COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 OCTOBRE 2016
R.G. N° 15/02963
AFFAIRE :
[E] [Z] veuve [Z]
C/
[K] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2015 par le Juge de l'exécution du TGI de Pontoise
N° Chambre : /
N° Section :
N° RG : 14/07652
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Béatrice VESVRES, avocat au barreau de VAL D'OISE
SCP MOREAU E. & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [E] [Z] veuve [Z]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1](95)
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentant : Me Béatrice VESVRES, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 236 - N° du dossier 15-387
Représentant : Me Ketty DALMAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1510 -
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [P]
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20157580 -
Représentant : Me Marie-sophie CHAPUIS-DAZIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2305
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, faisant fonction de président,
Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller,
Madame Estelle JOND-NECAND, vice-président placé auprès de Madame le premier président de la cour d'appel de Versailles, délégué à la cour par ordonnance du 24 août 2015,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Les parents de M. [K] [P] sont propriétaires depuis 1971 de terres agricoles situées sur les communes de [Localité 3] et [Localité 4] (Val d'Oise). Depuis 1956, les parents de M. [U] [Z] ont été locataires selon bail rural de ces parcelles agricoles. En janvier 1983, Monsieur [U] [Z] a mis fin à ses jours.
Le 3 novembre 1995, un congé a été délivré par le bailleur pour reprise par son fils [K], à Mme [Z] veuve [Z], congé prenant effet le 11 novembre 1998.
Le 4 février 1996, M. [B] [P] est décédé, laissant comme aptes héritiers ses enfants, dont M. [K] [P].
Le 19 décembre 2000, la Cour de cassation a définitivement validé ce congé.
Mme [Z] s'est ensuite maintenue dans les lieux et a sollicité des mêmes juridictions son maintien dans les lieux et la poursuite du bail en cours. Déclarée occupante sans droit ni titre des terres litigieuses, elle a été condamnée à les libérer sous astreinte de 100 € par jour de retard, la procédure se soldant par un arrêt de rejet de son pourvoi en date du 24 mars 2010.
Dans l'intervalle, Mme [Z] a sollicité du juge de l'exécution un sursis à expulsion qui lui a été finalement accordé par un jugement du 22 juin 2009 jusqu'au 31 août 2009, le jugement limitant les effets du sursis aux exigences immédiates des récoltes à venir. Sur son appel, la cour de Versailles a, par arrêt du 13 janvier 2011, déclaré sans objet la suspension de l'exécution de l'arrêt du 15 décembre 2008 (opérée par le jugement), après le rejet du pourvoi contre cette décision.
Le 13 janvier 2011, Mme [E] [Z] a été également condamnée par la Cour d'appel de Versailles à verser la somme de 15.000 € au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire par elle due à M. [K] [P] pour la période du 16 août 2009 au jour de l'arrêt. L'arrêt a modifié le taux de l'astreinte à la somme de 1.000 € par jour de retard à compter de sa signification, et l'a condamnée à payer à M. [P] une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues.
La signification a été effectuée le 3 février 2011.
Le 30 septembre 2014, par acte d'huissier de justice, M. [K] [P] a, à nouveau, assigné Mme [Z] en liquidation d'astreinte.
Vu l'appel interjeté le 20 avril 2015 par Mme [E] [Z] - [Z] du jugement contradictoire rendu le 30 mars 2015 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Pontoise, qui a :
-condamné Mme [Z] à payer à M. [P] la somme de 100.000 € représentant la liquidation arrêtée au 9 mars 2015 de l'astreinte fixée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles le 13 janvier 2011;
-rejeté la demande de fixation d'une astreinte définitive présentée par M. [P] ;
-débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts ;
-débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts ;
-débouté Mme [Z] de sa demande d'indemnité formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné Mme [Z] à payer à M. [P] une indemnité de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
-condamné Mme [Z] aux dépens de la présente instance ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er avril 2016 par lesquelles, Mme [E] [Z] veuve [Z], appelante, demande à la cour :
-d'ordonner la réformation du jugement contesté ;
-de condamner M.[P] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 avril 2016 par lesquelles M. [K] [J] [P], intimé, prie la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré fondée la demande de liquidation de l'astreinte et condamné Mme [Z] au paiement d'une indemnité de 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'astreinte due par Mme [Z] à la somme de 100.000 € et en ce qu'il a débouté M.[P] de sa demande de dommages et intérêts ;
-liquider l'astreinte assortissant l'arrêt rendu le 13 janvier 2011 par la Cour d'appel de Versailles à la somme de 1.866.000 € pour la période ayant couru entre le 3 février 2011 et le 14 mars 2016, sauf à parfaire ;
-condamner Mme [Z] à payer à M. [P] la somme de 1.866.000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;
-fixer une astreinte définitive à la somme de 5.000 € par jour de retard à compter du présent arrêt jusqu'à complète exécution de l'arrêt à intervenir ;
-débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes ;
-condamner Mme [Z] à payer à M. [P] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-condamner Mme [Z] à une amende civile en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
-condamner en cause d'appel Mme [Z] à payer à M. [P] la somme de 4.500€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner Mme [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont les dépens d'exécution ;
Vu l'ordonnance de clôture du 10 mai 2016 ;
SUR CE , LA COUR :
Sur la liquidation de l'astreinte :
Aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, 'le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter...L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou en partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.'
Le 1er juin 2015, Mme [Z] a requis la suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris, mais n'a pas soutenu sa demande devant le premier président, qui n'a pu que déclarer cette dernière caduque.
M. [P] a, durant l'instance d'appel, entrepris l'exécution forcée des nombreuses décisions de justice ordonnant l'expulsion de l'appelant, et un procès-verbal d'expulsion a été dressé le 9 février 2016. Or dès le 21 février suivant, l'ensemble des avis de l'huissier destinés à marquer le périmètre de l'expulsion ont été retirés des poteaux de délimitation du terrain, étant observé que les terres litigieuses sont d'un seul tenant.
Mme [Z] a demandé à son conseil , en violation des décisions de justice s'imposant à elle, d'écrire à l'huissier instrumentaire le 14 mars 2016 une lettre ainsi libellée : 'Je vous informe que la Cour d'appel de Versailles sera amenée à se prononcer sur le litige opposant Mme [Z] et M. [P], une audience étant fixée le 26 mai 2016. C'est dans ces conditions que Mme [Z] continue à exploiter les terres, dans l'attente de la décision définitive.'
Il convient de relever, aux fins de démontrer que Mme [Z] fait montre d'un comportement contraire à ses propres intérêts, que depuis l'arrêt du 13 janvier 2011 opérant une première liquidation de l'astreinte, Mme [Z] a saisi à nouveau en 2014, afin de se voir reconnaître un droit au bail et le droit de céder à son fils les terres dont elle a été déclarée occupante sans droit ni titre, le Tribunal paritaire des baux ruraux de Pontoise, qui a par jugement du 22 avril 2015 rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement de différentes sommes. La suspension de l'exécution provisoire de cette décision demandée par Mme [Z] au juge des référés lui a été refusée par ordonnance du 10 juillet 2015 et elle a été condamnée à 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Devant la cour, Mme [Z] revient sur l'autorité de la chose jugée par le Tribunal paritaire des baux ruraux le 27 avril 2007 et par la cour d'appel le 15 décembre 2008, qui statuant plus de six ans après la validation du congé du 3 novembre 1995, ont rejeté sa demande tendant à voir juger que le bail à elle consenti a été renouvelé le 11 novembre 1998 pour une durée de neuf années. Or il est évident que c'est à l'occasion de cette demande, que Mme [Z] devait poser la question de l'éventuelle interaction des décisions intervenues sur deux congés différents délivrés pour la même date, soit à l'expiration de la période sexennale du bail en cours depuis 1992. Il ne peut qu'être constaté qu'alors que la décision annulant le troisième congé - un arrêt de la cour d'appel du 29 janvier 2001 selon Mme [Z] -, était intervenue depuis cinq ans, Mme [Z] a concentré son action d'alors sur le contrôle a posteriori de la reprise, au motif du défaut de délivrance à M. [K] [P] d'une autorisation administrative d'exploiter valable. Il doit en être déduit qu'à l'époque elle ne contestait pas la validation du congé qui lui avait été délivré, ni l'indépendance des deux congés en cause, qui en toute hypothèse ne pouvaient qu'être examinés séparément par les juridictions compétentes.
Peu importe dès lors que l'arrêt Césaréo de l'assemblée plénière de la Cour de cassation sur la concentration des moyens, intervenu le 7 juillet 2006, en cours de procédure devant le tribunal paritaire, soit ou non opposable à Mme [Z], dès lors que celle-ci n'a jamais invoqué en justice un droit pouvant découler pour elle de l'arrêt de la cour statuant sur le dernier congé délivré.
Enfin il n'est pas inutile de rappeler que dans son arrêt du 13 janvier 2011 statuant sur une première demande de liquidation d'astreinte, cette cour avait relevé qu'avec plus de 200 hectares avant cession à son fils, l'exploitation de Mme [Z] se situait au-dessus de la norme de 150 ha reconnue pour les exploitations agricoles d'Ile de France, et qu'après délaissement des 37 ha objets du litige, elle disposerait encore d'une surface d'exploitation supérieure à la moyenne.
Mme [Z] apparaît ne rencontrer des difficultés à s'exécuter que dans son obstination à refuser de se considérer comme expulsée des terres auparavant louées, et dans sa résistance maladive à leur libération en culture. Le juge de l'exécution a ainsi justement observé que la difficulté en l'espèce est l'opposition farouche manifestée par Mme [Z] à son propre départ.
Compte tenu des difficultés psychiques et de l'état dépressif de Mme [Z], partiellement reconnu par l'intéressée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait une appréciation globale et non arithmétique de la liquidation d'astreinte, ainsi qu'en ce qui concerne le montant de la liquidation opérée, la période de liquidation prenant fin au jour de la reprise des terres.
Sur la demande de prononcé d'une astreinte définitive :
Au vu des documents produits par M. [P], une expulsion effective des terres litigieuses a eu lieu le 9 février 2016, qui s'oppose à toute fixation d'astreinte définitive comme à toute liquidation d'astreinte postérieure à cette date, M. [P] devant tirer toutes conséquences de cette expulsion et de la voie de fait qui a consisté pour Mme [Z] à arracher les affiches annonçant la reprise des terres litigieuses apposées par l'huissier sur les poteaux délimitant le terrain. Le propriétaire est censé avoir repris les terres et il lui appartient de concrétiser et conforter par tout moyen légal, au besoin en rappelant l'huissier assisté de la force publique, l'expulsion de Mme [Z].
Sur la demande de dommages-intérêts :
La systématisation par Mme [Z] des recours à l'encontre des différentes décisions prises à son égard et l'inexécution des décisions devenues définitives, occasionne inévitablement à M. [K] [P] un préjudice matériel et moral découlant notamment de l'attente et des démarches et soucis engendrés, après plusieurs procédures successives, par la présente devant les juridictions de l'exécution, qui sera justement compensé par l'octroi d'une somme de 3.000 €.
Sur l'amende civile :
Outre qu'elle ne peut être demandée par M. [P] et relève de l'appréciation souveraine du magistrat, l'amende civile ne se justifie pas en l'espèce, compte tenu de la position de défenderesse de Mme [Z] à l'instance en liquidation d'astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et les circonstances de la cause commandent d'allouer à M. [P], au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il a été contraint d'engager pour sa défense à un appel injustifié, une somme de 3.500 €
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 mars 2015 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PONTOISE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [P] ;
Déboute Mme [E] [Z] née [Z] de toutes ses demandes ;
Statuant à nouveau du chef des dommages-intérêts,
Condamne Mme [E] [Z] née [Z] à payer à M. [K] [P] une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Condamne Mme [E] [Z] née [Z] à payer à M. [K] [P] une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [E] [Z] née [Z] aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame MASSUET, conseiller faisant fonction de président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,