COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58C
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 AVRIL 2016
R.G. N° 14/00824
AFFAIRE :
Société INORA LIFE Ltd,
prise en sa succursale INORA LIFE FRANCE
C/
[U] [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 06
N° RG : 12/00898
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Dominique SANTACRU de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES
Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUATORZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société de droit irlandais INORA LIFE Ltd
immatriculée en Irlande sous le n° [Adresse 1], prise en sa succursale INORA LIFE FRANCE - RCS 434 487 757
[Adresse 2]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Dominique SANTACRU de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0470
APPELANTE
****************
Monsieur [U] [V]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L0187
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
FAITS ET PROCÉDURE
Le 22 mai 2010, M. [V] a adhéré à un contrat collectif d'assurance sur la vie en unités de compte dénommé « Imaging » auprès de la société Inora Life France.
Il a versé sur ce contrat la somme de 20.000 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2011, M. [V] s'est prévalu auprès de l'assureur de son droit à renonciation, tel que prévu par l'article L 132-5-1 du code des assurances, en arguant du non respect par la société Inora Life de son obligation pré-contractuelle d'information et de la prorogation de délai subséquente.
Par courrier du 7 novembre 2011, l'assureur a refusé de faire droit à cette demande.
Le 20 janvier 2012, M. [V] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin, notamment, de le voir condamné à lui restituer la somme de 20.000 euros avec intérêts de retard au taux majoré et à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 24 janvier 2014, la juridiction a :
condamné la société Inora Life à payer à M. [V] la somme de 20.000 euros avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 18 novembre 2011 au 18 janvier 2012, puis au double du taux légal à compter du 19 janvier 2012,
dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice (28 janvier 2012) produiront eux-mêmes intérêts à compter du 28 janvier 2013,
condamné la société Inora Life à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la société Inora Life aux dépens.
Le tribunal a retenu que l'assureur n'avait pas respecté les dispositions légales s'agissant du renvoi à une annexe en ce qui concerne le régime fiscal applicable au contrat, l'absence d'information sur le rendement minimum garanti et les frais et indemnités de rachat.
La société Inora Life France a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 4 janvier 2016, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :
débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées,
le condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct.
Dans des conclusions du 15 février 2016, M. [V] prie la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts à compter de l'acte introductif d'instance,
condamner la société Inora Life à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société Inora Life aux entiers dépens avec recouvrement direct,
'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir'.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 février 2016.
SUR CE,
- Sur la violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
La société Inora Life soutient que l'exercice discrétionnaire de la faculté de renonciation comme sanction automatique, en l'absence d'un contrôle de proportionnalité et d'un rôle modérateur par le juge, porte atteinte aux principes contenus dans l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens et au droit au procès équitable.
Il résulte de l'article L 132-5-1 du code des assurances, d'ordre public, que la faculté de renonciation prorogée ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l'assuré, dont la bonne foi n'est pas requise quel que soit le moment où il en use.
La prorogation du délai de renonciation vise à sanctionner le non respect par l'assureur de l'obligation d'information précontractuelle à laquelle il est tenu ; le législateur, dont l'intention était de contraindre l'assureur à délivrer une information suffisante à l'assuré, ne pouvait atteindre cet objectif qu'en assortissant cette obligation d'une sanction automatique, dont l'application ne pouvait être modulée en fonction des circonstances de l'espèce.
Cette sanction automatique, dont le seul but était de protéger efficacement le consommateur en contraignant l'assureur à délivrer une information suffisante au futur assuré, ne porte pas une atteinte disproportionnée et injustifiée aux biens de l'assureur, qui peut sans difficulté sauvegarder tant les intérêts des preneurs d'assurance que sa propre sécurité juridique en se conformant à son obligation d'information, de sorte qu'elle n'est pas contraire aux dispositions de l'article 1er du premier Protocole Additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés Fondamentales.
- Sur les manquements invoqués par M. [V]
La société Inora Life indique qu'elle a respecté toutes les prescriptions légales.
M. [V] soutient quant à lui que les documents qui lui ont été remis lors de son adhésion ne sont pas conformes au code des assurances s'agissant de l'encadré (non conformité des mentions relatives à la nature du contrat, à la participation aux bénéfices, aux frais, à la durée du contrat, à l'emplacement de l'avertissement) et de l'absence de communication d'une note d'information (le document n'est pas distinct des conditions générales, la notice ne respecte pas le contenu prévu par l'article A 132-4 s'agissant du régime fiscal, du rendement minimum et de la participation, des frais et indemnités de rachat, les valeurs de rachat sur les huit premières années, les caractéristiques essentielles des unités de compte).
***
L'article L 135-5-3 qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur.
L'article L.132-5-2 du code des assurances prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat. Les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A.132-4.
Toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A.132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2006.
L'absence de respect par l'assureur de ses obligations est sanctionnée, selon l'article L.132-5-2, alinéa 6 par la prorogation de plein droit du délai de renonciation de l'assuré prévu à l'article L.132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.
En l'espèce, dans le contrat Imaging, l'encadré intitulé 'notice d'information' figure bien en première page d'une plaquette, avant la note d'information (pages 3 à 13).
Cependant, cet encadré ne respecte pas les dispositions légales susvisées s'agissant de l'indication de la nature du contrat (contrat d'assurance vie de groupe), insuffisamment apparente puisqu'elle est écrite dans la même police que les autres informations, alors que l'article L 132-5-2 du code des assurances exige qu'elle figure en caractères 'très apparents'.
Le seul fait que le titre 'nature du contrat' figure en gras, ainsi d'ailleurs que tous les autres titres de cet encadré ('garanties offertes', 'participation aux bénéfices', 'faculté de rachat', 'frais et indemnités', 'durée recommandée pour l'adhésion', 'désignation du ou des bénéficiaires'), ne saurait être considéré comme respectant l'exigence selon laquelle c'est bien la nature même du contrat qui doit figurer en caractères très apparents, alors qu'en l'espèce, elle est écrite dans la même police que le reste du texte.
Faute d'avoir remis un encadré conforme aux textes applicables, l'assureur n'était pas dispensé de remettre à l'assuré la note d'information prévue par l'article L 132-5-2 du code des assurances, laquelle ne doit contenir que les dispositions essentielles du contrat, telles que précisées dans ce texte et dans l'article A 132-4 du même code.
Il suffit de se reporter aux feuillets qualifiés en marge de 'notice d'information', qui couvrent les pages 3 à 14 du livret remis à l'assuré et de les comparer à ceux qualifiés de 'conditions générales' couvrant les pages 16 à 23 de ce livret, pour constater que cette notice d'information ne respecte pas le texte qui en limite le contenu aux dispositions essentielles du contrat, puisqu'elle comporte 12 pages, là où les conditions générales n'en représentent que 8. Si la communication de quelques informations non spécifiquement prévues par l'article A 132-4 peut éventuellement être admise, c'est à la condition qu'elle ne compromette pas la bonne compréhension des conditions essentielles du contrat. Or, en l'espèce, l'ajout d'éléments relatifs à l'information annuelles, aux supports financiers, aux facultés d'arbitrage, à la faculté de rachat et aux avances, aux dispositions de l'article R 131-1 et aux modalités de désignation des bénéficiaires, ajout reconnu par la société Inora Life, nuit à la compréhension de ce document, dont le contenu n'est pas strictement limité aux dispositions essentielles telles que définies dans le code des assurances.
Il apparaît donc que ni l'encadré, ni la notice d'information ne respectent les dispositions légales, et que faute d'avoir remis les documents décrits par les textes susvisés, l'assureur a manqué à son obligation d'information précontractuelle telle que prévue par l'article L 132-5-2 du code des assurances, de sorte que le délai pour exercer la faculté de renonciation n'a pas couru.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Inora Life à rembourser à M. [V] les sommes placées augmentées des intérêts moratoires, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la pertinence des autres griefs.
- Sur les autres demandes
Le tribunal a dit que les intérêts échus seront capitalisés, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter du 28 janvier 2012, date de dépôt de l'assignation au greffe.
Cependant, la date de la demande en justice, au sens de l'article 1154 du code civil, n'est pas celle du placement de l'assignation au greffe mais celle de la délivrance de l'assignation à la partie défenderesse par huissier, soit en l'espèce le 20 janvier 2012.
Il convient donc de dire que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la demande en ce sens formée le 20 janvier 2012.
Ainsi que l'a exactement jugé le tribunal, M. [V] ne démontre pas que la résistance opposée par l'assureur ait dégénéré en abus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La décision des premiers juges sera également confirmée s'agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.
La société Inora Life qui succombe en appel sera condamnée aux dépens y afférents.
Il n'y a pas lieu pour des considérations d'équité d'allouer à M. [V] une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le point de départ de la capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef :
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la demande en ce sens formée le 20 janvier 2012,
Y ajoutant :
Condamne la société Inora Life France aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute M. [V] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,