COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUILLET 2016
R.G. N° 13/05026
EL/CA
AFFAIRE :
SA TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX
C/
[C] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : Commerce
N° RG : 09/03467
Copies exécutoires délivrées à :
AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés
Me Bruno ZACARIAS
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX
[C] [X]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Isabelle GRANGIE de l'AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R195
APPELANTE
****************
Monsieur [C] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Bruno ZACARIAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,
Vu le jugement rendu contradictoirement le 8 novembre 2013 par le conseil de prud'hommes de Nanterre dans l'instance opposant la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à Monsieur [C] [X] qui a :
- condamné la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [C] [X] les sommes suivantes :
* 20.000 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires (pour la période de mai 2005 à janvier 2006),
* 2.000 euros à titre de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2009,
* 17.280 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 1.000 euros à titre d'indemnité en raison des manquements contractuels commis par l'employeur,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du CPC,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.880 euros,
- condamné la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX aux dépens et à verser à Monsieur [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la déclaration d'appel faite au nom de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX en date du 22 novembre 2013 ;
Vu les conclusions écrites déposées au nom de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX et développées oralement par son avocat pour entendre :
- infirmer le jugement entrepris,
- ordonner le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire,
- débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [X] à payer à la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil,:
Vu les conclusions écrites déposées au nom de Monsieur [C] [X] et développées oralement à l'audience par son avocat qui demande de :
- confirmer le jugement déféré,
- Y ajoutant,
* condamner la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [X] une somme complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation réitérée des dispositions conventionnelle applicables,
* condamner la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [X] une somme complémentaire de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'information et de décompte du repos compensateur,
* condamner la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à remettre à Monsieur [X] les bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés,
* condamner la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [X] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer les intérêts légaux et anatocisme ainsi qu'aux entiers dépens ;
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience ;
SUR CE,
Considérant qu'il convient de rappeler que Monsieur [C] [X] a été embauché par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUXdans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée le 4 avril 2005 en qualité de chauffeur d'autocars ; que par avenant du 31 octobre 2005 la relation contractuelle s'est poursuivie par un engagement à durée indéterminée; que le contrat était régi par les dispositions de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires ; qu'un nouvel avenant était signé entre les parties le 10 mars 2006 ; qu'il était prévu une rémunération forfaitaire correspondant à un horaire hebdomadaire de 44 heures avec un complément de garantie de rémunération ; que le 27 mai 2007, Monsieur [X] donnait sa démission ; qu'il saisissait par la suite le Conseil de prud'hommes de Nanterre de demandes en invoquant des manquements de son ancien employeur, notamment au regard d'heures supplémentaires non indemnisées ;
Sur les heures supplémentaires
Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, mais qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Considérant qu'il y a lieu de se référer aux dispositions particulières de la convention collective des transports routiers relatives à la durée de travail telles que rappelées dans le jugement entrepris et à l'arrêté ministériel du 22 décembre 2003 portant extension d'un accord et d'un avenant à cet accord, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier, notamment en ses dispositions qui déterminent pour les personnels roulants 'voyageurs' l'indemnisation des coupures et de l'amplitude horaire et son article 7.3 - 2 b qui prévoit que l'amplitude au-delà de 12 heures et dans la limite de 14 heures est indemnisé au taux de 65 % de la durée de dépassement d'amplitude ;
Que la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ;
Que force est de constater en particulier que la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, ainsi qu'elle le reconnaît, n'est pas en mesure de produire les originaux des disques chronotachygraphes de Monsieur [X] ni l'ensemble des disques des autres chauffeurs de l'entreprise communément appelés 'doublards' pour les voyages litigieux effectués au Maroc ; qu'à cet égard, ainsi que le souligne l'intimé, il apparaît que si une plainte pour vol sans effraction de disques chauffeurs et plannings pour l'année 2005 a été déposée par l'employeur le 12 mars 2012, la saisine du Conseil de prud'hommes justifiant la recherche des éléments de preuve était intervenue plus de trois années auparavant et que l'entreprise ne produit pas davantage les disques de l'année 2006 ou début 2007 à titre de simple comparaison d'activité relative aux parcours effectuées par le salarié ;
Que l'intimé se réfère encore, en cause d'appel, à de nombreux dépassements de l'amplitude journalière n'ayant pas été indemnisés, à des repos d'une durée inférieure au minimum réglementaire et conventionnel, notamment, à titre d'exemples, au regard des copies de disques qu'il produit se rapportant aux 11 et 12 mars 2005, au 14 et 19 mars 2005, ou d'autres journées des mois d'avril, mai et juin 2005 ;
Qu'il sera aussi rappelé que par jugement avant-dire droit du 27 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Nanterre avait ordonné une mesure d'instruction relative au contrôle de la durée de travail ai sein de la société ; que la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX a refusé de procéder à la consignation ordonnée par la formation de départage ;
Que l'employeur, à qui il appartient de justifier des horaires de travail journaliers du salarié et de décompter quotidiennement le nombre d'heures de travail réellement accomplies au cours de la journée en tenant compte, le cas échéant des temps assimilés à du travail effectif, ne peut utilement invoquer a posteriori une mauvaise manipulation par le chauffeur des disques chronotachygraphes dont il s'est abstenu de vérifier au jour le jour les conditions d'utilisation, ni lui reprocher utilement en se référant à ces seules copies de disques de ne pas avoir respecté certains temps de pause ou encore d'avoir accompli davantage d'heures que l'autorisation ministérielle ne l'autorise ;
Que la preuve que l'ensemble des prestations litigieuses du salarié sur les lignes internationales étaient effectuées en double équipage sans que le conducteur ne reste seul pour effectuer tout ou partie de la prestation n'est pas rapportée ;
Que s'agissant par exemple du parcours de Monsieur [X] effectué le 16 juin 2005, il est en revanche avéré que celui-ci, en provenance d'[Localité 1], a changé de véhicule après [Localité 2], le conducteur [N] assurant la fin de la prestation initiale ;
Que, les éléments produits par l'employeur ne permettent pas de rendre compte précisément et de manière complète de la réalité des horaires de Monsieur [X], étant observé en particulier que les amplitudes d'autres équipages sur, par exemple, la ligneMaroc/Oujda via [Localité 1] ou la ligne Paris-Tiznit via Algésiras ne peuvent suffire à contredire les heures revendiquées par Monsieur [X] personnellement ainsi que les éléments circonstanciés fournis à cet égard par le salarié ;
Qu'il n'est pas justifié par l'appelant que Monsieur [X] a été payé lors du versement de son salaire forfaitaire ou d'un complément de rémunération de l'ensemble des heures supplémentaires qui ont ainsi effectuées, ce à hauteur des réclamations formées par le salarié ;
Que dans ces conditions, il sera fait droit, compte tenu des éléments de preuve produits, aux prétentions de Monsieur [X] de ce chef ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef;
Que le non-respect répété par l'employeur des dispositions conventionnelles et réglementaires relatives à la fois au temps de travail et à l'information du salarié a causé un préjudice supplémentaire à celui-ci justifiant que lui soit allouée la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué ladite somme complémentaire, sans qu'il soit justifié de la majorer ou de la compléter distinctement ;
Qu'il y a lieu en outre d'ordonner à la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX de remettre à Monsieur [X] les bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés;
Sur le travail dissimulé
Considérant, sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé, que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'une telle intention, ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie;
Qu'en l'espèce, eu égard aux obligations de l'employeur en la matière qui lui imposent de vérifier les temps de conduite de ses chauffeurs quotidiennement, cette intention est établie, nonobstant la référence contractuelle à une rémunération forfaitaire, laquelle était assortie d'un complément de rémunération qui devait couvrir les heures supplémentaires réellement effectuées, l'employeur n'ayant pas respecté, ainsi qu'il a été retenu, et ce de manière réitérée, les dispositions conventionnelles et réglementaires relatives au temps de travail et ses obligations relatives au paiement de l'ensemble des heures supplémentaires effectuées ; qu'au surplus, des contradiction apparaissent entre certaines attestations de non-activité et les mentions des disques de contrôle ; que dans ces conditions les éléments tant matériel qu'intentionnel du travail dissimulé sont avérés;
Qu'en application des dispositions de l'article L. 8223-1 Monsieur [X] a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [X] la somme de 17.280 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité commande de faire droit à l'indemnité pour frais irrépétibles de procédure présentée par Monsieur [X] dans la limite de 1.500 euros en sus de la somme allouée en première instance ;
Considérant que la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX qui succombe pour l'essentiel à l'action sera déboutée en sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure et condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Enjoint à la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX de remettre à Monsieur [C] [X] dans le mois suivant la signification du présent arrêt des bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés,
Condamne la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Monsieur [C] [X] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité complémentaire pour frais irrépétibles de procédure,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'art 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BOSI, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT