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18/02/2016 | FRANCE | N°12/02706

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 18 février 2016, 12/02706


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 FEVRIER 2016



R.G. N° 12/02706

SB/AZ



AFFAIRE :



[M] [D]





C/

[L] [C]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : 09/01541



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Elise BENISTI

Me Stéphane LAUBEUF





Copies certifiées conformes délivrées à :



[M] [D]



[L] [C]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 FEVRIER 2016

R.G. N° 12/02706

SB/AZ

AFFAIRE :

[M] [D]

C/

[L] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : 09/01541

Copies exécutoires délivrées à :

Me Elise BENISTI

Me Stéphane LAUBEUF

Copies certifiées conformes délivrées à :

[M] [D]

[L] [C]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise BENISTI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2553

APPELANT

****************

Monsieur [L] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0083

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie BOSI, Président,

Madame Christel LANGLOIS, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du Boulogne Billancourt du 25 mai 2012 ayant dans l'instance opposant M [M] [D] à M [L] [C] :

- dit que le licenciement dont M [D] à fait l'objet repose sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave,

- condamné Monsieur [C] à payer à M [D] :

o 554,32€ bruts à titre de rappel de salaires sur la majoration des heures supplémentaires de la 36ème à la 39ème et 55,43€ bruts au titre des congés payés afférents,

o 429,22€ bruts au titre de la rémunération du temps d'habillage et de déshabillage et 42,92€ au titre des congés payés afférents,

o 4 500€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 450€ de congés payés afférents,

o 1 558,90€ bruts au titre du rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire du 7 juin 2009 au 9 juillet 2009 et 155,89€ au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2009,

o 1 968,75€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêt au taux légal à compter du jugement.

- dit que Monsieur [C] devra transmettre à Monsieur [D] un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin récapitulatif sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant notification,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Monsieur [C] à verser à Monsieur [D] la somme de 1000€ au titre de l'article 700;

- condamné Monsieur [C] aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de Monsieur [D] du 6 juin 2012.

Vu les dernières conclusions écrites de Monsieur [D], développées oralement par son avocat qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il considère que les griefs qui fondent le licenciement ne constituent pas une faute grave et confirmer l'ensemble des condamnations afférentes à l'exception de l'indemnité de licenciement qu'il convient de recalculer,

- l'infirmer sur le reste et ainsi, statuant à nouveau :

- juger le licenciement de Monsieur [D] abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- à ce titre, condamner Monsieur [C] à payer les sommes suivantes :

o complément d'indemnité de licenciement : 2161.25€

o indemnité pour licenciement abusif : 48 212€

- condamner Monsieur [C] à payer les sommes suivantes :

o arrérage de salaires au pourcentage : 39 983.30€

et congés payés y afférents : 3 998.33€

o heures supplémentaires de 2005 à 2009 et majorations y afférentes : 64 005.68€

et congés payés y afférents : 6.400€

o repos compensateurs : 15 080.4€

o indemnité pour travail dissimulé : 15 780€

o à titre de rappel de majorations jours fériés travaillés : 2 320€

o en application de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 €

- dire que sous astreinte de 100 € par jour commençant à courir 10 jours après notification de la décision à intervenir Monsieur [L] [C] devra remettre à Monsieur [D] des bulletins de paye pour les mois de juin et juillet et exempts de toute mention de licenciement pour faute, de mises à pied conservatoire ainsi qu'une attestation ASSEDIC et certificat de travail portant mention de sa date d'entrée dans l'établissement le 21 novembre 2000.

Vu les dernières conclusions écrites de Monsieur [C], développées oralement par son avocat qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf à réformer le montant de l'indemnité de licenciement et condamner Monsieur [D] aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

CECI ETANT EXPOSE :

Considérant que Monsieur [D] a travaillé au 'Café Français' café restaurant sis à [Localité 2] en tant que garçon de café à compter du 21 novembre 2000 et jusqu'au 17 juin 2009, date à laquelle il a été mis à pied à titre conservatoire, la rupture de son contrat de travail étant intervenue le 8 juillet 2009, date de son licenciement pour faute grave ;

Considérant que le contrat de travail n'a pas donné lieu à un contrat écrit ;

Considérant que l'établissement a eu plusieurs exploitants successifs ;

Que l'employeur du salarié a été du 1er décembre 2003 jusqu'au 8 juillet 2009, Monsieur [C] locataire-gérant ;

Considérant que l'activité relève de la convention collective nationale cafés, hôtels, restaurants ;

Considérant qu'à la date de la rupture, moins de 11 salariés travaillaient au 'Café Français' ;

Considérant que contestant son licenciement et réclamant le paiement de diverses sommes, Monsieur [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt le 31 juillet 2009 ;

Sur les demandes de rappel de salaire liées au mode de rémunération :

Considérant que les pourboires remis directement au personnel par les clients et sans intervention de l'employeur ne font pas l'objet de la contestation ;

Considérant que Monsieur [D] ne discute pas le fait qu'il était payé intégralement au pourcentage pour le service mais conteste le calcul de sa rémunération ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 3244-1 du code du travail, dans les établissements commerciaux où existe la pratique du pourcentage service, toutes les perceptions faites pour le service par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes les sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisés par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement ;

Considérant que Monsieur [D] reproche à Monsieur [C] de ne pas justifier les montants des sommes encaissées et leur répartition de sorte qu'il ne connaît pas le montant réel de son salaire;

Qu'il précise que l'examen de ses fiches de paie ne permet pas de vérifier le montant des pourcentages pour le service centralisés par l'employeur ;

Qu'il soutient que les chiffres d'affaires figurant sur les tableaux de valeurs journalières de l'employeur sont mensongers car outre le fait qu'ils ne sont pas contresignés, ils ne correspondent pas aux chiffres qu'il a lui-même relevés manuellement et aux quelques tickets concernant des soirées spécifiques dont il dispose ;

Qu'il a reconstitué le chiffre d'affaires et qu'il réclame des rappels de salaire sur cette base étant observé qu'il ne discute pas le fait que sa rémunération a été supérieure aux minima légaux ;

Considérant que Monsieur [C] soutient au contraire avoir versé ce qu'il devait au salarié ;

Considérant que la cour retient que l'acceptation d'un bulletin de paye, sans réserve, ne vaut pas arrêté de comptes et ne peut être interprétée comme impliquant renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires ;

Considérant que Monsieur [C] produit les relevés mensuels qui font ressortir le chiffre d'affaires réalisé chaque jour du mois, le montant des perceptions faites par le service sur la base du chiffre d'affaires quotidien et la répartition entre les salariés travaillant un jour donné ainsi que l'intégralité des relevés journaliers sur la période non-prescrite, la répartition individuelle pour les années complètes 2005 et 2006 et les bulletins de paie établis pour ces années pour les salariés en contact avec la clientèle ;

Que les éléments comptables sont établis par un centre de gestion agréé ;

Que les chiffres d'affaires hors taxe réalisés par l'entreprise sont adossés au cumul des chiffres d'affaires mensuels figurant sur les relevés ;

Considérant par ailleurs que le conseil de prud'hommes a retenu avec pertinence que la reconstitution du chiffre d'affaires par Monsieur [D] pose des difficultés dans la mesure où les pièces qu'il utilise ne couvrent pas l'intégralité de la période pour laquelle il forme une demande de rappel de salaire ; que la variété de leur présentation ne permet pas de rétablir le montant des sommes qui auraient été remises sur un mois en vue de réaliser une comparaison avec la somme mentionnée sur le bulletin de paie ;

Considérant en conséquence que Monsieur [D] ne remet pas en cause valablement les calculs de salaire effectués par l'employeur ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande de paiement formée au titre des rappels de salaires ;

Que la demande dont la cour est saisie devra également rejetée ;

Sur les heures supplémentaires :

Considérant qu'il existe un litige sur l'existence et le nombre d'heures supplémentaires effectuées ;

Qu'en application des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, l'employeur doit fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge se prononçant au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;

Considérant que conformément à la convention collective, l'entreprise doit ajouter au pourcentage service le payement des majorations dues pour les heures supplémentaires exécutées par les salariés rémunérés au pourcentage service ;

Qu'à compter du 1er avril 2007, les majorations suivantes pour heures supplémentaires sont applicables à compter de la 36 ème heure :

- 10% pour les heures effectuées entre la 36 e et la 39 e heure

- 20 % pour les heures effectuées entre la 40 e et la 43 e heure

- 50 % pour les heures effectuées à partir de la 44 e heure ;

Considérant que Monsieur [D] soutient que son employeur n'a pas tenu compte des heures supplémentaires qu'il a réalisées au-delà des 169 heures de base qui s'imposaient à lui;

Qu'il affirme qu'il effectuait nécessairement des heures supplémentaires compte tenu du mode de fonctionnement de l'établissement qui :

- suivant le registre des entrées et sorties du personnel, employait essentiellement quatre serveurs, l'un au bar et les trois autres en salle ;

- comportait 105 places à l'intérieur et à la belle saison une terrasse de 100 places en plus, soit 205 tables auxquelles s'ajoute un bar ;

- était ouvert sept jours sur sept de 5h30 à 21h00 et à la belle saison de 5h30 à 22h30 ;

- ne pratiquait pas de ' coupure' dans les horaires, les mêmes serveurs assurant le service de café et de brasserie toute la journée comme cela est corroboré par 17 témoins parmi lesquels 3 anciens salariés ;

Qu'il ajoute que les témoins et les clients de la brasserie confirment qu'il effectuait un horaire de 8h à 19 h l'hiver et de 8 h à 20 h l'été, et ce, 5 jours par semaine ;

Que ses horaires réels étaient de :

- 52,50 heures par semaine l'hiver ;

- 57,50 heures par semaine l'été ;

Que son dossier médical indique également que ses horaires vont de 8h à 19h ;

Qu'il précise qu'il intervenait également lors de 'soirée à thème' et qu'à ce moment là, il commençait son travail à 8h00 du matin et ne disposait que de 2 pauses de 30 minutes ; que son amplitude horaire journalière était de 16 h00 de travail ;

Qu'il mentionne encore avoir interrogé plusieurs fois son employeur sur ses heures de travail et que celui-ci les a modifiées de manière significative à compter du 9 mars 2009 pour les ramener à 169 heures par mois, sans toutefois majorer les heures supplémentaires de la 36 ème heure à la 39 ème heure ;

Considérant que le salarié fournit des tableaux indiquant pour chaque jour de la semaine de chaque mois de 2004 à la date de rupture de son contrat de travail, le nombre global d'heures qu'il a accomplies et la somme correspondante selon le taux horaire applicable et ses majorations ;

Qu'il réclame devant la cour en sus des sommes obtenues en première instance, le paiement d'heures supplémentaires pour la période de 2005 à 2009 représentant la somme totale de

64. 005,68 euros outre 10% au titre des congés payés y afférents ;

Considérant que Monsieur [C] affirme au contraire que Monsieur [D] n'a pas travaillé plus de 169 heures par mois ; qu'il lui reproche d'utiliser faussement et à son avantage les heures d'ouverture de la brasserie, de minorer le nombre de serveurs employés, de ne pas tenir compte du fait qu'il travaillait lui-même en salle avec son épouse et de ne pas mentionner le roulement effectué entre les salariés ;

Considérant que l'employeur demande la confirmation du jugement qui a retenu des majorations pour heures supplémentaires dans les proportions suivantes :

- en 2007 : 174,56 euros soit 10% de 11,19 euros (taux horaire) par 4 heures et par 39 semaines ;

- en 2008 : 246,27 euros soit 10% de 11,84 euros ( taux horaire ) par 4 heures et par 52 semaines ;

- en 2009 : 133,49 euros soit 10% de 12,36 euros (taux horaire) par 4 heures et par 27 semaines ;

Considérant que la cour relève que le salarié mentionne dans ses tableaux le nombre d'heures de travail qu'il a effectué par jour selon lui ; que toutefois les heures sont dupliquées par blocs uniformes au cours de la période de 2004 à 2009 (10h50, 11 h 50 et 18 h lors de fêtes );

Considérant que s'agissant des attestations communiquées, les attestations des anciens salariés posent des difficultés dans la mesure où ceux -ci n'ont pas travaillé pour l'établissement pendant toute la période de la réclamation des heures supplémentaires ; que Madame [U] a indiqué que les horaires de Monsieur [D] étaient l'été de 8 heures à 20 heures et l'hiver de 8 heures à 19 heures alors qu'elle n'avait été salariée du 'Café Français' que d'avril à septembre 2007 et qu'elle y travaillait de 11 heures à 16 heures ; que le cuisinier, Monsieur [B], est parti en juin 2008 et que Monsieur [J] n'a travaillé pour la brasserie que du 1er avril 2008 au 31 mai 2009 ;

Considérant que s'agissant des clients ceux-ci affirment que Monsieur [D] était présent le matin (à 8 heures selon certains témoignage), le soir à 19 heures (ou 18h 30 selon un témoin) et lors de soirées à thème et qu'il effectuait également le service du midi avec rapidité mais que le conseil de prud'hommes a retenu avec pertinence que ces attestations rédigées de façon stéréotypée perdent grandement leur force probante ; qu'au surplus ces consommateurs et voisins de l'établissement n'ont matériellement pas été présents pendant toute la période d'ouverture dans la brasserie ;

Considérant en conséquence au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation fournis que la cour est en mesure de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [C] à payer à Monsieur [D] :

- la somme de 554,32 euros bruts au titre des heures supplémentaires de la 36 ème à la 39 ème heures pour la période du 1er avril 2007 au 8 juillet 2009 ;

- la somme de 55,43 euros bruts au titre des congés payés incidents ;

et en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de ses demandes de rappel de salaire supplémentaires et des repos compensateurs ;

Sur les majorations pour travail les jours fériés :

Considérant que le travail pendant les jours fériés n'est pas caractérisé ;

Que Monsieur [D] sera débouté de sa demande et le jugement confirmé ;

Sur le travail dissimulé :

Considérant que le travail dissimulé n'est pas établi en ses éléments constitutifs ;

Que le jugement qui a rejeté la demande de ce chef sera confirmé ;

Sur le temps d'habillage et de déshabillage :

Considérant que le conseil de prud'hommes a condamné Monsieur [C] à payer à Monsieur [D] la somme de 429,22 euros au titre du temps d'habillage et de déshabillage outre les congés payés incidents à hauteur de 42,92 euros ;

Considérant que Monsieur [D] demande la confirmation du jugement ;

Considérant que Monsieur [C] ne s'y oppose pas ;

Considérant que le jugement qui est fondé de ce chef sera confirmé ;

Sur le licenciement :

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le

maintien du salarié dans l'entreprise ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur de la prouver ;

Considérant que Monsieur [D] a été licencié pour faute grave ;

Que la lettre de licenciement indique :

« Depuis le premier trimestre 2009, nous avons constaté une dégradation de votre comportement, faisant soudainement état d'un mauvais esprit, faisant preuve d'insubordination, n'exécutant plus de façon loyale votre contrat de travail, cette situation nous ayant contraint à vous notifier, après plusieurs remarques, un avertissement par courrier du 9 mars 2009, complété par courrier du 20 mars suivant.

Toutefois, votre comportement n'a pas changé, celui-ci s'étant même dégradé au fil des mois.

En effet, votre réaction a été en totale contradiction avec nos attentes, vos remarques déplacées et votre mauvaise volonté devenant quant à elle une habitude, refusant toute remarque, et maugréant quand des instructions vous sont données.

De même nous avons découvert qu'il vous était habituel de critiquer votre hiérarchie devant vos collègues, n'hésitant pas à remettre en cause devant eux les consignes qui vous étaient données. Dans le même esprit, vous ne craignez pas d'orienter les clients vers des produits que vous savez indisponibles pour ensuite leur laisser entendre, après leur avoir demandé de modifier leur choix, que la gestion menée par votre direction laissait à désirer, n'hésitant pas à ce sujet à utiliser des termes contraires à l'exécution de vos fonctions de bonne foi.

Enfin, vous avez entretenu le propriétaire des murs de notre commerce de différentes remarques visant à dénigrer votre direction au moment même ou était négocié le renouvellement de la location gérance, dans le but évident de lui nuire.

De manière générale, vous adoptez ainsi une attitude provocatrice, n'hésitant pas, autre exemple, à utiliser votre téléphone portable pour des appels personnels pendant votre service et devant la clientèle. » ;

Considérant que l'intimé demande à la cour d'adopter purement et simplement les motifs du conseil de prud'hommes pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Considérant que Monsieur [D] conteste à la fois la faute grave et la cause réelle et sérieuse, discute les attestations communiquées par Monsieur [C] et soulève la prescription  ;

Considérant que l'employeur estime que la preuve des griefs résulte de l'avertissement du 9 mars 2009 infligé au salarié en raison de son comportement dans le travail et son attitude désobligeante ainsi que par les attestations de Monsieur [F] et de Monsieur [R] ;

Considérant que Monsieur [R] qui n'est plus salarié de l'entreprise quand il témoigne précise qu'il a travaillé au sein du Café Français du 2 juin 2009 au 30 avril 2010 ; qu'il a été en contact direct avec Monsieur [D] pendant deux semaines environ ; qu'il relate que Monsieur [D] a cherché querelles 'aux patrons', ne voulant pas faire certains travaux, les critiquant, leur répondant de façon insolente devant les clients ; que la situation s'est dégradée après son avertissement ; qu'il cherchait à 'énerver l'employeur', traînant pendant le service et refusant de donner 'un coup de main' au moment du déjeuner ;

Considérant que Monsieur [F], salarié du Café Français depuis le 14 février 2008, a également précisé que Monsieur [D] critiquait Monsieur [C] et son épouse en disant 'ce sont de mauvais patrons ' et 'j'espère que le propriétaire ne va pas lui renouveler la gérance' ; que Monsieur [F] a confirmé les propos de Monsieur [R] sur le comportement de Monsieur [D] pendant le service et ajouté qu'il proposait aux clients des plats qui n'étaient plus disponibles ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter ces attestations qui comportent l'identité de leurs rédacteurs et font état des éléments suffisamment précis rappelés ci-dessus ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte le conseil de prud'hommes a retenu que le comportement de Monsieur [D] a perduré et s'est même amplifié après l'avertissement du 9 mars 2009 ;

Considérant qu'en agissant comme ses collègues de travail l'ont rapporté, le salarié a nuit au bon fonctionnement de l'établissement ;

Considérant que la poursuite d'un fait autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires y compris déjà sanctionnés ;

Que ces faits ne sont pas constitutifs d'une faute grave compte tenu de son ancienneté et de l'absence d'incident avant le 9 mars 2009 ;

Qu'ils constituent néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef et Monsieur [D] débouté de ses demandes au titre du licenciement abusif ;

Sur les conséquences financières du licenciement :

Considérant sur l'indemnité de licenciement que Monsieur [D] demande un complément d'indemnité de 2 161,25 euros en faisant valoir que le conseil s'est trompé dans son calcul en ne lui appliquant pas la règle du 1/5, l'indemnité légale lui étant la plus favorable ;

Qu'il justifie qu'en retenant un salaire moyen de 2 360 euros, l'indemnité de licenciement qui lui est due s'élève à la somme de 4 130 euros soit une différence de 2 161,25 euros à son profit après déduction de la somme de 1 968,75 euros que le conseil de prud'hommes lui a accordée ;

Considérant que Monsieur [C] ne s'oppose pas véritablement à la demande ;

Considérant que le jugement sera réformé de ce chef et Monsieur [C] condamné à payer à Monsieur [D] la somme de 2 161,25 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement avec intérêt au taux légal à compter du jugement ;

Considérant que les parties ne discutent ni le montant des autres condamnations ni le point de départ des intérêts de retard ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [C] à payer à Monsieur [D] les sommes de :

- 4 500 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 450 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 1 558,90 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 17 juin 2009 au 9 juillet 2009 qui n'était pas justifiée en l'absence de faute grave ;

- 155,89 euros bruts au titre des congés payés incidents ;

Que les dispositions relatives aux intérêts de retard seront confirmées ;

Sur la remise des documents de rupture :

Considérant que Monsieur [C] devra remettre à Monsieur [D] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision et portant la date d'entrée dans l'établissement et ce dans le mois suivant la signification du présent arrêt ;

Considérant que le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Considérant que Monsieur [C] est condamné au paiement de diverses sommes ;

Considérant que l'équité commande d'indemniser Monsieur [D] des frais irrépétibles de procédure qu'il a exposés à concurrence de 1 000 euros en première instance et de 1 000 euros en cause d'appel ; que le jugement sera confirmé de ce chef et qu'il y sera ajouté dans cette limite ;

Considérant que Monsieur [C] devra également supporter les entiers dépens de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt rendu contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur l'indemnité de licenciement et l'astreinte,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Dit que l'indemnité de licenciement s'élève à la somme de 4 130 euros,

Condamne Monsieur [C] à payer à Monsieur [D] le solde de 2 161,25 euros restant dû sur l'indemnité de licenciement,

Dit que l'indemnité de licenciement sera productive d'un intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance ;

Y ajoutant,

dit que l'exécution provisoire est sans objet en cause d'appel,

Dit que Monsieur [C] devra remettre à Monsieur [D] dans le mois suivant la signification du présent arrêt un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision et portant la date d'entrée dans l'établissement,

Dit que le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire,

Condamne Monsieur [C] à payer à Monsieur [D] en sus de l'indemnité pour frais irrépétibles de procédure accordée en première instance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en cause d'appel,

Condamne Monsieur [C] aux entiers dépens,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'art 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BOSI, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 12/02706
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°12/02706 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;12.02706 ?
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