COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 36Z
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2016
R.G. N° 15/08220
AFFAIRE :
Société AIG EUROPE LIMITED venant aux droits de la Société CHARTIS EUROPE prise en sa succursale française agissant elle même poursuites et diligences de son responsable et mandataire général pour la France domicilié de droit en cette qualité au siège français
C/
[D] [T] [H]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 Novembre 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 2015R1198
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pierre GUTTIN
Me Bertrand LISSARRAGUE
Me Claire RICARD
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société AIG EUROPE LIMITED venant aux droits de la Société CHARTIS EUROPE, prise en sa succursale française agissant elle même poursuites et diligences de son responsable et mandataire général pour la France domiciliée de droit en cette qualité [Adresse 1]
The AIG building
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ROYAUME UNI)
Représentée par Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 15000397
assistée de Me Rémi PASSEMARD de la SCP BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0555
APPELANTE
****************
Monsieur [D] [T] [H]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (ALGÉRIE)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - N° du dossier 1555393
assisté de Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
Monsieur [M] [K] [U] [F]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - N° du dossier 1555393
assisté de Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
Monsieur [H] [F] [W]
né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 3] (ROYAUME-UNI)
de nationalité anglaise
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - N° du dossier 1555393
assisté de Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
Monsieur [C] [G]
né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 4] (ROYAUME-UNI)
de nationalité anglaise
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - N° du dossier 1555393
assisté de Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
SA SEQUANA agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 383 491 446
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - N° du dossier 1555393
assistée de Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
Société HDI GERLING VERZEKERINGEN NV agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 493 203 293
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2015369
assistée de Me Sarah XERRI HANOTE, avocat au barreau de PARIS
Société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 399 042 332
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 002590
assistée de Me Sylvain RIEUNEAU de la SCP BERNARD HERTZ BEJOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0057
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2016, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Véronique CATRY, conseiller,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Sequana est une société holding d'un groupe industriel intervenant dans le secteur papetier.
Jusqu'à sa cession en 2009, la société Sequana détenait 100% du capital de la société Arjo Wiggins Appelton Ltd (la société AWA).
La société AWA était administrée, avant d'être cédée, par MM. [H], [F], [W], et [G] (les administrateurs). Elle est désormais dénommée Windward Prospects Ltd (la société Windward).
Le litige intervient dans le contexte de la pollution de la rivière Fox aux Etats-Unis par un site de papeterie. Différentes sociétés sont intervenues sur le site dont les sociétés AWA et BAT, la première ayant pris des engagements sur la garantie des frais de dépollution à l'égard de la seconde. Une provision de ce risque a été constituée dans les comptes de la société AWA.
En 2008 et 2009, les administrateurs ont réduit le capital social de la société et ont procédé à une distribution de dividendes.
Considérant que la responsabilité des administrateurs pouvaient être recherchée, la société BAT a fait assigner le 9 décembre 2013 les sociétés Sequana et Windward - anciennement AWA - devant la High Court de Londres pour voir désigner un administrateur à la société Windward, contraindre ainsi cette dernière à engager une action à l'encontre de la société Sequana et des anciens dirigeants de la société AWA et obtenir la restitution des dividendes versés.
Le 9 mai 2014, la société Windward, aux droits de laquelle vient une société BTI, filiale à 100% de la société BAT et cessionnaire de l'action engagée, a fait assigner la société Sequana et les administrateurs devant la High Court de Londres, en reprochant aux anciens dirigeants d'AWA des manquements à leurs obligations légales et financières, au travers notamment de la réduction du capital, de la suppression de la provision et du versement en 2008 et 2009 d'un dividende de près de 590 millions d'euros à la société Sequana par compensation avec une créance de la société Sequana sur la société AWA.
La High Court a rapproché ces deux procédures pour être entendues ensemble par deux décisions du 19 novembre 2014 (order) et du 3 juillet 2015 (consent order).
La société Sequana est assurée au titre de la responsabilité civile de ses dirigeants auprès de la société AIG Europe Ltd (la société AIG), ainsi que par des polices complémentaires de 2ème et 3ème ligne respectivement auprès des sociétés HDI Gerling Verzekeringen NV (la société HDI) et CNA Insurance compagny Ltd (la société CNA).
Le 28 octobre 2015, la société Sequana et les administrateurs ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, à heure indiquée, les sociétés AIG, HDI, et CNA, pour voir condamner la société AIG à prendre en charge les frais de défense exposés pour la défense de leurs intérêts en Grande Bretagne, dire que l'ordonnance vaudra à l'égard de HDI et CNA pour toute demande excédant 25 et 40 millions d'euros et condamner la société AIG au paiement à cet effet d'une provision de 18 000 000 euros .
Par une ordonnance du12 novembre 2015, le juge des référés a, notamment:
- dit que la société AIG prendra en charge les frais de défense exposés par la société Sequana pour la défense de ses intérêts et pour le compte des administrateurs dans les deux procédures pendantes devant la High Court ;
- condamné la société AIG à régler à la société Sequana une provision de 10 millions d'euros, sous astreinte, se réservant la liquidation de l'astreinte ;
- ordonné la communication par les demandeurs sous astreinte de divers documents relatifs aux procédures introduites à [Localité 3] ;
- donné acte aux sociétés HDI et CNA de leurs réserves.
Le 27 novembre 2015, la société AIG a relevé appel de l'ordonnance.
Par un jugement du 11 juillet 2016, la High Court a accueilli la demande de BAT à l'encontre de Sequana au titre du second dividende versé et a débouté la société BTI, qui vient aux droits de la société Windward, de l'ensemble de ses demandes contre Sequana et les administrateurs.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 29 juillet 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société AIG demande à la cour:
- de réformer l'ordonnance ;
- de dire n'y avoir lieu à statuer du fait de l'existence d'une contestation sérieuse sur la couverture de l'ensemble des frais de défense de la société Sequana passés et futurs au titre de la procédure BAT initiée le 9 décembre 2013 ;
- de dire, sur les prestations et honoraires d'avocats antérieurs au 9 mai 2014:
A titre principal:
- qu'il existe une contestation sérieuse sur leur qualification de frais de défense au sens de la police d'assurance et n'y avoir lieu à statuer ;
A titre subsidiaire:
- qu'il existe une contestation sérieuse tenant à la prescription biennale applicable aux prestations et notes d'honoraires antérieures au 22 septembre 2013, et à l'absence de convention d'honoraires avec le cabinet Freshfields avant le 25 octobre 2013 ;
En toute hypothèse:
- que les prestations effectuées entre le 9 décembre 2013 et le 9 mai 2014 relèvent de la procédure BAT non couverte alors seule en cours ;
- de dire, en l'état des notes d'honoraires transmises par la société Sequana et les dirigeants de Windward, que l'offre de la société AIG de prise en charge à hauteur de 70% des frais de défense exposés au titre de la procédure initiée par Windward le 9 mai 2014, telle que détaillée dans le corps des écritures de la société AIG, soit une somme arrêtée à 7 335 210,95 euros, est satisfactoire de l'obligation non contestée par AIG au titre de la garantie des frais de défense ;
- de dire, au-delà du quantum des frais de défense de la procédure Windward du 9 mai 2014 dont la prise en charge est proposée par la société AIG, n'y avoir lieu à statuer sur l'ensemble des frais de défense passés et futurs du fait de l'existence d'une contestation sérieuse, la couverture d'assurance des frais de défense n'étant que partielle ;
- de donner acte à la société AIG qu'elle poursuivra la prise en charge des frais de défense des dirigeants de Windward et la prise en charge partielle des frais de défense de Sequana au titre de la procédure du 9 mai 2014, selon la répartition 70% de la moitié des frais de défense facturés au titre des deux procédures (BAT et Windward) et rejeter toute demande de provision au titre des frais de défense futurs ;
- de condamner la société Sequana à restituer à la société AIG sous 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et au-delà sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard, la somme de 8 864 789,05 euros correspondant à la différence entre la somme de 11 671 760,29 euros payée par la société AIG en exécution de l'ordonnance entreprise et la quote-part des frais de défense admise comme couverte par la société AIG ;
- de confirmer l'ordonnance au titre de la communication de pièces et informations ordonnée au bénéfice de la société AIG ;
Y ajoutant:
- d'ordonner la communication par la société Sequana directement à la société AIG des documents et informations suivants, dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, et, au-delà, sous astreinte de 25 000 euros par jour de retard:
* les accords de répartition des honoraires entre les différentes procédures convenus avec le cabinet Freshfields, ainsi qu'une note explicative à solliciter par la société Sequana de ce même cabinet, exposant le raisonnement sous-jacent à cette répartition permettant de la justifier ;
* les justificatifs détaillés des prestations (ou 'time-sheets') afférents aux notes d'honoraires du cabinet Freshfields correspondant aux services rendus entre le mois de décembre 2011 et le mois de décembre 2014 ;
* les explications sur la procédure à laquelle l'intervention des trois barristers (Maitland Chambers, Fountain Court Chambers et Essex Court Chambers) se rapporte (procédure du 9 décembre 2013 ou bien du 9 mai 2014) ;
* le procès-verbal intégral du conseil d'administration de Sequana du 29 septembre 2014 ;
* les explications détaillées du cabinet Freshfields et/ou de la société Sequana sur la manière dont la ventilation des factures du cabinet Mazars a été effectuée dans les différentes notes d'honoraires du cabinet Freshfields ;
* les explications détaillées du cabinet Freshfields et/ou de la société Sequana sur la manière dont la ventilation des factures des barristers (ensemble des montants listés aux pages 4 à 8 de la lettre du cabinet BOPS à Freshfields du 27 octobre 2015) a été effectuée dans les différentes notes d'honoraires du cabinet Freshfields ;
* le 'witness statement' de M. [C] [G] du 22 juin 2015 ;
* le 'witness statement' de M. [Q] [U] du 25 juin 2015 ;
En toute hypothèse:
- de condamner la société Sequana au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AIG soutient essentiellement:
- qu'elle n'a pas à garantir les frais de défense de la procédure engagée par la société BAT le 9 décembre 2013 à l'encontre de la seule société Sequana, dans la mesure où les dirigeants de la société Windward ne sont pas parties à cette procédure et où il ne peut être déduit de l'ordonnance de jonction de la High Court du 19 novembre 2014 (order) et de celle du 3 juillet 2015 (consent order) l'existence d'une seule procédure ;
- qu'en conséquence, cette action ne constitue pas une réclamation conjointe au sens de la police ;
- que la société Sequana a d'ailleurs admis l'absence de couverture des frais de défense dans la procédure engagée à l'initiative de la société BAT ;
- que l'ordonnance doit encore être infirmée en ce qu'elle a retenu la couverture de l'intégralité des frais de défense dans la seconde procédure engagée par Windward/BTI à l'encontre de la société Sequana et de dirigeants le 9 mai 2014 ;
- qu'en premier lieu, compte tenu des exigences de la police, suivant laquelle la réclamation conjointe doit être une action en responsabilité et compte tenu de la clause d'allocation prévoyant les critères de répartition des frais de défense, il existe une contestation sérieuse sur l'étendue de la couverture des frais de défense exposés par la société Sequana ;
- qu'en deuxième lieu, les frais et honoraires des avocats anglais et américains antérieurs à l'introduction de la procédure le 9 mai 2014 ne constituent pas des frais de défense et n'entrent pas en toute hypothèse dans le champ de la garantie ; au surplus, il existe une contestation sérieuse tirée de l'application de la prescription biennale qui n'a pu être interrompue par une lettre du 7 décembre 2011 adressée par la société Sequana à son courtier ;
- qu'en troisième lieu, toute demande relative à la prise en charge des frais de défense futurs se heurte à une contestation sérieuse tirée de l'absence de convention préalable établie entre l'assureur et la société souscriptrice ou les assurés ; toute demande de préfinancement des frais futurs doit donc être rejetée ;
- qu'en quatrième lieu, l'assiette et le quantum des frais couverts doivent être déterminés en tenant compte de ce que la procédure du 9 décembre 2013 ne relève pas de la garantie, les frais de défense des dirigeants de Windward dans la seconde procédure sont couverts et ceux exposés par la société Sequana dans la seconde procédure ne relèvent que partiellement de la garantie en raison du fondement juridique des demandes et de la clause d'allocation ;
- qu'ainsi, au total, les frais de défense couverts s'élèvent à 7 335 210,95 euros pour la période du 9 mai 2014 au 25 mai 2016, en ce compris une somme de 4 528 239,71 euros versée en 2016, selon la méthode retenue par la société AIG, de sorte qu'il est demandé la restitution de 8 864 789,05 euros qui représente une quote part des paiements effectués en exécution de l'ordonnance;
- qu'enfin, il convient d'accueillir la demande de communication de documents qui n'a été que partiellement ordonnée et exécutée.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 16 août 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société HDI demande à la cour:
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a retenu que l'intégralité des honoraires d'avocat et frais de défense de la société Sequana et de MM. [H], [F], [W] et [G] devaient être pris en charge au titre de la police AIG Europe Limited n°7.916.738 ;
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société AIG à régler la somme provisionnelle de 10 millions d'euros ;
- de donner acte à la société AIG de sa proposition de prise en charge des frais de défense à hauteur de 7 335 210,95 euros ;
- de dire n'y avoir lieu à référé du fait de l'existence d'une contestation sérieuse:
* sur la garantie des frais de défense de la société Sequana au titre de la procédure introduite par la société BAT ;
* sur la garantie des frais de défense au titre de la procédure introduite par la société Windward au-delà du quantum proposé par la société AIG ;
- de confirmer l'ordonnance au titre de la communication de documents et informations ordonnée à la société Sequana et à MM. [H], [F], [W] et [G] ;
- de donner acte à la société AIG de sa demande de condamnation de la société Sequana à lui restituer la somme de 8 864 789,05 euros ;
- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a refusé d'ordonner la communication de documents et informations au bénéfice de la société AIG ;
- de donner acte à la société AIG de sa demande de communication de documents et informations ;
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a donné acte à la société HDI de ce qu'elle se réserve l'intégralité de ses droits au titre de la police de deuxième ligne n°PRPD-Société-XS 0801;
En tout état de cause:
- de condamner la société Sequana ainsi que MM. [H], [F], [W] et [G] à verser à la société HDI la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société HDI expose essentiellement que:
- sa garantie de deuxième ligne n'est pas mobilisable, à défaut d'épuisement du plafond de 25 millions prévu par la police de première ligne ;
- qu'elle s'associe à l'argumentation développée par la société AIG ;
- qu'à cet égard elle produit une consultation du professeur [M] sur la notion de réclamations conjointes ;
- que la procédure engagée le 9 décembre 2013 contre la société Sequana n'est pas une action en responsabilité et que la société Sequana a d'ailleurs admis que les frais de défense relatifs à la réclamation de BAT ne peuvent être pris en charge ;
- qu'il convient de distinguer les frais concernant les dirigeants personnes physiques et la personne morale pour ce qui est de la seconde procédure, les premiers se rattachant à une action en responsabilité et les seconds ne se rattachant que très partiellement à une telle action et étant par suite couverts par la garantie ;
- qu'elle renvoie à la proposition de prise en charge faite par la société AIG ;
- que la société Sequana et les dirigeants ne sauraient solliciter le remboursement des frais de défense engagés dès le 1er décembre 2011, soit avant l'introduction de la procédure ;
- qu'en tout état de cause, les demandes relatives à des notes d'honoraires antérieures au 22 septembre 2013 se heurteraient à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, ce dont il résulte encore l'existence d'une contestation sérieuse ;
- que de la même façon, les frais de défense futurs, visant à la réparation d'un préjudice hypothétique et à préfinancer ces dépenses, ne peuvent être pris en charge ;
- qu'enfin la demande de communication de documents formulée par la société AIG doit être accueillie favorablement afin de lui permettre de se prononcer sur l'application des garanties d'assurance.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 29 juillet 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société CNA demande à la cour:
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a donné acte à la société CNA de ses plus expresses réserves de garantie au titre de sa police de 3ème ligne n°FN4856, tant à l'égard de MM. [H], [F], [W] et [G] qu'à l'égard de la société Sequana ;
- d'infirmer pour le surplus l'ordonnance ;
Statuant à nouveau:
- de dire que la société Sequana ne peut prétendre à la garantie d'assurance des frais de défense qu'elle a pu exposer ou encourir avant le 9 mai 2014, date de l'instance contentieuse engagée par la société Windward devant la High Court de Londres ;
- de dire la société AIG bien fondée à proposer une prise en charge partielle ou 'allocation' à hauteur de 70% des frais et honoraires facturés par les conseils communs à la société Sequana et à MM. [H], [F], [W] et [G] dans le seul cadre et pour les seuls besoins de l'instance contentieuse engagée à leur encontre par la société Windward le 9 mai 2014 devant la High Court de Londres ;
- de donner acte à la société AIG de son offre de règlement, en l'état du dossier, à hauteur de 6 689 185,54 euros et condamner la société Sequana à restituer à la société AIG la somme trop perçue soit 8 378 447,62 euros ;
Subsidiairement:
- de constater que les demandes de la société Sequana et de MM. [H], [F], [W] et [G] se heurtent à des contestations sérieuses et renvoyer ceux-ci à mieux se pourvoir devant le juge du fond ;
- en conséquence, d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle s'est prononcée généralement sur la garantie d'assurance de la société AIG et a déclaré la société AIG tenue de prendre en charge les frais de défense de la société Sequana, tant passés qu'à venir, de manière indifférenciée quant à la période considérée, les procédures envisagées ou la nature des frais et dépenses concernés ;
- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société AIG au-delà de la somme de 6 689 185,54 euros que la société AIG déclare accepter de payer au titre du sinistre ;
En toute hypothèse:
- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle a partiellement refusé de faire droit à la demande de communication forcée de pièces formulée par la société AIG ;
- en conséquence, de condamner la société Sequana à communiquer sous astreinte l'intégralité des pièces réclamées par la société AIG dans le dispositif de ses conclusions ;
- de condamner in solidum la société Sequana et MM. [H], [F], [W] et [G] à payer à la société CNA une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CNA expose essentiellement:
- que la société Sequana ne peut prétendre de manière générale et indéterminée au bénéfice de l'extension de garantie ;
- qu'en effet la société Sequana a souscrit une garantie exceptionnelle au titre des frais de défense, qui suppose une seule et même réclamation, requérant l'engagement de frais de défense , avec représentation et assistance d'un même conseil ;
- que l'extension de garantie à la société Sequana ne peut s'analyser en une assurance de protection juridique ;
- qu'à cet égard, la consultation du professeur [M] contredit celle effectuée par le professeur [V] ;
- qu'en toute hypothèse la qualification d'assurance de protection juridique est indifférente;
- que la prétendue réclamation formée contre la société Sequana n'est pas une réclamation conjointe ;
- qu'il ne peut être déduit de la jonction des deux procédures devant la High Court de [Localité 3] un effet sur l'autonomie des deux procédures ;
- que seule une partie des frais de défense de la société Sequana peut être prise en charge au titre de la seconde procédure, dans les conditions proposées par la société AIG, en tenant compte de la nature des demandes formulées et des règles d'allocation suggérées par l'assureur de première ligne ;
- qu'enfin il y a lieu de réserver ses droits en tenant compte des termes de sa propre garantie de troisième ligne en excédant et/ou après épuisement de la somme de 40 millions d'euros.
Aux termes de leurs dernières conclusions, reçues au greffe le 20 septembre 2016 février 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Sequana et MM. [H], [F], [W] et [G] demandent à la cour:
- de confirmer l'ordonnance ;
- de débouter la société AIG de ses demandes ;
Y ajoutant:
- de condamner la société AIG à payer à la société Sequana et à chacun des intimés la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sequana et les anciens dirigeants de la société Windward soutiennent essentiellement:
- que la garantie de la société AIG est manifestement et valablement engagée au titre de l'extension de garantie de la police qui impose à l'assureur de prendre en charge l'ensemble des frais de défense de la société Sequana, sans avoir à apprécier la nature juridique et le résultat de la réclamation formée contre la société Sequana ;
- que la société Sequana doit seulement justifier du caractère conjoint de la réclamation et du choix d'avocats communs aux assurés ;
- que la garantie exclut toute répartition des frais de défense couverts par la police, la clause initiale de répartition ayant été remplacée par l'extension de garantie ;
- qu'aucune contestation sérieuse selon la nature et le calendrier des demandes formées contre la société Sequana ne peut être retenue ;
- qu'ainsi les frais de défense au titre de l'extension sont couverts sans condition de réclamation et aucune exclusion au titre de la police ne peut être utilement invoquée ;
- que les frais doivent être pris en compte depuis 2011, date de déclaration du sinistre reconnue par la société AIG ;
- que le caractère conjoint des réclamations formées contre la société Sequana et contre les anciens dirigeants de la société AWA a été reconnu par la High Court de Londres ;
- que cette position est attestée par la consultation du professeur [V] ;
- que la position des assureurs tendant à imposer comme condition de l'extension de garantie une action en responsabilité contre la société est contraire à la police qui ne vise qu'un seul type de réclamation ;
- que la définition de la réclamation vise l'assuré mais aussi la faute professionnelle de ce dernier, mais aucunement celle du souscripteur ;
- que le fondement de l'action devant la High Court est indifférent ;
- que la société Sequana n'a jamais acquiescé à l'absence de couverture ;
- que les frais antérieurs à l'action du 9 mai 2014 ne sauraient être exclus ;
- que l'existence d'une convention préalable ne conditionne pas l'existence de sa garantie;
- que la déclaration de sinistre répercutée le 16 décembre 2011 auprès de la société AIG a interrompu la prescription biennale de l'article L.114-2 du code des assurances ;
- que de surcroît deux notifications d'interruption de prescription ont été adressées aux assureurs les 26 novembre 2013 et 27 mars 2015 ;
- qu'il n'y a pas lieu de scinder la prise en charge des notes d'honoraires du cabinet américain Skadden dont l'analyse du droit américain, visée par l'ordonnance de 'consent order' du 3 juillet 2015, était nécessaire ;
- que la demande de communication de pièces complémentaire à celle ordonnée en première instance est sans objet compte tenu des règles d'application de l'extension de garantie et de la nécessité de préserver les règles de confidentialité résultant du 'légal privilege', étant observé que l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiquées aux avocats britanniques de la société AIG.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2016.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur l'incident soulevé par la société HDI tendant à voir révoquer la clôture mais uniquement pour accueillir la demande tendant à voir écarter les conclusions de la société Sequana et des anciens administrateurs de la société AWA du 20 septembre 2016
Par des conclusions d'incident, la société HDI sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture sans justifier d'une cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile.
Sa demande de révocation sera par suite rejetée.
A titre subsidiaire, la société HDI demande le rejet des conclusions et pièces déposées par la société Sequana le 20 septembre 2016, soit la veille de la clôture, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile.
La société HDI, qui a disposé d'un temps suffisant pour procéder à une lecture rapide des écritures dont elle demande le rejet, n'explique pas en quoi et sur quel point elle entend y répliquer par écrit.
Par ailleurs, il sera relevé que la société Sequana et les anciens administrateurs de la société AWA concluent à la confirmation de l'ordonnance qui a donné acte à la société HDI de ses réserves et ne forment, à ce stade, aucune demande à l'encontre de l'assureur de 2ème ligne.
Enfin, les dernières écritures des appelants ne comportent aucun moyen nouveau qui n'a pu être examiné par la société HDI.
L'incident sera rejeté.
II - Sur les termes de la police d'assurance
Aux termes du titre du chapitre II 'Les frais de défense' du Titre I 'Les garanties de l'assuré personne physique' des conditions particulières de la police responsabilité des dirigeants:
'L'assureur prend en charge ou rembourse les frais de défense exposés pendant la période d'assurance ou la période subséquente par ou pour le compte de tout assuré personne physique dans le cadre de toute réclamation.
Ces frais de défense sont avancés par l'assureur dans les conditions définies ci-après au paragraphe 'modalités de la prise en charge des frais de défense.'
A cet égard, le contrat stipule en page 14 que:
' L'assureur avance avant l'issue définitive de la réclamation, et dans la limite du montant des garanties disponible, les frais de défense selon les modalités d'une convention préalable établie entre l'assureur et la société souscriptrice ou les assurés (...)'.
Est assuré:
' a) tout dirigeant passé, présent ou futur du souscripteur ;
b) tout dirigeant passé, présent ou futur des filiales de la société souscriptrice '
La police consacre également une partie finale et commune aux définitions:
Une réclamation y est définie comme:
'a) toute procédure judiciaire ou arbitrale introduite par toute personne physique ou morale à l'encontre d'un assuré en raison de toute faute professionnelle.
b) toute demande amiable faite par écrit par toute personne physique ou morale dont l'intention est de mettre en cause la responsabilité d'un assuré en raison d'une faute professionnelle(...)'
La faute professionnelle est quant à elle définie comme:
'Tout manquement d'un assuré personne physique, ou d'une personne morale dirigeant de droit, aux obligations légales, réglementaires ou statutaires, toute faute de gestion commisse par imprudence ou négligence, par omission, par erreur ou par déclaration inexacte, toute violation sociale et en général tout acte fautif réel ou allégué commis par cet assuré avant la date de résiliation ou d'expiration d'une ou des garanties du présent contrat et qui engage sa responsabilité exclusivement dans ses fonctions de dirigeant, ou d'employé de la société souscriptrice (...)'
Aux termes d'un avenant d'extension de la garantie de la police intitulé ' Prise en charge des frais de défense dans le cadre de réclamations conjointes' les parties sont convenues, au lieu et place des règles relatives à la répartition des frais de défense dans le cadre de réclamations conjointes et/ou partiellement garanties, d'une clause prévoyant qu':
' en cas de réclamation introduite et menée pendant la période d'assurances ou la période subséquente conjointement à l'encontre d'un assuré personne physique et de la société souscriptrice, nécessitant une allocation des frais de défense entre eux, l'assureur prend en charge ou rembourse dans les conditions prévues à l'article 'avance des frais de défense' des conditions de défense, les frais de défense exposés par la société souscriptrice pour sa propre défense auprès de mêmes conseils que ceux de l'assuré personne physique.'
III - Sur l'existence d'une ou de deux procédures distinctes
Il est constant que les deux assignations des 9 décembre 2013 et 9 mai 2014 ont été jointes devant la High Court de Londres, à la demande des parties à la procédure, par un 'order' du 19 novembre 2014.
Aux termes d'un 'consent order' du 3 juillet 2015, la High Court a arrêté un calendrier de procédure commun, impliquant le versement de l'ensemble des pièces dans la même instance judiciaire et une instruction commune.
La cour ne peut cependant déduire de la jonction de ces deux affaires et de leur instruction conjointe, en matière de référé, l'existence d'une procédure unique devant la juridiction britannique ni a fortiori l'existence d'une seule et même procédure introduite rétroactivement, dès la demande initiale formée par la société BAT à l'encontre des sociétés Sequana et Awa, à l'égard des assurés personnes physiques.
Il est par ailleurs acquis que les anciens administrateurs de la société AWA n'ont été attraits devant la High Court que le 9 mai 2014, et non en vertu de l'assignation première délivrée par la société BAT aux sociétés Sequana et Windward.
Dès lors, la contestation opposée par les assureurs portant sur la couverture des frais afférents à la première procédure, introduite le 9 décembre 2013, revêt un caractère sérieux.
Cette contestation ne peut relever que de l'appréciation du juge du fond, quand bien même il ne ressort ni de la lettre adressée le 6 juin 2014 par la société Sequana à son courtier Marsh, ni des échanges de courriels du 19 novembre 2014 versés aux débats, ni enfin des mentions apposées par le secrétaire général de la société Sequana sur les notes d'honoraires du cabinet Freshfields une reconnaissance par la société Sequana de l'absence de couverture des frais de défense au titre de la procédure initiale engagée par la société BAT.
IV - Sur la prise en charge des frais de défense afférents à la procédure engagée le 9 mai 2014 par la société Windward contre la société Sequana et les anciens administrateurs
a) les frais de défense des dirigeants de la société AWA
La demande de la société Sequana et des anciens dirigeants de la société AWA tendant à la prise en charge des frais de défense des dirigeants de la société AWA ne fait l'objet d'aucune contestation de la part de la société AIG, laquelle formule à cet égard une offre de prise en charge.
Le principe de l'allocation d'une provision à ces anciens administrateurs peut dans ces conditions être retenu.
b) les frais de défense de la société Sequana
Ainsi qu'il a été vu, la prise en charge des frais afférents à la procédure introduite par la société BAT le 9 décembre 2013 se heurte à une contestation sérieuse.
La question de la prise en charge des frais de défense au titre de la seconde procédure en tant qu'elle a été engagée contre la société souscriptrice est plus délicate. Elle implique de vérifier la portée de la clause d'extension de la garantie à la personne morale.
La société AIG et les deux autres assureurs HDI et CNA soutiennent qu'il importe de déterminer la nature des actions engagées contre les anciens administrateurs et contre la personne morale et de faire application d'une règle d'allocation des frais de défense.
La société Sequana et les administrateurs produisent une consultation de Mme le professeur [V], qui considère que le débat engagé par la société AIG sur le fondement de l'action intentée contre la société, action en remboursement, en répétition de l'indu, ou en responsabilité civile, n'a pas lieu d'être. Cette universitaire ajoute que seule importe l'existence d'une action, quel que soit son fondement ou sa nature et retient que l'extension de la garantie ne résulte pas d'une clause garantie défense responsabilité civile mais d'une protection juridique et plus spécialement d'une assurance frais de procès. Analysant les chefs de demandes présentés par la société BAT contre la société Sequana et ceux de la société Windward contre la société Sequana, Mme [V] explique qu'il n'y a qu'une seule et même prétention, qui s'exprime à travers une action directe et une action récursoire.
De leur côté, les assureurs se prévalent d'un avis donné par M. le professeur [M] pour qui, qu'il s'agisse des frais de défense des dirigeants personnes physiques ou de la société souscriptrice, toutes les clauses de la police font mention d'une réclamation. M. [M] en déduit que, que la prise en charge des frais de défense de la société souscriptrice résulte d'une assurance de protection juridique ou d'une clause de défense-recours, les parties ont consenti que, pour être garantis, ces frais correspondent à une mise en cause de la responsabilité de la société souscriptrice.
Les divergences d'interprétation du contrat mises en évidence par les consultations des universitaires sollicités par les parties révèlent l'existence d'une contestation relative au point de savoir si la réclamation implique ou non une demande en responsabilité contre la personne morale.
Toutefois, aux termes mêmes des écritures des assureurs, une partie au moins des demandes formées contre la société Sequana ressort bien du droit de la responsabilité civile, de sorte que les frais de la personne morale au titre de l'extension doivent indiscutablement être pris en charge.
L'obligation à garantie de la société AIG n'est dans ces conditions pas sérieusement contestable dans son principe, peu important l'analyse effectuée en considération de la qualification juridique des demandes par la société AIG et les deux autres assureurs.
La clé retenue par la société AIG et approuvée par les sociétés HDI et CNA est en conséquence artificielle, la ventilation entre les frais relevant d'une action en responsabilité et les autres demandes, fondées sur le droit anglais ou sur le droit français étant indifférente dès lors qu'une réclamation conjointe, au sens de la police, a été formée à l'encontre des assurés et de la personne morale.
L'action engagée contre Sequana dans la seconde procédure est bien une réclamation conjointe, à savoir une réclamation faite contre les deux défendeurs concomitamment et fondée, ne serait-ce que pour partie, sur le droit de la responsabilité, comme il a été reconnu par les assureurs.
Il s'ensuit que, quelle que soit la lecture ou l'interprétation donnée à la clause d'extension, les frais de défense de la société Sequana dans la seconde procédure sont couverts par la police.
V - Sur les dépenses antérieures aux procédures
Ces frais sont chiffrés par la société AIG à la somme de 2 603 055,90 euros pour les deux cabinets anglais et américains.
Les frais de défense sont définis à la police comme:
' Les honoraires et frais divers afférents à une réclamation faire à l'encontre d'un assuré et nécessaires à sa défense, ainsi que les frais d'enquête dans le cadre d'une enquête.
Ces frais comprennent notamment:
a) les frais de procédure
b) les frais de comparution
c) les frais d'expertise
(...)
L'énumération ainsi faite n'est pas exclusive, ainsi qu'en témoigne l'utilisation de l'adverbe 'notamment'.
La société Sequana a avisé son courtier, dès le 7 décembre 2011, de l'éventualité d'actions engagées par la société BAT à l'encontre aussi bien de la société Sequana que de certains dirigeants du groupe.
Cette information a été transmise à la société AIG le 16 décembre 2011.
Des frais d'avocats ont été engagés en prévision de ces procédures et aucune stipulation de la police n'exclut leur prise en charge.
La société AIG et les assureurs HDI et CNA soutiennent qu'il ne s'agirait pas de frais de défense, qu'ils n'entreraient pas dans les conditions de la garantie en l'absence de convention et qu'en toute hypothèse, les frais engagés avant le 22 septembre 2013 seraient couverts par la prescription biennale.
Si la police d'assurances prévoit en page 14, au titre de l'avance des frais de défense', que 'l'assureur avance avant l'issue définitive de la réclamation et dans la limite du montant des garanties disponible, les frais de défense selon les modalités d'une convention préalablement établie entre l'assureur et la société souscriptrice ou les assurés' et que 'seuls les frais de défense autorisés par l'assureur feront l'objet d'un règlement', elle envisage cependant, lorsque l'autorisation préalable écrite de l'assureur n'a pu matériellement être obtenue, que l'assureur consentira rétroactivement au règlement de frais dans les conditions prévues au contrat.
Aucune disposition n'exclut par principe les frais afférents à la réclamation engagés antérieurement à celle-ci.
Ensuite, la société Sequana et les anciens administrateurs font justement observer que cette condition ne saurait être opposée a posteriori par la société AIG qui n'a pas réclamé l'établissement d'une convention avant plusieurs années d'échanges, a réglé une partie des frais de défense et qui consent au principe de leur prise en charge à tout le moins partiellement.
Enfin, la cour constate que les clauses relatives aux modalités d'indemnisation ne conditionnent pas la garantie de l'assureur.
En revanche, la contestation des assureurs tirée de la prescription de l'action pour les frais engagés avant le 22 septembre 2013 apparaît sérieuse, en présence d'une déclaration effectuée le 7 décembre 2011 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception auprès du seul courtier Marsh qui, bien que constituant également une demande de paiement, n'a été adressée à la société AIG le 16 décembre 2011 que par simple courriel.
Il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur l'effet interruptif de la lettre du 7 décembre 2011 au regard des dispositions des articles L.114-1 et L. 114-2 du code des assurances.
Seules les lettres recommandées avec demande d'avis de réception adressées les 26 novembre 2013 et 27 mars 2015, adressées aux trois assureurs, peuvent être regardées en l'état comme interrompant sans discussion possible le délai de prescription.
Une ventilation précise des frais devant être pris en charge au titre des dépenses afférentes à la première ou à la seconde procédure n'est pas possible en l'état, mais une somme provisionnelle correspondant à la couverture des frais antérieurs à l'engagement de la seconde procédure et postérieurs au 22 septembre 2013 peut être allouée à la société Sequana et aux administrateurs.
VI - Sur les frais futurs
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a refusé d'allouer une provision pour les frais futurs non encore exposés, en l'absence de convention préalable conclue entra la société Sequana et la société AIG.
VII - Sur le montant de la provision
Au total, l'obligation de la société AIG n'est pas sérieusement contestable à hauteur des frais de défense des anciens administrateurs et de ceux de la société Sequana afférents à la procédure engagée le 9 mai 2014 devant la High Court de Londres, incluant des frais de défense antérieurs à l'introduction de la procédure mais postérieurs au 22 décembre 2013 et pouvant être rattachés à la seconde réclamation.
Selon les écritures de la société AIG, les honoraires suivants ont été facturés entre le 9 mai 2014 et le 25 mai 2016:
- pour le cabinet britannique Freshfields: 14 329 728, 30 £ au titre des deux procédures
- pour le cabinet américain Skadden: 3 806 136,19 US$ au titre des deux procédures ;
La clé de répartition proposée par la société AIG, correspondant à une prise en charge limitée à 70% de 50 % des frais de défense afférents à la seconde procédure, ne peut être validée en raison de l'imbrication des instances et de la nature des demandes formées dans la seconde procédure, réitérées à l'encontre la société Sequana à l'initiative de la société Windward puis de la société BTI.
Compte tenu de la couverture de frais antérieurs à l'introduction de la seconde réclamation , le montant de la provision, octroyée par le premier juge au titre des frais de défense des assurés et de la personne morale à hauteur de 10 millions d'euros, sera confirmé.
La cour observe d'ailleurs que la société AIG a procédé à des règlements excédant le montant de la provision accordée en première instance, et ce postérieurement à l'ordonnance de référé.
VII - Sur la demande reconventionnelle de communication de documents
Il n'est pas justifié en l'état d'un motif légitime à la communication de documents complémentaires. Cette demande se heurte en outre à une contestation sérieuse en tant qu'elle serait fondée sur l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile.
Ce n'est qu'après que les principes essentiels de répartition des frais couverts et non couverts seront fixés, que les contestations opposées par la société AIG et les deux autres assureurs seront tranchés au fond et que les frais de défense futurs seront liquidés, qu'une mesure d'instruction complémentaire pourra le cas échéant être ordonnée.
Les assureurs sont en mesure de connaître, notamment après des échanges intervenus entre les avocats, le montant des frais engagés et de présenter, comme ils l'ont fait, une offre précise d'indemnisation conforme à leur interprétation du contrat, sans qu'il y ait lieu d'ordonner notamment la communication d'accords de répartition, de justificatifs détaillés des prestations, d'explications supplémentaires, dont l'utilité voire l'existence ne sont pas démontrées et qui peuvent relever des règles de confidentialité.
La demande complémentaire de communication de documents sera rejetée.
* * *
Il sera enfin fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Sequana et des anciens dirigeants de la société AWA.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DIT n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;
REJETTE l'incident présenté par la société HDI Gerling Versicherung NV tendant à voir écarter des débats les conclusions et pièces de la société Sequana et des anciens administrateurs de la société AWA remises le 20 septembre 2016 ;
CONFIRME l'ordonnance, sauf en ce qu'elle a dit qu'au titre de la police d'assurance la société AIG Europe Limited prendra en charge l'ensemble des frais de défense exposés par la société Sequana pour la défense de ses intérêts et pour le compte de MM. [H], [F], [W] et [G] dans le cadre des procédures pendantes devant la High Court de Londres ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE la société AIG Europe Limited à payer à la société Sequana et aux anciens administrateurs de la société AWA la somme globale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que la société AIG Europe Limited supportera la charge des dépens et que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,