COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
(OF)
5ème Chambre
ARRÊT N° 712/2016
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2016
R.G. N° 15/05146
AFFAIRE :
SA LAFARGES CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle déclarée par M. [H] [V])
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Novembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 09-00622/N
Copies exécutoires délivrées à :
Me Alice DELAMARRE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA LAFARGES CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle déclarée par M. [H] [V])
le : 14-11-2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA LAFARGES CIMENTS (affaire concernant la maladie professionnelle déclarée par M. [H] [V])
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Alice DELAMARRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par M. [I] (Inspecteur du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Mathilde AUDIGIER-CHEVRIER, en pré-affectation
Greffier, lors de la mise à disposition : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [H] [V], qui a auparavant été embauché par d'autres sociétés, a été employé par la société Lafarge Ciments SA (ci-après, la 'Société' ou 'Lafarge') de 1965 jusqu'au 1er janvier 2000, date de sa mise à la retraite. Il a successivement occupé les emplois d'auxiliaire de fabrication, puis de conducteur d'engin et de conducteur 'atelier broyage', puis ouvrier de production en salle centrale.
Le 1er septembre 2008, M. [V] a adressé une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM), en joignant un certificat médical du 07 août 2008 faisant état de « plaques pleurales abestosiques MP 30A (1ère constatation médicale le 1er décembre 2007) ». Cette déclaration a été reçue par la caisse le 15 septembre 2008 (et non le 17 comme indiqué par la caisse).
Le 30 décembre 2008, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de la maladie.
La société Lafarge a contesté devant la caisse la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.
Par recours déposé le 20 avril 2009, la Société a contesté la décision implicite (devenu explicite le 28 mai 2009) de la commission de recours amiable de la caisse (CRA) confirmant cette prise en charge.
La Société a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine (TASS) qui, par jugement rendu le 12 novembre 2013, a rejeté comme infondé le recours de la société Lafarge, dit que « c'est régulièrement et avec raison que la (CPAM) a pris en charge à titre professionnel les plaques pleurales abestosiques dont souffre » M. [V], et débouté la Société de l'ensemble de ses demandes.
La société Lafarge a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Devant la cour, la Société fait notamment valoir qu'elle ne maintient pas l'ensemble des arguments soulevés en première instance mais deux points : les conditions fixées par le tableau 30 ne sont pas réunies ; la caisse n'a pas respecté le délai d'instruction prévu par la loi.
La société Lafarge sollicite ainsi de la cour de lui déclarer la décision de prise en charge par la CPAM de la maladie de M. [V] au titre de la législation professionnelle inopposable.
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône soutient en particulier, pour sa part, que les conditions fixées par le tableau 30 sont remplies, qu'elle n'a pas l'obligation de présenter l'examen radiographique sur la base duquel la maladie a été constatée (« le scanner thoracique ne fait pas partie des pièces du dossier administratif de la Caisse que l'employeur peut consulter »); que, si elle a réceptionné la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [V] le 17 septembre 2008 et a, effectivement, pris en charge la maladie au titre de la législation professionnelle le 30 décembre 2008, « le non-respect des délais dans lesquels la Caisse instruit le dossier du salarié ne vaut pas inopposabilité de la prise en charge de la Maladie Professionnelle à l'égard de l'employeur mais prise en charge implicite de la Maladie Professionnelle à l'égard du salarié » (souligné dans l'original des conclusions).
La CPAM demande donc à la cour de dire la prise en charge de la maladie de M. [V] à titre professionnel opposable à l'employeur et de débouter la Société de ses demandes, fins et conclusions.
Vu les conclusions déposées en date du 15 septembre 2016, tant pour la société Lafarge que pour la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 15 septembre 2016,
MOTIFS
La cour doit ici rappeler que le secret médical ne lui est pas opposable et que, si une caisse primaire d'assurance maladie est fondée à ne pas vouloir transmettre ou laisser consulter une pièce médicale d'un dossier à un employeur, encore se doit-elle de permettre au médecin-conseil qui serait désigné par cet employeur d'y avoir accès.
La question est d'autant plus importante ici que le débat porte, entre autres, sur la présence ou non dans le dossier de la caisse d'un examen tomodensitométrique (scanner) ayant permis d'identifier les plaques pleurales à l'origine de la maladie dont M. [V] a demandé qu'elle soit prise en charge à titre professionnel.
Cela étant, dans le cas particulier, il n'est pas nécessaire d'examiner si figure au dossier un tel examen.
Il faut ici rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d'assurance maladie sont indépendants des rapports entre l'employeur de cet assuré et la caisse.
En l'espèce, il est constant, ainsi que le représentant de la CPAM à l'audience a bien dû le reconnaître, qu'une instruction a été diligentée par la caisse à la réception de la demande de prise charge adressée par M. [V] et réceptionnée le 15 septembre 2008 (c'est la date de réception par la caisse, et non la date de réception par le service compétent de la caisse ' en l'espèce, le 17 ' qui compte) et la caisse n'a pris sa décision que le 30 décembre 2008.
Aux termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale :
La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L.432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.
Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu
L'article R. 441-14 se lit quant à lui :
Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.
Le médecin traitant est informé de cette décision. (souligné par la cour)
Dans le cas présent, il est constant que la caisse a estimé avoir besoin d'un délai supplémentaire, puisqu'elle n'a pris sa décision que le 30 décembre 2008, soit bien plus de trente jours après la réception de la déclaration de M. [V].
La CPAM n'a en aucune manière informé l'employeur de cette situation.
Dès lors, la décision de la caisse ne peut qu'être déclarée inopposable à la société Lafarge Ciments.
Le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Dit la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône de prendre en charge la maladie déclarée par M. [V] le 1er septembre 2008, déclaration reçue le 15 septembre 2008 par la caisse, inopposable à la société Lafarge Ciments SA ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,