles, chaque jour a nécessité 5 heures de tierce personne active et 19 heures de passive.

En considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 13 euros et passive de 10 euros, il convient d'allouer la somme suivante : (5 heures x 13 euros + 19 heures x 10 euros) x 18 jours = 4.590 euros

* pour la période du 29 juillet au 14 novembre 2003, soit 15 semaines et non 16 semaines dont à déduire 4 jours d'hospitalisation :

M. [QW] était sous le régime de l'hospitalisation de jour soit pendant 5 jours de 9 h à 17 h et la tierce personne était pour chacun de ces 5 jours de 3 heures à titre actif et de 13 heures à titre passif et pendant les fins de semaine de 5 heures à titre actif et de 19 heures à titre passif ce qui représente :

à titre actif :

25 heures x 15 semaines - 12 heures pendant l'hospitalisation, soit 363 heures

à titre passif :

103 heures x 15 semaines - 42 heures pendant l'hospitalisation, soit 1.503 heures

ce qui correspond en considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 13 euros et passive de 10 euros à une indemnisation de : (363 heures x 13 euros) + (1503 heures x 10 euros) = 19.749 euros

* pour la période du 14 novembre au 31 décembre 2003, soit 47 jours :

Une indemnisation doit être allouée à raison de 5 heures de tierce personne active et 19 heures de passive et en considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 13 euros et passive de 10 euros, soit

(5 heures x 13 euros + 19 heures x 10 euros) x 47 jours = 11.985 euros

* pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2014, soit 11 années de 365 jours :

Aucune justification n'étant produite sur l'emploi d'un tiers une indemnisation doit être allouée à raison de 5 heures de tierce personne active et 19 heures de passive par jour et en considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 15 euros et passive de 11 euros, ce qui représente : (5 heures x 15 euros + 19 heures x 11 euros) x 365 jours x 11 ans = 1.140.260 euros.

* à partir du 1er janvier 2015 et à titre viager :

Une indemnisation doit être allouée à raison de 5 heures de tierce personne active et 19 heures de passive par jour pendant 400 jours pour tenir compte des congés payés pouvant être exposés en cas de recours à un employé et en considération d'un coût horaire de la tierce personne active de 16 euros et passive de 12 euros, ce qui représente une somme annuelle de (5 heures x 16 euros + 19 heures x 12 euros ) x 400 jours = 123.200 euros.

Dans l'intérêt même de la victime et pour lui garantir des ressources mensuelles régulières, il convient de prévoir l'indemnisation de la tierce personne à compter du 1er janvier 2015 sous la forme d'une rente annuelle de 123.200 euros, payable à compter du 1er janvier 2015 par fraction trimestrielle à terme échu le 1er du mois concerné avec indexation à compter du 1er janvier 2015, la dite rente devant être suspendue, comme sollicité par la compagnie Aviva, en cas d'hospitalisation supérieure à 30 jours.

Outre la rente annuelle prévue à compter du 1er janvier 2015, il revient à M. [QW] pour les périodes antérieures, au titre de la tierce personne, les sommes suivantes :

- du 13 mai au 11 juillet 2003 : 5.480,00 euros

- du 11 juillet au 28 juillet 2003 : 4.590,00 euros

- du 28 juillet au 14 novembre 2013 : 19.749,00 euros

- du 14 novembre au 31 décembre 2003 : 11.985,00 euros

- du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2014 : 1.140.260,00 euros

soit au total la somme de :1.182.064,00 euros

Cette somme, ainsi que la rente annuelle, seront mises à la charge de MM. [XV], [V], [S] et [Z], in solidum.

Aucune demande de réformation ne vise les indemnités allouées tant à l'épouse de M. [QW], qu'à ses enfants et petits-enfants.

La demande des consorts [QW] tendant, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le présent arrêt, à faire supporter aux appelants le coût de l'exécution forcée à réaliser par l'intermédiaire d'un huissier apparaît prématurée et sera rejetée.

- Sur les sommes allouées en première instance à la CPAM des Yvelines

Les parties ne formulent aucune critique à l'encontre des dispositions du jugement entrepris relatives aux condamnations en principal dont a bénéficié en première instance la CPAM des Yvelines.

Les sommes ainsi allouées porteront intérêts au taux légal, comme sollicité, à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement.

La demande de capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, doit être accueillie.

Il doit être alloué à la CPAM des Yvelines en cause d'appel la somme de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement en sus de celle allouée de 1.015 euros en première instance.

- Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Succombant en appel, MM. [XV], [V], [S] et [Z] seront condamnés aux dépens y afférents.

Il n'y a pas lieu d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnisation au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

L'arrêt sera déclaré commun à la Mutuelle MIP.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Constate l'intervention volontaire des nommés [RL] [QW], [CR] [QW], [QM] [QR] et [YZ] [QW] dans l'instance,

Déboute le Centre Chirurgical [1] et la société Aviva de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel de MM. [XV], [V], [S] et [Z].

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à l'indemnisation de la tierce personne destinée à M. [QW],

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

Condamne in solidum MM. [XV], [V], [S] et [Z] à payer à M. [QW] la somme de 1.182.064 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne du 13 mai 2003 au 31 décembre 2014,

Dit qu'à compter du 1er janvier 2015 et à titre viager, M. [QW] bénéficiera d'une rente annuelle de 123.200 euros payable à compter du 1er janvier 2015 par fraction trimestrielle à terme échu le 1er du mois concerné avec indexation à compter du 1er janvier 2015, la dite rente devant être suspendue en cas d'hospitalisation supérieure à 30 jours,

Condamne en conséquence in solidum MM. [XV], [V], [S] et [Z] au paiement de ladite rente,

Dit que les sommes allouées à la CPAM des Yvelines par le jugement entrepris produiront intérêts au taux légal à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

Ordonne la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Condamne in solidum MM. [XV], [V], [S] et [Z] à verser à la CPAM des Yvelines en cause d'appel la somme de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

Déboute les consorts [QW] de leur demande relative aux frais d'exécution forcée de la présente décision,

Condamne in solidum MM. [XV], [V], [S] et [Z] aux dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare l'arrêt commun à la Mutuelle MIP.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00532
Date de la décision : 24/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°14/00532 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-24;14.00532 ?
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