COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 DECEMBRE 2015
R.G. N° 13/02320
AFFAIRE :
[J] [R] épouse [D]
C/
SA AUCHAN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2002 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Commerce
Copies exécutoires délivrées à :
Me Kossi AMAVI
la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[J] [R] épouse [D]
SA AUCHAN
le : 15 décembre 2015
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [J] [R] épouse [D]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
représentée par Me Kossi AMAVI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC92
APPELANTE
****************
SA AUCHAN
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Adresse 2]
représentée par Me Anne LOEFF-ANTOINE de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,
Mme [D] a été engagée par la société Auchan à compter du 19 juin 1990 au poste de vendeuse professionnelle au sein du magasin de [Localité 1].
Le 17 mars 1997, elle est devenue conseillère de vente non alimentaire, coefficient de 160 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
En application d'un accord de classification d'entreprise du 11 juin 2001, elle a été classée au niveau 2B de la catégorie employé, au salaire de 1 226,22 €.
Mme [D] a détenu divers mandats syndicaux et électifs à compter du 22 juin 2001, et a fait valoir ses droits à la retraite le 31 juillet 2013.
Considérant qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination syndicale, et revendiquant le coefficient 3C à compter du 1er juillet 2011, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles le 19 août 2011.
Par jugement du 25 avril 2013, le conseil des prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Mme [D] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, Mme [D] demande à la cour
de :
- dire qu'elle aurait dû obtenir la classification 3C et un salaire mensuel de 1 604,67 € pour 151,67 heures de travail à compter du 1er juillet 2011,
- dire qu'elle a été victime d'une discrimination fondée sur son appartenance syndicale qui ne lui a pas permis un déroulement de carrière conforme à son travail, aux dispositions de l'article L. 2141-8 du code du travail et à l'accord d'entreprise applicable dans l'entreprise,
- condamner la SA Auchan à lui payer les sommes suivantes :
* 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique et le différentiel des points de retraite correspondant,
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 2 500 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Auchan demande à la cour
de :
- confirmer le jugement du 25 avril 2013 en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner au paiement d'une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
sur la discrimination syndicale
A l'appui de son appel, Mme [D] fait valoir que, contrairement à ses collègues, elle a été bloquée au poste de conseillère de vente niveau 2B, en raison de ses activités syndicales considérées
par l'employeur comme perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise.
Elle compare son déroulement de carrière à deux autres salariées, Mmes [K] et [C], qui ont obtenu en juillet 2011 la classification et la rémunération du niveau 3C.
En réplique, la société Auchan soutient que Mme [D] ne lui a jamais fait part d'un quelconque blocage de son évolution professionnelle avant la saisine du conseil de prud'hommes
en juillet 2011.
Elle précise que depuis l'accord de classification du 11 juillet 2001, le passage au niveau supérieur ne se fait plus à l'ancienneté et suppose la maîtrise des tâches de son poste. Elle produit les comptes-rendus d'évaluation et des attestations de supérieurs hiérarchiques de Mme [D] aux fins de démontrer que son absence d'évolution professionnelle était conforme au niveau de son travail.
En droit, le salarié qui s'estime victime d'une discrimination, doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination directe ou indirecte. L'employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, il n'est pas contestable que Mme [D] n'a subi aucune évolution de carrière depuis son embauche en 1990 puisqu'elle est restée conseillère de vente.
La progression de son échelon n'a été que la conséquence de l'application des accords collectifs, en mars 1997 lorsqu'elle est devenue conseillère de vente, coefficient de 160 de la convention collective, et en juin 2001, lorsqu'elle a été classée au niveau 2B de la catégorie employé.
Toutefois, Mme [D] doit apporter des éléments de preuve suffisants pour soutenir que cette absence de progression de carrière trouve sa cause, directe ou indirecte, dans son activité syndicale.
Or, les pièces produites à cet effet résultent d'une mention portée sur son évaluation en juillet 2011, selon laquelle "les jours de délégation (sont) parfois perturbant pour l'équipe".
La société Auchan a répondu le 22 août 2011 au syndicat auquel appartient Mme [D] pour lui indiquer qu'un rappel à l'ordre avait été adressé au chef de rayon concernant la tenue de ces propos, contraires à l'exercice du mandat syndical.
Loin de constituer une reconnaissance de la discrimination, ce courrier révèle au contraire les exigences de la société en matière de prévention sur les discriminations.
En outre, cette évaluation, établie courant 2011, comporte de nombreuses rubriques qui révèlent les insuffisances de la salariée dans la tenue de son poste, expliquant les mauvais résultats obtenus au titre de cette évaluation, sans lien avec ses mandats syndicaux.
Les deux témoignages produits par Mme [D] n'apportent pas d'informations pertinentes, se limitant à rapporter que la salariée se plaignait de ne pas pouvoir évoluer au sein de la société, sans plus de précisions.
Il convient par suite de considérer que les éléments invoqués par Mme [D] sont insuffisants pour laisser supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de sa carrière depuis 1990.
Au surplus, la société Auchan produit les accords d'entreprise qui démontrent en premier lieu que le niveau de qualification reconnu aux salariés de l'entreprise est en relation directe avec le poste occcupé.
Ainsi, le poste de conseillère de vente correspond au niveau 2, alors que le niveau 3 est reconnu aux conseillers occupant leur poste dans des rayons techniques (son, photo, micro) ou aux salariés exerçant un poste de dimension supérieure, tel un poste de gestionnaire de sous-rayon.
Mme [D] se compare à Mmes [K] et [C] qui occupaient toutes deux un poste de gestionnaire de sous-rayon, alors que Mme [D] qui occupait un poste de conseillère de vente, n'a jamais revendiqué d'autres postes, ni par lettre spécialement adressée à la société Auchan, ni même dans ses entretiens d'évaluation.
Les accords d'entreprise montrent également que les évolutions professionnelles sont en lien avec les appréciations individuelles portées par le supérieur hiérarchique lors des évaluations, qui peuvent déterminer soit l'octoi de primes variables soit l'accès à l'échelon supérieur.
Les documents concernant Mme [D] revèlent qu'elle cumulait dans ses évaluations, un total de plus ou moins 24 points, cette limite correspondant à la reconnaissance du minimum nécessaire à la tenue du poste, alors que ses collègues, Mmes [K] et [C], se positionnaient sur des résultats supérieurs à 30 points, sauf année exceptionnelle.
Les appréciations individuelles portées par le supérieur hiérarchique, sont justifiées à la fois par des cotations comportant trois niveaux chiffrés, sur plusieurs rubriques, aboutissant à un cumul de points, et par des appréciations littérales, qui permettent de fonder les évaluations.
Ce système d'évaluation constitue une référence objective permettant d'expliquer les différences portées sur les qualités professionnelles des salariées.
Le maintien de ces différences sur l'ensemble des années 2004 à 2011, 2004 correspondant à la mise en oeuvre du nouveau système d'évaluation utilisé par la société, est de nature à justifier également la différence dans le déroulement de carrière de Mmes [K] et [C] et leur accès à l'échelon 3B contrairement à Mme [D].
Il ressort par suite de l'ensemble de ces éléments, que les demandes de Mme [D] ne sont pas fondées.
Le jugement du 25 avril 2013 sera donc confirmé.
sur l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la situation respective des parties, la demande présentée par la société Auchan en application de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 25 avril 2013,
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société Auchan présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à Mme [D] les entiers dépens de l'instance.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les
parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de
l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DUPERRIER, Président et par Madame LECLERC, Greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,