COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
EW
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JANVIER 2016
R.G. N° 14/01068
R.G. N° 14/01093
AFFAIRE :
[S] [A]
C/
SAS CARGLASS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 11/00531
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL Arst Avocats
la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[S] [A]
SAS CARGLASS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [S] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Morgan JAMET de la SELARL Arst Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0739 - N° du dossier 11000035 substituée par Me Delphine TINGRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0070 - N° du dossier 11000035
APPELANT ET INTIMÉ
****************
SAS CARGLASS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 substituée par Me Jean GERARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K100
INTIMÉE ET APPELANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [S] [A] co-gérait avec Mme [W] [R] la société ICE Investissement, lorsque le 1er mars 2010, ils ont signé un contrat de cession de leurs parts sociales avec la SAS CARGLASS France (la société CARGLASS ci-après) qui souhaitait développer son activité de pose de vitrages et accessoires automobiles des véhicules de plus de 3,5 tonnes, qu'elle exerçait déjà sous l'enseigne CARGLASS Spécials.
La société CARGLASS fait partie du groupe Belron.
La société ICE Investissement détenait, au titre de l'activité Car&bus glass des parts sociales dans les société Proglass Est, Proglass Ile de France et dans les sociétés OMT Distribution et OMT Central Europe Distribution, devenues société OMTY. Cette dernière société les fournissait en vitrages.
Par l'intermédiaire de ces mêmes sociétés, Mme [R] et M. [A] exploitaient par ailleurs l'activité Mondial Pare-brise, activité concurrente de celle de la société CARGLASS.
En même temps que ce contrat, les deux cédants ont signé un engagement de non concurrence et de désinvestissement, les contraignant notamment à ne plus détenir à compter du 1er juillet 2010, directement ou indirectement, de participation ou d'intérêt dans la société Mondial Pare-brise.
Selon contrat à durée indéterminée du 1er mars 2010, M. [A] a été engagé par la société CARGLASS en qualité de directeur général distribution SPECIALS Europe, avec le statut Cadre position IV-A.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services de l'automobile.
Par lettre du 16 novembre 2010, M. [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société CARGLASS. Cette lettre est rédigée comme suit ;
'[...] Par la présente, je suis amené à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de votre société, et ce pour les motifs ci-après :
Depuis maintenant plus de deux mois, vous m'avez constamment éloigné des prérogatives et des obligations qui sont celles de fourniture de travail de la part d'un employeur.
Compte tenu de cette 'mise au placard' et des conséquences en découlant, entre autres par l'impossibilité qui est la mienne d'exercer mes fonctions, je suis amené à vous signifier la présente décision.
Eu égard à la nouvelle jurisprudence de la cour de cassation en matière de prise d'acte, cette décision ne sera effective qu'au terme d'un préavis de trois mois durant lequel je reste inscrit aux effectifs, avec toutes les conséquences de droit en découlant, notamment en ce qui concerne l'octoi des éléments salariaux qui me reviennent, y compris prime annuelle'.
Compte tenu du délai de préavis de trois mois, la relation de travail a pris fin le 16 février 2011.
Par jugement du 24 janvier 2014, le conseil de prud'hommes de Nanterre a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [A] était une démission, l'a déboutée de toutes ses demandes, a débouté la société CARGLASS de toutes ses demandes et condamné M. [A] aux dépens.
M. [A] a interjeté appel de cette décision, le 28 février 2014. Ce dossier a été enregistré sous le numéro de RG 14/01068;
La société CARGLASS a également interjeté appel de cette décision, le 3 mars 2014. Ce dossier a été enregistré sous le numéro de RG 14/01093.
Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [A] demande à la cour de:
- requalifier sa prise d'acte du contrat de travail (sic) en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société CARGLASS à lui payer les sommes de :
. 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et non-respect de la procédure de licenciement,
. 63 000 euros au titre de l'indemnité afférente à l'obligation de non concurrence prévue aux termes du contrat de travail,
- de dire et juger qu'il est libéré de la clause de non concurrence,
- de débouter la société CARGLASS de toutes ses demandes reconventionnelles,
- de condamner la société CARGLASS à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société CARGLASS demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris et de débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes,
- de faire droit à son appel incident et de réformer le jugement entrepris sur les dommages et intérêts en condamnant :
. M. [A] à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de préjudice forfaitaire,
. M. [A] et Mme [R], in solidum, à lui payer la somme de 538 602 euros de dommages et intérêts,
. et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux pièces déposées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction des deux procédures
S'agissant des appels relevés par chacune des parties du même jugement, il existe entre les litiges un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les instruire et juger ensemble.
La jonction des procédures enregistrées sous les n° 14/01069 et 14/01090 sera en conséquence ordonnée et la procédure désormais suivie sous le seul n° 14/01069.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
M. [A] rappelle qu'un litige est né entre, la société ICE Investissment, lui et Mme [R] d'une part et la société CARGLASS d'autre part quant au paiement du prix de cession, celui-ci devant se faire en plusieurs fois : une première échéance de 2 835 000 euros ayant été payée, mais la seconde de 1 181 252 euros n'ayant pas été honorée par la société CARGLASS à la date du 1er septembre 2010, si bien que la société ICE Investissement a dû saisir le tribunal de commerce de Paris. Dans le cadre de cette procédure, la société CARGLASS a invoqué la violation de l'engagement de non concurrence et de non embauchage du 1er mars 2010 et demandé une indemnisation à cet égard.
Par jugement du 20 novembre 2014, le tribunal de commerce a débouté la société ICE Investisseement, M. [A] et Mme [R] de leurs demandes et condamné in solidum la société ICE Investissement, M. [A] et Mme [R] à payer à la société CARGLASS la somme de 50 000 euros au titre de la clause pénale. Ce jugement est aujourd'hui définitif.
Il fait valoir qu'une fois entré au sein de la société CARGLASS, la place qui lui avait été promise ne lui a pas été donnée, qu'il n'avait pas de réelles fonctions, faute de fiche de poste détaillée, faute d'être sollicité pour travailler, d'être écouté quand il s'agissait d'apporter son savoir-faire dans le cadre de l'activité qu'il apportait, et du fait qu'il a été mis à l'écart au profit d'autres salariés. Il estime que la charge de la preuve pèse sur l'employeur qui doit démontrer qu'il lui a fourni du travail.
Il explique qu'il était convenu que Mme [R] et lui continuent de travailler pour la société OMTY et d'approvisionner les filiales du groupe Belron, ce que finalement la société CARGLASS a fait avec ses propres salariés déjà en poste sans profiter de leur savoir-faire.
Il évoque le projet ICAR qui consistait à opérer un transfert des données contenues dans le logiciel 'Proginove' utilisé par la société OMTY avant la cession vers le système informatique 'Bridge' comprenant les logiciels Remedy et Oracle utilisés par la société CARGLASS, afin que toute l'équipe travaille en interne à partir du même système. Pour la mise en place de ce projet, il siégeait au 'steering commitee' chargé d'évoquer les grands lignes du projet pendant que Mme [R] siégeait à l''operating commitee' tourné vers la réalisation du projet, auquel il a activement participé jusqu'à ce qu'il n'y soit plus convié, en raison des désaccords qui s'étaient manifestés lors des deux réunions auxquelles il avait assisté, en raison de l'utilisation par les salariés de plusieurs logiciels se superposant qui entraînait des erreurs. Les erreurs d'utilisation des logiciels et l'augmentation des prix décidée par la société CARGLASS ont provoqué le mécontentement des clients et leur départ. Durant la période estivale de 2010, la société CARGLASS a organisé sa mise à l'écart ainsi que celle de Mme [R] et n'a pas cherché à écouter leurs conseils.
A titre d'exemple, il indique qu'alors qu'il détenait un document contenant les prix pratiqués par la société Pilkington, les dirigeants de la société CARGLASS n'y ont accordé aucune importance mais en outre M. [N] est allé directement négocier avec ladite société l'achat de produits, ce qu'il lui aurait appartenu de faire et ce qui a valu à M. [N] des félicitations (Cf pièces 54 et 55).
Il précise en outre qu'il avait bénéficié de cours d'anglais qui lui ont été supprimés à compter d'octobre 2010. (Cf pièces 59 et 60).
Une rupture conventionnelle a été évoquée avec la société CARGLASS à sa demande, mais aucun accord n'a pu être trouvé et compte tenu de l'inertie de la société.
Il précise que la vente des centres Mondial Parebrise est intervenue tardivement en raison des difficultés rencontrées par la société ICE Investissement, et non par eux, pour trouver un repreneur et que Mme [R] et lui ont développé des activités bien différentes lorsqu'ils ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail.
En substance, il reproche à la société CARGLASS de ne lui avoir attribué aucune des prérogatives attachées au poste de directeur général distribution SPECIALS Europe, alors que ce statut supposait l'octroi de responsabilités au sein de la société.
La société CARGLASS répond que ni M. [A] ni Mme [R] ne se sont jamais véritablement investis dans le projet ICAR et qu'en outre, ils n'ont pas réalisé l'opération de désinvestissement dans les centres Mondial Parebrise qu'ils continuaient à exploiter, ce qui l'a obligée à différer le paiement des 25% du prix qui était lié à l'exécution de ce désinvestissement. La poursuite par les deux salariés de l'exploitation de leurs neuf centres Mondial Parebrise constituait également une violation caractérisée de l'obligation de fidélité qu'imposait leur contrat de travail. En outre, leur désintérêt pour les postes qu'ils occupaient s'est renforcé au retour des congés annuels, l'un et l'autre restant constamment en Alsace, sans donner signe de vie et sans exécuter leurs obligations contractuelles de salariés. Ils avaient déclaré à la presse spécialisée qu'ils n'avaient pas l'intention de céder leur réseau Mondial Parebrise.
La société rappelle que M. [A] a été embauché au niveau IV ce qui indique qu'il était cadre de direction, titulaire d'une importante délégation de pouvoir. Il lui revenait donc de tracer les lignes de son action, d'animer les services confiés à sa responsabilité et de rendre compte à son responsable hiérarchique qui était M. [N]. Elle estime que les deux salariés étaient maintenus dans le même environnement professionnel humain, collaborant avec les mêmes anciens salariés de l'organisation OMTY, auxquels s'ajoutaient de nouveaux collaborateurs que M. [A] et Mme [R] avait la responsabilité de recruter, qu'ils continuaient à occuper leur bureau historique en Alsace et que dans ces conditions, il ne peut se dire victime de placardisation. Il a cessé d'exécuter son contrat de travail à partir du mois d'août 2010.
La société conteste le mail envoyé par M. [A] à M. [N] le 9 septembre 2010 à 22h38 dont une copie a été envoyée sur les adresses électroniques personnelles de M. [A] et de Mme [R], et duquel il résulte que M. [N] aurait demandé aux collaborateurs de ne plus rendre compte à lui comme à Mme [R] mais à Mme [D], alors qu'il a toujours recherché la collaboration de l'un comme de l'autre puisqu'ils étaient deux spécialistes de ce marché très particulier.
En réalité, selon la société CARGLASS, M. [A] et Mme [R] ont poursuivi activement l'exploitation de leur réseau portant l'enseigne Mondial Parebrise, tout en s'investissant dans une nouvelle activité visant à l'exploitation commerciale de biens immobiliers sous forme de gîtes touristiques et ce faisant, ils ont trahi sa confiance et n'ont pas mis leur expérience à son service, ne cherchant qu'à valoriser [B].
La société précise que la rupture conventionnelle a été sollicitée par M. [A] qui lui a adressé finalement une lettre de prise d'acte de la rupture alors qu'il avait évoqué une démission.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.
A titre liminaire, la cour écarte des débats les pièces produites par les parties qui sont rédigées en anglais et non traduites.
La cour observe également, avant toute discussion au fond, que M. [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail sept mois et demi seulement après sa signature et sa mise en oeuvre.
En l'espèce, M. [A] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il appelle sa 'mise au placard', qui a fondé sa prise d'acte de la rupture, pas plus que de l'absence des attributions attachées à son poste.
Si plusieurs des documents produits mettent en évidence les difficultés survenues dans le changement de système informatique intervenu en mai 2010, qui ont entraîné des erreurs de facturation, des absences de réponse aux clients, la perte de certains clients et des hausses de tarifs, cela ne recouvre pas en soi des manquements aux obligations contractuelles de la société CARGLASS à l'égard du la salarié.
Les courriels produits par M. [A] et par la société CARGLASS démontrent que lui, comme Mme [R], étaient consultés ou mis en copie et non écartés des discussions entre collaborateurs de la société CARGLASS.
M. [A] ne prouve pas qu'il n'était pas convoqué aux 'steering committee' comme il le soutient, alors qu'au contraire, M. [N] atteste qu'il était convoqué systématiquement mais qu'il n'y assistait pas, de même qu'aux autres réunions et qu'il ne répondait pas aux demandes d'avis qui lui étaient transmises. Le plus souvent, l'intéressé se trouvait en Alsace où il conservait d'autres activités. Mme [Z], 'senior group legal counsel' au sein du groupe Belron, et ex-avocate de celui-ci, ainsi que M. [A] [T], DRH, le confirment également. Des courriels échangés en octobre 2010 montrent également que M. [A] ne répondait pas aux sollicitations de M. [N].
Par son attestation (pièce 58-1 des deux salariés), M. [K] [M], assistant de direction, explique que lors de ses congés de septembre 2010, Mme [T] [D] et M. [N], directeur Europe de Carglass Spécials l'ont contacté par téléphone pour lui demander désormais de rendre des comptes à Mme [D], celle-ci était 'en charge d'[B] jusqu'à l'arrivée de M. Olivier [S]' qui a pris le relais courant octobre 2010, et non plus à Mme [R] et à M. [S] [A]. Outre le fait qu'il est difficile d'expliquer que cette demande lui ait été faite lors de ses congés, cet écrit ne suffit pas à caractériser une mise à l'écart des intéressés, s'agissant des dires d'un seul salarié.
Le courriel envoyé le 9 septembre 2010 par M. [A] à M. [N] dans lequel il indique de façon sibylline qu'il prend acte avec Mme [R] de sa décision de faire reporter l'ensemble de leurs actions par les salariés d'[B] à [T] ([D]) à compter du même jour, n'est corroboré par aucun autre élément objectif en dehors de l'attestation de M. [M] précitée. En outre, le libellé de cet écrit, qui est contesté par la société, ne mentionne pas que les compte-rendus des salariés devaient être faits exclusivement à Mme [D].
La note du 1er juillet 2010 établie par M. [O], après l'intégration de Car&Bus, sur la nouvelle organisation de la société Carglass Spécials, ne cite pas expressément M. [A] et Mme [R] comme membres de cette équipe. Cependant sa lecture fait ressortir en substance les changements qui interviennent dans l'équipe de direction. M. [A] étant déjà présent dans l'équipe de direction et son poste n'étant pas modifié, le fait qu'il n'ait pas été cité ne permet pas d'en déduire que, pour autant, il est exclu de cette équipe et mis au placard.
En ce qui concerne les hausses de tarifs invoqués par M. [A], le responsable commercial de la société CARGLASS, M. [C], annonce le 21 juillet 2010, que la politique tarifaire de la société CARGLASS Spécials va mettre en difficulté le secteur nord dont il est responsable.
A l'inverse, par un courriel du 21 mai 2010, M. [O] [O], directeur France de Carglass Spécials, reproche à M. [N], mais aussi à M. [A] et à Mme [R] une hausse de 20% des tarifs OMTY à l'égard du Réseau Caglass Spécials ainsi que leur manque de transparence à cet égard.
Ces hausses tarifaires, si elles sont imputables à la société CARGLASS, ne peuvent lui être reprochées dans le cadre de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [A], dès lors qu'ils ne constituent pas un manquement de l'employeur vis à vis du salarié.
Les pièces produites par la société CARGLASS démontrent en réalité qu'après leur différend financier qui a donné lieu à un jugement du tribunal de commerce de Paris n'ayant pas fait droit à leurs demandes, M. [A] et Mme [R] se sont peu à peu tournés vers d'autres activités, abandonnant leurs fonctions au sein de la société CARGLASS. Ils ont ainsi créé la SCI Renaissance en août 2010 et la SCI AS Vosges en janvier 2011 ayant pour objet l'acquisition de biens immobiliers pour la location et en particulier de gîtes en Alsace. M. [A] continuait encore à travailler pour ICE SERVICE et l'activité de Mondial Pare-brise en janvier 2011, ainsi qu'une annonce pour un emploi de technico-commercial, mentionnant que les candidatures devaient lui être adressées, en témoigne.
Il résulte par ailleurs des éléments du dossier que dès le 1er octobre 2010, M. [A] et Mme [R] souhaitaient parvenir à une rupture conventionnelle avec la société CARGLASS, qu'une réunion avait eu lieu à cet effet le 20 octobre 2010 et qu'une autre était programmée pour le 16 novembre 2010, date à laquelle les deux salariés ont rédigé et envoyé leur lettre de prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de leur employeur. Les échanges de courriels à cet égard sont à plusieurs reprises écrits à leur initiative ce qui contredit le fait que c'est la société CARGLASS qui a été à l'origine d'une demande de rupture conventionnelle.
Enfin, en janvier 2011, M. [A] et Mme [R] ont expliqué à un journaliste spécialisé (pièce 7 de la société) qu'en parallèle de la société OMTY, ils s'étaient également ouverts début 2000 au marché du particulier en tant que master franchisés Mondial Pare-brise et qu'après la vente d'[B], ils avaient décidé de quitter le nouveau groupe Belron pour se concentrer sur l'activité de la franchise Mondial Pare-brise et qu'ils venaient d'emménager dans de nouveaux bureaux à [Localité 1] où étaient réunies les fonctions support.
Au vu de ces éléments, les manquements reprochés par M. [A] à l'appui de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société CARGLASS ne sont pas établis.
La prise d'acte de la rupture par M. [A] s'analysant donc en une démission, M. [A] doit être débouté de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la clause de non concurrence
M. [A] plaide en premier lieu que cette clause n'est pas limitée dans l'espace et qu'elle ne prend pas en compte les spécificités de son activité et en second lieu que la société CARGLASS a méconnu ses obligations contractuelles concernant la clause de non concurrence insérée à son contrat de travail soit celle de lui payer une indemnité compensatrice soit celle de la libérer de toute obligation de non concurrence. Il ajoute que dans la mesure où aucune indemnité ne lui a été réglée par son employeur lors de la rupture du contrat de travail, il s'est trouvé libéré de l'obligation de non concurrence.
La société CARGLASS réplique que M. [A] a enfreint son devoir de fidélité du 1er juillet 2010 au 16 février 2011, date de la rupture effective de la relation de travail, puisqu'il n'a procédé à aucun désinvestissement des participations qu'il possédait dans les centres de pose de vitrages automobiles Mondial Pare-brise qu'il exploitait avec Mme [R] via la société Holding ICE. Elle précise qu'à l'expiration de son contrat de travail, le salarié restait lié pendant deux ans par une clause post-contractuelle de non concurrence qui lui interdisait de gérer le réseau Mondial Pare-brise, interdiction dont il n'a pas tenu compte.
Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
La clause de non-concurrence prévue à l'article 9 du contrat de travail de la salariée interdisait à M. [A] de participer directement ou indirectement à une entreprise vendant ou installant à titre principal ou accessoire des produits susceptibles de concurrencer ceux de la société CARGLASS au titre de l'ensemble de ses activités, à savoir tous produits ou services en matière de vitrage, de réparation de vitrage, d'optiques de phares et de leurs accessoires, pendant une durée de deux ans à compter de la date de départ effectif de M. [A], et ce, sur le territoire national français métropolitain, ainsi qu'en Hongrie et sur tout autre pays européen où s'implanterait l'activité Spécials de Belron dans la mesure où l'intéressée a des fonctions européennes. En contrepartie de l'exécution de cette clause, la société CARGLASS devait verser à M. [A] pendant deux ans chaque mois, une indemnité brute forfaitaire correspondant à 35% de sa rémunération brute de base en vigueur au moment du départ de l'intéressé.
L'interdiction de se livrer à la vente de vitrages automobiles qui résulte de cette clause n'apparaît pas illicite, contrairement à ce que soutient M. [A], dès lors que la société OMTY qu'elle a contribué à créer et développer, avait aussi une activité dans les accessoires automobiles et que son expérience professionnelle qui ne se réduit pas aux vitrages automobiles ou de poids lourds pouvait lui permettre de retrouver une activité. La clause n'apparaît pas davantage disproportionnée dans l'espace qui est limité au terrritoire national et à certains pays européens. Elle prévoyait en outre une contrepartie financière. Cette clause est donc licite.
Pour pouvoir être indemnisé au titre de la clause de non concurrence, encore faut-il que le salarié justifie la respecter.
En l'espèce, M. [A] ne conteste pas s'être livré à l'activité prohibée pendant la durée contractuelle mais aussi postérieurement. En effet, selon les déclarations qu'il a faites avec Mme [R] au journal spécialisé précité, il a continué à avoir une activité au sein des sociétés dans lesquelles il avait des parts sociales et ayant conclu un contrat de franchise avec la société Mondial Pare-brise. Il n'est pas contesté qu'il n'a pas cédé ses parts sociales dans ces sociétés malgré l'obligation qui lui en était faite dans le cadre de l'acte séparé de non concurrence et de désinvestissement du 1er mars 2010.
Dans ces conditions, M. [A] doit être débouté de sa demande d'indemnisation au titre de la clause de non concurrence et le jugement entrepris confirmé.
Sur les demandes indemnitaires de la société CARGLASS
La société CARGLASS relève que la concurrence illicite à laquelle s'est livré M. [A] a débuté le 1er juillet 2010 et s'est terminée le 4 janvier 2012, date de la cession de toutes ses participations dans les centres franchisés Mondial Pare-brise directement à la société Mondial Pare-brise et que l'ensemble du préjudice qu'elle a subi pendant cette période doit être réparé, au titre de la réparation forfaitaire prévue au contrat de travail et au titre aussi du préjudice pécuniaire et moral qu'elle a effectivement subi, ce qui est aussi prévu au contrat de travail.
M. [A] relève la tardiveté de cette demande de la société CARGLASS au titre de la prétendue violation de son obligation de loyauté, par un courrier du 13 mai 2011 après qu'elle ait retenu pendant plus d'une année le solde du prix de cession dû à la société ICE Investissement. Il estime que la société opère une confusion entre la société ICE Investissement, société holding co-gérée par lui et sa situation de salarié, faisant état de faits reprochés en réalité à la société ICE Investissement dans le cadre du litige commercial et l'obligation de désinvestissement de cette dernière société qui demeure indépendamment de la rupture du contrat de travail. Il conteste avoir commis une faute lourde ainsi que la société CARGLASS le prétend en rappelant qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure disciplinaire, n'a fait l'objet d'aucun licenciement pour faute grave voire lourde, et que la société a accepté qu'il effectue son préavis de trois mois.
Quant à la violation de la clause de non concurrence, il soutient encore que cette clause a porté une atteinte manifeste au principe de libre exercice d'une activité professionnelle et qu'elle est nulle. Il conteste le préjudice invoqué par la société CARGLASS aux motifs que celle-ci a enregistré une baisse de chiffre d'affaires sur l'intégralité des sociétés qu'elle a acquises (Proglass Est, Proglass IDF et OMTY), qu'elle reconnaît rencontrer aussi des difficultés économiques puisqu'elle a procédé à des licenciements économiques dans le courant de l'année 2012 et que lui et Mme [R] l'ont alerté quant aux conséquences négatives de sa politique de prix des produits de la société OMTY, ayant entraîné une perte de confiance des clients. Subsidiairement, il demande que la somme réclamée par la société CARGLASS, à supposer qu'elle justifie d'un réel préjudice, soit ramenée à de plus justes proportions.
Le contrat de travail de M. [A] contient, en son article 8, une clause d'exclusivité et de loyauté ainsi libellée :
' Monsieur [S] [A] sera tenu de consacrer l'intégralité de son temps d'activité professionnelle à l'exercice de ses fonctions. Il s'interdit par conséquent, pendant toute la durée du présente contrat, de travailler à quelque titre que ce soit, y compris en tant que mandataire social, personnellement ou par personne physique ou morale interposée, pour toute autre société, même non concurrente, sauf accord préalable écrit d'un représentant légal de la Société.
Monsieur [S] [A] s'engage par ailleurs à user des pouvoirs qui lui sont conférés par ses fonctions avec loyauté, intégrité et dans l'intérêt exclusif de la Société et du Groupe'.
L'article 9 relatif à la clause de non-sollicitation et à la clause de non concurrence du contrat ajoute :
'Au cas où Monsieur [S] [A] enfreindrait de quelque manière que ce soit la présente clause, Monsieur [S] [A] se rendrait automatiquement redevable d'une pénalité fixée forfaitairement à 10 (dix) mois de son dernier salaire de base brut (hors part variable) et au remboursement immédiat des contreparties pécuniaires indûment perçues.
Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits que se réserve la société CARGLASS SAS de poursuivre Monsieur [S] [A] en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle'.
Pour ce qui concerne la période d'exécution du contrat de travail, la cour constate que la société CARGLASS ne justifie pas d'un préjudice distinct que celui qui a été réparé par l'octroi de la somme de 50 000 euros qui lui a été allouée par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 20 novembre 2014 et qui a été mise à la charge de la société ICE Investissement, de M. [A] et de Mme [R] au titre de la violation par eux de l'engagement de non concurrence du 1er mars 2010.
En revanche, l'activité que M. [A] a continué d'exercer indirectement par la société ICE Investissement dans le cadre des sociétés franchisées de la société Mondial Parebrise, en violation de la clause de non concurrence, une fois la rupture du contrat de travail consommée, soit après le départ effectif de l'intéressé, le 16 février 2011, et jusqu'au 4 janvier 2012, date de cession de ses parts, a pu causer un préjudice au moins moral à la société CARGLASS. Dès lors l'indemnisation forfaitaire prévue contractuellement doit s'appliquer. Il sera fait droit à la demande de la société CARGLASS au titre du préjudice forfaitaire tel que fixé à l'article 9 du contrat de travail. Le jugement sera infirmé à cet égard.
En ce qui concerne l'indemnité complémentaire sollicitée sous la forme de dommages et intérêts, la société produit des tableaux reprenant l'évolution des chiffres d'affaires des sociétés OMTY et du Périmètre 'Specials' qui retracent tous une diminution des chiffres d'affaires, mais qui, pour une raison qui échappe à la cour, ne mentionnent pas l'année 2010 et qui, par ailleurs, ne permettent pas d'établir un lien de causalité certain entre la violation de la clause de non concurrence par M. [A] et cette diminution d'activité.
La demande formée par la société CARGLASS à ce titre doit donc être rejetée et le jugement entrepris sera confirmé sur cette demande.
Sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
L'équité commande de débouter M. [A] de la demande qu'il forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à la société CARGLASS une indemnité d'un montant de 2 000 euros, pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [A], qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,
Ordonne la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros n° 14/01068 et 14/01093 et dit que du tout, il sera dressé un seul et même arrêt sous le numéro 14/01068 ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a rejeté la demande de la société CARGLASS au titre du préjudice forfaitaire résultant du non respect de la clause de non concurrence ;
Infirme le jugement entrepris sur ce seul point et statuant à nouveau,
Condamne M. [A] à régler à la société CARGLASS la somme de 75 000 euros au titre de la pénalité forfaitaire prévue à l'article 9 de son contrat de travail ;
Condamne M. [A] à payer à la société CARGLASS une indemnité d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [A] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Condamne M. [A] aux dépens ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,