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24/09/2015 | FRANCE | N°14/03381

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 24 septembre 2015, 14/03381


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/03381



AFFAIRE :



UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE - [K] [U]



C/



[Q] [W]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section

: Activités diverses

N° RG : 13/01069





Copies exécutoires délivrées à :



la AARPI A.S.B Avocats







Copies certifiées conformes délivrées à :



UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE D'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/03381

AFFAIRE :

UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE - [K] [U]

C/

[Q] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Activités diverses

N° RG : 13/01069

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI A.S.B Avocats

Copies certifiées conformes délivrées à :

UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE, [K] [U]

[Q] [W]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Adresse 4]

Représentée par Me Clarence SAUTERON de l'AARPI A.S.B Avocats, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C1311)

Monsieur [K] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant en personne, assisté de Me Clarence SAUTERON de l'AARPI A.S.B Avocats, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C1311)

APPELANTS

****************

Madame [Q] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en personne, assistée de Madame Anne-Marie LAMAGE, Délégué syndical ouvrier, en vertu d'un pouvoir spécial de représentation en date du 11 et 13/05/2015

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

Le délibéré a été mis à disposition au greffe le jeudi 24 septembre 2015 à 15 heures 00 après avoir été prorogé du 25 juin au 17 septembre 2015

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Q] [W] a été engagée en qualité de masseur-kinésithérapeute par l'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE DE L'ILE DE FRANCE (ci-après UGECAMIF), par contrat à durée indéterminée du 17 septembre 2007 à temps partiel pour une durée de 23 heures par semaine afin de travailler dans l'un quelconque des établissements sanitaires et médico-sociaux situés dans la région Ile de France. L'organisme emploie au total 1 550 salariés et applique la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.

La durée hebdomadaire de travail de la salariée a été modifiée par les avenants suivants :

- le 27 septembre 2010 : 17 h30 suite à sa demande du 29 juin 2010,

- le 6 juin 2011 : 28 heures jusqu'au 2 septembre 2011 en remplacement partiel de madame [J] pendant son congé maladie,

et pour le remplacement de cette même salariée et pour la même durée de 28 heures,

- le 23 janvier 2012 du 24 janvier au 19 février 2012,

- le 20 février 2012 jusqu'au 20 mars 2012,

- le 20 mars 2012 du 21 mars au 19 avril 2012,

- le 24 avril du 20 avril au 20 mai 2012,

- le 21 mai 2012 jusqu'au 20 août 2012.

En dernier lieu, madame [W] était affectée au CERRSY de Rambouillet dont le directeur était monsieur [L] [Z] et le responsable du service de rééducation, monsieur [K] [U]. Le montant de sa rémunération brute s'élevait à 1 362,41 euros.

Madame [W] était déléguée du personnel du CERRSY depuis mai 2010 selon les conclusions de l'employeur et depuis mai 2011 selon celles de la salariée, étant précisé que le bénéfice de la protection ne lui est pas discuté.

Madame [W] a été en arrêt de travail pour maladie les 20 et 21 décembre 2012, du 28 décembre 2012 au 28 janvier 2013 et du 23 mars au 26 avril 2013.

Par lettre recommandée du 25 avril 2013, madame [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Sollicitant la requalification de la rupture, madame [W] a saisi le 19 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] (section Activités diverses), qui, par jugement du 23 juin 2014, a :

- ' dit que la prise d'acte relevait bien d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ',

- condamné le ' CERRSY-GROUPE UGECAM ' à lui payer les sommes suivantes :

- 9 534 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 230,60 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis,

- 423,06 euros à titre de congés payés y afférents,

- 3 405 euros à titre d'indemnités légales de licenciement,

- 2 500 euros à titre d'indemnités pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

- 5 000 euros à titre de dommages et indemnités pour réparation à l'obligation de l'article L. 1152-4 pour le ' CERRSY-Groupe UGECAM ' et 5 000 euros pour ' monsieur [U] ', supérieur hiérarchique,

- 6 334 euros à titre de dommages et indemnités pour non-respect de l'obligation en matière de formation professionnelle,

- 500 euros à titre de dommages et indemnités pour non-respect de l'obligation de ' l'entretien senior ',

- 6 334 euros à titre de dommages et indemnités pour non respect de l'obligation d'organiser une visite de reprise après une absence pour maladie de trente jours,

- débouté madame [W] de sa demande au titre de l'article L. 3123-8,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné le' CERRSY-GROUPE UGECAM ' à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais d'exécution éventuels.

L'UGECAMIF a interjeté appel de cette décision par deux déclarations adressées au greffe les 4 et 7 juillet 2014 enregistrées sous les n°14/03381 et 14/03402.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par leur conseil, l'UGECAMIF et monsieur [U] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté madame [W] de sa demande au titre de l'article L. 3123-8 du code du travail,

- la débouter de toutes ses demandes,

- la condamner à rembourser la somme de 43 438,52 euros nets avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

- la condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à verser à l'UGECAMIF la somme de 2 500 euros et celle de 1 000 euros à monsieur [U] ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans le dispositif de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, madame [W] demande à la cour de :

- condamner monsieur [U] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements,

- condamner l'UGECAM, organisme gestionnaire du CERRSY, à lui verser les sommes

suivantes :

. 5 000 euros à titre d'indemnité pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

. 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son ' obligation inscrite à l'article L. 1152-4 ',

- requalifier la prise d'acte en licenciement nul ' qui aura pour effet de payer à la salariée ' :

. 9 534 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 4 230,60 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés y afférents de 423 euros,

. 3 405 euros à titre de ' prime conventionnelle de licenciement ',

. 8 172 euros à titre d'' une indemnité en réparation du préjudice subi '

. 6 334 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions du code du travail en matière de formation professionnelle,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de ' l'entretien senior ',

. 6 334 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite de reprise,

. 6 334 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des obligations inscrites à l'article

L. 3123-8,

. 1 500 euros au titre de ' l'article 700 du code du travail '.

SUR QUOI LA COUR,

Sur la procédure

Considérant qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de joindre les deux déclarations d'appel interjetées à l'encontre du même jugement par l'UGECAMIF enregistrées sous les n°14/03381 et n°14/03402 et de dire que la procédure sera désormais suivie sous le seul n°14/03402 ;

Sur le fond

Considérant que la cour a invité madame [W] à préciser oralement l'articulation de ses demandes qui ne ressortaient pas clairement de leur présentation écrite :

Qu'ainsi, la salariée se plaint d'avoir été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique monsieur [U] en invoquant :

- le rejet de ses demandes de formation,

- le refus d'un passage à temps plein,

- la relégation dans une salle exigüe et mal équipée,

- la division du personnel en deux équipes,

- une attitude et des propos humiliants notamment à l'occasion de son évaluation de 2011 et de l'affectation des stagiaires,

- le refus de donner suite à sa demande de médiation,

- la charge de travail intenable par rapport aux plannings,

- la dégradation de son état de santé ;

Qu'elle dirige une demande de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi à l'encontre de monsieur [U] à titre personnel et de l'UGECAMIF en tant qu'employeur, outre pour l'organisme, une indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

Que madame [W] motive sa prise d'acte par le harcèlement moral en ajoutant le grief d'absence de visite médicale de reprise et demande qu'elle ait les effets d'un licenciement nul en raison de ce harcèlement moral et eu égard à sa qualité de salariée protégée, en sollicitant :

- une indemnité pour violation du statut protecteur (7 mois de salaire),

- une indemnité de préavis,

- une indemnité conventionnelle de licenciement,

- une indemnité lié au caractère illicite de la rupture (6 mois de salaire) ;

Qu'elle réclame séparément à l'employeur la réparation d'une série de manquements en matière de formation professionnelle, d'entretien senior, de temps partiel et de visite de reprise dont certains ont déjà été invoqués au soutien du harcèlement moral ;

Qu'il convient d'abord d'examiner la question du harcèlement moral qui conditionne celle de la rupture du contrat de travail et enfin les divers manquements aux obligations cités ;

Sur le harcèlement :

Qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'au nombre des griefs qu'elle articule à l'appui du harcèlement moral, madame [W] établit :

- que l'employeur n'a pas fait droit à ses demandes de formation en produisant les comptes rendus d'entretien annuels, le premier du 17 juin 2008 consignant sa demande en uro-dynamique et ceux des 24 septembre 2009 et 24 juin 2010 celle en neurologie ;

- qu'elle n'a pas bénéficié de l'entretien annuel prévu par l'ANI du 5 octobre 2009 inscrit à l'article L. 6321-1 du code du travail au bénéfice des salariés âgés de plus de 45 ans en communiquant le procès-verbal de la réunion de délégués du personnel du 22 juin 2012 par lequel le directeur confirme qu'aucun senior n'a bénéficié d'un tel entretien ;

- qu'elle n'a pas obtenu un emploi à temps plein par la production des cinq avenants à son contrat de travail déjà cités, le compte-rendu d'évaluation de 2008 évoquant le départ à la retraite de la kinésithérapeute référente en uro-dynamique, de ses demandes écrites de passage à 80% du 16 juin 2011et d'augmentation du temps de travail du 1er juin 2012, de la réponse négative de la direction du 19 janvier 2012 évoquant ' des raisons budgétaires ' ainsi que des courriels échangés le 27 juillet 2012 avec madame [X] sur la politique d'ouverture des nouveaux postes ;

- qu'elle a travaillé dans une salle plus exigüe et mal équipée que les autres et qu'elle avait une charge de travail importante en versant aux débats les attestations de ses collègues, mesdames [P] [L] et [H] [A] sur le changement de salle qui lui a été imposé, étant précisé qu'aucune déduction ne peut être tirée du plan des lieux ;

- qu'il y a eu une division mal vécue du personnel en 2012 en deux équipes sur deux étages corroborée par les questions de délégués du personnel sur le procès-verbal précité du 22 mai 2012 et le courrier qu'elle a écrit le 2 mai 2012 au directeur avec mesdames [J] et

[N] ;

- qu'elle avait une importante charge de travail en se référant aux mêmes attestations et en communiquant 8 pages de son agenda du lundi 30 janvier au 24 février 2012 sur lesquels sont consignés des noms de patients (jusqu'à 8 par journée) ;

- que son état de santé s'est dégradé par la production des quatre arrêts de travail précités de son médecin traitant faisant état le 27 mai 2010 d'une AEG en cours d'exploration (syndrome d'altération de l'état général), le 28 décembre 2012 d'anxiété réactionnelle au stress au travail et le 23 mars 2013 d'une AEG et d'un SD (syndrome dépressif) réactionnel au stress au travail ainsi que par un relevé de paiement d'indemnités journalières pour les périodes correspondantes ;

Qu'en revanche, les pièces apportées par la salariée ne permettent pas d'établir l'exactitude des faits allégués suivants :

- que l'allégation selon laquelle monsieur [U] n'a pas tenu l'entretien d'évaluation programmé le 1er juillet 2011 et a refusé de la rencontrer ce qui a motivé sa demande de médiation au directeur du 21 septembre 2011 repose sur ses seules plaintes à la direction ; que le ' mail de la salariée à la DRH 'que madame [W] communique sous le n°18 ne porte ni date ni destinataire et ne permet pas de corroborer le fait qu'il n'a pas été accédé à sa demande de porter des observations sur sa notation au cours d'un second entretien tenu le 30 décembre 2011 ; qu'en outre, l'UGECAMIF indique qu'elle a préféré entendre séparément les protagonistes sous l'égide de la DRH de sorte que le fait que la direction a refusé de tenir une médiation et que monsieur [U] a refusé d'y participer n'est pas établi ;

- que l'attitude et les propos humiliants qu'elle prête à monsieur [U] ne reposent encore que sur ses seules affirmations ou les attestations insuffisamment circonstanciées des deux collègues qui ont attesté en sa faveur ; que de même, le fait que monsieur [S] [M] atteste du bon accueil que lui a fait l'intimé ne démontre pas que la direction refusait de confier des stagiaires à madame [W] ;

Considérant que les faits ainsi établis par madame [W], pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence de harcèlement moral au sens ci-dessus, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que l'employeur réplique de manière générale que ses décisions s'inscrivaient dans le cadre de son pouvoir de direction ou étaient motivées par le souci d'égalité de traitement entre les salariés ce qu'a mal vécu madame [W] ;

Que, s'agissant de la formation, l'article L. 6321-1 du code du travail oblige l'employeur à assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, à veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard de l'emploi, des technologies et des organisations et lui offre la possibilité de proposer des formations qui participent au développement des compétences éventuellement dans le cadre d'un plan de formation ;

Que l'employeur produit un tableau des formations suivies par l'ensemble des rééducateurs démontrant que madame [W] a bénéficié de 12 jours de formation depuis son embauche et que ces formations sont en rapport avec son activité : en 2008, sur le dossier patient en rééducation (3 jours) et sur le PMSI (1/2 journée), en 2009 sur la T2A (3h30), sur la prise en charge des lésions de la coiffe des rotateurs (1 jour) et sur l'AFGSU (Attestation de formation aux gestes et soins d'urgence) (4 jours), en 2010 sur le DPAI (Dossier Patient informatisé) (1 jour), et en 2012 sur la rééducation post opératoire du genou (2 jours) ;

Que les entretiens d'évaluation démontrent que monsieur [U] a bien validé les demandes individuelles de formation de la salariée en uro-dynamique et en neurologie, étant précisé à juste titre que leur inscription dans le plan de formation n'est pas de son ressort, qu'elle a obtenu celle relative à l'épaule et que la salariée s'était vue notifier régulièrement ses droits au DIF ;

Que, s'agissant de l'entretien senior, l'article L. 6321-1 du code du travail issu de la loi du 24 novembre 2009 obligeait les structures de plus de 50 salariés d'organiser dans l'année qui suit leur 45ème année un entretien professionnel portant sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape ou de compétence ;

Que l'employeur produit le plan d'action pour l'emploi des seniors élaboré le 18 décembre 2009, prévoyant outre l'entretien annuel d'évaluation, des entretiens professionnels de carrière tous les trois ans, à l'initiative soit du responsable des ressources humaines de proximité, soit du salarié en s'engageant à réaliser au minimum 8% d'entretiens professionnels de deuxième partie de carrière pour ses salariés de 45 ans et plus, par an ;

Que, la réponse faite aux délégués du personnel le 22 mai 2012 démontre que l'employeur n'a pas organisé cet entretien de carrière spécifique applicable à madame [W] âgée de 48 ans lors de l'entrée en vigueur du texte précité ; que ce fait est démontré peu important l'intention de discriminer ou non la salariée ;

Que, s'agissant des locaux mis à la disposition de madame [W] et du clivage entre les deux équipes, l'employeur verse de nombreuses attestations d'autres salariés, dont la sincérité n'a pas à être remise en cause a priori comme le fait l'intimée, en particulier celles de mesdames [N] et [J], signataires du courrier de mai 2012 à la direction qui affirment qu'elles ont partagé la même salle que l'intimée et que les trois salles présentent les mêmes conditions d'effort et d'équipement ; que, du reste la division de l'équipe sur deux étages est restée à l'état de

projet ;

Que, s'agissant de la charge de travail, l'employeur produit les plannings de juillet à décembre 2012 et de février 2013 sur la prise en charge de 5 patients pour les praticiens à mi-temps et de 10 pour ceux à plein temps et les attestations de mesdames [N] et [J] estimant la répartition équitable au prorata du temps de présence, de type de patient, l'employeur soulignant que l'agenda rempli par madame [W] alors à 80% fait ressortir un suivi de 6-8 patients ce qui dément le grief allégué de surcharge ;

Que, s'agissant du passage à temps plein, l'article L. 3123-8 du code du travail dispose que les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps complet dans le même établissement ou à défaut dans la même entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnel ou d'un emploi équivalent ;

Que l'employeur fait remarquer que madame [W] engagée initialement à raison de 23 heures par semaine a demandé en juin 2010 à réduire sa durée de travail à 17 heures 30 et qu'elle n'a sollicité formellement le 6 juin 2011 qu'un emploi à 80% et qu'une augmentation de son temps de travail le 1er juin 2012 et non pas un emploi à temps complet comme l'exige le texte précité ;

Qu'à tout le moins, l'UGECAMIF verse aux débats des extraits du registre entrées-sorties personnel dont l'original a été présenté à la cour qui prouvent l'absence de recrutement à temps plein d'un kinésithérapeute sur la période du 1er septembre 2011 au 18 juillet 2013 valablement retenue par l'employeur ;

Que, s'agissant de l'attitude de monsieur [U], une vingtaine de salariés, dont encore une fois la sincérité n'est pas remise en cause, attestent de ses bonnes relations avec le personnel et contredisent les dires de mesdames [W], [A] et [L] sur l'attitude et les propos blessants imputés ;

Que, s'agissant de la dégradation de son état de santé, la cour constate que le médecin traitant de madame [W] ne fait que reprendre les dires de sa patiente sur l'origine professionnelle de sa souffrance sans avoir été en capacité de les confronter à son environnement de travail ;

Qu'en définitive, si madame [W] a connu des problèmes de santé à partir de décembre 2012, l'employeur prouve que les agissements invoqués par la salariée ne sont pas pour autant constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre puisqu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, notamment l'exercice de son pouvoir de direction ; que le seul défaut d'entretien senior, par ailleurs commun à d'autres salariés, ne suffit pas à caractériser le harcèlement moral invoqué ;

Que les faits de harcèlement moral à l'encontre de madame [W] ne sont pas caractérisés ce qui entraîne le débouté de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice en découlant tant à l'encontre de monsieur [U] poursuivi à titre personnel que de l'UGECAMIF à l'encontre de laquelle aucun manquement à son obligation de prévention en matière de sécurité de résultat n'est caractérisé ; que la demande de dommages-intérêts subséquente sera également rejetée ;

Que le jugement sera infirmé de ces chefs ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, nul dans le cas d'espèce, si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié ; qu'il est rappelé que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige ;

Qu'au grief de harcèlement moral qui n'est pas établi, madame [W] ajoute dans ses écritures le défaut de visite médicale après une absence pour maladie de plus 30 jours qui est imposée à l'employeur par l'article R. 4624-22 du code du travail ;

Que, peu importe la désorganisation du service qu'impute l'employeur à la démission d'une salariée des ressources humaines, il est établi que madame [W] n'a pas bénéficié de cette visite obligatoire à son retour de congé maladie le 29 janvier 2013 ;

Que toutefois, la salariée n'allègue pas ni ne démontre que l'absence de cette visite, unique grief subsistant au soutien de la prise d'acte, empêchait la poursuite du contrat de travail à sa date ; que madame [W], qui devait reprendre un emploi dès mai 2013, a d'ailleurs sollicité le 27 mars 2013 un processus de rupture conventionnelle dont l'employeur avait accepté le principe sous réserve de mener la procédure liée à son statut de salarié protégée dans les délais légaux ; 

Qu'il y a lieu de débouter madame [W] de sa demande tendant à requalifier sa prise d'acte en licenciement nul ; que ce dernier produira les effets d'une démission ;

Qu'elle sera déboutée des demandes subséquentes sur les indemnités de rupture ;

Que le jugement sera infirmé de ces chefs ;

Sur les autres manquements invoqués :

Considérant qu'il résulte des éléments qui précèdent relativement au harcèlement moral que l'employeur a manqué à ses obligations prévues en matière d'entretien senior, de visite de reprise après une absence pour maladie de trente jours mais qu'il a respecté celles relatives au passage à temps plein et à la formation professionnelle ; 

Que par voie de conséquence, il convient de confirmer les condamnations relatives à l'entretien senior et à la visite médicale de reprise tant dans leur principe que leur montant ;

Qu'il y a lieu de confirmer le débouté de la demande de madame [W] au titre de l'article L. 3123-8 du code du travail ;

Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement ayant condamné l'employeur à dommages-intérêts pour manquement à son obligation en matière de formation professionnelle ;

Sur la demande de remboursement:

Considérant que la restitution des sommes versées en exécution de la décision infirmée est, sans qu'il y ait lieu de l'ordonner, la conséquence de l'arrêt infirmatif rendu ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Considérant qu'il paraît conforme à l'équité de condamner la salariée à payer à monsieur [K] [U], poursuivi à tort à titre personnel, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

PAR CES MOTIFS

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les n°14/03381 et 14/03402 qui seront désormais suivies sous le seul n°14/03381,

CONFIRME le jugement en ce :

- qu'il a condamné l'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE DE L'ILE DE FRANCE à payer à madame [Q] [W] les sommes suivantes :

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de ' l'entretien senior ', 

- 6 334 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation d'organiser une visite de reprise après une absence pour maladie de trente jours,

- qu'il a débouté madame [Q] [W] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'article L. 3123-8 du code du travail,

L'INFIRME pour le surplus,

DIT que le harcèlement moral subi par madame [Q] [W] n'est pas établi,

DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission,

DEBOUTE madame [Q] [W] du surplus de ses demandes dirigées à l'encontre de monsieur [K] [U] et de l'UNION POUR LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE DE L'ILE DE FRANCE,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE madame [Q] [W] à payer à monsieur [K] [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Aude RACHOU, Président et par Monsieur Arnaud DERRIEN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03381
Date de la décision : 24/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/03381 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-24;14.03381 ?
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