COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 OCTOBRE 2015
R.G. N° 13/05054
AFFAIRE :
[B] [J]
...
C/
[M] [U] épouse [C]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mai 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° chambre : 01
N° Section :
N° RG : 2011/08646
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES -,
- Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat au barreau de VERSAILLES,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [J]
né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 3] (92)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130403
- Représentant : Me Jean-Michel HOCQUARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0087
SCP CHAUVIN anciennement dénommée SCP CHAUVIN PUYLAGARDE
immatriculée au RCS PARIS sous le N°489 612 853,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130403
- Représentant : Me Jean-Michel HOCQUARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0087
APPELANTS
****************
Madame [M] [H] [U] épouse [C]
née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 5] (37)
Le [Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 111109 - ayant pour avocat plaidant Me Claude HUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1023
Monsieur [Q] [O] [U]
né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 2]
chez Madame [M] [C] [Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 111109
ayant pour avocat plaidant Me Claude HUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1023
Madame [W] [H] [U] épouse [I]
née le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 5] (37)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 111109 -
ayant pour avocat plaidant Me Claude HUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1023
Madame [G] [H] [S] veuve [U]
née le [Date naissance 6] 2023 à [Localité 4] (Finistère Sud)
[Adresse 6]
[Adresse 5]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 111109
ayant pour avocat plaidant Me Claude HUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1023
Monsieur [K] [H] [U]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5] (37)
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 111109
ayant pour avocat plaidant Me Claude HUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1023
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2015, Madame Odile BLUM, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Odile BLUM, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu le jugement rendu le 21 mai 2013 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :
- déclaré les consorts [U] recevables à agir,
- condamné solidairement M. [B] [J] et la SCP Chauvin-Puylagarde à payer aux consorts [U] la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du présent jugement,
- condamné solidairement les défendeurs à verser aux demandeurs une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné les défendeurs aux dépens ;
Vu l'appel de cette décision relevé le 1er juillet 2013 par la SCP Chauvin anciennement Chauvin Puylagarde et M. [B] [J] qui par leurs dernières conclusions du 24 septembre 2013, demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :
- débouter les réclamants de toutes leurs demandes,
- les condamner in solidum à leur payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel dont distraction ;
Vu les dernières conclusions du 19 novembre 2013 de Mme [G] [S] veuve [U], Mme [M] [U] épouse [C], M. [K] [U], M. [Q] [U] et Mme [W] [U] épouse [I] (consorts [U]) qui demandent à la cour de :
- confirmer le jugement,
- porter à 6.000 € TTC la somme qui leur est due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure d'appel,
- condamner Me [J] et la SCP Chauvin aux entiers dépens dont distraction;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que les consorts [U] sont propriétaires indivis d'un immeuble situé [Adresse 4]) à usage d'hôtel, donné à bail commercial à la société Harvey Hôtel ; qu'ayant donné congé pour le 31 décembre 2003, ils ont chargé Me [J], avocat au barreau de Paris exerçant actuellement au sein de la SCP Chauvin anciennement Chauvet Puylagarde, d'engager une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ; que par jugement du 4 octobre 2007, confirmé en appel par arrêt du 27 novembre 2008, le loyer du bail renouvelé a été fixé à la somme de 131.541 € en principal, par an, à compter du 1er janvier 2004';
Que parallèlement, alors que l'instance en fixation du loyer était pendante, Me [J] a notifié au preneur, par lettre recommandée avec avis de réception du 3 janvier 2007, une demande de révision triennale du loyer à la somme de 250.000 € par an ; qu'aucune instance en fixation du loyer révisé n'ayant toutefois été introduite, le preneur s'est prévalu de la prescription biennale instituée par l'article L 145-60 du code de commerce pour s'opposer au paiement du loyer révisé que les consorts [U] ont sollicité une fois le loyer du bail renouvelé définitivement fixé';
Considérant qu'invoquant la faute de leur avocat qui a laissé prescrire l'action en révision du loyer, les consorts [U] ont, le 9 février 2011, assigné M. [J] et la SCP d'avocats en paiement de dommages et intérêts ce qui a donné lieu au jugement déféré ;
sur la faute
Considérant que M. [J] et la SCP Chauvin appelants, critiquent le jugement en ce qu'il a retenu la faute de l'avocat ; qu'ils soutiennent que les consorts [U] n'ont pas invité celui-ci à saisir le juge des loyers commerciaux de la question de la fixation du loyer révisé alors qu'ils ne pouvaient ignorer les conséquences d'une telle abstention compte tenu de leurs qualités professionnelles, M. [K] [U] étant un professionnel des transactions immobilières, l'époux de Mme [M] [U] étant gestionnaire immobilier et le fils de Mme [I] étant avocat ;
Mais considérant que le fait que Me [J] ait notifié au locataire de ses clients une demande de révision du loyer conformément aux articles L 145-37 et L 145-38 du code de commerce'implique qu'il était en charge de la procédure de révision du loyer ; qu'il lui appartenait d'accomplir toutes diligences afin d'éviter que la demande de révision de loyer ne se trouve prescrite et à tout le moins d'attirer l'attention de ses clients sur les conséquence de l'absence de saisine du juge des loyers commerciaux dans le délai de deux ans ; que les appelants ne sont pas fondés à se retrancher derrière une prétendue absence d'instruction ni les compétences juridiques prétendues de certains indivisaires ou membres de leur famille ;
Que c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que les premiers juges ont retenu le manquement de l'avocat à son obligation d'information et de conseil et dès lors sa faute professionnelle ;
sur le préjudice
Considérant que Me [J] et la SCP Chauvin font valoir que les consorts [U] tiennent à tort pour acquis que s'ils avaient saisi le juge des loyers commerciaux, le montant du loyer révisé au 3 janvier 2007 aurait nécessairement été fixé à 148.721 € par an soit la somme résultant du jeu des indices alors que selon la jurisprudence actuelle sur l'article L145-38 du code de commerce, le loyer révisé en fonction du jeu des indices constitue un plafond auquel le bailleur ne peut prétendre qu'autant que la valeur locative des biens à la date de la demande de révision ne se trouve pas située entre le loyer en cours et le loyer plafond, qu'en l'espèce les consorts [U] ne justifient aucunement de la valeur locative au 3 janvier 2007 de sorte qu'ils ne démontrent pas qu'ils auraient pu prétendre à un loyer déterminé par le jeu des indices, que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en leur imposant de faire la preuve de cette valeur locative ; qu'ils ajoutent que les dommages et intérêts alloués excèdent la juste réparation d'un perte de chance et ne tient pas compte de la fiscalité qui aurait été supportée par les bailleurs sur le montant du loyer révisé';
Mais considérant que c'est sans inverser la charge de la preuve que les premiers juges ont retenu qu'il appartenait aux défendeurs, s'ils considéraient que les bases de calculs du préjudice réclamé étaient erronées, de rapporter la preuve de ce que la valeur locative au 3 janvier 2007 était inférieure au loyer résultant de l'application des indices visés à l'article L 145-38 du code de commerce sur la base desquels les consorts [U] ont fixé leur préjudice';
Qu'en effet, les consorts [U], en leur qualité de demandeurs, ont évalué le préjudice subi sur la base du loyer qu'ils auraient pu voir fixer si la procédure en fixation de loyer révisé avait été introduite';
Que M. [J] et la SCP Chauvin ne fournissent aucun élément sur la valeur locative au 3 janvier 2007 permettant d'établir que le loyer révisé aurait pu être inférieur au loyer plafond que les consorts [U] auraient été en droit de revendiquer en application des articles L 145-37 et L 145-38 du code de commerce ;
Qu'il apparaît dès lors que les consorts [U] ont perdu de façon certaine, par la faute de leur avocat, la chance particulièrement sérieuse de voir le loyer de leurs locaux commerciaux révisé au 3 janvier 2007, à la somme de 148.721 €, montant résultant du jeu de la variation des indices, soit un différentiel de loyer sur la période triennale de 51.540'€;
Considérant, cependant, que la réparation du préjudice résultant d'une perte de chance, même certaine, ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'il doit être tenu compte en l'espèce de la fiscalité qui aurait été supportée par les bailleurs, si sans la chance perdue, leur action en fixation de loyer révisé avait pu être menée à bonne fin ;
Qu'au vu de l'ensemble des éléments de la cause, le montant du préjudice subi par les consorts [U] sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts ; que les appelants seront condamnés solidairement au paiement de ladite somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement et les parties déboutés du surplus de leur demande ;
sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que les appelants qui succombent pour l'essentiel seront condamnés aux dépens ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmés et les demandes formées à ce titre en appel rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [B] [J] et la SCP Chauvin-Puylagarde à payer aux consorts [U] la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,
Condamne solidairement M. [J] et la SCP Chauvin à payer aux consorts [U] la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du 21 mai 2013 ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes';
Condamne solidairement M. [J] et la SCP Chauvin aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,