COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
5e Chambre
ML
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 DECEMBRE 2015
R.G. N° 14/01159
AFFAIRE :
SA LAFARGE CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle de M. [M] [B])
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DROME
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 10/00748/N
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DROME
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA LAFARGE CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle de M. [M] [B])
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA LAFARGE CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle de M. [M] [B])
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Bertrand MERVILLE de la SCP LA GARANDERIE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487 substituée par Me Nadia PERLAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1809
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DROME
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par M. [Z] [R] (Inspecteur Contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 12 octobre 2015
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,
Le 20 octobre 2009, M. [B], né en 1935, salarié de la société Lafarge Ciments depuis le 21 novembre 1958 en qualité de mineur, puis en qualité de conducteur de camions de carrière du 9 juillet 1984 au 31 décembre 1992, a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme une maladie professionnelle, résultant d'une silicose constatée par le Dr [O] pneumologue, suivant un certificat médical initial du 24 août 2009.
La caisse primaire a transmis la déclaration à la société Lafarge Ciments le 27 octobre 2009, et l'a informée de la clôture de l'instruction le 15 janvier 2010, l'invitant à venir consulter le dossier avant le 1er février 2010.
A cette date, la caisse primaire a accepté la prise en charge de la maladie de M. [B] au titre du tableau n°25 des maladies professionnelles.
Le 15 février 2010, la société Lafarge Ciments a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine le 11 avril 2010.
Par jugement du 7 janvier 2014, le tribunal a déclaré opposable à la société Lafarge Ciments, la décision du 1er février 2010 de prise en charge de la silicose chronique de M. [B] au titre de maladie professionnelle du tableau n°25.
La société Lafarge Ciments a relevé appel de cette décision.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Lafarge Ciments demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 7 janvier 2014,
Statuant de nouveau,
- constater que la maladie de M. [B] a été constatée au-delà du délai de prise en charge,
- constater que M. [B] ne démontre ni le caractère habituel de l'exposition ni le lien de causalité avec la maladie,
En conséquence,
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du 7 janvier 2014 en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, si la cour considère que le caractère professionnel n'est pas établi,
- transmettre le dossier pour avis à un CRRMP.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les conditions de fond tenant à la prise en charge de la maladie déclarée par M. [B]
A l'appui de son appel, la société Lafarge Ciments fait valoir que le tableau n°25, dans sa rédaction en vigueur au moment de la déclaration, fait état de 3 pathologies différentes, et que la caisse primaire n'a pas précisé si la maladie de M. [B] était prise en charge au titre d'une silicose aigüe ou d'une silicose chronique ; que le certificat médical initial du 24 août 2009 ne mentionne pas la présence de nodules bilatéraux qui sont l'une des conditions de la reconnaissance de la maladie professionnelle ; que le litige doit être apprécié au regard des dispositions de l'ancien décret de 2000 qui fixait à 15 ans le délai de constatation de la maladie, ce délai étant expiré pour M. [B] depuis 2007. Elle ajoute que la caisse n'a pas saisi le CRRMP pour recueillir son avis motivé sur l'origine professionnelle de la maladie comme elle devait le faire en cas de dépassement du délai.
En réplique, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme soutient que le litige est soumis aux dispositions du tableau n°25 dans sa rédaction issue du décret du 28 mars 2003 ; que l'enquête médico-administrative a confirmé que M. [B] était atteint d'une silicose chronique et que les autres conditions du tableau étaient remplies, s'agissant de la durée d'exposition supérieure à 5 ans et du respect du délai de prise en charge de 35 ans ; que le certificat médical initial fait mention de la présence de multiples lésions nodulaires des deux poumons. A titre subsidiaire, si la cour considère que l'une des conditions du tableau n°25 est manquante, la caisse demande que le dossier soit transmis pour avis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
A titre préalable, il sera rappelé qu'en application de l'article L. 461-2 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, en cas de modifications du tableau relatif à une maladie professionnelle, la date de la première constatation médicale constitue le point de référence pour déterminer le tableau applicable.
M. [B] a déclaré sa maladie en s'appuyant sur un certificat médical initial du 24 août 2009.
Par suite, il n'est pas contestable que la définition des conditions de prise en charge de la maladie doit s'apprécier au regard des dispositions du décret du 28 mars 2003 entré en vigueur le 30 mars 2003, et non pas comme le soutient la société Lafarge Ciments, le précédent décret de 2000 .
Il ressort du tableau n°25 dans sa rédaction actuelle, que deux types de pathologie sont visées au titre de la silicose : la silicose aigüe, soumise à un délai de prise en charge de 6 mois, sous réserve d'une durée minimale d'exposition de 6 mois, et la silicose chronique, soumise à un délai de prise en charge de 35 ans, sous réserve d'une durée minimale d'exposition de 5 ans.
Les autres maladies visées dans les tableaux 25 B et C, sont hors débat, ne s'agissant pas de silicose.
M. [B] a adressé le 20 octobre 2009 à la caisse primaire une déclaration de maladie professionnelle qui vise une silicose.
S'il n'est pas expressément précisé qu'il s'agit d'une silicose chronique, la déclaration indique que M. [B] a cessé son activité professionnelle depuis le 31 décembre 1992, ce dont il se déduit que l'affection qui l'atteint, est chronique, alors qu'au surplus d'autres éléments font référence à l'existence d'une silicose chronique, puisque la déclaration mentionne une durée d'exposition au risque de plusieurs années, ce qui est incompatible avec la déclaration d'une silicose aigüe, soumise à une durée d'exposition de 6 mois.
Par ailleurs, le certificat médical initial du 24 août 2009 adressé par M. [B], vise de "multiples lésions nodulaires des deux poumons", qui sont rattachées uniquement à la silicose chronique, s'agissant de lésions nodulaires non existantes en cas de silicose aigüe.
Enfin, le rapport d'enquête du 4 janvier 2010 des services de la caisse, font expressément référence à l'existence d'une silicose chronique, ce qui écarte toute discussion sur la nature de l'affection, la société étant en mesure de vérifier si les conditions de prise en charge de la maladie sont remplies, au regard de cette pathologie.
Si la société Lafarge Ciments fait valoir qu'elle a été destinataire d'un certificat médical initial distinct de celui communiqué par la caisse, ce dernier portant la mention d'une réception par le service le 23 octobre 2009, alors que celui communiqué par la société a été reçu le 24 septembre 2009, cette distinction est indifférente à la régularité de la procédure qui est soumise au stade de l'ouverture de l'enquête à l'obligation de transmission à l'employeur, de la déclaration de la maladie professionnelle, et qu'au surplus le certificat produit par la société porte la mention de silicose et de lésions nodulaires. En tous cas, la société a pu prendre connaissance du certificat communiqué par la caisse, lors de la phase de consultation du dossier, avant la décision du 1er février 2010.
Au vu de ces éléments, il apparaît que la prise en charge de l'affection était soumise aux conditions prévues pour la silicose chronique, quant au délai de prise en charge de 35 ans et de la durée d'exposition supérieure à 5 ans.
M. [B] remplit ces conditions puisqu'il a travaillé au sein de la société Lafarge Ciments du 21 novembre 1958 au 31 décembre 1992, en exerçant des travaux qui l'exposaient au risque visé par le tableau n°25, résultant de l'inhalation de poussières. Le rapport établi par la société précise que les carrières exploitées par l'entreprise contenaient du quartz, le travail de ce minerai étant intégré dans la liste indicative des travaux susceptibles de provoquer la silicose.
La déclaration établie le 20 octobre 2009 ne laisse aucune discussion sur le délai de prise en charge de 35 ans au regard de la cessation d'activité du 31 décembre 1992.
Il s'ensuit que la présomption d'imputabilité de la maladie au travail doit s'appliquer, la société devant rapporter la preuve que l'affection est imputable à une cause étrangère.
A cette fin, la société Lafarge Ciments fait valoir que M. [B] travaillait le plus souvent à l'air libre, que les opérations de forage ne représentaient que 30% de l'activité lorsqu'il était mineur, et qu'il était protégé dans la cabine de son camion lorsqu'il était conducteur.
Toutefois, ces prétentions ne permettent pas de renverser la présomption dès lors que l'exécution habituelle du travail s'effectuait sur des carrières de calcaire, ce qui correspond à la liste des activités définie par le tableau n°25, M. [B] se trouvant ainsi exposé à l'inhalation des poussières renfermant de la silice.
Les moyens développés par la société sur ces conditions de fond, devaient donc être rejetés, comme l'a exactement considéré le jugement du 7 janvier 2014.
Sur le respect du principe du contradictoire
La société Lafarge Ciments soutient que la décision de prise en charge du 1er février 2010 lui est inopposable car elle a été prise après l'expiration du délai de 3 mois imparti à la caisse, ce délai ayant commencé à courir le 23 octobre 2009, date de réception par la caisse de la déclaration de maladie professionnelle.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme considère que l'enquête a été conduite dans le délai de 3 mois qui lui était imparti, et qu'elle a adressé la lettre de clôture le 15 janvier 2010, avant l'expiration de ce délai.
Il convient en effet de constater que la caisse a respecté son obligation d'information puisque la société Lafarge Ciments a été destinataire de la lettre de clôture du 15 janvier 2010, avant l'expiration du délai de 3 mois. La société n'a pas souhaité prendre connaissance du dossier jusqu'à la date de la décision fixée au 1er février 2010, alors qu'elle bénéficiait d'un délai de consultation de 15 jours.
En tous cas, l'absence de décision dans le délai de 3 mois ne pourrait s'analyser qu'en une décision implicite de prise en charge, et non pas en un refus de prise en charge.
Il s'ensuit que ce moyen de procédure n'est pas plus fondé.
Le jugement du 7 janvier 2014 qui a déclaré opposable à la société Lafarge Ciments, la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 20 octobre 2009 par M. [B], sera dès lors confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Confirme le jugement du 7 janvier 2014 en toutes ses dispositions,
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,